Introduction
Le droit est un réseau complexe où s’enchevêtrent des normes et des compétences. Des conflits peuvent apparaître lorsqu’une même situation peut être régie soit par des règles distinctes, soit par deux autorités différentes. C’est la seconde hypothèse qui est en cause dans l’affaire Commune de Saint- Denis où deux polices administratives sont à mêmes d’intervenir.
En l’espèce, le maire Saint-Denis a, par un arrêté du 14/09/2006, interdit l'installation des antennes de téléphonie mobile dans un rayon de 100 mètres autour des crèches, des établissements scolaires ou recevant un public mineur et des résidences de personnes âgées. Les sociétés Bouygues Télécom, Orange France et SFR ont saisi le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise afin de faire annuler cet arrêté. Celui-ci a, le 31/05/2007, fait droit à leur demande. La commune de Saint-Denis a, alors, fait appel devant la Cour administrative d’appel de Versailles qui a, le 15/01/2009, confirmé la solution des juges de première instance. La commune se pourvoit donc en cassation devant le Conseil d’Etat : celui-ci confirme l’illégalité de l’arrêté du maire par un arrêt d’assemblée du 26/10/2011.
Les faits de l’affaire mettaient donc en cause deux polices administratives : la police administrative générale du maire et la police administrative spéciale des communications électroniques chargée, notamment, de règlementer l’implantation des antennes de téléphonie mobile. La question posée était, alors, de savoir si la première pouvait légalement intervenir dans le domaine réservé à la seconde. Autrement dit, le concours de polices administratives était-il autorisé ? Le Conseil d’Etat répondit à cette question par la négative. Il fonda sa position sur sa jurisprudence classique en matière de concours entre une police administrative générale et une police administrative spéciale et maintenu cette solution malgré l’invocation du principe constitutionnel de précaution.
Il convient donc d’étudier, dans une première partie, les deux autorités de police administrative concernées par cette affaire (I) et d’analyser, dans une seconde partie, l’interdiction du concours de polices administratives décidée par le Conseil d’Etat (II).
I – Deux autorités de police administrative intéressées
La réglementation de l’implantation des antennes de téléphonie mobile est confiée par le législateur à la police administrative spéciale des communications électroniques (A). En l’espèce, le maire de Saint-Denis s’est, cependant, estimé habilité à intervenir en faisant usage de ses pouvoirs de police administrative générale (B).
A – La police administrative spéciale des communications électroniques
Le Conseil d’Etat constate, en l’espèce, que le Code des postes et des communications électroniques a créé une police administrative spéciale des communications électroniques confiée à l’Etat.
Les polices administratives spéciales se distinguent de la police administrative générale par la particularité de l’objet qu’il s’agit de sauvegarder : elles s’appliquent, ainsi, à certaines catégories d’administrés (étrangers, nomades), à certaines activités (jeux, chasse, pêche, …) ou à certains lieux ou bâtiments (gares, aérodromes, édifices menaçant ruine, …). Elles ont tendance à se multiplier ces dernières décennies du fait de l’apparition de besoins spécifiques nouveaux. Leur raison d’être est, alors, d’offrir aux autorités des outils juridiques toujours plus adaptés aux désordres contemporains. De tels pouvoirs peuvent être détenus tant par des autorités déjà détentrices d’un pouvoir de police administrative générale (comme le maire qui est, à la fois, autorité de police administrative générale dans sa commune et autorité de police administrative spéciale des spectacles) que par des autorités vierges de tout pouvoir de cette nature (par exemple, le ministre des transports exerce la police des chemins de fer).
En l’espèce, la police administrative spéciale des communications électroniques est confiée au ministre chargé des communications électroniques, à l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) et à l’ANFR (Agence nationale des fréquences). Ces autorités doivent veiller au respect de l'ordre public par les exploitants de réseaux de communications électroniques et à la gestion efficace des fréquences radioélectriques. Elles doivent, à ce titre, s’assurer que l’implantation des antennes de téléphonie mobile respecte les valeurs limites d'exposition du public aux champs électromagnétiques.
Ces règles n’ont pas paru suffisantes au maire de Saint-Denis qui a décidé d’user de ses pouvoirs de police administrative générale pour interdire l’installation desdites antennes dans certaines zones de sa ville.
