Introduction

Le droit de l’Union Européenne (UE) a pris une place de plus en plus importante dans notre ordre juridique national, au fil de la construction européenne, se hissant à la plus haute place de notre hiérarchie des normes.

C’est en 1964 que la Cour de justice des communautés européennes (CJCE, devenue aujourd’hui la Cour de justice de l’UE), a précisé que « le transfert opéré par les États, de leur ordre juridique interne au profit de l’ordre juridique communautaire, des droits et obligations correspondant aux dispositions du traité, entraîne donc une limitation définitive de leurs droits souverains contre laquelle ne saurait prévaloir un acte unilatéral ultérieur incompatible avec la notion de Communauté » (CJCE, 15 juillet 1964, Costa c/ Enel, aff. 6/64). Aussi, elle a pu préciser quelques années plus tard, que « tout juge national (…) a l’obligation d’appliquer intégralement le droit communautaire et de protéger les droits que celui-ci confère aux particuliers, en laissant inappliquée toute disposition éventuellement contraire de la loi nationale » (CJCE, 9 mars 1978, Adm. Des finances de l’Etat c./ SA Simmenthal, aff. 106/77).

Ainsi, à travers ces arrêts, la Cour a acté le célèbre principe de primauté du droit de l’Union sur les législations des Etats membres.

Ce droit de l’UE est composé des traités originaires liant les Etats membres (le droit pri-maire), mais aussi de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) et enfin du droit dérivé de l’Union, c’est-à-dire d’une série d’actes adoptés par les institutions européennes sur le fondement des traités et qu’il faudra aborder plus en détails par la suite. Parmi les actes de droit dérivé, une réelle distinction est opérée par les articles 289 et 290 du Traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE) qui évoquent, d’un côté, les actes législatifs et de l’autre, les actes non-législatifs. Les procédures d’adoption de ces différents actes juridiques de l’UE sont précisément énumérées par les traités.

Il convient aussi d’analyser le contrôle opéré par le juge administratif sur l’application de ce droit dérivé. En effet, le Conseil d’Etat rappelle que « le juge administratif français est conduit, dans son champ de compétence, à appliquer et à interpréter le droit de l’Union européenne. Sa jurisprudence assure pleinement son intégration au droit national et consacre sa place particulière dans la hiérarchie des normes » (Conseil d’Etat, « Le juge administratif et le droit de l’Union Européenne », 23 septembre 2015).

Ce droit dérivé de l’UE est composé tout d’abord, en grande partie, d’actes unilatéraux prévus par le Traité sur le fonctionnement de l’UE (I), mais aussi par des accords internationaux signés par l’Union européenne (II).

I - Les actes unilatéraux prévus par le Traité sur le fonctionnement de l'UE

L’alinéa 1er de l’article 288 du TFUE précise que « pour exercer les compétences de l'Union, les institutions adoptent des règlements, des directives, des décisions, des recommandations et des avis ».

A - Les règlements : portée générale et application directe

L’alinéa 2 de l’article 288 du TFUE pose le principe d’application directe et obligatoire des règlements dans l’ordre juridique des Etats membres. En effet, il précise que « le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État membre ».

Aucune marge de manœuvre n’est donc laissée aux Etats membres qui doivent se borner à appliquer stricto sensu ces mesures réglementaires. Aussi, le règlement est applicable à l’ensemble des Etats membres, sans viser précisément des individus comme peut le faire une décision. Il s’applique dés la date fixée par lui-même, ou, à défaut, le vingtième jour qui suit sa publication au Journal officiel (JO) de l’UE.

On retrouve souvent les règlements en matière de réglementations sanitaires ou de santé publique, mais aussi dans d’autres domaines. 

Ce type d’actes permet la mise en place d’une réglementation précise et homogène sur l’ensemble du territoire de l’Union. Le Conseil d’Etat dégage en France, dés 1990, la compatibilité qui doit obligatoirement exister entre les lois nationales et les règlements de l’UE (CE, 24 septembre 1990, Boisdet).

B - Les directives : des résultats à atteindre sous peine de sanctions

La directive demeure un acte très répandu en droit de l’Union et permet la mise en œuvre des politiques européennes en prenant en compte les spécificités de chaque Etat membre. L’alinéa 3 de l’article 288 TFUE prévoit que « la directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ».

En effet, une fois adoptée par les institutions de l’UE, une directive doit être transposée en droit interne, dans chaque Etat. Cela doit être effectué dans un délai certain et fixé préalablement par celle-ci (généralement dans les deux années qui suivent son adoption). Cette transposition, par un acte législatif (lorsque l’objet de cette directive touche au domaine législatif défini à l’article 34 de la Constitution) ou par un acte réglementaire au niveau national, doit permettre d’atteindre les objectifs fixés par la directive, mais sous la forme et par les moyens les mieux adaptés à chaque Etat membre. 

En cas de retard dans la transposition, l’Union peut condamner l’Etat membre à une amende jusqu’à ce que la directive soit mise en œuvre. Il faut rappeler dans ce domaine, que l’Etat français a été condamné à de très nombreuses reprises notamment au début des années 2000, mais la situation tend à s’améliorer à nouveau ces derniers mois. Dés lors qu’une directive confère des droits aux particuliers et même si elle est mal transposée ou si cette transposition n’a pas encore eu lieu en droit interne, la Cour de justice de l’UE lui reconnaît des effets. Un citoyen de l’Union ne pourra alors l’invoquer à l’encontre d’un autre particulier. Il pourra cependant le faire à l’encontre d’un pays de l’UE devant la justice (CJUE, 14 juillet 1994, Paolo Faccini Dori c./ Recreb Sri, aff. C-91/92). De la même façon et sous certaines conditions, la Cour reconnaît qu’un particulier pourra demander, au pays membre, réparation d’un préjudice résultant de la non-transposition ou d’un retard de transposition d’une directive. 

