Introduction

Les plus-values et moins-values professionnelles correspondent aux profits et aux pertes de caractère exceptionnel réalisés par les entreprises à l'occasion de la cession d'éléments d'actif immobilisé. Ces profits ou pertes font partie intégrante du bénéfice imposable : en effet, au terme de l’article 38-1 du Code général des impôts (CGI), « le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. »

Outre quelques règles communes tenant, notamment, à leur champ d’application ou à leur mode de calcul, les plus et moins-values professionnelles sont soumises à un régime qui varie selon que l’entreprise relève de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés (IS).

Si ces règles sont différentes, elles restent, néanmoins, charpentées autour d’un même schéma central qui comporte quatre temps. Le premier conduit à calculer le montant de chaque plus ou moins-value, bien par bien. Une fois déterminées dans leur montant, les plus ou moins-values doivent être, une à une, ici aussi, qualifiées : soit de plus ou moins-value à court terme, soit de plus ou moins-value à long terme, le régime étant différent. Une compensation doit, ensuite, être opérée entre les plus et moins-values de même nature afin d’obtenir une plus ou moins-value nette à court ou long terme dont le régime fiscal peut, alors, à ce moment, être déterminé.

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, les règles générales applicables aux plus et moins-values professionnelles (I), d’analyser, dans une seconde partie, le processus afférent aux entreprises relevant de l’impôt sur le revenu (II) et d’examiner, enfin, le processus relatif aux entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés (III).

I – Les règles générales en matière de plus et moins-values professionnelles

Les règles qui régissent le champ d’application (A), l’exercice de rattachement (B) et le mode de calcul (C) des plus ou moins-values professionnelles sont communes à toutes les entreprises, que celles-ci relèvent de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés. Il en va de même de la nécessité de procéder à une compensation entre les plus et moins-values de même nature réalisées, même s’il existe, ici, certaines spécificités pour les sociétés relevant de l’IS (D).

A – Champ d'application

a / Entreprises concernées : il s’agit de toutes les entreprises qui exercent une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou non commerciale imposable dans la catégorie des BIC, des BA ou des BNC, ainsi que des sociétés passibles de l’impôt sur les sociétés.

b / Biens concernés : il s’agit de tous les biens qui font partie de l’actif immobilisé de l’entreprise, tels que les immeubles ou, encore, les matériels d’exploitation.

c / Opérations concernées : il s’agit des ventes, mais aussi, plus généralement, de toutes les opérations ou évènements qui ont pour effet de faire sortir une immobilisation de l’actif de l’entreprise ou de lui retirer définitivement tout ou partie de sa valeur ; il peut, ainsi, s’agir :

  • d’opérations volontaires : vente, apport en société, échange, partage, donation, mise au rebut, retrait d’actif par un exploitant individuel ou les associés d’une société, cessation d’activité, …
  • d’opérations involontaires : expropriation, destruction par sinistre, cession forcée, ...

B – Exercice de rattachement

Hors application des différents régimes d’étalement, de sursis ou de report d’imposition, les plus et moins-values professionnelles sont prises en compte au titre de l’exercice ou de l’année au cours desquels elles sont réalisées, c’est-à-dire généralement lors du transfert de propriété qui intervient :

  • en cas de vente, dès l’accord sur la chose et sur le prix,
  • en cas d’apport à une société en formation, à la date d’inscription de la société au registre du commerce,
  • en cas de retrait d’actif, à la date d’établissement du bilan dans lequel le bien a cessé de figurer ou à celle de la cession ou cessation d’activité si le transfert du bien dans le patrimoine privé de l’exploitant intervient à cette occasion.

C – Mode de calcul

Le calcul de la plus ou moins-value professionnelle s’opère en déduisant du prix de cession de l’actif immobilisé sa valeur nette comptable. Si le prix de cession est supérieur à la valeur nette comptable, il y a plus-value. S’il lui est inférieur, il y a moins-value.

Ces termes peuvent être définis comme suit.

a / Prix de cession :

  • en cas de vente : le prix de cession s’entend de la somme effectivement perçue par le vendeur, c’est-à-dire le prix net après déduction des frais et taxes ayant grevé l’opération,
  • en cas d’échange : il s’agit de la valeur actuelle du bien reçu en échange, majorée éventuellement du montant de la soulte perçue ou diminuée du montant de la soulte payée,
  • en cas d’apport en société : il s’agit de la valeur d’apport qui correspond à la valeur réelle des titres reçus en rémunération de l’apport,
  • en cas de transfert des biens dans la patrimoine privé de l’exploitant : il s’agit de la valeur réelle du bien au jour du transfert, autrement dit sa valeur vénale.

b / Valeur nette :

  • pour les éléments non amortissables : il s’agit de la valeur d’origine du bien,
  • pour les éléments amortissables : il s’agit de la valeur d’origine du bien diminuée des amortissements fiscalement déductibles ; l’on parle ici de valeur résiduelle.