B – La police administrative générale du maire
En dehors des communes à police d’Etat et du cas particulier de la ville de Paris pour lesquels s’appliquent des dispositions spécifiques, le pouvoir de police administrative générale appartient, au niveau communal, au maire. Il l’exerce au nom de la commune, mais en dehors du conseil municipal.
A ce titre, le maire a en charge la préservation de l’ordre public qui correspond à la trilogie sécurité, tranquillité et salubrité publiques codifiée à l’article L 2212-2 du Code général des collectivités territoriales. Sur cette base, un maire peut interdire une réunion publique susceptible de causer des manifestations violentes, réglementer la circulation sur les routes communales, ainsi que sur les routes départementales et nationales à l’intérieur des agglomérations ou, encore, assurer la police des baignades et des bruits de voisinage. Les mêmes pouvoirs appartiennent au niveau national au Premier ministre (CE, ass., 13/05/1960, SARL Restaurant Nicolas). Sur le plan départemental, les compétences sont partagées entre le préfet et le Président du conseil départemental.
Dans l’affaire Commune de Saint-Denis, c’est en faisant usage de ces pouvoirs que le maire de ladite ville a, par un arrêté du 14/09/2006, interdit l'installation des antennes de téléphonie mobile dans un rayon de 100 mètres autour des crèches, des établissements scolaires ou recevant un public mineur et des résidences de personnes âgées situés dans sa commune. Bien que le Conseil d’Etat ne précise pas la composante de l’ordre public que l’édile visait à préserver, il semble, au vu de la matière concernée, qu’il s’agisse de la salubrité publique.
La question posée était, alors, de savoir si le maire de Saint-Denis pouvait légalement réglementer l’implantation des antennes de téléphonie mobile dans sa commune, alors que cette question était confiée par le législateur à une police administrative spéciale. C’est cette interrogation que lève le Conseil d’Etat en l’espèce.
II – Un concours de polices administratives interdit
Le Conseil d’Etat interdit, en l’espèce, le concours de polices entre le maire de Saint-Denis et la police administrative spéciale des communications électroniques. Cette interdiction repose sur deux fondements : la jurisprudence classique sur les concours de polices administratives (A) et le principe de précaution (B).
A – La police des communications électroniques : une police exclusive
La solution que consacre le Conseil d’Etat en l’espèce s’inscrit dans le droit fil d’une jurisprudence qui n’admet que rarement les concours entre une police administrative générale et une police administrative spéciale. Si le concours est largement admis entre deux autorités de police administrative générale (CE, 18/04/1902, Commune de Néris-les-Bains ; confirmé par : CE, 8/08/1919, Labonne), le juge se montre, au contraire, beaucoup plus prudent dans l’hypothèse qui nous occupe. Beaucoup d’arrêts attestent, en effet, de l’exclusivité des polices administratives spéciales et donc de l’impossibilité pour une autorité de police administrative générale d’intervenir dans les matières que la loi leurs réserve.
L’on trouve, cependant, des exceptions à cette tendance : l’exemple le plus célèbre reste la possibilité pour un maire d’interdire, sur le territoire de sa commune, la diffusion d’un film auquel le ministre de la culture a, pourtant, délivré un visa d’exploitation, dès lors d’une part qu’existent des circonstances locales particulières et d’autre part que la mesure prise par le maire est plus sévère que celle adoptée par le ministre de la culture (CE, sect., 18/12/1959, So. Les Films Lutétia).
En l’espèce, c’est la solution classique qu’adopte le juge administratif suprême. Trois critères semblent avoir été retenus pour conclure à l’exclusivité de la police administrative spéciale des communications électroniques.
Le premier concerne le degré d’emprise de la police spéciale sur l’activité en cause : il s’agit, ici, de déterminer si les textes institutifs ont entendu conférer à la police spéciale un quasi-monopole. Au cas particulier, la police administrative spéciale des communications électroniques est appréhendée par le législateur dans son intégralité, c’est-à-dire tant au point de vue des modalités d'implantation des stations radioélectriques que des mesures de protection du public contre les effets des ondes qu'elles émettent.
