Introduction
Il est des requérants qui font des recours contentieux un instrument pour faire valoir leur cause, qu’elle soit de nature politique, sociale ou, encore, religieuse. C’est le cas de l’Association Promouvoir qui a, depuis près d’une vingtaine d’année, multiplié les recours contre certains visas cinématographiques au nom de sa vision traditionnaliste de la société. En l’espèce, c’est le visa accordé au film d’Abdellatif Kechiche La vie d’Adèle : Chapitre 1 et 2 qui fait l’objet des foudres de l’association.
Dans cette affaire, le ministre de la culture a, par une décision du 26/07/2013, délivré audit film un visa d’exploitation cinématographique comportant une interdiction aux mineurs de moins de 12 ans, également assorti d’un avertissement à destination des spectateurs. L’association Promouvoir a contesté cette décision devant le Tribunal administratif de Paris au motif que cette œuvre aurait dû être interdite aux mineurs de moins de 18 ans. Le 17/09/2014, le tribunal a rejeté sa demande. L’association a, alors, interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Paris qui a, le 8/12/2015, fait droit à sa requête et enjoint au ministre de la culture de procéder à un réexamen de la demande de visa. Le ministre s’est donc pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat qui a, le 28/09/2016, annulé l’arrêt de la Cour de Paris et jugé suffisante l’interdiction de la diffusion du film aux seuls mineurs de moins de 12 ans.
Par cet arrêt, le Conseil d’Etat avait à connaître d’une énième requête initiée par l’association Promouvoir qui, depuis le célèbre arrêt rendu à propos du film Baise moi (CE, sect., 30/06/2000, Ass. Promouvoir), multiplie les recours contentieux contre les visas jugés trop permissifs Jusque-là, en effet, les litiges opposaient le ministre de la culture, titulaire, via l’octroi des visas, d’un pouvoir de police administrative spéciale, aux sociétés de production affectées par des visas considérés, cette fois-ci, comme trop restrictifs. Et, c’est, dans chacun de ces cas, au juge administratif qu’il revenait de vérifier la correcte conciliation, opérée par le ministre, entre protection de la jeunesse et respect de la liberté d’expression. Il n’en va pas différemment en l’espèce à propos des scènes de sexe présentes dans le film La vie d’Adèle.
Il convient donc d’étudier, dans une première partie, la diversité des acteurs intervenant en matière de visa cinématographique (I) et d’analyser, dans une seconde partie, le délicat contrôle qu’opère, alors, le juge administratif (II).
I – Le cinéma : la diversité des acteurs intéressés
La représentation des films cinématographiques obéit, en France, à un régime spécifique qui voit cohabiter et, parfois, s’affronter différents acteurs : un acteur institutionnel en la personne du ministre de la culture (A) et des acteurs non institutionnels que sont les sociétés de productions et l’association Promouvoir (B).
A – Un acteur institutionnel : le ministre de la culture
A l’inverse du droit commun de la liberté d’expression, le cinéma fait l’objet d’un régime d’autorisation préalable au terme duquel la représentation d’un film est subordonnée à la délivrance d’un visa par le ministre de la culture. Cette règle était, jusqu’à il y a peu, posée par l’ordonnance du 03/07/1945 ; elle est, aujourd’hui reprise par le Code du cinéma et de l’image animée annexé à l’ordonnance du 24/07/2009.
Ce pouvoir du ministre de la culture constitue ce que l’on nomme une police administrative spéciale. Ces polices se distinguent de la police administrative générale par la particularité de l’objet qu’il s’agit de sauvegarder : elles s’appliquent, ainsi, à certaines catégories d’administrés (étrangers, nomades), à certaines activités (jeux, chasse, pêche, …) ou à certains lieux ou bâtiments (gares, aérodromes, édifices menaçant ruine, …). Elles ont tendance à se multiplier ces dernières décennies du fait de l’apparition de besoins spécifiques nouveaux. Leur raison d’être est, alors, d’offrir aux autorités des outils juridiques toujours plus adaptés aux désordres contemporains.
