La loi sur le port de signes religieux à l'école devant le Conseil d’Etat (CE, 5/12/2007, M. Singh)

Introduction

La France est, aux yeux de beaucoup, un pays bien à part. Parmi ses monuments les plus emblématiques, figure, sans aucun doute, le principe de laïcité qui régit le fonctionnement de ses services public. En vertu de ce principe, la sphère publique et la sphère religieuse doivent être strictement ( ? ) séparées, de sorte que l’une ne peut s’immiscer dans les affaires de l’autre. Cette question, encore centrale aujourd’hui, s’est longtemps cristallisée autour du port de signes religieux par les élèves dans les établissements scolaires publics. C’est cette question qu’aborde le Conseil d’Etat en l’espèce.

Dans cette affaire, le conseil de discipline du lycée Louise-Michel de Bobigny a prononcé, le 05/11/2004, à l’encontre de M. Singh, élève de première, la sanction de l’exclusion définitive pour ne pas avoir respecté la loi du 15/03/2004 interdisant le port, dans les écoles, collèges et lycées publics, de signes par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse. Cette sanction a été maintenue par le recteur de l’académie de Créteil par une décision du 10/12/2004, prise après avis de la commission académique d’appel. Le père de M. Singh a contesté cette décision devant le Tribunal administratif de Melun qui a rejeté sa requête par un jugement du 19/04/2005. Un appel a été interjeté devant la Cour administrative d’appel de Paris qui a confirmé la solution des juges de première instance le 19/07/2005. Le père de M. Singh se pourvoit, donc, en cassation devant le Conseil d’Etat, mais la Haute juridiction rejette, également, sa requête par un arrêt du 05/12/2007.

Cette affaire est l’une des premières par laquelle le Conseil d’Etat applique la loi du 15/03/2004. Jusque-là, en effet, la question du port de signes religieux par les élèves dans les établissements scolaires publics était encadrée, de manière libérale, par voie prétorienne. Mais, devant une jurisprudence d’application peu aisée et qui, finalement, n’avait jamais véritablement satisfait tant la classe politique que l’opinion publique, se faisait, régulièrement, jour la volonté de limiter la possibilité pour les élèves d’exprimer leurs convictions religieuses. C’est chose faite avec la loi du 15/03/2004 par laquelle le législateur opte pour le choix d’interdire le port de pratiquement tous les signes religieux, à l’exception de ceux qui peuvent être considérés comme discrets. Une étape décisive en faveur du principe de laïcité était, ainsi, franchie. Restait à cette loi la tâche d’affronter deux défis : celui de sa confrontation au réel et celui de son examen au regard du droit européen. De ce point de vue, l’arrêt Singh se montre particulièrement instructif.

La loi du 15/03/2004 apparaît donc comme l’aboutissement d’un long débat (I), mais elle demeure sujette à questionnement (II).

I – La loi du 15 mars 2004 : une loi fruit d'un long débat

La question du port de signes religieux par les élèves du service de l’enseignement public a, longtemps, occupé une place importante dans le débat public, notamment du fait des atermoiements du pouvoir politique, de la division de la société sur cette problématique et des solutions sujettes à difficultés d’application pratique retenues par le Conseil d’Etat.  Au départ, cette question était, en effet, encadrée par la jurisprudence du juge administratif qui accordait une large place à la liberté de conscience des élèves (A). Cette approche n’a, cependant, jamais véritablement convaincu les citoyens et la classe politique, de sorte que le législateur est venu, par la loi du 15/03/2004, donner, cette fois-ci, la priorité au principe de laïcité (B).

A – Un choix jurisprudentiel initial en faveur de la liberté de conscience …

Ce n’est qu’à la fin des années 1980 que le problème du port de signes religieux dans l’enceinte des établissements scolaires publics surgit sur le devant de la scène politique et médiatique française. Plus précisément, le principe de laïcité qui régit le service de l’enseignement public se trouve questionné par le port, par certaines élèves de confession musulmane, du voile islamique. Face à une question qui divise tant la société que la classe politique, le Gouvernement décide, alors, de soumettre, pour avis, cette problématique au Conseil d’Etat.

Par un avis de son Assemblée générale du 27/11/1989, la Haute juridiction opte pour une conception ouverte du principe de laïcité en estimant que le port par les élèves de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance à une religion n’est pas, par lui-même, incompatible avec le principe de laïcité. Le juge administratif appuie cette position sur la liberté de conscience et la liberté d’expression des convictions religieuses que consacrent la Constitution de 1958 et de nombreuses conventions internationales. Il admet, toutefois, que des restrictions à ce droit puissent être apportées dans le but, notamment, d’éviter que le déroulement des activités d’enseignement ne soit perturbé.