Le second est relatif à l’horizon d’intervention de la police : s’agit-il d’une police exercée au niveau national ou sur le plan local ? En l’espèce, la police spéciale en cause s’exerce au niveau national. Elle vise, en effet, à assurer sur l’ensemble du territoire national « un niveau élevé et uniforme de protection de la santé publique contre les effets des ondes électromagnétiques », ainsi qu’un « fonctionnement optimal de ces réseaux [les réseaux de communications électroniques] notamment par une couverture complète de ce territoire ».
Le troisième et dernier critère a trait à la nécessité pour l’exercice de la police administrative spéciale de procéder à des expertises d’ordre technique ou scientifique. La question est, alors, de déterminer si l’autorité de police administrative locale est à même de procéder à de telles expertises. En l’espèce, le juge administratif note que la régulation des communications électroniques repose sur un niveau d'expertise élevé et peut être assortie de garanties que ne peuvent mettre en œuvre les autorités locales.
Le Conseil d’Etat conclue, alors, à l’exclusivité de la police administrative spéciale des communications électroniques et à l’impossibilité pour le maire de Saint-Denis d’intervenir en la matière. Il décide, ainsi, que si le maire doit être informé de l’état des installations radioélectriques exploitées sur le territoire de sa commune, il « ne saurait, sans porter atteinte aux pouvoirs de police spéciale conférés aux autorités de l'Etat, adopter sur le territoire de la commune une réglementation portant sur l'implantation des antennes relais de téléphonie mobile et destinée à protéger le public contre les effets des ondes émises par ces antennes ».
L’interdiction du concours de polices administratives est également maintenue malgré l’invocation par le maire de Saint-Denis du principe constitutionnel de précaution.
B – Une interdiction confirmée malgré l'invocation du principe de précaution
Le maire de Saint-Denis invoquait, en l’espèce, comme second fondement à son arrêté, le principe de précaution. Ce principe est inscrit à l’article 5 de la Charte de l’environnement introduite dans le Préambule de la Constitution de 1958 par la loi constitutionnelle du 01/03/2005 et dont la valeur constitutionnelle a été reconnue par le Conseil d’Etat en 2008 (CE, ass., 03/10/2008, Commune d’Annecy). Ce principe prévoit : « lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ». Le maire de Saint-Denis s’est, alors, estimé habilité à règlementer l’implantation des antennes de téléphonie mobile au motif que les valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques fixées au niveau national ne prenaient pas suffisamment en compte les exigences posées par ledit principe.
Pour le Conseil d’Etat, au contraire, si le principe de précaution s’applique à toutes les autorités, ce n’est que dans leurs domaines respectifs de compétences. En d’autres termes, pour la Haute juridiction, ce principe « ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d'excéder son champ de compétence et d'intervenir en dehors de ses domaines d'attributions ». Ainsi, le principe de précaution ne pouvait permettre au maire de Saint-Denis d’empiéter sur les compétences réservées à la police administrative spéciale des communications électroniques
Cette solution sera appliquée un an plus tard à une affaire portant sur les OGM (organismes génétiquement modifiés). Le Conseil d’Etat y jugera, en effet, de la même façon, qu’un maire, autorité de police administrative générale dans sa commune, ne peut empiéter sur le domaine réservé par la loi à la police administrative spéciale des OGM (CE, 24/09/2012, Commune de Valence). Avec cette solution, la Haute juridiction uniformise le régime applicable aux polices administratives spéciales dont la mise en œuvre repose sur un niveau d’expertise que ne sauraient détenir les autorités locales.
