La police administrative, seconde mission de l'administration, est à la charge d'autorités de police administrative générale et spéciale. Distincte de la police judiciaire, elle vise la préservation de l'ordre public. Conçu initialement comme un ordre matériel et extérieur, ce dernier s'est vu adjoindre, dans la seconde moitié du XX° siècle, des composantes morales avec l'intégration des notions de moralité publique et de respect de la dignité de la personne humaine.
La police administrative traduit particulièrement bien ce que la notion de prérogatives de puissance publique peut recouvrir. Activité purement normative, la police administrative confère à l’autorité publique la capacité de restreindre la liberté des individus. C’est parce que la police constitue une prérogative exorbitante qu’elle doit être maintenue dans des limites strictes. L’extension des objectifs pouvant justifier une mesure de police est toujours source d’incertitudes, comme en témoigne le très célèbre arrêt CE, Ass, 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge.
Comme le rappelle le Pr. Vincent Tchen, « les autorités de police administrative sont réputées prévenir une atteinte à l'ordre public ou, plus généralement, mettre fin à une situation d’illégalité. Leurs missions se distinguent donc de celles attribuées aux autorités de police judiciaire qui répriment un trouble déjà avéré ou doivent constater les infractions à la loi pénale, rassembler les preuves, et rechercher les auteurs (…). Cette distinction est nécessaire, car l'acte de police administrative est par principe soumis au respect du droit administratif, alors que les mesures prises dans le cadre d'une mission de police judiciaire sont régies par le Code de procédure pénale » (V. Tchen, « Synthèse : Polices administratives », JCl. Adm., 16 mai 2022). La police administrative apparait aujourd’hui comme un moyen d’action considérable des pouvoirs publics. Les domaines dans lesquels elle intervient, d’une manière générale, ont pour conséquence d’interroger la conciliation des mesures adoptées avec les libertés publiques.
Il est des requérants qui font des recours contentieux un instrument pour faire valoir leur cause, qu’elle soit de nature politique, sociale ou, encore, religieuse. C’est le cas de l’Association Promouvoir qui a, depuis près d’une vingtaine d’année, multiplié les recours contre certains visas cinématographiques au nom de sa vision traditionnaliste de la société. En l’espèce, c’est le visa accordé au film d’Abdellatif Kechiche La vie d’Adèle : Chapitre 1 et 2 qui fait l’objet des foudres de l’association.
La séparation des fonctions administratives et des fonctions judicaires est une caractéristique fondamentale du système juridique hexagonal. Les premières relèvent du droit administratif et de la compétence du juge administratif, les secondes du droit privé et de la compétence du juge judiciaire. La répartition des compétences entre le premier et le second apparaît, donc, comme une question centrale en droit français. Elle se pose pour les services publics, mais aussi pour les activités de police puisque l’on distingue la police administrative et la police judiciaire. C’est cette question que tranchent le Conseil d’Etat et le Tribunal des conflits dans les deux espèces soumises.
Depuis l’instauration d’un véritable système démocratique, la prise en compte des considérations morales par le droit est regardée comme dangereuse par la doctrine. Le juge lui-même se montre réticent à donner droit de cité à de telles considérations dans sa jurisprudence. Il peut, cependant, arriver qu’il se risque dans cette voie. C’est ce qu’il est advenu dans l’arrêt Société Les Films Lutétia.
L’ordonnance Dieudonné constitue, à plus d’un titre, une décision qui mérite attention. D’abord par l’engouement médiatique qu’elle a suscité jusqu’à, pour la première fois de mémoire de l’auteur, rendre inaccessibles les serveurs du site internet du Conseil d’État. Ensuite, parce qu’elle a été rendue, pour la première fois de mémoire de l’auteur, le jour même de la saisine du Conseil d’État. Enfin, parce que tant les principes sur lesquels elle repose que le raisonnement suivi s’écartent de solutions anciennes et établies.