Introduction
Depuis plusieurs décennies, la culture d’organismes génétiquement modifiés (OGM) fait face à une méfiance de la part des français et des pouvoirs publics. Déjà dans les années 1980, le Ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche créait une commission chargée d’évaluer les risques de ces pratiques pour l’environnement et la santé publique. La loi du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés (Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 - JORF du 26 juin 2008, p. 10218) est venue renforcer le cadre législatif en la matière, tandis que le débat a refait surface récemment avec l’autorisation par l’Union Européenne de la culture du maïs de Monsanto. Pour autant, en France, aucune culture d’OGM n’est autorisée à l’heure actuelle.
En l’espèce, le Conseil d’Etat fut amené à se prononcer sur la validité de l’arrêté municipal pris par le maire de Valence en date du 28 août 2008. Ce dernier interdisait la culture d’OGM dans plusieurs zones agricoles du Plan d’occupation des sols (POS) adopté par la commune. L’argument principal de la ville demeurait le risque que pouvait constituer les OGM pour les cultures avoisinantes, notamment dans le cas où elles appartiendraient à un label spécial et particulièrement exigeant tel que celui de l’agriculture biologique.
Le Préfet de la Drôme décidait de déférer ledit arrêté au tribunal administratif de Grenoble, le 15 octobre 2008, considérant que ce type d’interdiction ne relève pas de la compétence du maire et présentant plusieurs arguments en ce sens. La juridiction administrative jugeait cet arrêté illégal et la commune décidait donc de contester la décision devant la Cour administrative d’appel (CAA) de Lyon, qui, par son arrêt du 30 juin 2010, rejetait la requête de la commune de Valence. La collectivité territoriale, portant alors l’affaire devant la plus haute-juridiction administrative, était à nouveau déboutée.
A travers cet arrêt, le Conseil d’Etat se prononce une nouvelle fois sur l’étendue des pouvoirs de police administrative générale du maire, notamment lorsqu’il existe une police administrative spéciale sur une matière précise. Historiquement, le juge administratif reste particulièrement prudent et restreint assez largement la légalité des réglementations prises au titre de la police administrative générale alors même qu’une police administrative spéciale est confiée à un autre acteur.
Il faut alors évoquer l’existence tout à fait limitée d’un concours entre polices administratives générale et spéciale (I), puis mettre en avant la reconnaissance d’une police spéciale et nationale en matière de réglementation des cultures d’OGM (II).
I - L'existence limitée du concours entre polices administratives générale et spéciale
La jurisprudence administrative démontre un refus généralement constant du juge administratif à autoriser l’existence d’un tel concours (A), même s’il en valide marginalement l’existence dans de rares cas (B).
A - Concours des polices administratives : un refus prépondérant du juge administratif
D’une manière générale, le Pr. Jacqueline Morand-Deviller rappelle que « chaque police doit être exercée selon la finalité et les procédures qui lui sont propres. Aucune substitution n’est possible et les polices ne doivent pas empiéter l’une sur l’autre » (J. Morand-Deviller, Droit administratif, LGDJ, 2013, p. 543).
Depuis la loi du 5 avril 1884 relative à l’organisation municipale, la police administrative générale sur le territoire d’une commune appartient à son premier magistrat. Dorénavant, c’est l’article L. 2212-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) qui précise que « le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale ».
L’article L. 2212-2 du CGCT apporte des précisions supplémentaires sur les contours de cette police administrative générale : « La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ». En l’espèce, le maire de la commune de Valence mettait en avant un risque pour la salubrité publique.
Cependant, cette police administrative générale dont le maire a la charge, ne s’applique pas dés lors que la loi fait apparaître l’existence d’une police spéciale pour la matière concernée. Le Préfet du département exerce, par exemple, la police spéciale de la pêche et de la chasse, tandis que le Ministre des transports exerce celle des aéroports. Le président du Conseil départemental exerce quant à lui la police de la circulation et de la protection du domaine sur les routes départementales en dehors des agglomération (JO Sénat du 30/11/1995 - page 2261).