Au cas particulier, le ministre de la culture a en charge, selon le Code du cinéma et de l’image animée, la protection de l’enfance et de la jeunesse, ainsi que celle de la dignité humaine. A cette fin, il délivre, après avis de la commission de classification et selon la nature du film, un visa qui vaut : autorisation de représentation pour tous publics, interdiction de diffusion aux mineurs de moins 12 ans ou de moins de 16 ans ou de moins de 18 ans (avec ou sans inscription sur la liste des œuvres pornographiques). Le ministre peut également, sur proposition de la commission, assortir chaque visa d’un avertissement destiné à l’information du spectateur sur le contenu de l’œuvre ou certaines de ses particularités. C’est dans ce cadre qu’un visa a été accordé au film La vie d’Adèle le 26/07/2013 comportant une interdiction aux mineurs de moins de 12 ans, assorti de l’avertissement « Plusieurs scènes de sexe réalistes sont de nature à choquer un jeune public ». L’association Promouvoir a, alors, contesté cette décision devant la juridiction administrative, rappelant, ainsi, que la police du cinéma entre, parfois, en conflit avec les intérêts d’acteurs de la société civile.
B – Des acteurs non institutionnels : les sociétés de production et l'ass. Promouvoir
Longtemps, les recours contre les visas délivrés par le ministre de la culture ont été le fait des sociétés de production et de distribution des films. Il s’agissait pour elles de contester des visas considérés comme trop restrictifs. En effet, de tels visas peuvent handicaper le parcours commercial d’un film dans les salles de projection, ainsi que nuire à sa diffusion en télévision puisque le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) demande aux chaînes de télévision d’exclure la diffusion en première partie de soirée des films déconseillés aux moins de 12 ans.
De nos jours, la contestation provient principalement de l’association Promouvoir. Il s’agit d’une association traditionnaliste qui a pour objet, selon les termes figurant sur son site internet, « la promotion des valeurs judéo-chrétiennes dans tous les domaines de la vie sociale ». Sur cette base, l’association multiplie les recours contentieux contre les visas accordés aux films allant à l’encontre de ses valeurs. Le but n’est plus ici de défendre la liberté d’expression, mais, au contraire, de contester des visas jugés trop permissifs.
Bien qu’ils ne concernent, dans les faits, qu’une minorité de films, ces recours sont de nature, lorsqu’ils n’aboutissent pas à l’annulation du visa jugé trop restrictif dans le premier cas ou lorsqu’ils aboutissent à la censure du visa jugé trop permissif dans le second, à avoir des effets concrets sur la production cinématographique. Ils peuvent, en effet, impacter le parcours commercial d’un film, mais également la création artistique dans son ensemble, puisque les producteurs peuvent se montrer réticents à financer un film dont ils ont tout lieu de craindre que sa diffusion soit réduite du fait de la politique des visas du ministre de la culture et de la jurisprudence du juge administratif.
La police administrative spéciale du cinéma s’exerce, donc, au cœur d’un écosystème où s’affrontent des intérêts contradictoires dont il revient au Conseil d’Etat d’assurer, non sans difficulté, la conciliation.
II – La police du cinéma : le délicat contrôle du juge administratif
Comme pour toute mesure de police administrative, le contrôle opéré par le juge administratif vise à s’assurer de la juste équation entre la préservation de l’ordre public, ici la protection de l’enfance, et le respect des libertés publiques, au cas particulier la liberté d’expression (A). C’est l’analyse de cette conciliation qu’apprécie le Conseil d’Etat, en l’espèce, à propos des scènes de sexe présentes dans le film La vie d’Adèle (B).