Quelques années plus tard, le Conseil d’Etat reprend ces principes sur le plan contentieux (CE, 02/11/1992, Kherouaa). Il censure, ainsi, les interdictions générales et absolues du port de signes religieux. Mais, il admet la légalité de mesures d’exclusion d’élèves lorsque les circonstances de l’affaire le justifient. La Haute juridiction détaille, à cet effet, les motifs pouvant fonder de telles mesures en jugeant que la liberté d’expression des convictions religieuses « ne saurait permettre aux élèves d'arborer des signes d'appartenance religieuse qui, par leur nature, par les conditions dans lesquelles ils seraient portés individuellement ou collectivement, ou par leur caractère ostentatoire ou revendicatif, constitueraient un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande, porteraient atteinte à la dignité ou à la liberté de l'élève ou d'autres membres de la communauté éducative, compromettraient leur santé ou leur sécurité, perturberaient le déroulement des activités d'enseignement et le rôle éducatif des enseignants, enfin troubleraient l'ordre dans l'établissement ou le fonctionnement normal du service public ».

La voie suivie par le Conseil d’Etat apparaît, donc, claire : au nom de la liberté de conscience, le port par les élèves de signes religieux dans l’enceinte des établissements scolaires publics est, par principe, autorisé, mais il peut être interdit lorsqu’il est fait un usage abusif de cette liberté. Le juge administratif fait, ainsi, œuvre d’apaisement sur un sujet – déjà – particulièrement sensible. Cette jurisprudence emporte, néanmoins, un écueil des plus notables : celui d’un traitement au cas par cas de chaque affaire qui expose les chefs d’établissements à des conflits fréquents. C’est, là, l’une des causes de l’adoption de la loi du 15/03/2004. 

B - … remis en cause par le législateur au nom du principe de laïcité

Adoptée dans un relatif consensus, avec pour certains de ses défenseurs une réelle honnêteté dans la volonté de défendre la laïcité de l’enseignement public, et pour d’autres des motivations politiciennes avérées en lien avec le contexte post 21 avril 2002, la loi du 15/03/2004 insère, en son article 1°, un article L 141-5-1 au Code de l’éducation : celui-ci prévoit que « dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit ». Le législateur prévoit, cependant, que toute mesure disciplinaire, prise sur le fondement de cette disposition, doit être précédée d’un dialogue avec l’élève.

La question porte, alors, sur ce qu’il faut entendre par « port de signes ou de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse ». Une circulaire du 18/05/2004 est venue en préciser les modalités d’appréciation. Le Conseil d’Etat en rappelle, en l’espèce, les deux hypothèses : ainsi, si le port de signes religieux discrets reste autorisé, « sont en revanche interdits, d’une part, les signes ou tenues, tels notamment un voile ou un foulard islamique, une kippa ou une grande croix, dont le port, par lui-même, manifeste ostensiblement une appartenance religieuse, d’autre part, ceux dont le port ne manifeste ostensiblement une appartenance religieuse qu’en raison du comportement de l’élève ». La première hypothèse a, récemment, été étendue au port de l’abaya et du qamis à la suite d’un recours contre la note de service du 31/08/2023 du ministre de l’Education nationale (CE, ord., 25/09/2023, Ass. La Voix lycéenne et autres). Pour la seconde hypothèse, tel est le cas d’un bandana porté en vue d’affirmer son identité musulmane (CE, sect. 05/12/2007, M. et Mme Ghazal).

Avec cette loi, le législateur suit le chemin inverse de celui retenu par le Conseil d’Etat : ainsi, là où le juge administratif érigeait en principe la possibilité du port de signes religieux et faisait des possibilités d’interdiction des exceptions, le Parlement décide, au contraire, que le port de signes religieux est, en principe, prohibé, sauf s’il s’agit de signes discrets. Ce faisant, le législateur fait, cette fois-ci, primer les exigences, entendues ici strictement, du principe de laïcité sur celles de la liberté d’expression des convictions religieuses des élèves.

La loi du 15/03/2004 pose, donc, un principe clair qui est de nature à mettre fin aux difficultés d’appréciation rencontrées par les chefs d’établissements. Des difficultés peuvent, néanmoins, encore se poser à la marge en raison des discussions pouvant se nouer autour de la définition du terme « ostensiblement ». Un exemple parmi d’autres du questionnement qui accompagne l’adoption de la loi de 2004.

II – La loi du 15 mars 2004 : une loi en question

Une fois adoptée, la loi du 15/03/2004 allait devoir relever deux défis : celui de son application à une réalité complexe (A) et celui de sa compatibilité avec le droit européen (B).

