Introduction

Comme la plupart des pays industrialisés, la France connaît d’importants déficits publics depuis les années 1970. Ceux-ci ont, au fil du temps, alourdi le poids de la dette publique, ce qui a posé la question de la soutenabilité des finances publiques, c’est-à-dire de la capacité des Etats à honorer leurs engagements financiers. Cette question revêt une importance particulière en Europe du fait de l’existence d’une monnaie unique où les comportements budgétaires des uns influent sur la situation économique des autres. Ces deux tendances de fond ont provoqué, en réaction, deux mouvements : l’un de consolidation des finances publiques, l’autre visant à appréhender ces dernières de manière pluriannuelle.

S’est, ainsi, progressivement, imposée l’idée d’opérer un pilotage global des trois composantes des finances nationales : Etat, collectivités locales et administrations de Sécurité sociale. Ce mouvement, dit de consolidation, s’est traduit par la création, d’une part, des lois de financement de la Sécurité sociale et, d’autre part, d’organismes paritaires de coordination entre les différents acteurs publics. Quant à l’Etat, il a vu son rôle être considérablement renforcé du fait qu’il est celui qui doit rendre des comptes au niveau européen.

Le second mouvement a concerné le développement de la pluriannualité budgétaire, c’est-à-dire de dispositifs permettant d’avoir une vision à moyen terme des finances publiques. Les autorisations d’engagement en sont un exemple. Mais, c’est dans la période récentes qu’ont été créés les dispositifs les plus intéressants : il s’agit des lois de programmation des finances publiques créées lors de la révision constitutionnelle de 2008 et de la programmation budgétaire triennale de l’Etat mise en place à compter de 2009. Les premières s’intéressent à l’ensemble des finances publiques, la seconde seulement à celles de l’Etat.

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, le mouvement de consolidation des finances publiques (I) et d’analyser, dans une seconde partie, le développement de la pluriannualité budgétaire (II).

I - Un mouvement de consolidation des finances publiques

A côté des finances de l’Etat, se sont, progressivement, développées les finances sociales et les finances locales. Les premières sont, essentiellement, apparues à la Libération avec la volonté d’un financement, indépendant de l’Etat et de l’impôt, provenant des cotisations sociales liées au travail. Cette logique perdure encore aujourd’hui même si l’on constate une certaine fiscalisation des ressources sociales. Les secondes ont pris leur essor avec l’acte I de la décentralisation en 1982-1983 et l’acte II à la suite de la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003. Ce mouvement s’est accompagné de transferts de compétences de l’Etat au profit des collectivités locales et a nécessité, pour ces dernières, des ressources adéquates.

Face à cet éclatement des finances publiques, s’est faite jour la nécessité d’un pilotage global des trois branches qui les composent : c’est ce que l’on a appelé la consolidation des finances publiques. Deux arguments militaient en ce sens.

D’une part, la crise économique frappe de manière aveugle les différents acteurs publics. C’est ainsi que les organismes de Sécurité sociale et les collectivités locales connaissent, tout comme l’Etat, des déficits chroniques et une hausse de leur dette. L’objectif de maitrise de ces dérives budgétaires passe, donc, par une appréhension globale des dépenses de ces différents acteurs.

D’autre part, l’appartenance à l’Union européenne et l’instauration de la monnaie unique ont provoqué la mise en place d’un dispositif européen d’encadrement des politiques budgétaires des Etats. Or, celui-ci s’intéresse aux finances de l’ensemble du secteur public, Etat, collectivités locales et organismes de Sécurité sociale compris.

Ce mouvement de consolidation des finances publiques a vu le rôle de l’Etat être considérablement renforcé (C). Il s’est traduit par la création des lois de financement de la Sécurité sociale (A) et d’organismes de régulation et de contrôle (B).

A - L'instauration des lois de financement de la Sécurité sociale

La création des lois de financement de la Sécurité sociale (LFSS) tient à la volonté du pouvoir constituant d’accorder au Parlement une plus grande place dans la gestion des finances sociales. Outre les arguments déjà évoqués, cette évolution s’explique par plusieurs facteurs. D’une part, le financement de la Sécurité sociale s’est fait, à compter des années 1980 et, notamment, de la mise en place de la CSG (contribution sociale généralisée), de plus en plus à partir de ressources fiscales. D’autre part, l’on a assisté à une déconnexion progressive entre versement de prestations et exercice d'une activité professionnelle.

L’ensemble de ces mouvements ont provoqué une « publicisation » des finances sociales qui a justifié la révision constitutionnelle du 22 février 1996. Cette dernière a créé une nouvelle catégorie de loi, les lois de financement de la Sécurité sociale, dont le but est de renforcer les pouvoirs du Parlement en la matière. L’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 est, ainsi, complété : « Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ».

