Le droit administratif peut être défini comme le droit qui encadre les activités de l’administration. S’il fut essentiellement d’origine jurisprudentielle au départ, il est, de nos jours, fortement nourri par d’autres types de normes (Constitution et droit international, notamment). La nature particulière des missions administratives, que sont le service public et la police administrative, explique, cependant, que la puissance publique bénéficie de pouvoirs exorbitants, dont on trouve des ramifications tant au niveau de l’acte administratif unilatéral que du contrat administratif. Pour autant, l'administration demeure soumise au contrôle du juge administratif et peut voir sa responsabilité engagée.
L’État est souverain. Cette affirmation, banale pour un publiciste, entraîne des conséquences très concrètes. Outre la détention du monopole de la violence légitime, l’État jouit de l’imperium qui donne la possibilité à ses organes, s’exprimant en son nom, de commander. La justice relève de l’exercice de ce pouvoir. C’est pourquoi elle est essentiellement publique. Mais il existe, en parallèle, une forme de justice que l’on dit « privée » : l’arbitrage. La soumission de l’administration à un droit exorbitant du droit commun rend difficilement admissible le recours à l’arbitrage par les personnes privées. C’est sur cette question de principe que prend position le Conseil d’État, dans son arrêt CE, Ass, 9 novembre 2016, Société Fosmax, req. n°388806.
Bien que les décisions rendues par le juge administratif soient revêtues de l’autorité de la chose jugée, il arrive que l’une des parties refuse d’en assurer l’exécution. Cette situation est sans conséquence majeure lorsque ce refus est le fait d’un administré puisque la force publique est là pour vaincre cette résistance. Elle est, en revanche, plus ennuyeuse lorsque l’inexécution de la décision découle de la mauvaise volonté de l’administration.
La procédure administrative contentieuse correspond à l’ensemble des règles qui régissent le déroulement du procès devant le juge administratif. Si elle présente des similitudes avec la procédure civile, elle s’en distingue sur de nombreux points en raison de la spécificité de l’action administrative. Mais, dans l’un et l’autre cas, les règles posées visent à apporter des garanties aux parties au litige.
L’émergence de l’ordre juridictionnel administratif résulte d’un lent processus de maturation historique. Si le Conseil d’Etat et les Conseils de préfecture ont été créés dès l’An VIII, il a fallu attendre la loi du 24/05/1872 pour que le premier acquiert le statut de véritable juridiction. Et, ce n’est que dans la seconde moitié du XX° siècle que la structure actuelle de cet ordre a été parachevée.
L’existence d’un juge des conflits est intimement liée à celle d’un dualisme juridictionnel. En effet, dès lors que deux ordres de juridictions coexistent, il est indispensable qu’un tribunal tiers vienne régler les conflits de compétence qui peuvent se poser entre ces deux ordres. Tel est le cas en France où les conflits d’attribution entre la juridiction administrative, chargée de juger les affaires mettant en cause l’administration, et la juridiction judiciaire, chargée de juger les litiges d’ordre privé, sont résolus par le Tribunal des conflits.
L’acte administratif unilatéral (AAU) constitue, avec le contrat, l’une des deux modalités d’action de l’Administration. L’acte administratif unilatéral est propre au droit public. Il traduit l’existence de prérogatives de puissance publique qui, elle, signe l’exorbitance du droit administratif. Cela signifie que l’administration est en mesure d’imposer unilatéralement sa volonté sous la forme d’une norme juridique. Une fois adoptés, les AAU sont exécutoires de plein droit. La sanction de leur méconnaissance peut être le fait de l’administration ou du juge, administratif ou judiciaire, y compris pénal. Cette capacité à mobiliser la violence légitime dont l’État a le monopole invite à très rigoureusement encadrer les pouvoirs de l’administration. Cet encadrement est double : il est réalisé a priori, par la détermination des règles de droit qui conditionnent, sur la forme et dans son processus d’élaboration, l’acte administratif. C’est ce que l’on nomme la procédure administrative non contentieuse et l’entrée et la sortie de vigueur. Ces normes visent à assurer un certain nombre de garanties aux administrés : garanties que l’acte est adopté compétemment, qu’il respecte les droits de la défense, qu’il présente valablement les motifs qui le fonde etc. Elles visent également à encadrer la façon dont l’acte peut produire ses effets et les modalités par lesquelles il cesse de les produire. La question de la validité d’un acte est fondamentale dans la mesure où elle informe l’état à un moment donné de l’ordonnancement juridique. Dans la conception de l’État de droit, l’administration est soumise à ces normes. C’est la raison pour laquelle la seconde modalité d’encadrement du pouvoir d’édiction unilatérale des normes est également encadré a posteriori, par le juge, qui peut apprécier et, le cas échéant, sanctionner, les manquements de l’administration à ses obligations procédurales. Cette seconde partie fera l’objet d’autres développements, consacrés uniquement au contrôle juridictionnel de l’administration. Pour le moment seuls nous intéresseront les considérations liées à l’encadrement a priori de la formation des AAU.
