L’apport des partis politiques à la démocratie (dissertation)

Introduction

La démocratie correspond à un état politique dont l’existence doit sans cesse être défendue. Les acteurs à qui revient cette tâche sont divers et variés. C’est, d’abord, l’affaire des citoyens eux-mêmes qui, par leur vigilance, doivent exercer un contrôle des gouvernants. C’est aussi celle des médias en tant qu’appui des citoyens. C’est, depuis plusieurs décennies, celle de nombreuses associations qui contribuent à donner forme à différents courants d’opinions. C’est, également, celle des institutions politiques : chef de l’Etat Gouvernement et Parlement. C’est, enfin, celle des partis politiques dont le rôle en la matière apparaît essentiel.

Un parti politique peut se définir comme un groupe de personnes possédant des idées politiques communes réunies en association. Il peut chercher à influencer le gouvernement en place, en le soutenant s’il en est issu, ou en s'y opposant. Il nomme, également, ses propres candidats aux différentes élections et tente d'obtenir des mandats politiques. Il contribue aussi à influencer l’opinion publique.

Les partis politiques occupent, ainsi, un rôle clé dans le jeu politique et, par voie de conséquence, dans la bonne santé démocratique d’un pays. En effet, outre leur fonction de support de la démocratie (investiture des candidats, financement des campagnes électorales, …), ils sont un intermédiaire privilégié entre les citoyens et la classe politique. Ces dernières décennies les ont, cependant, vus s’éloigner de la tâche qui leurs est impartie, laissant, ainsi, craindre des risques pour la démocratie. Le législateur a tenté d’apporter certaines réponses juridiques à ce problème, notamment en termes d’encadrement de leur financement. Mais, ces réformes apparaissent insuffisantes : aussi, d’autres solutions doivent être envisagées.

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, l’apport des partis politiques à la démocratie (I) et d’analyser, dans une seconde partie, les contestations dont ces derniers font, aujourd’hui, l’objet et les réponses qui peuvent leurs être apportées (II).

I - Un apport certain à la démocratie

Les partis politiques constituent un apport certain à la démocratie : ils en sont, en effet, un élément essentiel (A) et jouent un rôle majeur auprès des citoyens (B).

A - Un élément essentiel de la démocratie

Les formations politiques sont au cœur du fonctionnement même de la démocratie : ils sont, en effet, l’une de ses conséquences naturelles (1) et l’un des moyens de sa perpétuation (2).

1 - Les partis politiques : les « enfants du suffrage universel et de la démocratie » selon Max Weber

L’émergence des partis politiques est la résultante de deux phénomènes. Le premier est l’élargissement de la communauté des électeurs avec, dans un premier temps, l’avènement du suffrage universel en 1848 et, dans un second temps, la reconnaissance du droit de vote des femmes en 1944. Ces deux évènements majeurs vont amener un grand nombre d’électeurs nouveaux à s’exprimer. La suite est simple : cette « irruption des masses sur la scène politique » crée une nouvelle demande électorale qui suscite, de facto, une offre politique inédite.

Le second phénomène est la fin des notables, c’est-à-dire de ceux qui, parce que détenteurs d’un prestige personnel lié à la naissance, à la notoriété ou à la puissance économique, bénéficiaient d’une « autorité morale » à même de « guider » les électeurs. L’effacement de ces individus, que permet l’essor des valeurs démocratiques, ouvre la voie aux partis politiques et permet à des hommes nouveaux de se faire connaître des électeurs et d’accéder au pouvoir. En cela, les partis politiques sont les enfants de la démocratie. Ils en seront, aussi, un support essentiel.

2 - Les partis politiques : un support logistique de la démocratie

Les partis politiques jouent un rôle fondamental pour la démocratie en ce qu’ils constituent un support indispensable à l’expression de la volonté des citoyens. Ce sont, en effet, à eux que revient la charge d’attribuer les investitures aux candidats sur lesquels les électeurs porteront leur choix. Cela permet d’éviter une multitude de candidatures sous la même étiquette et un éparpillement des voix. Mais, ce système n’est pas parfait : les électeurs ont, en effet, parfois, le sentiment que le candidat leur est imposé, tandis que les organes locaux des partis peuvent se voir contraints d’accepter une candidature décidée sur le plan national.

A côté de cela, les partis politiques permettent le déroulement des campagnes électorales par le support financier et humain qu’ils apportent aux candidats. De ce point de vue, les lois françaises sur le financement public des partis politiques et des campagnes électorales sont de nature, à l’inverse de ce qui se fait dans certains pays où le financement est essentiellement privé, à atténuer les disparités qui peuvent exister entre les partis.