Il existe une multiplication non-négligeable de ces polices spéciales, créées pour répondre à des besoins plus particuliers. Elles répondront à des problématiques nouvelles, en s’appliquant à certains administrés, à certains lieux, à certains bâtiments ou à des activités très spécifiques. Le concours, c’est-à-dire la coexistence concrète, entre police administrative générale et police spéciale n’est généralement pas autorisé par le juge administratif.
Ce dernier s’était déjà prononcé en ce sens concernant la police des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) où le Préfet de département demeure seul compétent (CE, 29 septembre 2003, Houillères du Bassin de Lorraine). Le Conseil d’Etat confirme ce raisonnement dans son arrêt à l’encontre de la commune de Valence, considérant que le maire n’avait pas à intervenir puisqu’une police spéciale réglementait cette fois-ci la dissémination des OGM.
Certains critères sont dégagés de façon marginale par le juge administratif, qui accepte parfois l’existence du concours entre polices administratives générale et spéciale.
B - Une validité du concours marginalement retenue par la jurisprudence
Il reste quelques cas pour lesquels le juge administratif accepte malgré tout l’intervention du maire, au nom de ses pouvoirs de police générale, dans le champ de compétences d’une police spéciale. Cependant, des circonstances locales particulières, justifiant cette intervention qui demeure tout à fait exceptionnelle, doivent être mises en avant.
C’est le cas, même si l’hypothèse reste assez marginale, de l’intervention du maire au titre de ses pouvoirs de police générale dans le champ de compétences de la police spéciale des cinémas. Ainsi, le maire de Lisieux a légalement interdit le film « Les liaisons dangereuses » dans cette ville connue pour être un lieu de pèlerinage (TA Caen, 20 décembre 1960, Scté Les Films Marceau).
En effet, le Conseil d’Etat va même plus loin en confirmant, par exemple, la légalité de l’intervention du maire qui édicte un arrêté municipal sur l’usage d’engins bruyants (perceuses, tronçonneuses, tondeuses…) sur le territoire de sa commune en fixant des horaires particuliers à respecter, alors même qu’il s’agit d’un pouvoir détenu par le Préfet du département. Il faut cependant apporter quelques précisions : le décret de 1988 qui confie ce pouvoir au Préfet ne mentionne pas d’exclusivité en la matière. Pour la haute-juridiction, « ni l’intervention de ce décret, ni l’existence des pouvoirs de police spéciale (…) ne faisaient obstacle à ce que celui-ci [le maire] usât des pouvoirs de police générale » (CE, 2 juillet 1997, Bricq, n° 161369, Rec.).
Aussi, à défaut d’intervenir, le maire a toujours la possibilité d’alerter le représentant de l’Etat ou le Ministre en charge, selon les cas, de cette police administrative spéciale.
Pour la réglementation des OGM, le juge administratif met clairement en avant l’existence d’une police administrative exclusive, spéciale et nationale.
II - La réglementation des OGM : une police administrative spéciale et nationale
Le Conseil d’Etat, comme dans d’autres domaines, confirme la compétence exclusive du Ministère de l’agriculture dans la réglementation des cultures OGM (A), écartant même l’hypothèse d’un péril imminent ou de circonstances locales particulières permettant au maire d’intervenir légalement (B).
A - Une compétence exclusive dévolue au Ministre de l'Agriculture
Le Conseil d’Etat marque clairement dans cet arrêt, la reconnaissance d’une exclusivité de la police spéciale des OGM. Il rappelle que « le législateur a organisé une police spéciale de la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés, confiée à l'Etat, dont l'objet est, conformément au droit de l'Union européenne, de prévenir les atteintes à l'environnement et à la santé publique pouvant résulter de l'introduction intentionnelle de tels organismes dans l’environnement (…) s'il appartient au maire, responsable de l'ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires (…), il ne saurait en aucun cas s'immiscer dans l'exercice de cette police spéciale par l'édiction d'une réglementation locale ».
En effet, l’article L. 533-3 du Code de l’environnement prévoit que « toute dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés à toute autre fin que la mise sur le marché, ou tout programme coordonné de telles disséminations, est subordonné à une autorisation préalable ». Cette autorisation est délivrée conformément au Code de l’environnement par l’autorité administrative en charge, à savoir le Ministère de l’agriculture, « après avis du du Haut Conseil des biotechnologies qui examine les risques que peut présenter la dissémination pour l'environnement et la santé publique » (art. L. 533-3-3).