A – Une logique : concilier protection de la jeunesse et liberté d'expression
Par nature, toute mesure de police administrative porte atteinte à l’exercice d’une liberté publique. Il revient, alors, à l’autorité de police de concilier, sous le contrôle du juge administratif, la protection de l’ordre public avec l’exercice de ces libertés. Il n’en va pas différemment en matière de police administrative spéciale du cinéma : le ministre de la culture doit, ainsi, trouver un juste équilibre entre les objectifs qui lui sont assignés par les textes et le respect de la liberté d’expression.
Pendant longtemps, aucun texte n’a posé de conditions pour encadrer la délivrance des visas par le ministre de la culture. Le Conseil d’Etat n’en a pas moins considéré, de manière prétorienne, que le ministre était tenu de « concilier les intérêts généraux dont il a la charge avec le respect dû aux libertés publiques et notamment à la liberté d’expression » (CE, ass., 24/01/1975, Ministre de l’information c/ So. Rome-Paris Films).
Depuis, l’entrée en vigueur du Code du cinéma et de l’image animée, les objectifs à la charge du ministre ont été précisés. Son article L 211 – 1 prévoit, ainsi, que le visa « peut être refusé ou sa délivrance subordonnée à des conditions pour des motifs tirés de la protection de l’enfance et de la jeunesse et du respect de la dignité humaine ». Dans sa mission, le ministre de la culture doit donc concilier la préservation de ces exigences avec le respect de la liberté d’expression dont les œuvres cinématographiques constituent une composante essentielle. Et, c’est au juge administratif qu’il revient d’apprécier la validité de la conciliation opérée. C’est ce que fait le Conseil d’Etat en l’espèce à propos des scènes de sexe présentes dans le film La vie d’Adèle.
B – Une application : la présence de scènes de sexe dans un film
L’association Promouvoir considère que le film La vie d’Adèle aurait dû être assorti d’un visa prévoyant une interdiction aux mineurs de moins de 18 ans (sans inscription sur la liste des films pornographiques). Pour justifier cette position, l’association invoque l’article R 211-12 du Code du cinéma et de l’image animée au terme duquel cette mesure doit être prononcée « lorsque l'œuvre ou le document comporte des scènes de sexe non simulées ou de très grande violence mais qui, par la manière dont elles sont filmées et la nature du thème traité, ne justifient pas une telle inscription ». Pour l’association, les scènes de sexe ne sont pas, au cas particulier, simulées, ce qui justifie l’interdiction aux mineurs de moins de 18 ans.
La Cour administrative d’appel de Paris et, par la suite, le Conseil d’Etat relativisent la disposition invoquée. Ils délaissent, en effet, le critère du caractère « non simulé » des scènes de sexe pour lui préférer celui de leur caractère « réaliste » qui est de nature à justifier moins de restriction. Ils apprécient, en revanche, ce caractère via les deux prismes tracés par l’article R 211-12 soit, d’une part, la manière dont sont filmées les scènes de sexe et, d’autre part, la nature du thème traité. Mais, ils n’en font pas la même application.
Les juges d’appel considèrent, ainsi, que le film comportait « plusieurs scènes de sexe présentées de façon réaliste et que les conditions de mise en scène d’une de ces scènes excluait tout possibilité pour les spectateurs et, notamment les plus jeunes, de distanciation par rapport à ce qui leur était donné à voir ». La décision de l’interdiction aux moins de 12 ans est donc illégale du fait de son insuffisance.
La position du Conseil d’Etat est, elle, plus libérale. Le juge administratif suprême retient, ainsi, le caractère réaliste indéniable, bien que simulé, desdites scènes, mais note qu’elles « sont, d’une part, exemptes de toute violence, et, d’autre part, filmées sans intention dégradante ». Il relève, ensuite, que « ces scènes s’insèrent de façon cohérente dans la trame narrative globale de l’œuvre, d’une durée totale de près de trois heures, dont l’ambition est de dépeindre le caractère passionné d’une relation amoureuse entre deux jeunes femmes ». La Haute juridiction relève, également, que le visa est assorti d’un avertissement destiné à l’information des spectateurs les plus jeunes et de leurs parents. Les juges du Palais Royal concluent, alors, à l’annulation de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris et valident la position du ministre de la culture qui n’a, ainsi, pas méconnu l’obligation de protection de la jeunesse mise à sa charge par la loi.