D – Compensation entre plus et moins-values

Dans la mesure où les plus et moins-values sont calculées et qualifiées bien par bien, il convient, avant de déterminer le régime fiscal applicable, de procéder à une compensation entre les plus et moins-values de même nature.

Concrètement, les plus-values et moins-values à court terme vont se compenser entre elles, ce qui permettra d’obtenir la plus ou moins-value nette à court terme taxable. Et, de même pour les plus-values et moins-values à long terme.

Concernant plus particulièrement les plus et moins-values à long terme réalisées par les entreprises passibles de l’impôt sur les sociétés, la compensation s’opère aussi par taux d’imposition puisque ces plus-values sont taxables selon différents taux. La plus-value nette à long terme imposable à l’un des taux réduits peut, le cas échéant, être compensée avec la moins-value nette à long terme de l’exercice qui relève d’un autre taux (hormis pour les titres de participation).

II – Le processus afférent aux entreprises relevant de l'impôt sur le revenu

Ce processus concerne les cessions d’éléments de l’actif immobilisé réalisées par les exploitants individuels et les sociétés de personnes relevant de l’impôt sur le revenu, quelle que soit la nature de l’activité exercée.

Ce processus comporte quatre temps : le calcul de la plus ou moins-value bien par bien (voir I – C), la qualification de la plus ou moins-value bien par bien (A), la compensation entre les plus et moins-values de même nature (voir I - D) et le régime fiscal applicable à la plus ou moins-value nette ainsi constatée (B).

A côté de ce régime général, existent de nombreuses mesures d’exonération prévues en faveur des PME et des régimes spécifiques à certaines catégories de plus-values (C ).

A - La qualification des plus et moins-values

Cette problématique repose sur la distinction entre plus-values et moins-values à court terme et plus-values et moins-values à long terme qui est, elle-même, fonction :

  • d’une part, de la durée de détention dans l’entreprise de l’élément d’actif immobilisé : celle-ci est décomptée, jour par jour, à compter de la date à laquelle ce bien est entré dans l’actif jusqu’à la date effective de sa sortie,
  • d’autre part, de la nature de cet élément : bien amortissable ou non amortissable.

Il est possible de procéder à la classification entre plus et moins-values à court et à long terme comme suit.

a / Plus-value :

  • biens non amortissables :
    • biens détenus depuis moins de 2 ans : plus-value à court terme,
    • biens détenus depuis au moins 2 ans : plus-value à long terme,
  • biens amortissables :
    • biens détenus depuis moins de 2 ans : plus-value à court terme,
    • biens détenus depuis au moins 2 ans : plus-value à court terme à hauteur des amortissements pratiqués et à long terme au-delà.

b / Moins-value :

  • biens non amortissables :
    • biens détenus depuis moins de 2 ans : moins-value à court terme,
    • biens détenus depuis au moins 2 ans : moins-value à long terme,
  • biens amortissables : moins-value à court terme quelle que soit la durée de détention du bien.

B - Le régime fiscal des plus et moins-values

Les règles varient selon que la plus ou moins-value nette est à court terme ou à long terme.

a / Le régime des plus et moins-values nettes à court terme :

  • plus-value nette à court terme : celle-ci fait partie du résultat ordinaire imposable dans les conditions et au taux de droit commun ; cependant, les entreprises peuvent demander un étalement de l’imposition sur trois ans,
  • moins-value nette à court terme : celle-ci s’impute sur les bénéfices d’exploitation.

b / Le régime des plus et moins-values nettes à long terme :

  • plus-value nette à long terme :
    • une compensation peut, d’abord, le cas échéant, être effectuée avec les moins-values à long terme subies au cours des 10 exercices antérieurs et qui n’ont pas encore été imputées ou avec le déficit de l’exercice ou de l’année et les déficits antérieurs,
    • celle-ci fait l’objet d’une taxation à un taux spécifique de 12,8 % (majoré des prélèvements sociaux),
  • moins-value nette à long terme : celle-ci est imputable uniquement sur les plus-values à long terme réalisées au cours des 10 exercices suivants.

C – Les cas d'exonération

Plusieurs régimes d’exonération sont prévus en faveur des entreprises soumises à l’impôt sur le revenu. Certaines sont spécifiques à certains contribuables (exploitants optant pour un régime réel d’imposition, exploitants agricoles). D’autres sont conçus pour la transmission des PME.