Toutefois, cette réforme présentait des limites rendues plus visibles avec la mise en œuvre de la LOLF (loi organique relative aux lois de finances) applicable en matière de finances de l’Etat. Aussi, la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la Sécurité sociale (LOLFSS) a été adoptée afin d’améliorer le pilotage des finances sociales (1). Elle est venue modifier la LOLFSS antérieure du 22 juillet 1996.  Le cadre a été complété, en 2022, par une nouvelle LOLFSS (2).

1 – Les objectifs de la LOLFSS du 2 août 2005

La LOLFSS du 2 août 2005 poursuit trois grands objectifs.

Le premier est le renforcement du rôle du Parlement sur deux points principaux. Celui-ci doit, d’abord, se prononcer sur des prévisions à quatre ans pour les dépenses, les recettes et le solde du régime général des régimes obligatoires de base de Sécurité sociale et des fonds concourant à leur financement. L’introduction de la dimension pluriannuelle et la présentation des soldes des différentes branches dans les documents du projet de LFSS améliorent, ainsi, l’information des parlementaires et renforce la portée de leur vote. Dans le même esprit, la décomposition de l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie (ONDAM) en « sous-objectifs » (soins de ville, établissements de santé tarifés à l’activité, autres dépenses relatives aux établissements de santé, établissements et services pour personnes âgées, établissements et services pour personnes handicapées et autres modes de prise en charge) permet au Parlement de mieux identifier la répartition des dépenses couvertes par l’ONDAM.

Le second est la généralisation, à l’instar des finances de l’Etat, de la démarche de performance au niveau des services de la Sécurité sociale. Cette démarche se décline, d’abord, à travers les conventions d’objectifs et de gestion (COG). Ces conventions sont conclues entre l'État et les caisses nationales des principaux régimes de Sécurité sociale. Identiques dans leurs principes généraux, elles diffèrent, néanmoins, selon chaque branche ou régime en fonction des axes stratégiques qui lui sont propres. Elles formalisent, dans un document contractuel, la délégation de gestion du service public de la Sécurité sociale aux organismes gestionnaires et sont signées, pour une durée de quatre ans, par le président et le directeur de la caisse concernée, ainsi que par les ministres de tutelle. Elles sont ensuite déclinées en contrats pluriannuels de gestion (CPG) entre la caisse nationale et les caisses locales. La démarche de performance se formalise, également, au travers de six programmes de qualité et d’efficience (PQE) relatifs aux dépenses et aux recettes de chaque branche de la Sécurité sociale. Ces programmes comportent un diagnostic de la situation, un récapitulatif des objectifs explicités au moyen d’indicateurs, ainsi que les moyens mis en œuvre pour atteindre ces objectifs et enfin les résultats atteints. L’on ne peut éviter de faire le lien avec les projets annuels de performance (PAP) et les rapports annuels de performance (RAP) en matière de finances de l’Etat.

Le troisième objectif vise à mieux articuler les projets de loi de finances (PLF) et les projets de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Le rapport du Gouvernement relatif aux orientations des finances sociales peut, ainsi, faire l’objet d’un débat conjoint au Parlement avec le rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques. Par ailleurs, l’élaboration du PLFSS se fait en étroite collaboration entre la direction du Budget et la direction de la Sécurité sociale. Enfin, la mise en place d’une perspective pluriannuelle des PLFSS rapproche les finances sociales de celles de l’État.

2 – Les apports de la LOLFSS de 2022

Le régime des LFSS a été complété par la loi organique relative aux lois de financement de la Sécurité sociale du 14 mars 2022. Ce texte complète le dispositif existant sur plusieurs points.

Cette loi prévoit, d’abord, d'améliorer l'information des parlementaires sur l'ensemble des administrations publiques de la Sécurité sociale. Les projets de LFSS seront, ainsi, complétés d'un article liminaire qui présentera les trajectoires financières des administrations de Sécurité sociale. Les annexes des projets de LFSS sont, par ailleurs, rationalisées et enrichies : un compteur des écarts est, ainsi, introduit pour permettre une comparaison entre les dépenses prévues lors de la loi de programmation des finances publiques et les objectifs de dépenses au sein des projets de loi de financement ; de nouvelles annexes sont créées notamment sur la situation financière des établissements de santé et sur les perspectives des régimes d'assurance chômage et de retraite complémentaire obligatoires. Une information approfondie des modalités de construction de l’ONDAM doit, par ailleurs être communiquée au Parlement.

