Introduction
Le Gouvernement dispose du monopole pour élaborer le projet de loi de finances de l’année. C’est, en effet, à lui, qu’il s’agisse des responsables politiques ou des différentes administrations financières placées sous son contrôle, que les textes attribuent cette compétence. Le Parlement ne peut intervenir en la matière, hormis sous la forme d’une consultation dans le cadre du débat d’orientation des finances publiques.
La création de ce débat, qui s’est faite en plusieurs étapes jusqu’à la loi organique relative aux lois de finances (dite LOLF) du 1° août 2001, répond à la volonté d’associer les parlementaires à la préparation du budget à venir. Cette procédure permet, en effet, au Gouvernement de consulter le Parlement sur les orientations budgétaires qu’il envisage.
La portée de ce débat doit, toutefois, être bien pesée. En effet, la préparation du budget relève toujours, exclusivement, du Gouvernement. Le Parlement est, lui, uniquement consulté. Cette nouvelle procédure offre, néanmoins, aux parlementaires une capacité d’influence, certes informelle, mais bien réelle, qu’ils n’avaient pas jusque-ici.
Il convient, donc, d’étudier, dans une première partie, la volonté d’associer le Parlement à la préparation du budget (I) et d’analyser, dans une seconde partie, la portée du débat d’orientation des finances publiques (II).
I – La volonté d'associer le Parlement à la préparation du budget
D’abord menée de manière informelle dans les années quatre-vingt-dix, puis consacré par la LOLF (A), le débat d’orientation des finances publiques permet de consulter, de manière pleine et entière, le Parlement sur le budget à venir (B).
A - Les origines du débat
L’idée d’organiser un débat, devant le Parlement, sur la loi de finances de l’exercice suivant n’est pas si inédite que cela. En effet, les collectivités locales se livrent déjà à un tel exercice, dans la mesure où la loi du 6 février 1992 contraint les assemblées territoriales à organiser un débat sur les orientations budgétaires dans les deux mois qui précèdent l’examen du budget.
Au niveau national, une première expérience de ce type a été menée, de manière informelle, en 1990 par le Gouvernement de M. Rocard. Par la suite, le Gouvernement d’A. Juppé a renouvelé cette expérimentation en 1996 dans le cadre de la préparation du budget pour 1997 au travers de ce que l’on a appelé le débat d’orientation budgétaire (DOB). Interrompu en 1997 du fait des élections législatives, le dispositif fut repris à compter de 1998.
C’est, donc, logiquement, que la LOLF de 2001 a consacré formellement, en son article 48, l’existence de ce débat sous l’appellation de débat d’orientation des finances publiques. Rendu obligatoire dès 2003, il a lieu à la fin du printemps (au cours du mois de juin ou au début du mois de juillet).
Récemment, toutefois, la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a fusionné ce débat avec le débat relatif au programme de stabilité en une séquence spécifique dédiée à l’orientation pluriannuelle des finances publiques qui se déroulera avant la transmission dudit programme à la Commission européenne, soit avant la fin du mois d’avril.
Bien qu’il ne s’agisse que d’une simple consultation, cette procédure offre au Parlement un cadre au sein duquel s’exprimer sur le budget à venir.
B – Un débat plein et entier
Ce débat dépasse le simple stade des généralités. En effet, afin de le mener, les parlementaires disposent d’une multitude de sources d’informations leurs permettant de faire valoir, véritablement et en pleine connaissance de cause, leurs points de vue.
C’est, ainsi, que les élus reçoivent le Rapport annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques de la Cour des comptes (art. 58 – 3 de la LOLF), ainsi que les contributions des rapporteurs généraux des commissions des finances des deux assemblées. Par ailleurs, la fixation du débat en milieu d’année permet aux parlementaires de disposer, notamment, de résultats chiffrés sur l’exécution de l’exercice en cours, tant en matière de dépenses que de recettes.
