Le Haut Conseil des finances publiques (fiche thématique)

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Introduction

Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) est une institution budgétaire indépendante du Gouvernement et du Parlement, placée auprès de la Cour des comptes. Sa création fait suite au Traité du 2 mars 2012 sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) au sein de l’Union économique et monétaire : celui-ci prévoyait, en effet, la création, au niveau national, d’organismes indépendants chargés de veiller au respect des règles budgétaires européennes.

Composé d’experts en économie et en finances publiques, nommés par le Premier président de la Cour des comptes et diverses instances politiques, le Haut Conseil est chargé d’apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques du Gouvernement et de vérifier la cohérence de la trajectoire de retour à l’équilibre des finances publiques avec les engagements européens de la France. Ces tâches débouchent sur des avis qui sont rendus publics.

L’an dernier, le HCFP a vu ses missions être, sensiblement, renforcées par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques et par la loi du 6 décembre 2021 portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l’information du Parlement sur les finances publiques. Toutefois, certains, dont son président actuel, M. Pierre Moscovici, considèrent que ces avancées demeurent insuffisantes.

Il convient, donc, d’étudier, dans une première partie, les origines du HCFP (I), d’analyser, dans une seconde partie, son organisation (II) et d’examiner, dans une troisième partie, ses missions (III).

I – L'origine du Haut Conseil des finances publiques

Comme la plupart des pays industrialisés, la France connaît d’importants déficits publics depuis les années soixante-dix. Ceux-ci ont, au fil du temps, alourdi le poids de la dette publique, ce qui a posé la question de la soutenabilité des finances publiques, c’est-à-dire de la capacité des Etats à honorer leurs engagements financiers. Cette question revêt une importance particulière en Europe du fait de l’existence d’une monnaie unique où les comportements budgétaires des uns influent sur la situation économique des autres.

La crise économique et financière amorcée en 2008 et la crise de la dette souveraine qui s’en est suivie ont donné un relief particulier à cette question. Ces crises ont, en effet, conduit les Etats membres de l’Union européenne à adopter trois réformes successives destinées à mieux encadrer les finances publiques des Etats : il s’agit du « six pack » de 2011, du Traité du 2 mars 2012 sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) au sein de l’Union économique et monétaire et du « two pack » de 2013.

Le Haut Conseil des finances publiques doit sa création au TSCG. Ce dernier prévoit, en effet, l’inscription d’une règle d’équilibre structurel des comptes des administrations publiques dans les droits nationaux des parties contractantes, ainsi que la création d’institutions chargées, au niveau national, de s’assurer du respect de cette règle. Les missions de ces organismes ont été précisées par un règlement européen du 21 mai 2013. Ceux-ci sont, ainsi, chargés, d’une part, de surveiller le respect des règles nationales matérialisant, en droit interne, la règle d’équilibre structurel et, d’autre part, de vérifier les prévisions macroéconomiques des projets de plans budgétaires des Etats membres. Le règlement de 2013 a, également, défini les conditions d’indépendance de ces organismes : il prévoit, pour ceux-ci, l’interdiction de prendre des instructions des autorités budgétaires, la capacité de communiquer publiquement en temps utile, des procédures de nomination des membres fondées sur leur expérience et leur compétence, des ressources suffisantes et un accès approprié à l’information pour mener à bien leur mission.

En France, le choix a été fait de créer un organisme spécifique pour réaliser cette tâche. En effet, la Cour des comptes figurait bien dans le recensement des institutions budgétaires indépendantes européennes présenté par la Commission européenne, mais elle n’avait pas les compétences techniques et la crédibilité suffisantes pour se prononcer sur le second volet des missions de ces organismes : le contrôle des prévisions macroéconomiques. Aussi, il a été décidé, par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, de créer un Haut Conseil des finances publiques, « organisme indépendant placé auprès de la Cour des comptes », pour assurer l’ensemble des tâches prévues par le TSCG.

II – L'organisation du Haut Conseil des finances publiques

Le Haut Conseil des finances publiques comprend onze membres (A). Il est assisté pour l’accomplissement de ses missions par un secrétariat permanent dirigé par un rapporteur général (B).

A – La composition du HCFP

Le HCFP est présidé par le Premier président de la Cour des comptes. Son collège comprend dix autres membres.

Quatre sont des magistrats de la Cour des comptes. Ceux-ci sont nommés par son Premier président. Ils comprennent autant d’hommes que de femmes.

Cinq sont des personnalités qualifiées choisies en raison de leurs compétences dans les domaines des finances publiques et des prévisions macroéconomiques. Il sont nommés, respectivement, par le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, le président de la commission des finances du Sénat et le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Les personnalités qualifiées désignées par les autorités parlementaires doivent comprendre autant d’hommes que de femmes. Lors de chaque renouvellement, le membre succédant à une femme est un homme et celui succédant à un homme, une femme.

Enfin, le HCFP comprend le directeur général de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) nommé ès qualités.

Le mandat des membres du HCFP est de cinq ans. Ce mandat est renouvelable une fois pour les magistrats de la Cour. Il n’est pas renouvelable pour les personnalités qualifiées. Le collège est renouvelé pour moitié tous les trente mois. Enfin, les membres du HCFP ne sont pas rémunérés.

B – Les moyens du HCFP

Le HCFP est assisté par un secrétariat permanent dirigé par un rapporteur général qui est nommé par décision du président après avis du Haut Conseil et qui peut être assisté d’un ou plusieurs adjoints. Le rapporteur général conduit les travaux préparatoires et élabore les projets d’avis qui sont soumis au HCFP. Il est l’interlocuteur principal des administrations financières. Le secrétariat permanent est, par ailleurs, assisté de rapporteurs spécialistes.

