Le droit administratif peut être défini comme le droit qui encadre les activités de l’administration. S’il fut essentiellement d’origine jurisprudentielle au départ, il est, de nos jours, fortement nourri par d’autres types de normes (Constitution et droit international, notamment). La nature particulière des missions administratives, que sont le service public et la police administrative, explique, cependant, que la puissance publique bénéficie de pouvoirs exorbitants, dont on trouve des ramifications tant au niveau de l’acte administratif unilatéral que du contrat administratif. Pour autant, l'administration demeure soumise au contrôle du juge administratif et peut voir sa responsabilité engagée.
Le recours pour excès de pouvoir (REP) est, sans aucun doute, le recours qui caractérise le mieux le droit administratif. Recours objectif en ce qu’il vise à défendre la légalité méconnue, son origine remonte au début du XIX° siècle. Sa pleine efficacité ne se fera, cependant, que bien plus tard lorsqu’au fil de ses décisions, le Conseil d’Etat reconnaîtra de nouveaux moyens (appelés cas d’ouverture du REP) susceptibles d’être invoqués. L’arrêt Gomel constitue une étape majeure dans ce mouvement.
Les mesures d’ordre intérieur (MOI) régissent, selon le Doyen Hauriou, « la vie intérieure des services » (v. notamment Maurice HAURIOU, Précis de droit administratif et de droit public, Dalloz, 12e réédition, 2002). En effet, il s’agit de mesures adoptées par le pouvoir hiérarchique s’agissant du fonctionnement et de l’organisation interne des casernes, des prisons ou encore des établissements scolaires. En droit français, le juge administratif n’a pas à contrôler les MOI, qui s’imposent aux agents du service public et n’ont que peu de conséquences sur les administrés. Mais dans certaines situations sensibles, la Cour européenne des droits de l’Homme, de même que le juge administratif, ont fait évoluer leur jurisprudence en qualifiant certaines mesures d’actes faisant grief, alors même qu’ils les considéraient autrefois comme des MOI. Cette nouvelle qualification autorise ainsi un contrôle juridictionnel à travers le recours pour excès de pouvoir (REP) à l’encontre de tels actes lorsqu’ils sont ainsi qualifiés.
Depuis le début des années 2000, la France s’est engagée dans un important mouvement de privatisation de ses autoroutes. En effet, la majeure partie d’entre-elles est désormais concédée à des sociétés à capitaux privés. Cette tendance n’est pas sans conséquences juridiques, les contrats conclus par les sociétés concessionnaires d’autoroute relevant, généralement et jusqu’à très récemment, de la compétence du juge administratif. Le juge des conflits a été amené à se prononcer sur la pertinence de cette compétence pour les contrats passés entre une société concessionnaire et une autre personne privée.
Si l’histoire du droit administratif est celle de la soumission croissante de l’administration au droit, il demeure, encore aujourd’hui, des actes que le juge administratif s’abstient de contrôler. Il en va, ainsi, des actes de Gouvernement parce qu’ils traduisent plus l’exercice de la fonction gouvernementale que celui de la fonction administrative. C’est aussi le cas des mesures d’ordre intérieur (MOI) dont l’objet est d’assurer un certain ordre au sein des services publics, mais qui sont de trop faible importance pour pouvoir faire l’objet d’un recours. Cette situation peut, cependant, heurter quand la mesure a, en fait, des effets non négligeables. Aussi, le Conseil d’Etat a entrepris, au tournant des années 1990, un vaste mouvement de restriction du champ des MOI. L’arrêt Hardouin en constitue l’une des étapes.
Certaines notions du droit administratif parviennent, parfois, à personnifier à elles seules l’un de ses régimes. Tel est le cas de la notion d’acte créateur de droits en matière de retrait et d’abrogation des actes administratifs unilatéraux.
Certains bouleversements qui affectent le droit administratif sont le fait de décisions solitaires. D’autres, au contraire, sont le fruit de décisions, non moins majeures, qui, comme nouées par un lien de parenté, conjuguent leurs effets pour proposer au justiciable un nouveau paysage juridique. C’est ce qu’il est advenu dans le domaine du contentieux contractuel à partir de la seconde moitié des années 2000. L’arrêt Ministre de l’Intérieur constitue l’une des étapes de ce mouvement.
Le droit administratif est, souvent, un droit d’équilibriste dont l’objet vise à concilier deux droits ou principes antagonistes. La confrontation entre le principe de continuité des services publics et le droit de grève des agents publics relève de cette logique. L’arrêt Dehaene, outre qu’il reconnaît la valeur juridique du préambule de la Constitution de 1946, est l’arrêt qui encadre, encore aujourd’hui, cette question, tant pour l’exigence de conciliation qu’il pose que pour la détermination de l’autorité qui en a la charge.
Parmi les lois du service public, le principe de mutabilité occupe une place à part. En effet, à la différence des principes de continuité et d’égalité, il apparaît comme profondément tributaire de la vision que l’administration s’en fait, de sorte que les décisions prises sur son fondement peuvent aussi bien accroître la satisfaction des usagers qu’aller dans le sens inverse de ce qu’ils désirent. L’arrêt Vannier relève de la première hypothèse.
De nombreux arrêts se veulent l’application fidèle de principes jurisprudentiels dégagés antérieurement. D’autres s’autorisent, au contraire, certains écarts avec ces principes dans un but de politique jurisprudentielle : c’est le cas de l’arrêt Beaufils dont la finalité n’est autre que de simplifier les démarches procédurales des skieurs accidentés.
La jurisprudence distingue, traditionnellement, les services publics administratifs (SPA) et les services publics industriels et commerciaux (SPIC) sur la base de trois conditions : l’objet du service, son mode de financement et ses modalités de fonctionnement (CE, ass., 16/11/1956, USIA). Il est, cependant, des cas où la qualification, soit du service public, soit de l’organe gestionnaire, découle d’un texte. C’est cette hypothèse qui est en cause en l’espèce.
Il est, en droit, des principes intangibles sur lesquels le juge peut, sans peine, s’appuyer. Celui posé en 1921 par le Tribunal des conflits est l’un de ceux-là : dans l’une des rares décisions de la jurisprudence administrative qui se verra dotée d’un surnom, le juge des conflits créait, à côté de la catégorie des services publics administratifs (SPA), celle des services publics industriels et commerciaux (SPIC) et décidait que les litiges nés des rapports qu’ils entretiennent avec leurs usagers relèvent des juridictions de l’ordre judiciaire (TC, 22/01/1921, So. commerciale de l’Ouest africain, dit Bac d’Eloka). Par cette décision, la Haute juridiction ouvrait la voie à une nouvelle problématique : celle de la distinction entre les deux types de services publics. C’est une telle question qui se pose en l’espèce.
Il fut un temps où la question de la compétence du juge administratif ne dépendait que du lien du litige avec un service public (TC, 08/02/1873, Blanco). Cette simplicité devait, cependant, s’évaporer lorsque le juge des conflits distingua les services publics administratifs (SPA), majoritairement soumis au droit administratif et à la compétence du juge administratif, et les services publics industriels et commerciaux (SPIC), principalement soumis au droit privé et à la compétence du juge judicaire (TC, 22/01/1921, So. commerciale de l’Ouest africain, dit Bac d’Eloka). Depuis lors, se pose, sans relâche, la question des modalités d’identification de ces services. C’est cette problématique qu’aborde le Conseil d’Etat, en l’espèce, à propos du service public d’enlèvement des ordures ménagères.