Introduction
La question du financement des cultes fait régulièrement l’objet de débats dans la société française. En la matière, la règle fondamentale a été posée par l’article 2 de la loi du 9/12/1905. Celui-ci dispose : « la République ne reconnait, ne salarie ni ne subventionne aucune culte ». Est ainsi posée l’interdiction pour une personne publique de fournir, sous quelque forme que ce soit, une aide à l’exercice d’un culte. Au-delà de cette prohibition de principe, l’état du droit apparaît plus nuancé. L’affaire des subventions accordées par l’ADEME aux congrégations religieuses pour l’installation de dispositifs d’économie d’énergie en est l’illustration.
En l’espèce, la communauté des bénédictins de l’abbaye Saint Joseph de Clairval a demandé à l’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (ADEME) de lui octroyer une subvention afin de réaliser une étude de faisabilité en vue de l’installation d’une chaufferie-bois. A la suite du silence gardé par le délégué régional de cette agence pendant plus de deux mois, la congrégation a contesté la décision implicite rejet qui en est résulté devant le Tribunal administratif de Dijon. Par un jugement du 9/12/2008, celui-ci a rejeté cette requête. La communauté des bénédictins a, alors, saisi la Cour administrative d’appel de Lyon qui, le 17/12/2010, a fait droit à sa demande et annulé la décision de l’ADEME. Cette dernière s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat qui, le 26/11/2012, a censuré le refus de subvention opposé par l’ADEME à la communauté des bénédictins.
Cet arrêt est l’occasion pour le Conseil d’Etat de rappeler la prohibition de principe des aides publiques aux cultes. Quasi-absolue pour les associations cultuelles, cette prohibition ne s’applique, lorsque sont en cause des associations non cultuelles ayant, pour partie, des activités cultuelles, qu’au regard de leurs activités de nature cultuelle. Pour les autres activités, par exemple leurs activités de nature culturelle, le subventionnement par des personnes publiques est possible sous certaines conditions. L’une d’entre elles a, particulièrement, posé problème : elle concerne l’intérêt public que doit présenter le projet. Des solutions contradictoires ont été rendues par différentes cours administratives d’appel. Le Conseil d’Etat vient, avec cet arrêt du 26/11/2012, trancher cette controverse jurisprudentielle.
Il convient, donc, d’étudier, dans une première partie, le rappel de la prohibition des aides publiques aux cultes (I) et d’analyser, dans une seconde partie, la règle selon laquelle une subvention écologique n’est légale que si le projet de l’association non cultuelle ayant des activités cultuelles présente un intérêt public (II).
I - Un principe confirmé : la prohibition des aides publiques aux cultes
La loi de 1905 est claire : il est interdit à toute personne publique de financer, d’une manière quelconque, l’exercice d’un culte. Cette prohibition est quasi-absolue en ce qui concerne les associations cultuelles (A). En revanche, lorsque sont en cause des associations non cultuelles ayant pour partie des activités cultuelles, l’interdiction ne vise que les projets présentant un caractère cultuel et destinés au culte (B).
A – Pour les associations cultuelles : une prohibition quasi-absolue
Lorsque sont en cause des associations cultuelles, la prohibition du financement par des personnes publiques constitue le principe (1). Celui-ci souffre, cependant, une exception (2).
1 – Une prohibition de principe …
Le titre IV de la loi de 1905 prévoit que les associations formées pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice d’un culte devront être constituées sous la forme d’associations cultuelles. L’article 19 du même texte interdit à l’ensemble des collectivités publiques (Etat, départements, communes) de subventionner ces associations.
Si l’on se réfère à la jurisprudence, sont considérées comme associations cultuelles les associations qui ont pour objet, direct ou indirect, et surtout exclusif l’exercice public d’un culte. Ce dernier peut se définir comme « la célébration de cérémonies organisées en vue de l’accomplissement, par des personnes réunies par une même croyance religieuse, de certains rites ou de certaines pratiques ». Pour ces associations, la loi de 1905 est claire : toute subvention publique est interdite, à une exception près.
