Introduction
Pour déterminer l’Etat dans lequel un contribuable doit être imposé, il y a lieu de faire application des règles nationales de chaque Etat. Cependant, lorsqu’au vu de ces règles, deux Etats revendiquent l’imposition d’un même contribuable, le conflit d’imposition doit être tranché sur la base de la convention fiscale liant ces deux Etats.
Sur le plan interne, l’étendue des obligations fiscales d’un contribuable varie selon que celui-ci a ou non son domicile fiscal en France. Si tel est le cas, il est imposé sur l’ensemble de ses revenus, qu’ils soient de source française ou étrangère. Dans le cas contraire, il n’est imposé que sur ses seuls revenus de source française.
S’il apparaît, néanmoins, que le contribuable peut également être imposé dans un autre Etat, il convient de faire appel à la convention fiscale qui lie les deux Etats pour déterminer le pays dans lequel le contribuable doit être regardé comme résident et doit, donc, être imposé. Il y a lieu aussi de retenir cette convention pour faire application des dispositions permettant d’éviter les doubles impositions.
Il convient, alors, d’étudier, dans une première partie, les règles de droit interne relatives à la territorialité de l’impôt sur le revenu (I) et d’analyser, dans une seconde partie, les règles conventionnelles applicables en la matière (II).
I - Territorialité et règles internes
L’étendue des obligations fiscales des personnes physiques au regard de l’impôt sur le revenu (B) varie selon qu’elles ont ou non leur domicile fiscal en France (A). La nationalité du contribuable est sans incidence.
Le territoire français englobe la France continentale, les îles du littoral, la Corse et les départements d’outre-mer (sous réserve de dispositions particulières pour ces derniers). En revanche, il n’inclut pas les collectivités territoriales d’outre-mer (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, …).
A – La définition du domicile fiscal
Une personne est considérée comme ayant son domicile fiscal en France lorsqu’elle se trouve dans l’un des quatre cas qui suivent. Il suffit que l’un de ces critères soit rempli pour la domiciliation fiscale en France soit établie.
a / La personne a son foyer en France (1° critère personnel) : le foyer s’entend du lieu où la personne ou sa famille (conjoint et enfants mineurs seulement) habite normalement, c’est-à-dire du lieu de la résidence habituelle ; peu importe que la personne effectue des séjours temporairement ailleurs du fait des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles.
b / La personne a son lieu de séjour principal en France (2° critère personnel) : tel est le cas de la personne qui a séjourné en France plus de 183 jours au cours d’une même année ; il n’est retenu que le lieu de séjour de la personne elle-même, sans s’attacher au lieu de séjour de sa famille ; ce critère ne s’applique que dans l’hypothèse où le contribuable ne dispose pas de foyer en France.
c / La personne exerce une activité professionnelle en France (critère professionnel) : ce critère s’applique aux personnes qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou indépendante ; cette activité doit être exercée à titre principal : l’activité doit, ainsi, être celle à laquelle le contribuable consacre le plus de temps ou, si cette condition ne peut être appréciée, celle qui procure au contribuable la plus grande partie de ses revenus mondiaux.
d / La personne a le centre de ses intérêts économiques en France (critère économique) : il s’agit du lieu où l’intéressé a effectué ses principaux investissements, où il possède le siège de ses affaires, d’où il administre ses biens, où il a le centre de ses activités professionnelles ou d’où il tire la majeure partie de ses revenus.
B - L'étendue des obligations fiscales
L’étendue des obligations fiscales d’un contribuable varie selon que celui-ci a son domicile fiscal en France (1) ou non (2). L’hypothèse des couples « mixtes » devra, également, être évoquée (3).
1 - Le contribuable a son domicile fiscal en France
Les personnes dont le domicile fiscal est situé en France sont passibles de l’impôt sur le revenu français à raison de l’ensemble de leurs revenus, qu’ils soient de source française ou de source étrangère. Ils sont donc astreints à une obligation fiscale illimitée.
2 - Le contribuable a son domicile fiscal hors de France
Lorsque le contribuable n’a pas son domicile fiscal en France, celui-ci n’est soumis qu’à une obligation fiscale limitée : elle ne concerne, en effet, que les seuls revenus de source française.
Il y a, alors, lieu de déterminer les revenus considérés comme des revenus de source française, la base d’imposition, ainsi que les modalités de calcul de l’impôt en pareille hypothèse.
a / Les revenus de source française regroupent :
- les revenus provenant de biens, de droits ou d’activités localisés en France : revenus d’immeubles sis en France, revenus de valeurs mobilières françaises à revenu variable et de tous autres capitaux mobiliers placés en France, revenus d’exploitations agricoles, industrielles, commerciales ou artisanales sises en France, revenus d’activités professionnelles salariées ou non exercées en France, …
- et, les revenus versés par un débiteur domicilié ou établi en France : pensions et rentes viagères, produits perçus par les inventeurs ou au titre de droits d’auteur ainsi que tous les produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale et de droits assimilés, …
b / Détermination de la base d’imposition :
- elle est constituée par les seuls revenus de source française, à l’exclusion de ceux pour lesquels le droit d’imposer est retiré à la France par une convention internationale ou qui ont fait l’objet d’un prélèvement libératoire de l’impôt sur le revenu,
- elle est calculée selon les règles applicables aux revenus de même nature perçus par les personnes domiciliées en France,
- en revanche, pour tenir compte du fait que les revenus taxés en France ne représentent qu’une partie de ceux dont ils disposent, les contribuables domiciliés hors de France ne peuvent, sauf exception, opérer de déduction au titre des charges du revenu global, ni bénéficier de réductions et crédits d’impôt (toutefois les contribuables non-résidents sont assimilés à des personnes fiscalement domiciliées en France, au sens du droit interne - même s’ils restent soumis à une obligation fiscale limitée, au sens des conventions internationales - lorsqu’ils tirent de la France l’essentiel de leurs revenus imposables (“Non-résident Schumacker”) ; ils peuvent, alors, bénéficier des réductions et crédits d’impôts qui sont en principe réservés aux personnes fiscalement domiciliées en France).