Un régime d’exonération, plus général, concerne les plus-values réalisées en cours ou en fin d’exploitation par les contribuables dont les recettes n’excèdent pas certains seuils. Ce régime obéit aux principes qui suivent :

  • conditions de l’exonération :
    • l’activité doit être agricole, artisanale, industrielle, commercial ou libérale et être exercée à titre professionnel,
    • l’activité doit avoir été exercée pendant au moins 5 ans à compter du début de l’activité jusqu’à la date de clôture de l’exercice au titre duquel la plus-value est déterminée,
    • le montant des recettes ne doit pas excéder 350 000 € pour les exploitants agricoles, les entreprises industrielles et commerciales de vente ou de fourniture de logements (à l’exception des locations meublées) ou 126 000 € pour les prestations de services (moyenne des recettes réalisées au titres des exercices clos au cours des deux années civiles qui précèdent la date de clôture de l’exercice de réalisation de la plus-value),
  • montant de l’exonération :
    • exonération totale si les recettes n’excèdent pas 250 000 € pour les exploitants agricoles, les entreprises industrielles et commerciales de vente ou de fourniture de logements (à l’exception des locations meublées) ou 90 000 € pour les prestations de services,
    • exonération partielle lorsque les recettes excèdent ces seuils sans dépasser respectivement 350 000 € et 126 000 €.

III – Le processus afférent aux entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés

Ce processus s’applique aux cessions d’éléments de l’actif immobilisé réalisées par les entreprises passibles de plein droit ou sur option de l’impôt sur les sociétés, ainsi qu’aux sociétés de personnes pour la fraction des résultats revenant à leurs membres soumis à l’impôt sur les sociétés.

Le cheminement est le même que pour les entreprises relevant de l’impôt sur le revenu : calcul, qualification (A), compensation et détermination du régime applicable (B).

A - La qualification des plus et moins-values

L’on distingue, ici aussi, les plus et moins-values à court terme et les plus et moins-values à long terme.

a / Plus et moins-values à court terme : la plupart des plus-values et moins-values réalisées par les entreprises soumises à l’IS relèvent, sauf exception, du régime du court terme, quelle que soit la durée de détention des biens cédés.

b / Plus et moins-values à long terme : seules relèvent du régime du long terme les plus et moins-values afférentes aux titres suivants (tous les autres titres relèvent du régime du court terme) :

  • les titres de participation et les titres qui leurs sont fiscalement assimilés détenus depuis au moins 2 ans : il s’agit des titres qui revêtent ce caractère sur le plan comptable (en cas, notamment, de détention supérieure à 10 % du capital de la filiale ou de détention utile pour l’entreprise propriétaire du fait du contrôle exercé sur la filiale ou de la diversification de ses activités par exemple) ou sur le plan fiscal (en cas d’application du régime des sociétés mères / filles avec la détention d’au moins 5 % des droits de vote de la société émettrice),
  • les titres de sociétés à prépondérance immobilière côtées qui ont le caractère de titres de participation et qui sont détenus depuis au moins 2 ans : sont considérées comme des sociétés à prépondérance immobilière les sociétés dont l’actif est constitué pour plus de 50 % de sa valeur réelle par des immeubles, des droits portant sur des immeubles, des droits afférents à des contrats de crédit-bail immobilier ou par des titres d’autres sociétés à prépondérance immobilière,
  • les titres de capital-risque détenus depuis au moins 5 ans : l’on trouve les parts de fonds communs de placement à risques (FCPR) ou de fonds professionnels de capital investissement et les parts de sociétés de capital-risque (SCR).

B - Le régime fiscal des plus et moins-values

Les règles varient selon que la plus ou moins-value nette est à court terme ou à long terme.

1 – Le régime des plus et moins-values nettes à court terme

Les plus et moins-values nettes à court terme sont traitées fiscalement comme un résultat ordinaire et ne nécessitent pas de retraitement extra-comptable. Ainsi :

  • la plus-value nette à court terme est comprise dans le résultat ordinaire de l’exercice en cours lors de sa réalisation qui est taxé au taux de droit commun,
  • la moins-value nette à court terme s’impute sur le bénéfice d’exploitation ou contribue à la formation d’un déficit reportable dans les conditions de droit commun.

2 – Le régime des plus et moins-values nettes à long terme

Les règles diffèrent selon qu’il s’agit de plus-values nettes ou de moins-values nettes.

a / Plus-value nette à long terme :

  • une plus-value nette à long terme peut être effacée par la compensation avec :
    • soit les moins-values nettes à long terme subies au cours des 10 exercices ou années antérieurs qui n’ont pas encore été imputées (hormis les moins-values à long terme sur titres de participation),
    • soit le déficit de l’exercice ou de l’année et les déficits antérieurs reportables,
  • elle est imposée selon la nature des titres cédés :
    • plus-value sur cession de titres de participation : exonération sous réserve de la taxation d’une quote-part de frais et charges de 12 %,
    • plus-value sur cession de titres de participation au sein de sociétés à prépondérance immobilière cotées : taxation au taux réduit de 19 %,
    • plus-value sur cession de titres de capital-risque : taxation au taux réduit de 15 %.

b / Moins-value nette à long terme :  elle n’est pas déductible du résultat imposable de l’exercice ; elle s’impute uniquement sur les plus-values nettes à long terme réalisées au cours des 10 exercices suivants sans distinguer leur taux d’imposition ; il n’est fait exception à cette règle que pour la moins-value nette à long terme afférente aux titres de participation qui n’est ni imputable, ni reportable sur les exercices ultérieurs.