Sur le plan procédural, la date de dépôt du projet de LFSS est alignée sur celle du projet de loi de finances, à savoir le 1° mardi d'octobre de l'année, pour permettre aux parlementaires de disposer d’une semaine supplémentaire pour déposer des amendements. Ils n'ont souvent que deux jours à l'heure actuelle. Sur le modèle des lois de règlement de l'État, une loi d'approbation des comptes de la Sécurité sociale (LACSS) est créée. Elle sera débattue au printemps et devra être déposée avant le 1° juin. Aujourd'hui, la situation financière passée est rapidement discutée lors de l'examen de la première partie du projet de LFSS portant sur l’approbation et la clôture des comptes de l’exercice N-1. Le dépôt de cette LACSS s’accompagnera du dépôt concomitant par la Cour des comptes de son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.

B – L'instauration d'organismes de régulation et de contrôle des finances publiques

Afin d’aider les différentes parties prenantes à appréhender les finances publiques de manière globale, ont été mises en place différentes institutions : certaines visent une fonction de régulation (1) quand une autre exerce une mission de contrôle (2).

1 – Les organismes paritaires de régulation des finances publiques

Dans le cadre de la logique de consolidation des finances publiques, ont été, progressivement, institués des organismes paritaires, composés de représentants de l’Etat, des collectivités locales et des organismes de Sécurité sociale, ayant pour fonction de fournir des informations et de réguler, par la concertation, les évolutions des ressources et des dépenses publiques afférentes aux différentes administrations.

La création en 2006 de la Conférence nationale des finances publiques et du Conseil d’orientation des finances publiques a constitué un premier exemple de cette nouvelle forme de gouvernance. La première devait réunir, chaque année, les représentants des trois grandes composantes des finances publiques afin de dégager les voies d’une maîtrise des dépenses publiques et de la dette (les ressources publiques n’étaient pas visées). Le second devait décrire et analyser la situation des finances publiques, apprécier les conditions requises pour en assurer la soutenabilité (et notamment la contribution nécessaire des différentes administrations publiques), formuler des recommandations ou propositions concernant la bonne gestion des finances publiques et préparer et organiser les travaux de la Conférence nationale des finances publiques.

Ces organismes ont été supprimés par le décret du 18 février 2013. Parallèlement, la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques 2014 - 2019 du 29 décembre 2014 a institué une nouvelle Conférence des finances publiques associant l’État, les collectivités territoriales, les organismes de Sécurité sociale et les partenaires sociaux. Cette conférence devait élaborer un diagnostic sur la situation des finances publiques et apprécier les conditions requises pour assurer le respect de la trajectoire des finances publiques, notamment en évaluant la contribution des différentes administrations publiques. Mais, elle ne s'est jamais réunie. Aussi, par un décret du 23 décembre 2016, l'Exécutif a décidé de la supprimer.

2 – Une instance de contrôle : le Haut conseil des finances publiques

Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG), ratifié par la France le 22 octobre 2012, prévoyait que des institutions budgétaires indépendantes devaient vérifier, au niveau national, le respect des règles budgétaires européennes. Aussi, la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques a institué un Haut conseil des finances publiques (HCFP) chargé de veiller au respect par les lois de programmation, mais aussi par les lois financières annuelles de l’objectif de déficit structurel de 0,5 % maximum du PIB conformément à ce que prévoit le TSCG.

Le HCFP comprend onze membres : le président qui est le Premier président de la Cour des comptes, quatre magistrats de la Cour des comptes, cinq personnalités qualifiées et le directeur général de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Les quatre magistrats de la Cour des comptes sont nommés par son Premier président. Les cinq personnalités qualifiées sont nommées respectivement par le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat, le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, le président de la commission des finances du Sénat et le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Leur mandat est de cinq ans renouvelable une fois pour les magistrats de la Cour, mais non renouvelable pour les personnalités qualifiées.

Sur le plan des missions, le HCFP est, d’abord, chargé de rendre un avis sur les hypothèses macroéconomiques – notamment, les prévisions de croissance – utilisées par le Gouvernement pour préparer des principales lois financières : projet de loi de programmation des finances publiques, projet de loi de finances de l’année, …

Il doit, également, veiller à la cohérence de la trajectoire de retour à l’équilibre des finances publiques (État, collectivités territoriales, Sécurité sociale) avec les engagements européens de la France. D’une part, lorsque le Gouvernement prépare une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, le Haut Conseil rend, a priori, au mois de septembre, un avis sur la cohérence de la programmation envisagée au regard de l'objectif à moyen terme retenu et des engagements européens de la France. D’autre part, chaque année, en septembre, le HCFP se prononce sur la cohérence de l’article liminaire du projet de loi de finances de l’année et du projet de lois de financement de la sécurité sociale au regard des orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques. Enfin, le HCFP compare, en vue du dépôt du projet de loi de règlement, le solde structurel de l’année passée avec la prévision qui figurait dans la loi de programmation : en cas d’écart important, il est prévu un mécanisme de correction qui impose au Gouvernement de tenir compte de cet écart dans le prochain projet de loi de finances de manière à revenir à la trajectoire de solde structurel de la loi de programmation.