La haute-juridiction confirme également ce qu’elle avait déjà prescrit concernant les antennes de téléphonie mobile. Ainsi, le maire « ne saurait sans porter atteinte aux pouvoirs de police spéciale conférés aux autorités de l’Etat, adopter sur le territoire de la commune une réglementation portant sur l’implantation des antennes relais de téléphonie mobile et destinée à protéger le public contre les effets des ondes émises par ces antennes » (CE Ass., 26 octobre 2011, Cne de Saint-Denis). Finalement, le juge administratif retient la nécessaire cohérence de certaines réglementations qui doivent être prises de manière globale au niveau national.
Le maire de Valence mettait également en avant le respect du principe de précaution garantie au sein du bloc de constitutionnalité par l’article 5 de la Charte de l’environnement. Pour le Conseil d’Etat, confirmant la solution posée par le CAA, « le principe de précaution, s'il s'impose à toute autorité publique dans ses domaines d'attribution, n'a ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d'excéder son champ de compétence ; qu'ainsi l'article 5 de la Charte de l'environnement ne saurait être regardé comme habilitant les maires à adopter une réglementation locale portant sur la culture de plantes génétiquement modifiées en plein champ et destinée à protéger les exploitations avoisinantes des effets d'une telle culture ; qu'il appartient aux seules autorités nationales auxquelles les dispositions précitées du code de l'environnement confient la police spéciale de la dissémination des organismes génétiquement modifiés de veiller au respect du principe de précaution ».
Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs rappelé, à plusieurs reprises, que le principe de précaution pouvait être invoqué par les autorités publiques sans que celles-ci n’excèdent leurs domaines respectifs d’attributions » (R. Denoix de Saint-Marc, « « Le principe de précaution devant le Conseil constitutionnel », Communication à l’Académie nationale de médecine, 25 novembre 2014).
En l’espèce, pour la réglementation des OGM, le Conseil d’Etat réduit à néant les possibilités du maire d’intervenir dans cette police spéciale.
B - Une intervention du maire circonscrite à l'existence d'un péril imminent : une possibilité écar-tée par le Conseil d'Etat
Comme nous avons pu le voir précédemment, la police spéciale des OGM - comme d’autres polices administratives spéciales - demeure exclusive. L’intervention du maire dans ce champ de compétences restait logiquement possible de manière ultime, uniquement lorsqu’un péril imminent, une urgence ou des circonstances locales particulières existaient. En l’espèce, c’est la notion de « péril imminent » qui est retenue par la CAA et qui aurait pu permettre au maire de prendre son arrêté dans la légalité la plus complète s’il avait pu prouver son existence dans la situation à laquelle il devait faire face. Une solution écartée purement et simplement par le Conseil d’Etat.
En effet, la juridiction d’appel, à savoir la CAA de Lyon précisait dans cette affaire que « le régime d'autorisation administrative de la dissémination volontaire d'un organisme génétiquement modifié, institué dans un but de police par l'article L. 533-3 du code de l'environnement, relève de la compétence exclusive du ministre chargé de l'environnement ou du ministre de l'agriculture, selon les cas ; que, dès lors, le maire ne peut s'immiscer dans l'exercice de cette police spéciale que dans l'hypothèse de péril imminent » (v. CAA Lyon, 30 juin 2010, req. n° 09LY01065).
Pour autant, ici, la commune de Valence n’arrivait pas à démontrer l’existence d’un tel critère qui rendrait son intervention légale. Ainsi, la CAA de Lyon démontrait également, que « le maire de Valence n'établit pas l'existence d'un risque de survenance d'un péril imminent, en se prévalant de circonstances locales particulières sur le territoire de la commune, caractérisées par un risque accru de dissémination et de pollinisation des cultures biologiques du fait des particularités géographiques de la zone et de la présence d'un fort vent, alors qu'aucune autorisation de culture d'organismes génétiquement modifiés n'a été octroyée, ni même sollicité (…) ». Dans de telles conditions, le maire de la commune ne pouvait pas légalement prendre cet arrêté.