Depuis cet arrêt, l’article R 211-12 du Code du cinéma et de l’image animée a été modifié. Le critère tenant au caractère non simulé des scènes de sexe a été supprimé. L’accent est, dorénavant, mis sur l’effet produit sur les mineurs. Ainsi, « lorsque l'œuvre ou le document comporte des scènes de sexe ou de grande violence qui sont de nature, en particulier par leur accumulation, à troubler gravement la sensibilité des mineurs, à présenter la violence sous un jour favorable ou à la banaliser », le ministre ne peut qu’interdire la diffusion aux mineurs de moins de 18 ans (avec ou sans inscription sur la liste des films pornographiques). En revanche, le même type de scènes peut ne justifier qu’une interdiction aux mineurs de moins de 18 ans sans inscription sur ladite liste lorsque « le parti pris esthétique ou le procédé narratif sur lequel repose l'œuvre ou le document » le justifie.
CE, 28/09/2016, Ministre de la culture c/ Ass. Promouvoir
Vu la procédure suivante :
L'association Promouvoir, M. et Mme C...ainsi que M. et Mme F...A...ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision en date du 26 juillet 2013 par laquelle la ministre de la culture et de la communication a accordé un visa d'exploitation cinématographique au film intitulé " La vie d'Adèle : Chapitres 1 et 2 " assorti d'une interdiction aux mineurs de douze ans et d'un avertissement. Par un jugement n° 1316953 du 17 septembre 2014, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 14PA04253 du 8 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de l'association Promouvoir et autres, annulé ce jugement ainsi que le visa d'exploitation litigieux, et enjoint à la ministre de procéder au réexamen de la demande de visa d'exploitation sollicité pour le film.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 décembre 2015, 9 février 2016 et 1er avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de la culture et de la communication demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de l'association Promouvoir et autres ;
3°) de mettre à la charge de l'association Promouvoir et autres la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du cinéma et de l'image animée ;
- le décret n° 90-174 du 23 février 1990 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la ministre de la culture et de la communication et à la SCP Gaschignard, avocat de l'association Promouvoir, de MmeD..., de Mme C...et de M. et Mme A... ;
1. Considérant que, par une décision du 26 juillet 2013, la ministre de la culture et de la communication a accordé au film intitulé " La vie d'Adèle : Chapitres 1 et 2 " un visa d'exploitation cinématographique comportant une interdiction aux mineurs de douze ans, assorti de l'obligation d'informer les spectateurs de l'avertissement suivant : " Plusieurs scènes de sexe réalistes sont de nature à choquer un jeune public " ; que l'association Promouvoir et autres ont contesté, devant le tribunal administratif de Paris, cette décision en tant qu'elle autorisait la diffusion de cette oeuvre à des mineurs ; que, par un jugement du 17 septembre 2014, le tribunal administratif a rejeté leur demande ; que la ministre de la culture et de la communication se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 8 décembre 2015 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant partiellement droit à l'appel de l'association Promouvoir et autres dirigé contre ce jugement, a annulé la décision du 26 juillet 2013 délivrant un visa d'exploitation au film et a enjoint à la ministre de procéder au réexamen de la demande de visa d'exploitation pour ce film ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code du cinéma et de l'image animée : " La représentation cinématographique est subordonnée à l'obtention d'un visa d'exploitation délivré par le ministre chargé de la culture. / Ce visa peut être refusé ou sa délivrance subordonnée à des conditions pour des motifs tirés de la protection de l'enfance et de la jeunesse ou du respect de la dignité humaine (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 du décret du 23 février 1990 pris pour l'application des articles 19 à 22 du code de l'industrie cinématographique et relatif à la