Introduction
Selon l’article 1° de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1° août 2001, « les lois de finances déterminent, pour un exercice, la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat, ainsi que l'équilibre budgétaire et financier qui en résulte. » Outre les lois prévues à l’article 45 de la LOLF (qui interviennent en l’absence d’autorisation budgétaire votée dans les temps selon les procédures ordinaires), ce même article prévoit trois grands types de lois de finances. Cette composition a été sensiblement modifiée par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.
Les premières sont les plus importantes : il s’agit des lois de finances initiales (aussi appelées lois de finances de l’année). Elles contiennent l’autorisation budgétaire pour l’année à venir, en termes de recettes et de dépenses, présentée selon une structure bipartite, maintenant, devenue classique. Outre le budget général de l’Etat, ces lois comprennent, également, des budgets annexes et des comptes spéciaux. Leurs sont, aussi, annexés des documents budgétaires destinés à l’information des parlementaires.
Les secondes sont de plus en plus fréquentes en raison de la difficulté croissante à prévoir, avec précision, l’évolution de la conjoncture économique. Il s’agit des lois de finances rectificatives, aussi appelées collectifs budgétaires, dont l’objet est de modifier la loi de finances initiale sur la base de nouvelles prévisions économiques ou à la suite d’une alternance politique. La loi organique du 28 décembre 2021 leurs a accolé une nouvelle catégorie de loi de finances, la loi de finances de fin de gestion, qui correspond aux actuelles lois de finances rectificatives de fin d’année.
Les troisièmes sont adoptées une fois l’exercice budgétaire terminé. Les lois de règlement visent à permettre au Parlement de contrôler l'exécution de la loi de finances de de l’année précédente en constatant les résultats de l'exercice écoulé au regard de ce qui avait été, initialement, prévu. Ces lois ont été renommées par la loi organique de 2021 en loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année.
Ces lois sont, aujourd’hui, présentées selon une nomenclature budgétaire totalement renouvelée par la LOLF. Celle-ci a, en effet, opéré un changement de perspective décisif en associant à une présentation traditionnelle destinée au contrôle parlementaire une structuration des crédits fondée sur une logique de performance.
Il convient donc d’étudier, dans une première partie, les lois de finances initiales (I), d’analyser, dans une seconde partie, les lois de finances rectificatives (II), d’examiner, dans une troisième partie, les lois relatives aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année (III) et de terminer par l’étude de la nomenclature budgétaire (IV).
I - La loi de finances initiale
Lors de la discussion budgétaire, le Parlement est saisi d’un ensemble de textes qui doivent lui permettre d’exercer son contrôle. Le plus important reste, bien sûr, le projet de loi de finances stricto sensu : celui-ci est divisé en deux parties distinctes (A) et comprend, outre le budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux (B). Les parlementaires reçoivent, également, communication d’un ensemble de documents ou d’annexes budgétaires dont l’objet est d’expliciter le contenu du projet de loi de finances qui leurs est soumis (C).
A - La structure bipartite de la loi de finances initiale
Cette règle est le fruit d’un longue évolution (1) et trouve, logiquement, à s’illustrer avec la LOLF (2).
1 – Une règle fruit d’une longue évolution
La division de la loi de finances en deux parties correspond à la nécessité de mettre en perspective recettes et dépenses dans le cadre d’une loi unique. Elle s’est faite par étapes.
La première pierre a été posée en 1948 avec le vote de la « loi des maxima ». Cette loi instituait un mécanisme en deux temps : le Parlement votait, d’abord, un plafond de dépenses pour chaque département ministériel ; puis, les crédits définitifs détaillés faisaient l’objet de lois de développement séparées. Cette loi constituait un progrès certain en offrant une panorama synthétique des charges publiques. Mais, elle fit l’objet de nombreuses entorses.
Une seconde étape fut marquée avec le décret du 19 juin 1956. Celui-ci affirmait l’unicité de la loi de finances qui comportait, désormais, deux parties distinctes. La première partie comportait toutes les dispositions indispensables pour définir un équilibre global et devait être discutée avant la seconde.