CE, ass., 26/10/2011, Commune de Saint-Denis
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mars 2009 et 26 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE SAINT-DENIS, représentée par son maire ; la COMMUNE DE SAINT-DENIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 07VE01770 - 07VE01773 - 07VE01776 du 15 janvier 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté ses requêtes tendant à l'annulation des jugements n° 0611566 - 0611690 - 0611695 du 31 mai 2007 par lesquels le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, statuant sur la demande de la société Bouygues Telecom, de la société Orange France et de la Société française de radiotéléphone (SFR), annulé l'arrêté municipal du 14 septembre 2006 interdisant l'installation des antennes de téléphonie mobile dans un rayon de 100 mètres autour des crèches, des établissements scolaires ou recevant un public mineur et des résidences de personnes âgées ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses requêtes d'appel ;
3°) de mettre à la charge des sociétés Orange France, Bouygues Telecom et SFR le versement de la somme de 2 000 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution et notamment la Charte de l'environnement à laquelle renvoie son Préambule ;
Vu la recommandation n° 1999/519/CE du 12 juillet 1999 du Conseil de l'Union européenne ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des postes et des communications électroniques ;
Vu le décret n° 2002-775 du 3 mai 2002 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Constance Rivière, Maître des Requêtes-rapporteur ;
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la COMMUNE DE SAINT-DENIS, de la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de la société Orange France, de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la société Bouygues Telecom et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Société française du radiotéléphone ;
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la COMMUNE DE SAINT-DENIS, à la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de la société Orange France, à la SCP Peignot, Garreau, avocat de la société Bouygues Telecom et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Société française du radiotéléphone ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le maire de la commune de Saint-Denis, se fondant notamment sur le principe de précaution, a, par arrêté en date du 14 septembre 2006, interdit sur le territoire de la commune l'installation d'antennes de téléphonie mobile dans un rayon de 100 mètres autour des crèches, des établissements scolaires ou recevant un public mineur et des résidences de personnes âgées, de manière temporaire, jusqu'à la mise en place d'une charte entre les opérateurs de réseaux de communications électroniques et la communauté de communes de la Plaine Commune ; que, sur recours des sociétés Orange France, Bouygues Telecom et SFR, cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 31 mai 2007, confirmé le 15 janvier 2009 par un arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles ; que la COMMUNE DE SAINT-DENIS se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu du I de l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, les activités de communications électroniques, si elles s'exercent librement, doivent respecter les autorisations prévues au titre II de ce code (" Ressources et police "), notamment celles relatives à l'utilisation des fréquences radioélectriques et l'implantation des stations radioélectriques de toute nature ; qu'en vertu du II de ce même article, le ministre chargé des communications électroniques et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) veillent notamment, dans le cadre de leurs attributions respectives, au respect de l'ordre public par les exploitants de réseaux de communications électroniques ainsi qu'à la gestion efficace des fréquences radioélectriques ; qu'en vertu de l'article L. 42-1 du même code, les autorisations d'utilisation des fréquences radioélectriques attribuées par l'ARCEP précisent les conditions techniques nécessaires " pour limiter l'exposition du public aux champs électromagnétiques " ; que l'article L. 43 du code donne mission à l'Agence nationale des fréquences (ANFR), établissement public administratif de l'Etat, notamment de coordonner " l'implantation sur le territoire national des stations radioélectriques de toute nature ", en autorisant ces implantations, et de veiller " au respect des valeurs limites d'exposition du public aux champs électromagnétiques " définies, en application de l'article L. 34-9-1 du même code, par le décret n° 2002-775 du 3 mai 2002, qui a repris les valeurs limites fixées par la recommandation du 12 juillet 1999 du Conseil de l'Union européenne relative à la limitation de l'exposition du public aux champs électromagnétiques (de 0 Hz à 300 Ghz) ; que ce décret impose à tout exploitant d'un réseau de communications électroniques de s'assurer que le niveau d'exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les équipements et installations de son réseau respecte les valeurs limites définies en annexe ; qu'en particulier, il résulte de l'article 5 de ce décret que tout exploitant doit justifier, sur demande de l'ARCEP ou de l'ANFR, des actions engagées pour s'assurer, au sein des établissements scolaires, des crèches ou des établissements de soins situés dans un rayon de cent mètres à partir de l'équipement ou de l'installation, que l'exposition du public aux champs électromagnétiques est aussi faible que possible, tout en préservant la qualité du service rendu ; qu'en application des articles R. 20-44-10 et suivants du code, l'ANFR peut diligenter des vérifications sur place effectuées par des organismes répondant à des exigences de qualités fixées par décret et selon un protocole de mesure déterminé par arrêté ministériel ; qu'enfin, en vertu de