Mais, l’apport essentiel des partis politiques réside dans le rôle qu’ils occupent auprès des électeurs.

B - Une fonction particulière auprès des citoyens

Les partis politiques occupent deux fonctions majeures auprès des citoyens : ils participent à la structuration de l’opinion publique (1) et jouent un rôle de médiation des relations entre les citoyens et la classe politique (2).

1 – Une fonction de structuration de l'opinion publique

Les partis politiques ont un rôle essentiel de formateur de l’opinion publique. Ils peuvent, en effet, soit défendre le Gouvernement en place (rôle de soutien), soit critiquer la politique gouvernementale (rôle d’opposition et de contestation). Les partis permettent, ainsi, une formulation claire des enjeux politiques et participent à « l’éducation » des opinions par des prises de position ou des activités de propagande. Les futurs électeurs peuvent, sur cette base, se faire une idée des différentes offres politiques, des objectifs et des enjeux. Le vote se fera, ensuite, normalement en connaissance de cause et sera une manifestation particulière de ces opinions

Telle est, en tout cas, la situation théorique. Il n’est, en effet, pas exclu que, pour des visées électoralistes, des partis en viennent à dévoyer le débat politique et à défendre des positions démagogiques.  En pareille hypothèse, alors, ces partis perdent leur rôle « d’éducation » des citoyens. Il est, également, difficile d’empêcher une formation politique d’exploiter les faiblesses inhérentes à tout système démocratique pour défendre des positions contraires aux valeurs de nos sociétés.

Les partis politiques ont également un rôle de médiation des relations entre les citoyens et la classe politique.

2 – Une fonction de médiation des relations entre les citoyens et la classe politique

Les partis politiques apparaissent comme un intermédiaire privilégié dans la relation entre les électeurs et la classe politique. Ils recensent, en effet, les demandes et les besoins de la population qu’ils transcrivent, ensuite, dans leurs programmes politiques, lesquels seront, en retour, soumis au choix des électeurs. Cette médiation permet, de la même façon, de porter sur la scène politique des débats éthiques, sociaux ou culturels et de les transformer en enjeux proprement politiques.

Il ne s’agit, là encore, que de la situation idéale. Il peut, en effet, arriver que, du fait d’une excessive professionnalisation de la classe politique, d’un trop long exercice du pouvoir ou d’une absence d’autonomie des partis vis-à-vis des élus, ce rôle de courroie de transmission en vienne à être paralysé, empêchant, ainsi, les décideurs politiques d’entendre et de comprendre les problèmes des citoyens. L’actualité récente le rappelle.

Ces quelques remarques attestent que les partis politiques constituent un apport certain pour la démocratie, mais qu’ils ne sont pas exempts de critiques.

II - Des contestations réelles, mais non insurmontables

Les partis politiques voient, actuellement, leur crédibilité être remise en cause (A). Cette situation n’apparaît, cependant, pas insurmontable : en effet, des solutions à ce problème ont déjà été apportées et d’autres peuvent être envisagées (B).

A - La remise en cause des partis politiques

Les partis politiques font, de nos jours, l’objet de nombreuses critiques (1) qui laissent entrevoir des risques pour la démocratie (2).

1 – Critiques : récurrence et nouveautés

Certaines critiques sont traditionnelles, d’autres sont contemporaines. Au titre des premières, les points de vue varient selon les sensibilités politiques. Pour la gauche anarcho-syndicaliste, les partis politiques visent la conquête des électeurs et la lutte parlementaire bien avant l’amélioration du statut des individus et de la société. Pour la droite, les formations politiques tendent à diviser un ensemble national naturellement uni et homogène : ainsi, s’explique l’emploi des termes « rassemblement » (RPR – Rassemblement pour la République) ou « mouvement » (UMP – Union pour un mouvement populaire) dans l’appellation de certaines formations de droite.

Dans la période récente, les critiques portent surtout sur l’éloignement des partis et des hommes politiques des préoccupations immédiates des français. Un décalage s’est installé entre le langage des premiers et les besoins des seconds. Les citoyens ont, en effet, le sentiment de ne plus être véritablement représenté et de ne pouvoir que ratifier un choix qui ne leurs appartient pas. La classe politique apparaît, alors, comme une caste oligarchique peu représentative qui œuvre en vase clos en dehors de tout lien avec la réalité de la vie des français. Le risque que les partis manquent à leur rôle de médiation entre les citoyens et les décideurs politiques s’est, ainsi, réalisé.

L’ensemble de ces constats atteste de la perte de crédibilité qui affecte les partis politiques. Cette situation n’est pas sans risque pour la démocratie.