Ces missions ont été complétées par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Ainsi, le Haut Conseil a, désormais, pour mission d'apprécier le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses des principaux textes financiers. Le HCFP est, également, compétent, à présent, pour apprécier la cohérence de l'article liminaire du projet de loi de finances de l'année et du projet de loi de financement de la sécurité sociale au regard des orientations pluriannuelles de dépenses des administrations publiques définies dans la loi de programmation des finances publiques. Le mandat du HCFP est, enfin, étendu aux projets de loi de programmation sectoriels ayant une incidence sur les finances publiques.

C – Un mouvement qui conduit au renforcement du rôle de l'Etat

L’Etat apparait comme la clé de voûte de l’ensemble du dispositif mis en place pour assainir la situation des finances publiques. Cette situation apparaît logique étant donné que c’est lui qui est tenu de rendre compte à Bruxelles de la soutenabilité des finances nationales. Il est donc normal qu’il renforce son contrôle sur les finances non étatiques.

Les LFSS en sont l’un des outils pour les finances sociales. Et, même s’il s’agit de lois de financement et non de finances, ce qui implique qu’elles n’ont pas de portée budgétaire, elles constituent un outils à la disposition du Gouvernement et du Parlement pour réguler cette composante fondamentale des finances publiques.

Quant aux finances locales, les exigences communautaires ont conforté les rapports déjà existant entre l’Etat et les collectivités locales, à savoir une autonomie financière des secondes sous un contrôle étroit du premier. C’est, notamment, le cas avec la suppression de pans entiers de la fiscalité locale et leur remplacement par des dotations étatiques. Ce mouvement s’explique, notamment, par la volonté de l’Etat de maîtriser les ressources des collectivités locales et donc, indirectement, leurs dépenses dans un contexte de lutte contre les déficits publics et de discipline budgétaire imposée par l’Union européenne. Elles vont dans le sens d’une régulation par le haut (c’est-à-dire par l’Etat) ou, à tout le moins, partenariale des finances locales et confirment le mouvement visant à piloter de manière globale l’ensemble des composantes des finances publiques. L’une des voies envisagées est la création de lois de financement des collectivités territoriales.

II - Le développement de la pluriannualité budgétaire

Progressivement, s’est faite jour l’idée selon laquelle le retour à l’équilibre budgétaire supposait d’avoir une vision à moyen terme des finances publiques. Outre les programmes de stabilité transmis annuellement à l’Union européenne, cet objectif s’est traduit, sur le plan interne, par le développement de deux formes de pluriannualité budgétaire : l’une de gestion (A), l’autre de gouvernance (B).

A – La pluriannualité de gestion : les autorisations d'engagement

Dans la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, le cadre annuel a, très vite, été considéré comme trop étriqué pour permettre à l’Etat de mettre en œuvre des politiques cohérentes. C’est, en effet, à partir de cette période que l’Etat a entrepris des politiques interventionnistes en termes d’équipement et de programmation à moyen ou long terme. Or, ces politiques exigent une continuité dans le temps et se laissent malaisément enfermer dans le cadre de l’année. Elles impliquent, au contraire, une vision pluriannuelle des engagements budgétaires.

Aussi, a été mis en place, sous le régime de l’ordonnance de 1959, ce que l’on a appelé les autorisations de programme. Il s’agissait d’autorisations qui concernaient les seules dépenses d’investissement et qui portaient uniquement sur la phase d’engagement de la dépense. Ces autorisations étaient indéfiniment utilisables, mais le Gouvernement devait, chaque année, obtenir du Parlement (qui pouvait refuser) les crédits de paiement permettant de les mettre en œuvre.

La LOLF est venue rationnaliser ce système. Dorénavant, l’on parle d’autorisations d’engagement (art. 8 de la LOLF) et ces dernières concernent aussi bien les dépenses de fonctionnement, à l'exception des dépenses de personnel, que les dépenses d'investissement. Ces autorisations permettent à l’Etat d’engager des dépenses qui dépassent le cadre annuel. Concrètement, lorsque celui-ci veut réaliser un projet s’échelonnant sur plusieurs années, il doit mettre en œuvre une autorisation d’engagement et, au fur et à mesure qu’il faut régler les fournisseurs, il consomme des crédits de paiement qui, eux, ont une validité annuelle.

