Introduction
Les sociétés de personnes se distinguent des sociétés de capitaux en ce qu’elles sont des structures dans lesquelles il existe, entre les associés, un lien particulièrement fort : on parle d’intuitu personae. Les associés de ces sociétés choisissent généralement de créer leur entreprise ensemble en raison du fort lien personnel qui les unit ou de la poursuite d’intérêts communs. Ainsi, s’explique le régime fiscal spécifique prévu par l’article 8 du Code général des impôts (CGI) dont elles font l’objet.
Les sociétés de personnes sont diverses et variées. L’on peut, par exemple, citer : les sociétés civiles, les sociétés en commandite simple, les sociétés en nom collectif ou, encore, les sociétés en participation, … Ces sociétés relèvent, de plein droit, du régime prévu par l’article 8 du CGI. Toutefois, certaines d’entre elles peuvent opter pour leur assujettissement à l’impôt sur les sociétés.
Le régime qui leurs est applicable prévoit que les bénéfices réalisés sont déterminés et déclarés au niveau de la société. En revanche, l’imposition effective desdits bénéfices se fait au nom personnel des associés, soit à l'impôt sur le revenu lorsque les associés relèvent de cet impôt, soit à l'impôt sur les sociétés lorsque les associés sont passibles de cet impôt.
Deux problèmes doivent, donc, retenir l’attention : d’une part, le champ d’application du régime prévu par l’article 8 du CGI (I) et, d’autre part, les modalités d’imposition des bénéfices des sociétés de personnes (II).
I – Le champ d'application du régime des sociétés de personnes
Il convient de déterminer les sociétés éligibles au régime prévu par l’article 8 du CGI (A) et d’examiner les dérogations qui peuvent lui être apportées (B).
A – Les sociétés éligibles
Le régime des sociétés de personnes s’applique de plein droit à certaines sociétés (1) et à d’autres sur option (2).
1 – Les sociétés éligibles de droit
Le régime de l’article 8 du CGI s’applique à un ensemble de sociétés dont les caractéristiques diffèrent. Relèvent, ainsi, de ce régime (BOFIP n° BOI-BIC-CHAMP-70-20-10-10 du 10/07/2018 ; BOFIP n° BOI-BIC-CHAMP-70-20-20 du 10/07/2019) : les sociétés civiles ; les sociétés en commandite simple ; les sociétés en nom collectif ; les sociétés en participation ; les sociétés créées de fait ; les entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL) lorsque l'associé unique est une personne physique ; les exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL) constituées d'un associé unique ou de plusieurs sans qu'un lien de parenté puisse être exigé ; les sociétés civiles de moyens ; les indivisions ; les groupements d'intérêt public ; les groupements d’intérêt économique (GIE) ; les sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires ; et les groupements de coopération sanitaire et les groupements de coopération sociale et médico-sociale. Certaines de ces sociétés méritent de plus amples précisions.
Les premières sont les sociétés civiles mentionnées au 1° de l'article 8 du CGI. Par principe, ces dernières relèvent du régime des sociétés de personnes. Ces sociétés, sont, toutefois, soumises, par dérogation, à l’impôt sur les sociétés dans deux hypothèses. La première est celle où la société revêt la forme d’une société de capitaux. La seconde concerne les sociétés civiles qui se livrent à une exploitation commerciale, industrielle, artisanale ou minière, ou à des opérations assimilées, du point de vue fiscal, à des opérations commerciales (opérations de « marchand de biens », …). L'administration admet, cependant, que les sociétés civiles qui se livrent accessoirement à des opérations commerciales ne soient pas soumises à l'impôt sur les sociétés lorsque le montant hors taxe de ces opérations n'excède pas 10 % de leurs recettes totales hors taxe, étant précisé que le franchissement du seuil reste sans conséquence si, sur une période de quatre ans, la moyenne des recettes commerciales n'excède pas 10 % de la moyenne des recettes totales.
Les deuxièmes sont les sociétés en commandite simple. Le régime des sociétés de personnes s’applique à elles pour la part des bénéfices revenant aux commandités. En revanche, l'impôt sur les sociétés frappe, dans tous les cas, la part des bénéfices correspondant aux droits des commanditaires. L'impôt est, alors, établi au nom de la société et les bénéfices distribués aux commanditaires sont soumis à l'impôt sur le revenu au titre des revenus mobiliers.
Autre illustration, les sociétés en participation (SEP). Ces sociétés relèvent du régime de l’article 8 du CGI pour les seuls associés en participation indéfiniment responsables et dont les noms et adresses ont été communiqués à l'administration. A l’inverse, lorsque la société comprend des membres non indéfiniment responsables ou dont l'identité n'est pas révélée, la quote-part de bénéfice correspondant aux droits de ces associés est passible de l'impôt sur les sociétés et l'impôt est, alors, établi au nom du gérant connu des tiers.