2 - … qui souffre une exception
L’article 19 de la loi de 1905 prévoit, toutefois, une exception à la prohibition de principe de financement public. Les associations cultuelles peuvent, ainsi, bénéficier d’aides publiques pour financer des travaux de réparation d’édifices affectés au culte public, que ces derniers soient ou non classés monuments historiques. Cette règle empreinte d’un certain pragmatisme a, cependant, une portée limitée puisque ne sont concernés que les travaux de réparation et non de construction. Elle ne vise, par ailleurs, que les édifices affectés au culte public. En dehors de cette hypothèse, le principe demeure la prohibition. L’appréciation de l’état du droit en ce qui concerne les associations non cultuelles ayant des activités cultuelles commande plus de nuances.
B – Pour les associations non cultuelles ayant des activités cultuelles : une prohibition qui ne vise que les activités cultuelles
Il arrive fréquemment, de nos jours, que des associations non cultuelles aient pour partie des activités cultuelles et pour une autre partie des activités culturelles au sens large (1). La prohibition posée par la loi de 1905 n’a pas lieu d’être dans la seconde hypothèse (2).
1 – La définition des associations non cultuelles ayant des activités cultuelles
Depuis 1905, le paysage religieux français s’est considérablement diversifié. De nos jours, en effet, rare sont les associations ayant exclusivement un objet cultuel. Au contraire, il existe nombre d’associations non cultuelles qui développent tant des activités cultuelles que des activités non cultuelles, en l’occurrence des activités culturelles.
L’exemple le plus typique est celui des congrégations religieuses qui sont en cause en l’espèce. Celles-ci sont, bien sûr, organisées autour de célébrations religieuses, mais ce n’est plus là leur seule activité dans la mesure où elles organisent diverses manifestations culturelles ou accueillent des personnes pour se reposer ou méditer, et ce indépendamment de leur obédience religieuse. L’on ne peut, alors, que constater la dualité d’activité de ces congrégations : une partie relevant du cultuel, une autre partie relevant du culturel au sens large. N’ayant pas exclusivement pour objet l’exercice d’un culte, ces congrégations ne constituent pas des associations cultuelles. Et, ce n’est que quand le projet à financer relève de la partie cultuelle de l’activité que la prohibition posée par la loi de 1905 s’applique. Pour le reste de leur activité, cette prohibition n’a pas lieu d’être.
2 – Une prohibition qui n’a pas lieu d’être lorsqu’il s’agit de projets non cultuels
Lorsque le projet, la manifestation ou l’activité à subventionner ne présente pas un caractère cultuel et n’est pas destiné au culte, le financement public est possible. Cette position se comprend étant donné le fait que la loi de 1905 prohibe le financement de l’exercice d’un culte. Or, lorsque le projet à financer n’est, s’agissant de son caractère et de sa destination, en rien cultuel, la prohibition n’a plus lieu de s’appliquer.
Le Conseil d’Etat juge ainsi, en l’espèce, que l’ADEME « ne peut accorder une subvention à une association qui, sans constituer une association cultuelle au sens du titre IV de la même loi, a des activités cultuelles, qu'en vue de la réalisation d'un projet, d'une manifestation ou d'une activité qui ne présente pas un caractère cultuel et n'est pas destiné au culte et à la condition, en premier lieu, que le soutien de ce projet, cette manifestation ou cette activité s'inscrive dans le cadre des missions d'intérêt général qui lui ont été confiées par le législateur et, en second lieu, que soit garanti, notamment par voie contractuelle, que la subvention est exclusivement affectée au financement de ce projet, de cette manifestation ou de cette activité et n'est pas utilisée pour financer les activités cultuelles de l'association. »
Dans l’affaire étudiée, le juge administratif suprême considère que le projet de la communauté des bénédictins de l’abbaye Saint-Joseph de Clairval respecte ces critères. Il juge ainsi « que ce projet ne présentait pas un caractère cultuel et n'était pas destiné au culte ; … que le versement des subventions accordées dans le cadre du programme s'accompagnait de la conclusion de conventions permettant de garantir que les subventions étaient exclusivement affectées au financement du projet ; que, par suite, la subvention n'aurait pu être utilisée pour financer les activités cultuelles de l'association. » Il reconnaît, également, que le projet présente un intérêt public, un problème qui, jusque-là, n’était pas tranché.