L’ordonnance du 2 janvier 1959 a systématisé ces avancées et les a complété. Elle a, d’abord, repris le principe de la séparation en deux parties de la loi de finances. Elle a, ensuite, également, posé, en son article 40, l’obligation d’adopter la première partie avant la mise en discussion de la seconde. Sur le plan du contenu, la première partie autorisait la perception de toutes les recettes publiques (Etat, collectivités locales, établissements publics), évaluait de façon détaillée les diverses ressources du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux, arrêtait les données générales de l’équilibre financier (au travers de l’article d’équilibre qui confrontait par grandes masses les dépenses et les recettes de l’Etat) et autorisait le ministre des Finances à procéder aux opérations d’emprunt. La seconde partie concernait les dépenses et répartissait les crédits de l’année par grandes masses en distinguant les services votés (c’est-à-dire le minimum de dotation que le Gouvernement juge indispensable pour poursuivre l’exécution des services publics dans les conditions qui ont été approuvées l’année précédente par le Parlement) et les mesures nouvelles.
La LOLF maintient la division de la loi de finances en deux parties. Elle reprend aussi l’obligation d’adopter la première partie de la loi avant de procéder à la mise en discussion de la seconde (art. 42 de la LOLF). L’objectif est d’éviter que les questions relatives aux dépenses soient débattues avant que ne soient établies les grandes lignes de l’équilibre budgétaire contenues dans la première partie.
2 – La structure de la loi de finances initiale selon la LOLF
C’est l’article 34 de la LOLF qui fixe le contenu de chacune des deux parties de la loi de finances. La première détermine l’équilibre général du budget quand la seconde décrit de façon plus détaillée les grandes masses de dépenses par mission. Ces deux parties sont précédées d’un article liminaire.
L’article liminaire a été prévu par la loi organique du 17 décembre 2012. Celui-ci doit proposer une information globale sur la situation de l’ensemble des finances publiques, ainsi qu’une présentation de l’exécution budgétaire pour la dernière année écoulée et une prévision d’exécution pour l’année en cours.
Cet article a été enrichi par la loi organique du 28 décembre 2021. Celui-ci doit dorénavant présenter un tableau de synthèse retraçant, pour l'année sur laquelle la loi de finances de l’année porte et en rappelant les prévisions de la loi de programmation des finances publiques en vigueur pour l'année en question : l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques, avec l'indication des calculs permettant d'établir le passage de l'un à l'autre, et des prévisions de solde par sous-secteur ; l'état de la prévision, déclinée par sous-secteur d'administration publique, de l'objectif d'évolution en volume et de la prévision en milliards d'euros courants des dépenses des administrations publiques ; et l'état des prévisions de prélèvements obligatoires, de dépenses et d'endettement de l'ensemble des administrations publiques, exprimées en pourcentage du produit intérieur brut.
La première partie de la loi de finances comporte quatre grands points.
S’agissant des recettes, elle autorise, d’abord, la perception des ressources de l’Etat et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’Etat. Elle comporte, ensuite, les dispositions relatives aux ressources de l’Etat, l’évaluation de chacune des recettes budgétaires, ainsi que les dispositions relatives aux affectations de recettes au sein du budget de l’Etat. Elle peut également comporter, comme l’a prévu la loi organique du 28 décembre 2021, des dispositions relatives à l'assiette, au taux, à l'affectation et aux modalités de recouvrement des impositions de toutes natures affectées à une personne morale autre que l'Etat. La même loi organique prévoit, également, qu’elle présente la liste et le produit prévisionnel de l'ensemble des impositions de toutes natures dont le produit est affecté à une personne morale autre que les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les organismes de sécurité sociale et décide, le cas échéant, d'attribuer totalement ou partiellement ce produit à l'Etat.
S’agissant des dépenses, elle fixe les plafonds des dépenses du budget général et de chaque budget annexe, les plafonds des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux, ainsi que le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’Etat.
Elle arrête, ensuite, les données générales de l’équilibre budgétaire au travers d’un tableau d’équilibre qui confronte les grandes masses de recettes et de dépenses. La loi organique de 2021 a prévu que ce tableau distingue les ressources de fonctionnement et d'investissement et les charges de fonctionnement et d'investissement prévues par le projet de loi de finances.