Enfin, le dernier exemple concerne les sociétés de fait. L'existence de telles sociétés est établie lorsque les éléments constitutifs du contrat de société sont réunis dans les faits, c'est-à-dire lorsque deux ou plusieurs personnes participent aux apports (en capital ou en industrie), à la direction et au contrôle de l'entreprise, et aux résultats (bénéficiaires ou déficitaires). En pareille hypothèse, les bénéfices de la société créée de fait sont imposables selon les mêmes règles que celles applicables aux sociétés en participation.
2 – Les sociétés éligibles sur option
Certaines sociétés passibles de l’impôt sur les sociétés peuvent, sous certaines conditions, opter pour le régime des sociétés de personnes.
Il en va ainsi, en premier lieu, des entreprises familiales exploitées sous la forme de sociétés à responsabilité limitée (SARL) qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale ou une activité agricole (art. 239 bis AA du CGI ; BOFIP n° BOI-BIC-CHAMP-70-20-30 du 10/07/2019). Par entreprise familiale, il faut entendre les sociétés formées entre personnes parentes en ligne directe ou entre frères et sœurs, ainsi que les conjoints et les partenaires liés par un Pacte civil de solidarité. En d’autres termes, chacun des associés doit être directement uni aux autres soit par des liens de parenté directe ou collatérale jusqu'au deuxième degré, soit par le mariage ou un pacte civil de solidarité.
C’est, en second lieu, le cas de trois types de sociétés limitativement énumérées : les sociétés anonymes, les sociétés par actions simplifiées et les SARL (art. 239 bis AB du CGI ; BOFIP n° BOI-BIC-CHAMP-70-20-40 du 12/09/2012). L’objectif de ce dispositif est de permettre aux associés de sociétés de petite taille et de création récente d’imputer immédiatement les déficits dégagés lors de la phase de démarrage de la société selon les règles propres au régime fiscal des sociétés de personnes, sans attendre que la société devienne bénéficiaire. Pour être éligibles, un ensemble de conditions doivent, toutefois, être remplies. Le capital et les droits de vote de la société doivent, ainsi, être détenus, à la fois, à hauteur de 50 % au moins par des personnes physiques et de 34 % au moins par un ou plusieurs associés exerçant la fonction de dirigeant au sein de la société ainsi que par leur foyer fiscal. L’activité principale et effective de la société doit, par ailleurs, être de nature industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. L’entreprise doit, également, être de petite taille, c’est-à-dire avoir moins de 50 salariés et un chiffre d’affaires ou un bilan inférieur à 10 000 000 €. Enfin, la société doit avoir moins de cinq ans à la date de l’option. Cette option produit ses effets pendant une période de cinq exercices, s’il n’y est pas mis fin de manière anticipée (par révocation de la société elle-même ou du fait du non-respect des conditions, auquel cas la sortie du régime de l’article 8 du CGI est définitive, sans possibilité de ré-opter ultérieurement). Passé ce délai, l’option prend obligatoirement fin et ne peut être renouvelée.
B – La dérogation au régime : l'option pour l'impôt sur les sociétés
Certaines sociétés de personnes peuvent opter pour leur assujettissement à l'impôt sur les sociétés (art. 206 - 3 et 239 du CGI). Il en va, ainsi, des sociétés en nom collectif, des sociétés en commandite simple, des sociétés civiles, y compris SCP, des sociétés en participation, des associations d'avocats, des EURL et EARL, des groupements d'intérêt public, des groupements de coopération sanitaire, des groupements de coopération sociale et médico-sociale, des sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires et des sociétés de fait. D’autres, en revanche, se voient exclues de cette possibilité ; tel est le cas pour les sociétés civiles de moyens, les groupements d'intérêt économique, les groupements forestiers, les sociétés de construction-vente, les sociétés civiles de placement immobilier et les sociétés immobilières de copropriété.
L'option doit être signée dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, par tous les associés, membres ou participants. Elle doit, en principe, être notifiée au plus tard avant la fin du troisième mois de l'exercice au titre duquel l'entreprise souhaite être soumise pour la première fois à l'impôt sur les sociétés.
L’option entraîne l’application de l'ensemble des dispositions du régime des sociétés de capitaux. Il s'ensuit, notamment, que leurs associés ou membres ne sont imposés sur les bénéfices que si ceux-ci sont distribués, et les rémunérations qui leur sont allouées, déductibles des résultats sociaux, sont taxables entre leurs mains en application de l’article 62 du CGI.
Les sociétés de personnes peuvent renoncer à cette option jusqu'au cinquième exercice suivant celui au titre duquel ladite option a été exercée, sans possibilité de ré-opter ultérieurement. La renonciation à l'option doit être notifiée au service des impôts auprès duquel est souscrite la déclaration de résultats avant la fin du mois précédant la date limite de versement du premier acompte d'impôt sur les sociétés de l'exercice au titre duquel s'applique la renonciation. En l'absence de renonciation dans ce délai, l'option pour l'impôt sur les sociétés devient irrévocable.