Le juge administratif reconnaît la primauté des orientations émises par les directives sur les règlements nationaux qui doivent s’y conformer et être abrogés en cas d’incompatibilité (CE Ass., 3 février 1989, Compagnie Alitalia). Aussi, le Conseil d’Etat va jusqu’à reconnaître en 1992, la primauté des directives sur les lois (CE Ass., 28 février 1992, SA Rothmans International France). Puis dans cet élan jurisprudentiel, l’assemblée du contentieux de la Haute juridiction vient égale-ment préciser qu’une réglementation du droit national qui serait incompatible avec les objectifs d’une directive, même si celle-ci n’a pas été transposée en droit interne, ne doit plus être appliquée à l’expiration des délais de transposition (CE Ass. 6 février 1998, M. Tête). Surtout, elle reconnaît le droit pour chacun d’invoquer les dispositions inconditionnelles et suffisamment précises d’une directive à l’appui d’un recours contre un acte administratif individuel, alors même que l’Etat n’a pas transposé cette directive dans les délais prévus (CE Ass. 3 octobre 2009, Mme Perreux). Plus récemment, le Conseil d’Etat a jugé que le refus par l’autorité administrative d’adopter des mesures règlementaires de transposition est une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir à l’appui duquel la méconnaissance de l’obligation de transposition pourra être invoquée (CE, ass., 17/12/2021, M. Q).

On retrouve des directives sur plusieurs dossiers considérables tels que les travailleurs détachés, le marché unique, les droits des consommateurs, l’aménagement du temps de travail ou encore la libre circulation des citoyens de l’Union.

C - Les décisions : une application obligatoire

L’alinéa 4 de l’article 288 TFUE précise que « la décision est obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu'elle désigne des destinataires, elle n'est obligatoire que pour ceux-ci».

Cet acte juridique, obligatoirement applicable dans la totalité de ses dispositions, est généralement adressé à des destinataires en particulier. Ces derniers sont mentionnés dans chacune des décisions. Depuis le Traité de Lisbonne, cet acte peut également avoir une portée plus générale. 

Les décisions mentionnant un destinataire, qui peut être un particulier, un pays membre ou une entreprise par exemple, sont adoptées dans le cadre d’une véritable procédure législative. Elles doivent également être notifiées au(x) destinataire(s) concerné(s) pour devenir applicables, même si elles ont été publiées au JO de l’Union Européenne. Les autres décisions peuvent être adoptées sans passer par la procédure législative, parfois à la seule initiative de la Commission. C’est notamment le cas en matière de politique étrangère et de sécurité commune (PESC). 

D - Les recommandations et les avis : un simple rôle de conseil

Les recommandations et avis émis par les institutions européennes n’ont pas d’effets contraignants. Ces actes se limitent simplement à un rôle de conseil et de déclaration de la part de ces institutions à l’encontre de leurs destinataires. En effet, le dernier alinéa de l’article 288 TFUE rappelle bien que « les recommandations et les avis ne lient pas ». Le justiciable ne peut s’en pré-valoir à l’encontre d’un Etat membre. 

II - Des accords internationaux conclus par l'Union

Le TFUE permet aussi à l’Union de conclure des accords internationaux, particulièrement dans certains domaines de compétences (A), liant ainsi Etats membres et institutions de l’UE (B). Ces accords font partie intégrante du droit dérivé de l’Union.

A - Des accords dans les domaines de compétences de l'UE

L’alinéa 1er de l’article 216 TFUE précise que « l'Union peut conclure un accord avec un ou plusieurs pays tiers ou organisations internationales lorsque les traités le prévoient ou lorsque la conclusion d'un accord, soit est nécessaire pour réaliser, dans le cadre des politiques de l'Union, l'un des objectifs visés par les traités, soit est prévue dans un acte juridique contraignant de l'Union, soit encore est susceptible d'affecter des règles communes ou d'en altérer la portée ». Généralement, l’UE peut conclure de tels accords en matière environnementale ou monétaire, mais aussi concernant la politique commerciale commune et la coopération au développement.

La CJUE peut être amenée à se prononcer sur la compatibilité d’un accord international signé par l’UE avec le droit primaire, c’est-à-dire les traités. En cas d’incompatibilité, cet acte de droit dérivé ne peut être conclu. Ce fût notamment le cas dans l’avis sur l’adhésion de l’Union à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CJUE, 18 décembre 2014, avis 2/13).

B - Des accords liant les Etats membres et institutions de l'Union

L’alinéa 2 de l’article 216 TFUE rappelle que « les accords conclus par l'Union lient les institutions de l'Union et les États membres ».

Ces accords internationaux ont ainsi une valeur obligatoire dans l’ensemble des Etats membres de l’Union Européenne. 

On peut citer, par exemple, les accords économiques et commerciaux entre l’UE et le Canada, mais aussi entre l’UE et le Pérou.