A – Une loi confrontée au défi de l'application

En l’espèce, M. Singh était élève de première au lycée Louise-Michel de Bobigny. De religion sikhe, il portait, dans l’enceinte de l’établissement, le keshi sikh qui est un sous-turban, de dimension plus réduite que le turban traditionnel, que cette religion recommande à ses pratiquants d’arborer. Sur la base de la loi du 15/03/2004, le conseil discipline du lycée a considéré que l’intéressé manifestait ostensiblement, par le port de ce couvre-chef, son appartenance religieuse et a prononcé à son encontre une mesure d’exclusion définitive en raison de son refus de l’ôter.

Pour sa défense, M. Singh invoque le fait que le keshi sikh est plus discret que le turban traditionnel. Surtout, selon l’intéressé, ce couvre-chef est un vêtement qui n’a, par lui-même, aucun caractère religieux, mais manifeste, au contraire, une appartenance à un groupe culturel ou géographique.

Le Conseil d’Etat rejette ces arguments. Il considère que « le keshi sikh (sous-turban), porté par M. Ranjit A dans l’enceinte scolaire, bien qu’il soit d’une dimension plus modeste que le turban traditionnel et de couleur sombre, ne pouvait être qualifié de signe discret ». Et, il relève que « l’intéressé, par le seul port de ce signe, a manifesté ostensiblement son appartenance à la religion sikhe ». Il considère, alors, que la Cour administrative d’appel de Paris a correctement appliqué les dispositions de l’article L 145-5-1 du Code de l’éducation.

Ces quelques lignes suffisent au Conseil d’Etat pour trancher l’affaire sur ce point. Mais, elles n’empêchent pas le lecteur de s’interroger sur l’atteinte par la loi du 15/03/2004 de l’un des objectifs que ses promoteurs lui avaient assignés, en l’occurrence celui de mettre fin au traitement de ces litiges au cas par cas et d’assurer une meilleure lisibilité du droit tant pour les chefs d’établissements que pour les élèves et leur famille. L’argumentation de la Haute juridiction sur la définition du caractère discret d’un signe religieux est, en effet, pour le moins peu précise : l’on ne sait quelle doit être la modestie des dimensions du signe religieux pour qu’il soit regardé comme discret ou, au contraire, quelle doit être sa taille pour qu’il ne soit plus jugé comme discret. Quant à la définition du terme « ostensiblement », elle reste sujette à interprétation. L’on touche, là, aux limites de la loi de 2004 : si celle-ci restreint notablement les cas pouvant donner lieu à controverse, il reste des hypothèses où les chefs d’établissements et le juge ne pourront faire l’économie d’une appréciation au cas par cas. Mais, c’était, peut-être, là le prix à payer pour laisser à la disposition des élèves une liberté minimale dans l’expression de leurs convictions religieuses et, par voie de conséquence, assurer l’acceptation sociale de la loi, tout comme, d’ailleurs, éviter à cette loi, si symbolique, toute sanction au regard du droit européen.

Au-delà de ces difficultés, la récente décision du Conseil d’Etat sur le port de l’abaya et du qamis, bien qu’elle ait appliqué la loi du 15/03/2004 à ces deux signes religieux, atteste que le champs des signes religieux pouvant en relever et les incertitudes qui en résultent sont loin d’être épuisés.

B – Une loi à l'épreuve du droit européen

La requête déposée par M. Singh invitait, également, le Conseil d’Etat à se prononcer, au travers de quatre arguments, sur la conformité de la décision prononçant son exclusion définitive à trois articles de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH). Deux arguments sont jugés non recevables car évoqués pour la première fois en cassation. Les deux autres sont rejetés sur le fond.

Le premier d’entre eux se fonde sur l’article 9 qui garantit la liberté de pensée, de conscience et de religion, dont découle celle d’exprimer ses convictions religieuses. Le Conseil d’Etat rejette cet argument au motif que « compte tenu de l’intérêt qui s’attache au respect du principe de laïcité dans les établissements scolaires publics, la sanction de l’exclusion définitive prononcée à l’égard d’un élève qui ne se conforme pas à l’interdiction légale du port de signes extérieurs d’appartenance religieuse n’entraîne pas une atteinte excessive à la liberté de pensée, de conscience et de religion garantie par l’article 9 ». La Haute juridiction considère, ainsi, qu’au nom de certains intérêts, en l’occurrence ici le principe de laïcité, la liberté d’exprimer ses croyances religieuses peut être limitée. Le juge administratif suprême confirme, ainsi, la position qu’il avait prise antérieurement en jugeant que la loi du 15/03/2004 n’est pas incompatible avec ledit article 9 (CE, 08/10/2004, Union française pour la cohésion nationale). Cette solution n’apparaît pas étrangère à la CEDH elle-même puisque le 2° alinéa de son article 9 prévoit que la liberté de manifester ses convictions religieuses peut être restreinte lorsque ces restrictions « constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

La même position est suivie s’agissant du second article invoqué par M. Singh, en l’occurrence l’article 14 dont les stipulations consacrent le principe de non-discrimination. Le rejet de l’argument est, ici, plus aisé pour le Conseil d’Etat. La loi du 15/03/2004 vise, en effet, à assurer le respect du principe de laïcité dans les établissements scolaires publics « sans discrimination entre les confessions des élèves ».