Le Conseil d’Etat va, de son côté, écarter purement et simplement ce critère d’intervention du maire prévu par la jurisprudence et mis en avant par la juridiction d’appel. En effet, la haute-juridiction précise, comme nous l’avons évoqué précédemment, que le maire « ne saurait en aucun cas s'immiscer dans l'exercice de cette police spéciale ». Il ne retient donc pas la possibilité rappelée par la Cour administrative d’appel sur ce point, mais interdit en toute hypothèse l’intervention de l’autorité locale, au nom de ses pouvoirs de police générale, dans le champ de cette police nationale et spéciale des OGM. Plusieurs raisons lui permettent de motiver cette décision et de démontrer sa pertinence : si la police des OGM est nationale, le Ministère doit s’appuyer, pour édicter sa réglementation, sur « l'avis scientifique d'un organisme spécialisé », en prenant en compte toutes les spécificités locales qui pourraient exister sur le territoire concerné. Le Conseil d’Etat rappelle notamment la situation particulière en « présence d'exploitations d'agriculture biologique ».
CE, 24/09/2012, Commune de Valence
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 septembre et 6 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Valence, représentée par son maire ; la commune demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09LY01065 du 30 juin 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel dirigé contre le jugement n° 0900115 du 17 mars 2009 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté municipal du 28 août 2008 interdisant pour une durée de trois ans la culture de plantes génétiquement modifiées en plein champ dans certaines zones du plan d'occupation des sols de la commune ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule ;
Vu la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 93-1177 du 18 octobre 1993 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Gaschignard avocat de la commune de Valence ;
- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gaschignard avocat de la commune de Valence ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 23 août 2008, le maire de Valence, se fondant, notamment, sur le principe de précaution, a interdit en plusieurs parties du territoire de la commune la culture en plein champ de plantes génétiquement modifiées, à quelque fin que ce soit, pour une durée de trois ans ; que le préfet de la Drôme a déféré cet arrêté au tribunal administratif de Grenoble qui en a prononcé l'annulation par un jugement du 17 mars 2009 ; que la commune de Valence se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 juin 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel contre ce jugement ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-26 du code de justice administrative : " La chambre siège en formation de jugement sous la présidence de son président ou, en cas d'absence ou d'empêchement, d'un magistrat désigné à cet effet par le président de la cour et ayant au moins le grade de président. (...) " ; qu'aucune disposition n'imposait que l'arrêt attaqué, qui mentionne l'identité du magistrat sous la présidence duquel il a été rendu, précise que celui-ci avait été régulièrement désigné par le président de la cour pour siéger en cette qualité en cas d'absence ou empêchement du président de la 5e chambre ; que la mention figurant sur l'arrêt suffit à établir, en l'absence de tout commencement de preuve contraire, que le président de la chambre était absent ou empêché et que le magistrat mentionné avait été désigné pour le remplacer, conformément aux dispositions précitées ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la formation de jugement aurait été irrégulièrement composée doit être écarté ;
Sur la recevabilité du déféré préfectoral :
3. Considérant que la commune soutient pour la première fois devant le Conseil d'Etat que l'auteur du recours gracieux ayant précédé le déféré présenté au tribunal administratif de Grenoble l'a signé en qualité de préfet de la Drôme le 15 octobre 2008, alors qu'il avait été nommé préfet du Haut-Rhin par un décret du 9 octobre 2008 ; qu'elle en déduit que ce recours gracieux n'a pu interrompre le délai de recours contentieux et que ce délai était expiré lors de la saisine du tribunal administratif ; que, toutefois, il ne ressortait pas des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel que le recours gracieux eût émané d'une autorité incompétente, alors d'ailleurs que le décret de nomination invoqué ne devait prendre effet qu'à la date de l'installation de l'intéressé dans ses nouvelles fonctions ; qu'ainsi la commune n'est pas fondée à soutenir que la cour aurait dû relever d'office la tardiveté de la demande de première instance ;