l'article L. 96-1 du code, l'exploitant d'une installation radioélectrique sur le territoire d'une commune est tenu de transmettre au maire " sur sa demande, un dossier établissant l'état des lieux de cette ou de ces installations " ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a organisé une police spéciale des communications électroniques confiée à l'Etat ; qu'afin d'assurer, sur l'ensemble du territoire national et conformément au droit de l'Union européenne, d'une part, un niveau élevé et uniforme de protection de la santé publique contre les effets des ondes électromagnétiques émises par les réseaux de communications électroniques, qui sont identiques sur tout le territoire, d'autre part, un fonctionnement optimal de ces réseaux notamment par une couverture complète de ce territoire, le législateur a confié aux seules autorités qu'il a désignées, c'est-à-dire au ministre chargé des communications électroniques, à l'ARCEP et à l'ANFR, le soin de déterminer, de manière complète, les modalités d'implantation des stations radioélectriques sur l'ensemble du territoire ainsi que les mesures de protection du public contre les effets des ondes qu'elles émettent ; que les pouvoirs de police spéciale ainsi attribués aux autorités nationales, qui reposent sur un niveau d'expertise et peuvent être assortis de garanties indisponibles au plan local, sont conférés à chacune de ces autorités, notamment pour veiller, dans le cadre de leurs compétences respectives, à la limitation de l'exposition du public aux champs électromagnétiques et à la protection de la santé publique ; que, dans ces conditions, si le législateur a prévu par ailleurs que le maire serait informé à sa demande de l'état des installations radioélectriques exploitées sur le territoire de la commune et si les articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales habilitent le maire à prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, celui-ci ne saurait, sans porter atteinte aux pouvoirs de police spéciale conférés aux autorités de l'Etat, adopter sur le territoire de la commune une réglementation portant sur l'implantation des antennes relais de téléphonie mobile et destinée à protéger le public contre les effets des ondes émises par ces antennes ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 5 de la Charte de l'environnement, à laquelle le Préambule de la Constitution fait référence en vertu de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005 : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage " ; qu'il résulte de ces dispositions que le principe de précaution, s'il est applicable à toute autorité publique dans ses domaines d'attributions, ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d'excéder son champ de compétence et d'intervenir en dehors de ses domaines d'attributions ; que, par conséquent, la circonstance que les valeurs limites d'exposition du public aux champs électromagnétiques fixées au niveau national ne prendraient pas suffisamment en compte les exigences posées par le principe de précaution n'habilite pas davantage les maires à adopter une réglementation locale portant sur l'implantation des antennes relais de téléphonie mobile et destinée à protéger le public contre les effets des ondes émises par ces antennes ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en ne relevant pas l'incompétence du maire pour adopter, au titre de ses pouvoirs de police générale, y compris en se fondant sur le principe de précaution, un arrêté portant sur l'implantation des antennes relais de téléphonie mobile dans la commune et destiné à protéger le public contre les effets des ondes émises par ces antennes, la cour administrative d'appel de Versailles a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'arrêt attaqué doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le maire ne peut, ni au titre de ses pouvoirs de police générale ni en se fondant sur le principe de précaution, adopter une réglementation portant sur l'implantation des antennes relais de téléphonie mobile et destinée à protéger le public contre les effets des ondes émises par ces antennes ; que le maire de la COMMUNE DE SAINT-DENIS ne pouvait, par conséquent, pas légalement édicter une telle réglementation sur le territoire de la commune ;
Considérant que, compte-tenu de ce qui précède, la négociation en cours d'une charte entre la communauté de communes de la Plaine Commune et les opérateurs de téléphonie mobile ne pouvait pas non plus être utilement invoquée par le maire de la COMMUNE DE SAINT-DENIS pour justifier l'adoption de l'arrêté attaqué ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE SAINT-DENIS n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté en date du 14 septembre 2006 ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des sociétés Orange France, Bouygues Telecom et SFR, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la COMMUNE DE SAINT-DENIS et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la COMMUNE DE SAINT-DENIS le versement à la société Bouygues Telecom et à la société Orange France de la même somme de 4 000 euros chacune au titre des frais exposés devant le Conseil d'Etat et devant la cour administrative d'appel de Versailles et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'arrêt du 15 janvier 2009 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : Les requêtes de la COMMUNE DE SAINT-DENIS devant la cour administrative d'appel de Versailles ainsi que le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés.
Article 3 : La COMMUNE DE SAINT-DENIS versera à la société Orange France et à la société Bouygues Telecom la même somme de 4 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE SAINT-DENIS, à la Société française du radiotéléphone, à la société Orange France et à la société Bouygues Telecom.
Une copie en sera adressée au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