La position du juge administratif français ne sera pas démentie par la Cour européenne des droits de l’homme puisqu’elle jugera que les limitations apportées par la loi du 15/03/2004 à la liberté d’expression des convictions religieuses des élèves du service de l’enseignement public ne méconnaissent pas la CEDH (Cour EDH, 30/06/2009, Aktas). Est, ainsi, admis que les rapports entre la sphère publique et la sphère religieuse peuvent être régulés en fonction des traditions et valeurs propres à chaque pays, dès lors que ces règlementations mettent sur un pied d’égalité l’ensemble des confessions. C’est le cas de la loi du 15/03/2004, une loi qui fait figure d’exception en Europe, mais qui apparaît conforme à la tradition laïque de la France et qui aura eu le mérite de pacifier un sujet longtemps source de vives tensions.

CE, 5/12/2007, M. Singh

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 septembre et 22 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Chain A, représentant son fils mineur Ranjit A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 19 juillet 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 19 avril 2005 du tribunal administratif de Melun rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 décembre 2004 du recteur de l'académie de Créteil confirmant la mesure d'exclusion définitive de Ranjit A du lycée Louise Michel de Bobigny prononcée le 5 novembre 2004 par le conseil de discipline du lycée ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Barbat, Auditeur, 
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. A, 
- les conclusions de M. Rémi Keller, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le conseil de discipline du lycée Louise-Michel de Bobigny (Seine-Saint-Denis), a, lors de sa séance du 5 novembre 2004, prononcé la sanction de l'exclusion définitive sans sursis de l'établissement de Ranjit A, élève de première, pour ne pas avoir respecté la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics ; que, par une décision du 10 décembre 2004, prise après avis de la commission académique d'appel, le recteur de l'académie de Créteil a maintenu cette sanction ; que M. Chain A, agissant en qualité de représentant de son fils mineur Ranjit, demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 19 juillet 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 19 avril 2005 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 10 décembre 2004 ;

Considérant que le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué n'aurait pas répondu au moyen tiré de ce que le sous-turban porté au lycée par Ranjit A n'est pas un vêtement religieux et n'est pas un signe dont le port est interdit dans les lycées publics par l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, manque en fait ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation issu de la loi du 15 mars 2004 : Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. / Le règlement intérieur rappelle que la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si les élèves des écoles, collèges et lycées publics peuvent porter des signes religieux discrets, sont en revanche interdits, d'une part, les signes ou tenues, tels notamment un voile ou un foulard islamique, une kippa ou une grande croix, dont le port, par lui-même, manifeste ostensiblement une appartenance religieuse, d'autre part, ceux dont le port ne manifeste ostensiblement une appartenance religieuse qu'en raison du comportement de l'élève ;

Considérant qu'en estimant que le keshi sikh (sous-turban), porté par Ranjit A dans l'enceinte scolaire, bien qu'il soit d'une dimension plus modeste que le turban traditionnel et de couleur sombre, ne pouvait être qualifié de signe discret et que l'intéressé, par le seul port de ce signe, a manifesté ostensiblement son appartenance à la religion sikhe, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation ;

Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique (...) la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. - 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que selon l'article 14 de la même convention : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; que, compte tenu de l'intérêt qui s'attache au respect du principe de laïcité dans les établissements scolaires publics, la sanction de l'exclusion définitive prononcée à l'égard d'un élève qui ne se conforme pas à l'interdiction légale du port de signes extérieurs d'appartenance religieuse n'entraîne pas une atteinte excessive à la liberté de pensée, de conscience et de religion garantie par l'article 9 cité ci-dessus ; que ladite sanction, qui vise à assurer le respect du principe de laïcité dans les établissements scolaires publics sans discrimination entre les confessions des élèves, ne méconnaît pas non plus le principe de non-discrimination édicté par les stipulations de l'article 14 cité ci-dessus ; que dès lors, en jugeant que la décision attaquée ne méconnaissait pas les articles 9 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour administrative d'appel de Paris n'a commis aucune erreur de droit ;

Considérant que les moyens tirés de ce que la décision attaquée serait constitutive d'une discrimination à l'égard de la minorité nationale que formerait la communauté sikhe de France, contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une violation de l'article 8 de la même convention, sont nouveaux en cassation et ne sont donc pas recevables ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Chain A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

DECIDE :
Article 1er : La requête formée par M. Chain A représentant son fils mineur Ranjit A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Chain A et au ministre de l'éducation nationale.
Copie en sera adressée pour information au recteur de l'académie de Créteil.