c / Calcul de l’impôt :
- l’impôt sur le revenu est calculé en appliquant à la base d’imposition le barème progressif et le système du quotient familial,
- cependant, l’impôt ainsi calculé ne peut pas être inférieur à 20 % de la fraction du revenu imposable inférieure ou égale à la limite supérieure de la 2° tranche du barème de l’impôt sur le revenu (28 797 € pour les revenus de 2023) et à 30 % de la fraction supérieure à cette limite ; cette imposition minimale n’est, toutefois, pas applicable si le contribuable justifie qu’elle est supérieure à l’imposition calculée en appliquant à ses revenus de source française le taux moyen qui résulterait de la taxation en France de l’ensemble de ses revenus de sources française et étrangère (en pareil cas, c’est l’imposition ainsi calculée qui est exigible).
Remarque : l’impôt sur le revenu dû par les personnes non domiciliées en France est établi et recouvré par voie de rôle ; toutefois, en vue de prémunir l’administration fiscale contre le risque de non-recouvrement, certains revenus de source française perçus par les non-domiciliés donnent lieu, lors de leur réalisation ou de leur versement, à une retenue ou un prélèvement à la source (libératoire ou non) : traitements, salaires, pensions et rentes viagères, revenus de capitaux mobiliers, plus-values de cession de droits sociaux, certains revenus non salariaux, …
3 - L’hypothèse des couples « mixtes »
Dans le cas des contribuables mariés ou pacsés, si l’un des époux ou partenaires seulement répond aux critères de domiciliation en France, l’obligation fiscale du couple porte sur l’ensemble des revenus de l’époux ou du partenaire domicilié en France et sur les seuls revenus de source française de l’autre époux ou partenaire.
II - Territorialité et règles conventionnelles
Les conventions fiscales internationales conclues par la France avec d’autres Etats ont pour but d’éviter les doubles impositions et de favoriser l’assistance administrative internationale. Elles sont, toutes, construites autour de la notion de résident qui permet de déterminer l’Etat dans lequel le contribuable doit être imposé (A) et emportent diverses conséquences (B).
A - La notion conventionnelle de résident
La résidence fiscale d’un contribuable est déterminée par application de quatre critères qui doivent être appréciés dans un ordre successif.
a / Le premier concerne le foyer d’habitation permanent : l’intéressé est considéré comme résident de l’Etat dans lequel il dispose d’un logement de manière permanente et durable.
b / Le deuxième fait référence au centre des intérêts vitaux : le contribuable a sa résidence fiscale dans l’Etat avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits, qu’il s’agisse des relations familiales et sociales, des activités politiques ou culturelles ou du siège de ses affaires.
c / Le troisième est relatif au lieu de séjour habituel : il est tenu compte des séjours du contribuable dans son foyer d’habitation, mais aussi à tout autre endroit dans l’Etat.
d / Le quatrième est la nationalité : si les trois critères précédents n’ont pas permis de résoudre le conflit d’imposition, la préférence sera donnée à l’Etat dont l’intéressé a la nationalité.
Remarque : si, au terme de ce processus, il apparaît que le contribuable possède la nationalité des deux Etats, il y a lieu pour les autorités compétentes de trancher la question d’un commun accord.
B - Les incidences des conventions fiscales
L’analyse de la situation fiscale d’un contribuable doit toujours débuter par l’application des règles de droit interne. Mais, s’il existe un conflit entre ces règles et le droit conventionnel, ce sont les règles conventionnelles qui s’appliquent en vertu de l’article 55 de la Constitution française qui reconnaît aux conventions internationales une autorité supérieur à celle des lois. En d’autres termes, ces conventions aboutissent à écarter l’application des règles nationales.
Différentes conséquences en découlent.
a / Les conventions permettent, d’abord, de déterminer l’Etat de résidence du contribuable : ainsi, lorsqu’un contribuable est considéré comme fiscalement domicilié dans deux Etats contractants en vertu de leurs règles internes, la convention liant ceux-ci permet de déterminer l’Etat dans lequel l’intéressé est regardé comme résident et doit donc être imposé.
b / Elles permettent, également, d’éviter les doubles impositions dans l’hypothèse d’un contribuable fiscalement domicilié en France et qui dispose de revenus de source étrangère également imposables dans l’autre Etat ; deux méthodes existent :
- méthode de l’exonération : par exemple, certaines conventions réservent le droit d’imposer les revenus fonciers à l’Etat où est situé l’immeuble, ce qui a pour effet d’exclure l’imposition dans l’Etat du domicile du propriétaire ; la règle du « taux effectif » conduit, cependant, à calculer l’impôt afférent aux revenus imposables en France au taux qui aurait été appliqué si tous les revenus avaient été taxés dans l’hexagone,
- méthode de l’imputation : lorsque les revenus de source étrangère sont aussi imposables dans le pays dans lequel ils trouvent leur source, l’impôt payé à l’étranger vient en déduction de l’impôt sur le revenu payé en France sous la forme d’un crédit d’impôt.