II – Un autre principe confirmé : le projet de l'association non cultuelle ayant des activités cultuelles doit présenter un intérêt public
Avec cette décision, le Conseil d’Etat confirme que le projet, non cultuel, d’une association non cultuelle ayant des activités cultuelles doit, pour que la subvention publique soit légale, présenter un intérêt public. L’appréciation de cet intérêt lorsque sont en cause des projets relatifs aux énergies renouvelables a donné lieu à une opposition entre cours administratives d’appel (A). L’arrêt commenté est l’occasion pour le Conseil d’Etat de trancher ce conflit dans le sens de la reconnaissance de l’intérêt public desdits projets (B).
A – Hier : un intérêt public des projets menés par les congrégations religieuses sujet à controverse
Jusqu’à l’arrêt du 26/11/2012, il existait une opposition entre cours administratives d’appel : certaines reconnaissaient un intérêt public aux projets menés par les congrégations religieuses en matière d’énergie renouvelable (1), quand d’autres leurs déniaient un tel intérêt (2).
1 – Des cours favorables à la reconnaissance d’un intérêt public
Certaines cours administratives d’appel reconnaissaient un intérêt public aux projets des congrégations religieuses en matière d’installation de dispositifs afférents aux énergies renouvelables. Ainsi, la Cour administrative d’appel de Lyon (17/09/2010, Communauté des bénédictins de l’abbaye Saint-Joseph de Clairval) et la Cour administrative d’appel de Nancy (23/04/2012, Congrégation des clarisses de Cormontreuil) jugeaient que les installations en cause présentaient, de la même manière que lorsque les subventions sont demandées par de simples particuliers, un intérêt public environnemental, puisque l’objet de la subvention est la promotion des énergies renouvelables. Plus généralement, l’intérêt public pouvait, également, résider dans l’importance de l’édifice pour lequel la subvention est demandée pour le rayonnement culturel ou le développement touristique et économique d’un territoire.
D’autres cours administratives d’appels refusaient de reconnaître un tel intérêt public à des projets similaires.
2 – Des cours défavorables à la reconnaissance d’un intérêt public
Dans l’affaire ADEME du 06/03/2012 jugée par la Cour administrative d’appel de Bordeaux, était en cause l’installation d'une chaufferie à bois et d'un chauffe-eau solaire thermique dans un monastère. Un double intérêt général aurait pu être constaté : l’un touristique puisqu’une partie de l’abbaye étant ouverte au public, cette dernière est un facteur d’attirance non pas seulement cultuel mais aussi touristique ; l’autre environnemental.
Bien que ce double intérêt public soit manifeste, la Cour administrative d’appel de Bordeaux prit une autre position. Elle jugea, en effet, que la seule utilité des travaux était d’améliorer le confort et de réduire les coûts de fonctionnement en matière de chauffage et de production d’eau chaude de la communauté. Cette position était étonnante et même contradictoire puisqu’après avoir employé l’expression « seule utilité », les juges reconnaissaient que ces travaux pouvaient avoir un effet sur le tourisme et le développement des énergies renouvelables. En d’autres termes, ces travaux pouvaient avoir d’autres utilités. Des utilités que la cour semblait, toutefois, considérer comme secondaires au regard de l’intérêt purement privé des membres de la communauté. Avec l’arrêt du 26/11/2012, la Conseil d’Etat censure cette position et met fin à la controverse entre cours administratives d’appel.
B – Aujourd'hui : un intérêt public environnemental des projets menés par les congrégations religieuses reconnu par le Conseil d'Etat
Le projet des bénédictins de l’abbaye Saint Joseph de Clairval avait pour but de réaliser une étude de faisabilité en vue de l’installation d’une chaufferie-bois. Pour le juge administratif suprême, ce projet présente un intérêt public (2). Cette position vient confirmer une tendance lourde des politiques publiques en matière d’énergie (1).
