Les rapports entre les pouvoirs constitutionnels se caractérisent, depuis 1958, par un profond déséquilibre entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, un déséquilibre au profit de l’Exécutif. Par ailleurs, si la V° République demeure un régime parlementaire, puisque le Gouvernement peut voir sa responsabilité politique engagée devant l’Assemblée nationale, elle se trouve affectée par une nette présidentialisation de ses règles. Ce n’est qu’en cas de cohabitation que le régime retrouve un caractère parlementaire plus affirmé.
« En plus de quarante ans de fonctionnement, le régime a secrété une pratique, qui en a modifié les équilibres. Un sort malin semble peser sur nos Constitutions, elles ne fonctionnent jamais conformément aux intentions – aux illusions ? – de leurs auteurs », expliquent les professeurs Bertrand Matthieu et Philippe Ardent évoquant notamment le phénomène du « fait majoritaire », particulièrement marquant sous la Ve République (B. MATHIEU et Ph. ARDANT, Droit constitutionnel et institutions politiques, LGDJ, 27e Ed., 2015).
En 1988, la France s’est dotée pour la première fois d’une Assemblée composée d’une majorité relative. Le Président de la République, François Mitterrand, avait alors dit : « Même relative, la majorité parlementaire existe ». Une telle citation montre la volonté des présidents de disposer d’une majorité absolue leur permettant de mener sans entrave leur action. En cas de majorité relative, ceux-ci tentent alors par des alliances de trouver une majorité leur permettant de gouverner.
« La dissolution parlementaire est un instrument au service de la stabilité institutionnelle et de l'équilibre des pouvoirs. » Cette réflexion de Maurice Duverger, illustre l'importance de cet outil constitutionnel dans l’équilibre des pouvoirs sous la Ve République. Cependant si la dissolution a initialement un rôle de stabilisation au sein de notre régime elle a pu devenir, au fil de ses utilisations, une cause de confrontation politique. Nous explorerons ainsi dans la présente dissertation ces diverses facettes de la dissolution sous la Ve République.
À l’occasion de son discours devant le Conseil d’État, le 27 août 1958, Michel DEBRÉ qui est chargé d’élaborer la nouvelle constitution évoque les difficultés passées des régimes d’assemblée, notamment les IIIe et IVe Républiques. Il tient à rappeler que, pourtant, « les assemblées, en régime parlementaire, ne sont pas des organes permanents de la vie politique. Elles sont soumises à des sessions bien déterminées et assez longues pour que le travail législatif, le vote du budget et le contrôle politique soient assurés dans de bonnes conditions, mais aménagées de telle sorte que le Gouvernement ait son temps de réflexion et d'action ».
« La responsabilité politique du Gouvernement est apparue en Grande-Bretagne à la fin du XVIIIe siècle. Elle est née alors de la transformation d’une procédure pratiquée depuis le XIVe siècle (1376) : l’impeachment » (Ph. ARDAN et B. MATHIEU, Droit constitutionnel et institutions politiques, 27e Ed., LGDJ, 2015, p. 216). Par la suite, la responsabilité politique du gouvernement est également apparue en France. Sous les IIIème et IVème Républiques, les mécanismes de responsabilité politique - accentués par la toute-puissance du Parlement - sont à l’origine d’une instabilité gouvernementale persistante. En effet, à de très nombreuses reprises, les chambres du Parlement ont pu décider de la chute de cabinets qui ne gouvernaient parfois que quelques jours ou semaines.
La Cinquième République se distingue, au sein de l’Exécutif, par une convergence des orientations politiques entre président de la République et Premier ministre, lui-même issu d’une majorité parlementaire favorable au chef de l’Etat. C’est a priori le fonctionnement naturel du régime.
La Troisième République a été la première république véritablement parlementaire. Ses détracteurs la qualifiaient même de parlementariste. La Quatrième République n’a pas eu besoin de connaître de détracteurs : elle faisait à peu près l’unanimité contre elle, après avoir versé dans le régime d’assemblée.
La Cinquième République suscite depuis ses origines de nombreux débats relatifs à la nature du régime. Présidentiel ? Parlementaire dualiste ? Ou moniste ? Consulaire ? Mi-parlementaire mi-présidentiel ? Les qualificatifs prolifèrent à foison selon les spécialistes et bien malin celui pouvant apporter une réponse claire et définitive, tant ce système institutionnel s’avère à la fois riche et complexe.
Il n’y pas, dit-on souvent, de grande démocratie sans alternance politique. La démocratie, c’est étymologiquement l’expression du pouvoir du peuple, celui de choisir son titulaire, mais aussi celui de choisir une orientation politique. A l’origine, dans les cités grecques, la démocratie était restreinte. Seuls étaient électeurs les Grecs eux-mêmes, mais libres. Les esclaves n’avaient pas la possibilité de s’exprimer. Les femmes aussi étaient exclues des affaires publiques, tout comme les mineurs et autres aliénés. Mais, il ne s’agissait pas de voter car la détermination du titulaire du pouvoir se faisait par tirage au sort dans le cadre de la démocratie directe.