L2

Un nouveau principe des contrats administratifs : la loyauté dans le déséquilibre (CE, ass., 28/12/2009, Commune de Béziers, dit Béziers I)

Il est des sagas judiciaires qui occupent les tribunaux de longues années durant. Bien souvent, elles apportent à la dynamique du droit une contribution décisive. Mais rares sont celles qui produisent ces effets à ce point. L’affaire du litige entre la ville de Béziers et sa voisine de Villeneuve les Béziers aura duré presque 20 ans et aura offert à la matière du contentieux contractuel des développements majeurs. L’arrêt CE, Ass, 28 décembre 2009, Commune de Béziers, req. n°304802, constitue le premier volet de l’intrigue.

La résiliation pour motif d’intérêt général : requiem pour l’immunité (CE, sect., 21/03/2011, Commune de Béziers, dit Béziers II)

Les arrêts de principe, que l’on appelle aussi « grands arrêts », sont souvent issus de problématiques ponctuelles. Lorsque, du fait des circonvolutions de la procédure contentieuse, le Conseil d’État est saisi deux ou plusieurs fois, les arrêts postérieurs ne retiennent que rarement l’attention de la doctrine. Une fois n’est pas coutume, l’affaire opposant la Ville de Béziers à sa voisine de Villeneuve-les-Béziers durant presque 20 ans, aura donné 3 grands arrêts à la matière du contrat administratif. L’arrêt CE, Sect, 21 mars 2011, Commune de Béziers, dit Béziers II, req. n°304806 est le deuxième. 

Le pouvoir de modification unilatérale des contrats administratifs (CE, 11/03/1910, Compagnie générale française des tramways)

Par bien des aspects, le droit administratif est un droit à double visage. En effet, il vise tant à encadrer l’action de l’administration qu’à lui donner, au nom de l’intérêt général, des pouvoirs que l’on qualifie d’exorbitants. Le régime des contrats administratifs illustre parfaitement la seconde de ces deux hypothèses : profondément inégalitaire, il octroie à l’administration des pouvoirs de direction et de contrôle, de sanction ou, encore, de résiliation unilatérale. L’arrêt Compagnie générale française des tramways vient consacrer un autre pouvoir : celui de modification unilatérale.

La théorie de l’imprévision, gage de la pérennité des contrats administratifs (CE, 30/03/1916, Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux)

Certaines grandes théories du droit administratif sont, parfois, construites par le Conseil d’Etat à l’occasion d’affaires anodines. D’autres, au contraire, sont élaborées dans le cadre de litiges en lien avec des évènements majeurs de l’Histoire de France, voire mondiale. Tel est le cas de la théorie de l’imprévision consacrée dans l’affaire du 30/03/1916, Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux.

Le service public, comme critère du contrat administratif (CE, sect., 20/04/1956, Epx. Bertin)

La notion de service public est, sans aucun doute, l’une des notions les plus fondamentales du droit administratif. Elle joue, en effet, un rôle majeur dans la délimitation des compétences entre le juge administratif et le juge judicaire. Pourtant, au cours de la première moitié du XX° siècle, son rôle a été quasiment inexistant dans la définition du contrat administratif. C’est à cette situation que vient remédier l’arrêt du Conseil d’Etat Epx. Bertin du 20/04/1956.

Les clauses exorbitantes du droit commun, comme critère du contrat administratif (CE, 31/07/1912, Société des granits porphyroïdes des Vosges)

Certains arrêts parviennent à combiner la célébrité du principe qu’ils posent avec celle dont bénéficie tantôt l’une des parties, tantôt l’un des magistrats ayant eu à connaître de l’affaire. L’arrêt Société des granits porphyroïdes des Vosges est de ceux-là : les conclusions ont, en effet, été rendues par le futur chef du Front populaire, Léon Blum, et son apport à la définition du contrat administratif reste, encore aujourd’hui, déterminant.

Burkini et laïcité : les liaisons dangereuses (CE, ord., 26/08/2016, Ligue des droits de l'homme c/ Commune de Villeneuve-Loubet)

Le droit ne peut pas tout, et il est bon qu’il en soit ainsi. Le droit caractérise une norme édictée par la puissance publique légitime. Les normes que la société s’impose à elle-même sont d’une autre nature. Cependant, le droit peut être instrumentalisé aux fins de parvenir à un résultat qu’il n’avait pas lui-même prévu. Dans ce cas, le juge est, en première intention, le destinataire des frictions entre les attentes sociales et les prescriptions du droit. L’ordonnance rendue par le Conseil d’État le 26 août 2016, Commune de Villeneuve-Loubet, dans l’affaire du burkini en témoigne.

La jurisprudence Benjamin, pièce maîtresse du contrôle de la police administrative (CE, 19/05/1933, Benjamin)

Pendant longtemps, le Conseil d’Etat a fait primer les exigences du maintien de l’ordre public lorsqu’il avait à apprécier la légalité d’une mesure de police administrative. L’affermissement d’un Etat libéral durant la première moitié du XX° siècle devait, cependant, le conduire à accorder une place croissante au respect des libertés publiques. C’est une conciliation entre ces deux impératifs, parfois contradictoires, que la Haute juridiction opère en l’espèce.

Une interdiction générale et absolue à l’épreuve de la jurisprudence Benjamin (CE, sect., 04/05/1984, Préfet de police c/ M. Guez)

Le régime applicable aux mesures de police administrative repose, essentiellement, sur la maxime selon laquelle « la liberté est la règle et la restriction de police l’exception ». Il s’ensuit un contrôle très poussé, dit maximum, qui conduit à regarder comme illégales les mesures excessives. C’est l’une d’elles qui est en cause en l’espèce, à savoir une interdiction générale et absolue. 

La dignité humaine, une composante de l’ordre public (CE, ass., 27/10/1995, Commune de Morsang-sur-Orge)

La police administrative traduit particulièrement bien ce que la notion de prérogatives de puissance publique peut recouvrir. Activité purement normative, la police administrative confère à l’autorité publique la capacité de restreindre la liberté des individus. C’est parce que la police constitue une prérogative exorbitante qu’elle doit être maintenue dans des limites strictes. L’extension des objectifs pouvant justifier une mesure de police est toujours source d’incertitudes, comme en témoigne le très célèbre arrêt CE, Ass, 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge.

Un strict devoir de neutralité pour les membres de l’enseignement public (CE, avis, 3/05/2000, Mlle. Marteaux)

Les exigences tenant à la laïcité des services publics occupent une place croissante dans le débat public depuis la fin des années 1980. Tantôt source de controverses à visées politiciennes, tantôt objet de débats honorables quant au modèle du « service public à la française », ces questions ont longtemps concerné les usagers des services publics, et notamment les élèves des collèges et lycées publics. L’affaire Mlle. Marteaux déplace le débat vers les agents du service public, en l’occurrence, ici, celui de l’enseignement.

La loi sur le port de signes religieux à l'école devant le Conseil d’Etat (CE, 5/12/2007, M. Singh)

La France est, aux yeux de beaucoup, un pays bien à part. Parmi ses monuments les plus emblématiques, figure, sans aucun doute, le principe de laïcité qui régit le fonctionnement de ses services public. En vertu de ce principe, la sphère publique et la sphère religieuse doivent être strictement ( ? ) séparées, de sorte que l’une ne peut s’immiscer dans les affaires de l’autre. Cette question, encore centrale aujourd’hui, s’est longtemps cristallisée autour du port de signes religieux par les élèves dans les établissements scolaires publics. C’est cette question qu’aborde le Conseil d’Etat en l’espèce.