Sur les pouvoirs du maire en matière de dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 533-3 du code de l'environnement, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Toute dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés à toute autre fin que la mise sur le marché, ou tout programme coordonné de telles disséminations, est subordonné à une autorisation préalable. / Cette autorisation est délivrée par l'autorité administrative après avis du Haut Conseil des biotechnologies qui examine les risques que peut présenter la dissémination pour l'environnement et la santé publique. Elle peut être assortie de prescriptions. Elle ne vaut que pour l'opération pour laquelle elle a été sollicitée (...) " ; qu'en vertu de l'article L. 533-3-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable, si des éléments d'information portés à la connaissance de l'autorité administrative font apparaître un risque pour l'environnement ou la santé publique, cette autorité les soumet pour évaluation à l'organisme précité et peut modifier, suspendre ou retirer l'autorisation ; qu'il résulte des dispositions combinées de l'article R. 533-1 du même code et de l'article 1er du décret du 18 octobre 1993 pris pour l'application, en matière de plantes, semences et plants, du titre III de la loi n° 92-654 du 13 juillet 1992 relative au contrôle de l'utilisation et de la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés que, lorsque les organismes génétiquement modifiés sont des plantes, semences ou plants, l'autorité administrative compétente est le ministre chargé de l'agriculture ; que ce dernier doit toutefois recueillir l'accord du ministre chargé de l'environnement ; que les articles R. 533-2 à R. 533-17 précisent les modalités de présentation et d'instruction de la demande d'autorisation, qui doit notamment être accompagnée d'un dossier technique comprenant les informations mentionnés aux annexes II et III de la directive du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement ; que figurent en particulier dans ce dossier " tous les éléments d'information permettant d'évaluer l'impact des essais sur la santé publique et sur l'environnement " ; que ces mêmes articles énoncent les conditions de délivrance et de mise en oeuvre de l'autorisation ainsi que les modalités d'information de la Commission européenne et du public ; qu'en application de l'article 2 du décret du 18 octobre 1993, les maires des communes dans lesquelles la dissémination est envisagée sont destinataires du dossier technique accompagnant la demande d'autorisation et peuvent organiser ou demander au préfet d'organiser des réunions d'information auxquelles participe le demandeur ou son représentant ;
5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a organisé une police spéciale de la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés, confiée à l'Etat, dont l'objet est, conformément au droit de l'Union européenne, de prévenir les atteintes à l'environnement et à la santé publique pouvant résulter de l'introduction intentionnelle de tels organismes dans l'environnement ; que les autorités nationales ayant en charge cette police ont pour mission d'apprécier, au cas par cas, éclairées par l'avis scientifique d'un organisme spécialisé et après avoir procédé à une analyse approfondie qui doit prendre en compte les spécificités locales, y compris la présence d'exploitations d'agriculture biologique, s'il y a lieu d'autoriser la dissémination d'organismes génétiquement modifiés par leur culture en plein champ ; que, s'il appartient au maire, responsable de l'ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, il ne saurait en aucun cas s'immiscer dans l'exercice de cette police spéciale par l'édiction d'une réglementation locale ; que ce motif doit être substitué aux motifs de l'arrêt attaqué, dont il justifie sur ce point le dispositif ;
6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 5 de la Charte de l'environnement, à laquelle le Préambule de la Constitution fait référence : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage " ; qu'il résulte de ces dispositions que le principe de précaution, s'il s'impose à toute autorité publique dans ses domaines d'attribution, n'a ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d'excéder son champ de compétence ; qu'ainsi l'article 5 de la Charte de l'environnement ne saurait être regardé comme habilitant les maires à adopter une réglementation locale portant sur la culture de plantes génétiquement modifiées en plein champ et destinée à protéger les exploitations avoisinantes des effets d'une telle culture ; qu'il appartient aux seules autorités nationales auxquelles les dispositions précitées du code de l'environnement confient la police spéciale de la dissémination des organismes génétiquement modifiés de veiller au respect du principe de précaution, que la réglementation prévue par le code de l'environnement a précisément pour objet de garantir, conformément à l'objectif fixé par l'article 1er de la directive du 12 mars 2001 qu'elle a pour objet de transposer ; qu'il suit de là qu'en jugeant que la compétence du maire pour adopter l'arrêté attaqué au titre de ses pouvoirs de police générale ne pouvait être justifiée par le principe de précaution, la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas commis d'erreur de droit ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi formé par la commune de Valence doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le pourvoi de la commune de Valence est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Valence, à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