Le HCFP a, également, la possibilité de faire appel à des organismes ou à des personnalités extérieures à l’administration.

Afin d’exercer ses missions, le HCFP dispose de crédits budgétaires regroupés dans un programme spécifique (n° 340) de la mission « Conseil et contrôle de l’Etat », comme ceux des juridictions financières et administratives ou ceux du CESE. Ce programme est placé sous la responsabilité du président du HCFP. Il est doté d’un budget de 1,1 M€ en 2021. Ces crédits doivent permettre au Haut Conseil de rémunérer les membres de son secrétariat permanent et de financer des études.

III – Les missions du Haut Conseil des finances publiques

Les missions originelles du HCFP (A) ont été, sensiblement, élargies lors de la réforme de 2021 (B).

A – Les missions originelles du HCFP

Le HCFP est chargé de deux missions principales.

En premier lieu, il doit rendre un avis sur les hypothèses macroéconomiques – notamment, les prévisions de croissance – utilisées par le Gouvernement pour préparer les principaux textes qui régissent les finances publiques avant qu’ils ne soient présentés au Parlement : projet de loi de programmation des finances publiques, projet de loi de finances de l’année, projet de loi de financement de la sécurité sociale, projet de loi de finances rectificative, projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale et projet de programme de stabilité et de croissance transmis chaque année à la Commission européenne et au Conseil de l’Union européenne. Si le Gouvernement est conduit à modifier ses prévisions au cours des débats parlementaires, il en informe le Haut Conseil qui doit, alors, rendre un avis. Lorsqu’il exprime un avis sur le réalisme des prévisions macroéconomiques, le HCFP peut tenir compte des prévisions d’autres organismes, mais leur liste doit, alors, être rendue publique.

En second lieu, le HCFP veille à la cohérence de la trajectoire de retour à l’équilibre des finances publiques (État, collectivités territoriales, Sécurité sociale) avec les engagements européens de la France. Il le fait à trois niveaux successifs. D’une part, lorsque le Gouvernement prépare une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, le Haut Conseil rend, a priori, au mois de septembre, un avis sur la cohérence de la programmation envisagée au regard de l'objectif à moyen terme retenu et des engagements européens de la France. Conformément au TSCG, la trajectoire de la loi de programmation est définie en termes de solde structurel, après correction des effets des fluctuations de la conjoncture économique sur les déficits publics et déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires. D’autre part, chaque année, en septembre, le HCFP se prononce sur la cohérence de l’article liminaire du projet de loi de finances de l’année et du projet de lois de financement de la sécurité sociale au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques. Il en va de même en cas de dépôt d’un projet de loi de finances rectificative ou d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Enfin, le HCFP compare, en vue du dépôt du projet de loi de règlement, le solde structurel de l’année passée avec la prévision qui figurait dans la loi de programmation : en cas d’écart important (0,5 % du PIB sur un an ou 0,25 % en moyenne sur deux ans), la loi organique de 2012 prévoit un mécanisme de correction qui impose au Gouvernement de tenir compte de cet écart dans le prochain projet de loi de finances de manière à revenir à la trajectoire de solde structurel de la loi de programmation.

Ces avis sont rendus publics en même temps que les projets de lois sur lesquels ils portent, en amont de leur transmission au Parlement. Le président du HCFP est auditionné par les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat préalablement au débat parlementaire.

B – L'apport de la réforme de 2021

Les missions originelles du HCFP ont été élargies par la loi organique du 28 décembre 2021 et la loi du 6 décembre 2021. Pierre Moscovici, actuel président du HCFP, s’en est félicité.

Ainsi, le Haut Conseil a, désormais, pour mission d'apprécier le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses du projet de loi de finances de l'année, du projet de loi de financement de la sécurité sociale, du projet de loi de finances rectificative, du projet de loi de finances de fin de gestion et du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Cette évolution est de nature à renforcer la transparence des finances publiques et à permettre au Parlement et aux citoyens de se former un avis plus éclairé sur les perspectives de finances publiques de la France. Le HCFP est, également, compétent, à présent, pour apprécier la cohérence de l'article liminaire du projet de loi de finances de l'année et du projet de loi de financement de la sécurité sociale au regard des orientations pluriannuelles de dépenses des administrations publiques définies dans la loi de programmation des finances publiques. Le mandat du HCFP est, enfin, étendu aux projets de loi de programmation sectoriels ayant une incidence sur les finances publiques.

Ces avancées peuvent, toutefois, apparaître insuffisantes. M. Moscovici a, ainsi, regretté que le mandat du Haut conseil reste plus étroit que celui de nombre de ses homologues européens. En particulier, le HCFP ne s'est pas vu confier la tâche d'expertiser l’évaluation des mesures nouvelles en recettes et en dépenses et le texte ne lui demande pas, non plus, de fournir, en complément de celle du Gouvernement, sa propre analyse sur la soutenabilité de la dette.

Malgré ces lacunes, le HCFP conserve un pouvoir certain. Celui-ci réside, principalement, dans sa capacité à exprimer, publiquement, des avis convaincants qui sont largement repris dans les médias, les travaux parlementaires, les analyses de la situation de la France réalisées par les organismes privés et les organisations internationales, ainsi que par les instances de l’Union européenne. Le Gouvernement et le Parlement ne peuvent donc les ignorer.