B – La pluriannualité de gouvernance

Ont été mis en place, depuis 2008, deux dispositifs. Le premier concerne l’ensemble des finances publiques : il s’agit des lois de programmation des finances publiques (1). Le second ne concerne que l’Etat et vise une programmation budgétaire triennale des dépenses (2).

1 - Les lois de programmation des finances publiques

Les lois de programmation des finances publiques ont été créées par la loi de révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et organisées par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques adoptée à la suite de la ratification du Traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union économique et monétaire. Selon l’article 34 révisé de la Constitution, « Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques. »

Cette réforme vient consacrer la pluriannualité budgétaire (trois ans minimum) avec pour objectif d'assurer une meilleure gouvernance des finances publiques dans leur ensemble, tant en ce qui concerne la maitrise des dépenses publiques que la prévisibilité des recettes. Ces lois concernent, en effet, chacun des acteurs de la dépense publique : Etat, collectivités territoriales et administrations de Sécurité sociale. Elles doivent, par ailleurs, comporter la fixation de l’objectif à moyen terme d’équilibre des administrations publiques, la définition de la trajectoire pour atteindre cet objectif sous la forme d’un solde structurel défini pour chaque année de la programmation et la fixation, pour l’ensemble des administrations publiques, de la trajectoire en solde structurel et en solde effectif par sous-secteur et la présentation d’une trajectoire de la dette publique.

La programmation pluriannuelle budgétaire a été renforcée par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Cette dernière prévoit ainsi que les lois de programmation doivent déterminer, pour chacun des exercices de la programmation, un objectif d’évolution en volume et une prévision en milliards d’euros des dépenses des administrations publiques. Afin de renforcer la portée de cette nouvelle règle, un compteur des écarts à cette norme de dépense est prévu :  en cas d’écart, le Gouvernement devra justifier les raisons qui l’expliquent au sein du Rapport économique, social et financier et préciser les mesures destinées à la réduire. La loi organique complète, également, les informations devant figurer au sein de l’article liminaire des différentes lois financières afin que soit mieux appréciée la conformité des choix faits chaque année aux objectifs fixés par la loi de programmation. Celui-ci devra, donc, désormais, contenir : l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, l’état de la prévision de l’objectif d’évolution en volume et de la prévision en milliards d’euros des dépenses des administrations publiques, et l’état des prévisions de prélèvements obligatoires, de dépenses et d’endettement de l’ensemble des administrations publiques en point de PIB.

Malgré ces avancées, ce dispositif connaît une limite qui tient au fait que les lois de programmation demeurent dépourvues de toute force obligatoire sur le plan financier : elles ne sont, en effet, pas des lois de finances, mais des lois ordinaires. Mais, à travers elles, le vote de la représentation nationale donne un caractère solennel aux engagements budgétaires qu’elles contiennent. Malgré ces défauts, les lois de programmation des finances publiques apparaissent comme un instrument utile pour le pilotage de l’ensemble du secteur financier public. La prochaine étape sera, probablement, d’accorder à leurs dispositions un caractère obligatoire afin que parlementaires comme Gouvernement ne puissent s’en écarter.

2 – La programmation budgétaire triennale de l’Etat

Depuis 2009, la préparation du projet de loi de finances s’effectue dans le cadre d’une programmation budgétaire triannuelle. Celle-ci concerne uniquement les dépenses et le périmètre étatique. Il s’agit d’une démarche de l’Exécutif pour maîtriser les dépenses de l’Etat. Ce dispositif ne doit donc pas être confondu avec les lois de programmation des finances publiques.

Il s’agit d’une programmation semi-glissante. Autrement dit, un plafond global de dépense est fixé en fonction de la norme de dépense et fait l’objet d’une programmation ferme sur trois ans. Ce plafond peut, toutefois, être modifié en fonction d’une révision des taux d’inflation initialement prévus si l’évolution est à la hausse. Des plafonds sont, également, fixés par mission au titre des autorisations d’engagement et des crédits de paiement : ils sont fermes les deux premières années, mais révisables la troisième dans le respect du plafond global. Sont, ensuite, fixés les crédits répartis par programme : ils sont fermes la première année, mais modifiables les deux suivantes. La troisième année sert de base au prochain budget pluriannuel.

Toutefois, seules les lois de finances annuelles, qui continuent à être soumises chaque année au vote du Parlement, détiennent une valeur contraignante. Mais, ce dispositif permet de les insérer dans le cadre d’une vision stratégique triannuelle en ce qui concerne les dépenses.