classification des oeuvres cinématographiques, dans sa rédaction alors en vigueur, aujourd'hui codifié aux articles R. 211-10, R. 211-12 et R. 211-13 du même code : " Le ministre chargé de la culture délivre le visa d'exploitation mentionné à l'article 19 du code de l'industrie cinématographique après avis de la commission de classification. La commission émet sur les oeuvres cinématographiques, y compris les bandes-annonces, un avis tendant à l'une des mesures suivantes :/ a) Visa autorisant pour tous publics la représentation de l'oeuvre cinématographique ;/ b) Visa comportant l'interdiction de la représentation aux mineurs de douze ans ;/ c) Visa comportant l'interdiction de la représentation aux mineurs de seize ans ;/ d) Inscription de l'oeuvre cinématographique sur les listes prévues aux articles 11 et 12 de la loi n° 75-1278 du 30 décembre 1975 entraînant l'interdiction de la représentation aux mineurs de dix-huit ans ;/ e) Interdiction totale de l'oeuvre cinématographique. / La commission peut proposer d'assortir chaque mesure d'un avertissement, destiné à l'information du spectateur, sur le contenu de l'oeuvre ou certaines de ses particularités " ; qu'aux termes de l'article 3-1 du même décret, dans sa rédaction alors applicable, aujourd'hui codifié au 4° de l'article R. 211-12 du même code : " La commission peut également proposer au ministre chargé de la culture une mesure d'interdiction de représentation aux mineurs de dix-huit ans pour les oeuvres comportant des scènes de sexe non simulées ou de très grande violence mais qui, par la manière dont elles sont filmées et la nature du thème traité, ne justifient pas une inscription sur la liste prévue à l'article 12 de la loi du 30 décembre 1975 susvisée " ;
3. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'après avoir rappelé le thème du film, la cour administrative d'appel de Paris a estimé que le film La vie d'Adèle : Chapitres 1 et 2 comportait plusieurs scènes de sexe présentées de façon réaliste, et que les conditions de mise en scène d'une de ces scènes excluait toute possibilité pour les spectateurs et, notamment les plus jeunes, de distanciation par rapport à ce qui leur était donné à voir ; qu'elle a déduit de ces constatations que les effets du film sur la sensibilité du jeune public faisaient obstacle à ce que sa représentation publique ne soit interdite qu'aux seuls mineurs de moins de douze ans ;
4. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si les scènes de sexe en cause, bien que simulées, présentent un caractère de réalisme indéniable, elles sont, d'une part, exemptes de toute violence, et, d'autre part, filmées sans intention dégradante ; que ces scènes s'insèrent de façon cohérente dans la trame narrative globale de l'oeuvre, d'une durée totale de près de trois heures, dont l'ambition est de dépeindre le caractère passionné d'une relation amoureuse entre deux jeunes femmes ; qu'en outre, ainsi qu'il a été rappelé au point 1, la ministre de la culture et de la communication a assorti le visa accordé d'un avertissement destiné à l'information des spectateurs les plus jeunes et de leurs parents ; qu'il s'ensuit, dans ces conditions, que la cour administrative d'appel de Paris, en jugeant que le film était de nature à heurter la sensibilité du jeune public pour en déduire que la ministre avait entaché d'erreur d'appréciation sa décision d'accorder un visa d'exploitation comportant une interdiction limitée aux mineurs de moins de douze ans, a inexactement qualifié les faits de l'espèce ; que la ministre est, par suite, fondée à demander, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'annulation de l'arrêt attaqué ;
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la ministre, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la ministre au titre de ce même article ;
DECIDE :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 8 décembre 2015 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la culture et de la communication, à l'association Promouvoir, à M. et Mme F...A..., à M. et Mme B...C...et à Mme E...D....
Copie en sera adressée au Centre national du cinéma et de l'image animée et à la société Wild Bunch distribution.