Le Gouvernement doit aussi présenter un rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques. Initialement codifié à l’article 48 de la LOLF, ce rapport est, à présent, régi, à la suite de la loi organique du 28 décembre 2021, par l’article 1 K de la loi organique de 2001. Ainsi, en plus de présenter les documents prévus par le droit de l'Union européenne dans le cadre des procédures de coordination des politiques économiques et budgétaires, le Gouvernement transmet au Parlement, au plus tard quinze jours avant la présentation aux institutions européennes du programme de stabilité, « un rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des finances publiques comportant :
1° Une analyse des évolutions économiques constatées depuis l'établissement du rapport mentionné à l'article 50 ;
2° Une description des grandes orientations de sa politique économique et budgétaire au regard des engagements européens de la France ;
3° L'évaluation pluriannuelle de l'évolution des recettes et des dépenses des administrations de sécurité sociale ainsi que de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie ;
4° Une analyse de la situation financière des administrations publiques locales ;
5° Une actualisation des données contenues dans le rapport mentionné au II de l'article 48. »
Ainsi nourri de cette masse d’informations, ce débat est de nature à permettre aux parlementaires de s’exprimer en pleine connaissance de cause sur le budget de l’année à venir. Sa portée ne doit, toutefois, pas être surestimée.
II – La portée du débat dans la préparation du budget
Le débat d’orientation des finances publiques demeure une simple procédure de consultation du Parlement sur les choix budgétaires envisagés par le Gouvernement (A). Son institution offre, néanmoins, aux parlementaires une capacité d’influence qu’ils n’avaient pas jusque-là (B).
A – Une simple consultation du Parlement …
L’existence du débat d’orientation des finances publiques ne doit pas tromper. Cette procédure permet, certes, au Parlement de s’exprimer sur le budget à venir, mais elle ne remet pas en cause le monopole dont dispose le Gouvernement dans la préparation dudit budget.
En effet, l’article 39 de la Constitution du 4 octobre 1958 prévoit que les lois de finances ne peuvent être issues que de textes présentés par le Gouvernement. De même, l’article 38 de la LOLF prévoit que « sous l'autorité du Premier ministre, le ministre chargé des Finances prépare les projets de loi de finances, qui sont délibérés en conseil des ministres ».
L’objet du débat n’est, donc, pas de permettre au Parlement de participer directement à l’élaboration du budget, mais, bien plutôt, d’organiser une consultation des parlementaires afin de les informer des choix budgétaires envisagés par le Gouvernement et de leurs permettre de faire valoir leurs points de vue sur ces choix, préalablement à la finalisation de la loi de finances.
Pour autant, même ainsi circonscrite, cette procédure offre au Parlement une influence qu’il n’avait pas jusque-là.
B - … qui lui offre, toutefois, une influence inédite
Bien que de nature informelle, l’influence qu’offre, aux parlementaires, le débat prévu par l’article 1K de la LOLF n’est est pas mois certaine. Ce constat peut être fait à deux niveaux.
D’une part, le soutien de la majorité est indispensable au Gouvernement pour faire voter le projet de loi de finances. Aussi, même dans le cadre d’un système caractérisé par la nette prédominance de l’Exécutif sur le Législatif, le Gouvernement demeure contraint de prendre en compte, dans une certaine mesure au moins, les observations des parlementaires. Il ne peut les ignorer totalement. Dans le même sens, ce débat peut être l’occasion, pour le Gouvernement, d’associer le Parlement aux choix qui sont faits et, ainsi, de résoudre, en amont, les divergences qui pourraient survenir lors de la discussion du budget.
D’autre part, les parlementaires peuvent discuter de la nomenclature budgétaire, c’est-à-dire la répartition des crédits entre les missions, alors qu’une fois le projet de budget déposé, ils ne pourront se prononcer que sur les missions figurant dans le projet, sans avoir la possibilité d’en créer d’autres ou de majorer les crédits d’une mission donnée.
Malgré ces insuffisances, le débat d’orientation des finances publiques présente, ainsi, certains avantages. Pour le Gouvernement, il permet de préparer « en douceur » la discussion budgétaire à venir. Pour le Parlement, il offre aux parlementaires un moment solennel au sein duquel ils peuvent faire entendre leur voix. Pour l’heure, toutefois, nul ne songe à aller plus loin dans la participation du Parlement à la préparation du budget.