1 – Vers une meilleure prise en compte des exigences environnementales en matière d’énergie
Les exigences environnementales ont pris une importance accrue ces dernières années, notamment sur la question de la transition énergétique. A cette fin, a été créée l’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (ADEME). Selon le Code de l’environnement, l’ADEME, qui est un établissement public, a pour mission de mener des actions en vue de la réalisation d’économies d’énergie et de matières premières, et de participer au développement des énergies renouvelables, notamment d’origine végétale. Pour accomplir cette mission, l’ADEME peut attribuer des subventions et consentir des avances remboursables.
Ainsi, le Conseil d’Etat note, en l’espèce, que l’ADEME menait des actions d’aide à la décision d’installation de chaudières collectives et de versement de subventions incitant à l’acquisition de chaudières à bois. De même, les collectivités locales peuvent être amenées à financer des projets tels que des systèmes de chauffage à base d’énergies renouvelables. Dans l’affaire commentée, le Conseil d’Etat tire toutes les conséquences de ces dispositions en reconnaissant un intérêt public à de tels projets.
2 – La reconnaissance de l’intérêt public des projets menés par les congrégations religieuses en matière d’énergies renouvelables
Dans cette affaire, le Conseil d’Etat considère que le projet mené par la communauté des bénédictins de l'abbaye Saint Joseph de Clairval s’inscrit dans la conduite du programme « bois-énergie » mené par l’ADEME. Il juge, ainsi, « que le soutien de ce projet, qui s'inscrivait dans la conduite du programme " bois-énergie " mené notamment par l'ADEME, entrait dans le cadre des missions d'intérêt général confiées à l'agence par le législateur. » La Haute juridiction reconnait, ainsi, que les dispositifs ayant pour objet de développer les énergies renouvelables présentent un intérêt public environnemental, là où certaines cours administratives d’appel refusaient de s’engager dans cette voie.
Dès lors, la dernière condition posée à la légalité des subventions publiques accordées aux associations non cultuelles ayant des activités cultuelles et menant de tels projets est satisfaite. En conséquence, la décision du directeur régional de l’ADEME de refuser d’accorder une subvention à la congrégation religieuse en cause est annulée.
CE, 26/11/2012, ADEME
Vu le pourvoi, enregistré le 17 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), dont le siège est 20 avenue du Grésillé BP 90406 à Angers Cedex 01 (49004) ; l'ADEME demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09LY00186 du 17 septembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, faisant droit à l'appel que la communauté des bénédictins de l'abbaye Saint Joseph de Clairval a formé contre le jugement n° 0602768 du 9 décembre 2008 du tribunal administratif de Dijon, a annulé ce jugement et la décision implicite par laquelle son délégué régional a rejeté la demande de subvention présentée par cette communauté pour la réalisation d'une étude de faisabilité en vue de l'installation d'une chaufferie-bois ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la communauté des bénédictins de l'abbaye Saint Joseph de Clairval ;
3°) de mettre à la charge de la communauté des bénédictins de l'abbaye Saint Joseph de Clairval la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la communauté des bénédictins de l'abbaye Saint Joseph de Clairval a demandé à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) de lui octroyer une subvention afin de réaliser une étude de faisabilité en vue de l'installation d'une chaufferie-bois ; que le silence gardé pendant plus de deux mois par le délégué régional de l'agence a fait naître une décision implicite de rejet de cette demande ; que, par un jugement du 9 décembre 2008, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de la communauté tendant à l'annulation de cette décision ; que l'ADEME se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 septembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement et la décision implicite du délégué régional de l'ADEME rejetant la demande de subvention de la communauté ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : " La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public " ; que l'article 2 de cette loi dispose : " La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes " ; qu'enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article 19 de cette même loi, les associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice d'un culte en vertu du titre IV de cette loi " ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 131-3 du code de l'environnement : " I. L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie est un établissement public de l'Etat à caractère industriel et commercial. / II. Cet établissement public exerce des actions, notamment d'orientation et d'animation de la recherche, de prestation de services, d'information et d'incitation dans chacun des domaines suivants : / 1° La prévention et la lutte contre la pollution de l'air ; / (...) / 4° La réalisation d'économies d'énergie et de matières premières et le développement des énergies renouvelables, notamment d'origine végétale (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 131-6 du même code : " L'agence peut attribuer des subventions et consentir des avances remboursables. (...) " ;