2 - Des risques pour la démocratie

Cette absence de lien suffisamment ténu entre les partis politiques et les citoyens empêche les premiers d’entendre les problèmes des seconds. Il est, dès lors, difficile pour les formations politiques de faire des propositions claires à même de répondre aux préoccupations des citoyens. Pire, cette peur du décalage peut conduire des formations à faire des propositions qui répondent aux attentes et même les dépassent alors qu’elles savent pertinemment qu’elles ne pourront pas être mises en œuvre.

Cette absence de confiance à l’égard des partis politiques favorise, également, l’instabilité des opinions et la volatilité électorale. Elle peut, aussi, conduire à une hausse de l’abstention et à des votes contestataires, voire d’adhésion à des formations politiques dont les propositions heurtent les valeurs à la base du pacte social.

Quelles solutions peut-on, alors, apporter à ce problème ?

B - Des solutions à parfaire

Certaines solutions ont, déjà, été apportées à la crise que traversent les partis politiques au travers de plusieurs loirs (1). Mais, elles sont incomplètes. Aussi, doit-on envisager d’autres voies (2).

1 - La réponse juridique actuelle

Le droit peut être une solution pour affermir le rôle démocratique des partis politiques. Au niveau constitutionnel, la protection qui leurs est accordée doit être nuancée. L'article 4 de la Constitution du 04/10/1958 consacre, en effet, l'existence des partis politiques et souligne leur rôle fondamental dans une démocratie représentative. Mais, s’il est précisé que les formations politiques « doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie », aucune procédure n'existe pour contrôler le respect de cette norme. C'est, là, tout le problème des partis ou groupement incitant à la haine ou la justifiant et qui, pourtant, ont une existence parfaitement légale.

Au niveau législatif, le Parlement est intervenu pour veiller au bon déroulement des campagnes électorales et, surtout, pour encadrer les pratiques douteuses de financement de certaines formations politiques. Ainsi, plusieurs lois ont été adoptées tant pour le financement des partis politiques (notamment : loi 29/01/1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publique, loi du 19/01/1995 relative au financement de la vie politique) que des campagnes (notamment : loi du 11/03/1988 relative à la transparence financière de la vie politique, loi du 15/01/1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques). Plus récemment, le législateur a adopté les lois organique et ordinaire du 15/09/2017 pour la confiance dans la vie politique : ces lois prévoient, notamment, pour les parlementaires, le renforcement du régime des incompatibilités et de l’encadrement des activités de conseil, la suppression de l’indemnité représentative de frais de mandat ; est, également, prévue la création d’un médiateur du crédit et d’une Banque de la démocratie afin de permettre aux partis de trouver des solutions de financement dans le respect des règles de droit.

Bien qu’utiles, ces règles ne sont pas suffisantes.

2 - L'avenir des partis politiques : quelles voies explorer ?

S’ils sont en crise, les partis politiques demeurent un élément essentiel de la démocratie. Cette dernière ne peut s’en passer. En effet, les formations politiques mettent à la disposition des électeurs une structure collective nationale leur permettant d'exprimer une volonté également nationale par la désignation d'une majorité. Les partis politiques ont, ainsi, transformé la pratique de la représentation qui est devenue plus collective et plus contraignante, de sorte qu’il n'y a ni atomisation ni multitude de propositions. La représentation nationale permet la construction d'une logique politique de la loi, une meilleure cohérence et une progression des idées.

Quelles solutions peut-on, alors, envisager pour redonner aux partis politiques la crédibilité qu’ils ont, en partie, perdue ? L’une des réponses se trouve dans une moindre professionnalisation de la vie politique, de manière à permettre une plus grande diversité des candidatures et, par voie de conséquence, une amélioration de la représentativité des élus. C’est dans cette voie que le Parlement s’est engagée : en effet, par les lois organique et ordinaire du 14/02/2014, il a interdit le cumul d’une fonction exécutive locale avec un mandat de député français, de sénateur ou de député européen. Le projet de révision constitutionnelle, présenté en Conseil des ministres le 28/08/2019, va dans le même sens en proposant la limitation du nombre de mandats successifs des parlementaires et de certains exécutifs locaux. Un autre axe peut être de renforcer le rôle des citoyens dans le processus de décision politique, de manière qu’ils ne s’estiment pas dépossédés de leur pouvoir : le projet de révision constitutionnelle prévoit, ainsi, l’élargissement du champ du référendum et l’assouplissement des conditions de mise en œuvre du référendum d’initiative partagée. Enfin, la création d’un statut de l’élu apparaît comme une nécessité.

Ces solutions sont pertinentes, mais elles ne dispenseront pas les hommes d’une plus grande exigence envers eux-mêmes : les hommes politique, les citoyens et les journalistes, notamment. Il y a, en effet, des choses qui ne se légifèrent pas.