II – L'imposition des bénéfices des sociétés de personnes
Dans le cadre du régime de l’article 8 du CGI, les bénéfices réalisés par les sociétés de personnes sont déterminés et déclarés au niveau de la société (A), mais imposés au nom personnel des associés (B).
A – Un résultat social calculé au niveau de la société
Le résultat imposable des sociétés de personnes est déterminé selon des modalités qui tiennent compte, à la fois, de la nature de l'activité de la société et de la qualité des associés.
S’agissant du critère tenant à la nature de l’activité, il convient de distinguer selon que celle-ci est professionnelle ou patrimoniale. Dans la première hypothèse, le résultat imposable est déterminé dans les conditions prévues pour les exploitants individuels, c'est-à-dire, globalement, au niveau de la société suivant les règles propres à la catégorie de résultats dont l'activité de la société relève : bénéfices industriels et commerciaux (BIC), bénéfices des professions non commerciales (BNC) ou bénéfices agricoles (BA). Dans la seconde hypothèse, le résultat social est déterminé suivant les règles applicables aux revenus fonciers ou aux revenus mobiliers, selon que la société gère un patrimoine immobilier ou un portefeuille-titres.
S’agissant du critère tenant à la qualité des associés, une société de personnes peut comprendre parmi ses associés, à la fois, des sociétés, des entreprises et des personnes physiques. La quote-part de résultat correspondant à chaque type d’associé est, alors, calculée selon des règles différentes. Les résultats sociaux doivent, en effet, faire l'objet d'une double détermination. Pour établir la quote-part revenant aux sociétés et entreprises, les résultats sont calculés, selon le cas, d'après les règles de l'impôt sur les sociétés ou d'après les règles propres aux entreprises membres considérées. En revanche, pour établir la quote-part revenant aux associés personnes physiques, les résultats sont calculés conformément aux règles applicables à la société de personnes elle-même.
Les sociétés de personnes exerçant une activité professionnelle sont tenues aux mêmes obligations que celles incombant normalement aux exploitants individuels. Elles doivent, ainsi, produire une déclaration de bénéfices faisant ressortir les résultats d'ensemble de l'entreprise. Elles doivent, en outre, déclarer les rémunérations et parts de bénéfices réparties entre les associés. Les sociétés immobilières relevant de l'impôt sur le revenu doivent, elles, produire une déclaration annuelle des résultats. Quant aux sociétés civiles de gestion de portefeuille, elles sont soumises aux obligations des établissements payeurs auxquels elles sont assimilées.
B – Un résultat social imposé au nom des associés
Les résultats des sociétés de personnes ne sont pas directement imposables au nom de ladite société, mais au nom personnel des associés. Chacun d'eux est, ainsi, imposé à raison de la part des résultats sociaux correspondant à ses droits dans la société, soit à l'impôt sur le revenu s'il relève de cet impôt (personnes physiques), soit à l'impôt sur les sociétés s'il est passible de cet impôt (BOFIP n° BOI-BIC-CHAMP-70-20-10-20 du 12/09/2012). Si les résultats de la société de personnes sont déficitaires, chaque associé peut imputer sur son revenu global ou sur son bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés la quote-part du déficit correspondant à ses droits dans la société, sous réserve des restrictions prévues par la réglementation.
Le résultat social est réparti conformément aux droits des associés résultant soit du pacte social, soit d'un acte ou d'une convention antérieurs à la clôture de l'exercice et ayant pour objet de conférer expressément à l'un ou à l'autre des associés des droits différents. En effet, lorsqu'un acte ou une convention antérieure à la clôture de l'exercice confère aux associés des droits différents dans les bénéfices sociaux, la base d'imposition de chacun d'eux est déterminée en tenant compte des stipulations de cet acte ou de cette convention.
Le montant de la part de chaque associé prend en compte les bénéfices résultant de la répartition ainsi faite et, le cas échéant, les rémunérations qui lui sont versées (non déductibles par nature du résultat social), les intérêts servis non déductibles et les avantages particuliers qui lui sont accordés en raison, par exemple, de la prise en charge de dépenses à caractère personnel. Les associés peuvent, également, déduire de leur quote-part certaines charges. C’est le cas des frais professionnels dont l'associé a supporté personnellement la charge, à la condition qu'ils lui incombent personnellement, qu'ils présentent le caractère de dépense déductible dans le cadre d'une entreprise individuelle et qu'ils n'aient pas été pris en compte pour la détermination du résultat social.
Les bénéfices sont considérés comme acquis par les associés à la date de leur réalisation, qui coïncide avec la clôture de l'exercice. Il s'ensuit, d’une part, que les associés sont imposés sur la part des bénéfices à laquelle ils ont droit, même s'ils n'en ont pas effectivement disposé (cas par exemple où les bénéfices sont mis en réserve) et que, sauf exceptions, seuls les associés présents à la clôture de l'exercice sont imposables. Par exemple, en cas de départ d'un associé en cours d'année (par suite de cession ou de rachat de ses parts), l'intégralité des résultats est en principe imposée au nom des seuls associés présents à la clôture de l'exercice.