4. Considérant que les dispositions précitées du code de l'environnement n'ont ni pour objet, ni pour effet, de déroger aux dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 ; que, dès lors, en jugeant que, par ces dispositions, le législateur avait autorisé l'ADEME à accorder des subventions à toute personne physique ou morale, y compris à une personne ayant des activités cultuelles, sans qu'y fassent obstacle les dispositions des articles 2 et 19 de la loi du 9 décembre 1905, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, être annulé ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par l'ADEME :
6. Considérant que la fin de non-recevoir tirée de ce que la communauté requérante n'aurait pas produit la copie de la demande préalable qu'elle avait adressée à l'ADEME manque en fait ; qu'elle ne peut, dès lors, qu'être écartée ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
7. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 que l'ADEME, établissement public de l'Etat, ne peut, dans le cadre de ses missions, accorder aucune subvention, à l'exception des concours pour des travaux de réparation d'édifices cultuels, aux associations cultuelles au sens du titre IV de cette loi ; qu'il lui est également interdit d'apporter une aide quelconque à une manifestation qui participe de l'exercice d'un culte ; qu'elle ne peut accorder une subvention à une association qui, sans constituer une association cultuelle au sens du titre IV de la même loi, a des activités cultuelles, qu'en vue de la réalisation d'un projet, d'une manifestation ou d'une activité qui ne présente pas un caractère cultuel et n'est pas destiné au culte et à la condition, en premier lieu, que le soutien de ce projet, cette manifestation ou cette activité s'inscrive dans le cadre des missions d'intérêt général qui lui ont été confiées par le législateur et, en second lieu, que soit garanti, notamment par voie contractuelle, que la subvention est exclusivement affectée au financement de ce projet, de cette manifestation ou de cette activité et n'est pas utilisée pour financer les activités cultuelles de l'association ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre du " plan bois-énergie 2000-2006 ", destiné à développer la production et l'utilisation d'énergie renouvelable, l'ADEME, associée à treize régions et départements, menait notamment des actions d'aide à la décision d'installation de chaudières collectives et de versement de subventions incitant à l'acquisition de chaudières à bois ; que la communauté des bénédictins de l'abbaye Saint Joseph de Clairval qui, sans être une association cultuelle au sens de la loi du 9 décembre 1905, a des activités cultuelles, a demandé à bénéficier d'une aide à ce titre afin de réaliser une étude de faisabilité en vue de l'installation d'une chaufferie-bois ; que ce projet ne présentait pas un caractère cultuel et n'était pas destiné au culte ; que le soutien de ce projet, qui s'inscrivait dans la conduite du programme " bois-énergie " mené notamment par l'ADEME, entrait dans le cadre des missions d'intérêt général confiées à l'agence par le législateur ; que le versement des subventions accordées dans le cadre du programme s'accompagnait de la conclusion de conventions permettant de garantir que les subventions étaient exclusivement affectées au financement du projet ; que, par suite, la subvention n'aurait pu être utilisée pour financer les activités cultuelles de l'association ;
9. Considérant, dès lors, que les dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 ne faisaient pas obstacle à ce que l'ADEME attribuât une subvention à la communauté des bénédictins de l'abbaye Saint Joseph de Clairval afin de réaliser une étude de faisabilité en vue de l'installation d'une chaufferie-bois ; que, par suite, en refusant d'attribuer une telle subvention à cette communauté au seul motif que la loi du 9 décembre 1905 y faisait obstacle, le délégué régional de l'ADEME a entaché sa décision d'erreur de droit ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la communauté des bénédictins de l'abbaye Saint Joseph de Clairval est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le délégué régional de l'ADEME a rejeté sa demande de subvention ;
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la communauté des bénédictins de l'abbaye Saint Joseph de Clairval, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ADEME la somme de 1 000 euros à verser à la communauté au titre des mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 17 septembre 2010 et le jugement du tribunal administratif de Dijon du 9 décembre 2008 sont annulés.
Article 2 : La décision implicite née du silence gardé par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie sur la demande de subvention présentée par la communauté des bénédictins de l'abbaye Saint Joseph de Clairval est annulée.