L’administration dispose de plusieurs moyens d’actions parmi lesquels on retrouve l’acte réglementaire. Le Professeur Didier Truchet le définit comme « un acte administratif unilatéral général et impersonnel. Il s’adresse anonymement à ceux auxquels ils s’appliquent. Peu importe le nombre des intéressés (…). L’important est que l’autorité qui prend l’acte veut qu’il s’applique à tous ceux qui entrent dans son champ d’application (…). Bien sûr, seule une autorité disposant du pouvoir réglementaire peut prendre des actes réglementaires, dans la limite de sa compétence » (D. Truchet, Droit administratif, 7e Ed., Coll. Thémis, PUF, 2017, p. 247). Le gouvernement dispose notamment de ce pouvoir réglementaire, dans un cadre constitutionnel précis : la Constitution du 4 octobre 1958 opère une distinction claire entre domaine de la loi et domaine réglementaire (art. 34 et 37). L’article 21 de notre Constitution précise que, sous certaines conditions, le Premier Ministre « exerce le pouvoir réglementaire ». Il faut distinguer le règlement autonome, du règlement d’application qui est pris uniquement en appui d’un texte législatif. Aussi, conformément aux dispositions du Code de justice administrative (CJA), il faut rappeler que le Conseil d’État est notamment juge en premier et dernier ressort pour les recours dirigés contre les décrets et actes réglementaires du gouvernement (v. notamment : CJA, art. R. 311-1 2°). L’autorité réglementaire n’agit pas dans un cadre totalement libre, mais dans celui fixé par l’ensemble des normes supérieures, notamment les traités internationaux.
Le système juridictionnel français se caractérise par l’existence de deux ordres de juridictions : les juridictions judiciaires chargées de régler les litiges privés en appliquant le droit privé et les juridictions administratives à qui revient la tâche de juger les litiges mettant en cause l’administration sur la base d’un droit spécifique, le droit administratif. Ce système se différencie fortement du modèle anglo-saxon où l’administration est soumise aux juridictions de droit commun. Il n’apparaît pas, en revanche, comme une « exception française » dans la mesure où quinze pays de l’Union européenne sur les 27 membres disposent d’une Cour administrative suprême spécifique.
Le droit des contrats administratifs est fortement dérogatoire au droit commun des contrats. Il s’est constitué par sédimentation d’une jurisprudence plus que centenaire du Conseil d’État d’abord, puis des juridictions administratives ensuite. L’ensemble présente des traits saillants, au premier rang desquels se trouvent les règles qui régissent l’exécution des contrats administratifs et qui confèrent à l’administration des pouvoirs unilatéraux importants. Ces pouvoirs, issus de principes généraux du droit, et donc applicables même sans texte, signent le déséquilibre de la relation contractuelle qui s’établit entre la personne publique et son cocontractant. Pourtant, si l’édifice est solide, il n’est pas immuable. Il arrive, comme c’est le cas avec l’arrêt CE, 8 octobre 2014, Société Grenke Location, req. n°370664, que le Conseil d’État décide d’amoindrir quelque peu ce déséquilibre.
Comme le rappelle le Professeur Didier Truchet, « le contrat a toujours
été l’un des instruments d’action de l’Administration. Historiquement,
il a été surtout utilisé par elle d’une part pour se procurer des biens
et des services sur le marché (marchés publics), d’autre part pour
déléguer à un opérateur (généralement privé) une mission de travail
public ou de service public (concessions), enfin pour autoriser
certaines occupations du domaine public » (Didier Truchet, Droit
administratif, Coll. Thémis, PUF, 2017, p. 275). Les litiges nés de la
conclusion ou de l’exécution de ces contrats relèvent des juridictions
administratives, pour ceux qui sont qualifiés de contrats administratifs
et du juge judiciaire pour les contrats de droit privé. Depuis quelques
dizaines d’années, le droit de la commande publique, mais aussi les
règles du contentieux des contrats administratifs, ont largement
évolué.
Il est des sagas judiciaires qui occupent les tribunaux de longues années durant. Bien souvent, elles apportent à la dynamique du droit une contribution décisive. Mais rares sont celles qui produisent ces effets à ce point. L’affaire du litige entre la ville de Béziers et sa voisine de Villeneuve les Béziers aura duré presque 20 ans et aura offert à la matière du contentieux contractuel des développements majeurs. L’arrêt CE, Ass, 28 décembre 2009, Commune de Béziers, req. n°304802, constitue le premier volet de l’intrigue.
Les arrêts de principe, que l’on appelle aussi « grands arrêts », sont souvent issus de problématiques ponctuelles. Lorsque, du fait des circonvolutions de la procédure contentieuse, le Conseil d’État est saisi deux ou plusieurs fois, les arrêts postérieurs ne retiennent que rarement l’attention de la doctrine. Une fois n’est pas coutume, l’affaire opposant la Ville de Béziers à sa voisine de Villeneuve-les-Béziers durant presque 20 ans, aura donné 3 grands arrêts à la matière du contrat administratif. L’arrêt CE, Sect, 21 mars 2011, Commune de Béziers, dit Béziers II, req. n°304806 est le deuxième.