Enfin, elle comporte les autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de l’Etat.
La seconde partie de la loi de finances fait l’objet d’une présentation entièrement renouvelée. Elle abandonne la notion de services votés pour faire voter les crédits dès le premier euro.
Elle fixe, pour chacune des missions du budget général, le montant des autorisations d’engagement et des crédits de paiement. Elle détermine, par ministère et par budget annexe, le plafond des autorisations d’emplois. Elle décide, par budget annexe et par compte spécial, le montant des autorisations d’engagement et des crédits de paiement ouverts ou des découverts autorisés. Depuis la loi organique du 28 décembre 2021, elle définit, pour chaque mission du budget général, chaque budget annexe et chaque compte spécial, des objectifs de performance et des indicateurs associés à ces objectifs.
B – Le contenu de la loi de finances initiale
La loi de finances initiale est plus large que le budget de l’Etat à proprement parler. Elle regroupe, en effet, outre le budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux. Cette composition peut heurter si l’on songe au principe budgétaire d’unité en vertu duquel le budget doit être présenté en un seul document, lequel doit comporter l’ensemble des opérations. Il ne faut, toutefois, constater ici que de simples aménagements dans la mesure où le principe d’unité s’applique non pas au budget, mais à la loi de finances. Or, cette dernière comporte, effectivement, les différents budgets annexes et les comptes spéciaux de sorte que le Parlement n’est nullement empêché d’exercer son contrôle.
Le nombre des budgets annexes (1) et des comptes spéciaux (2) a considérablement diminué depuis la Seconde Guerre mondiale. La LOLF en a maintenu la possibilité afin d’éviter le recours à des procédés offrant moins de garanties en termes de contrôle du Parlement. Mais, elle a cherché à en restreindre les conditions de recours et à en préciser les modalités de fonctionnement.
1 – Les budgets annexes
Les budgets annexes constituent des budgets spéciaux dont sont dotés certains services publics auxquels on veut appliquer une gestion commerciale. Ils permettent, ainsi, d’isoler les ressources et les charges afférentes à un service public afin de ne pas noyer les flux qui le traversent dans la masse des opérations du budget général.
L’ordonnance de 1959 les réservait aux services de l’État non dotés de la personnalité morale et assurant une activité économique. On en comptait quatre : Journaux officiels, Monnaies et médailles, Aviation civile, Ordres de la Légion d’honneur et de la Libération.
La LOLF a réduit leur domaine d’élection. Ils concernent, désormais, les « seules opérations des services de l'Etat non dotés de la personnalité morale résultant de leur activité de production de biens ou de prestations de service donnant lieu au paiement de redevances » (art. 18 de la LOLF). Ne demeurent, actuellement, que deux budgets annexes : Contrôle et exploitation aériens et Publications officielles et information administrative.
Sur le plan du régime juridique, chaque budget annexe est assimilé à une mission et fait l’objet d’un vote. Leur création ou suppression ne peut être décidée que par une loi de finances. Leur mode de fonctionnement reflète la nature économique et commerciale de leur activité. Ils comprennent, ainsi, une section des opérations courantes et une section des opérations en capital. Ils fonctionnent avec des crédits limitatifs (qui ne peuvent être dépassés au-delà du montant autorisé par la loi de finances), auxquels s’applique la fongibilité asymétrique qui permet de réutiliser des économies au profit des dépenses autres que de personnel. Ils doivent, enfin, être en équilibre comptable et affecter à leur désendettement les surplus de recettes constatés au cours de l’exercice.
2 – Les comptes spéciaux
Les comptes spéciaux sont créés à l’origine pour retracer de simples mouvements de fonds provisoires. Mais, au milieu du XX° siècle, dans la phase de reconstruction qui succéda à la Seconde Guerre mondiale notamment, ce procédé fut utilisé comme un moyen commode de ne pas faire figurer dans le budget de l'Etat certaines dépenses. D’où leur nombre important : environ 400 en 1947.
L’ordonnance de 1959 chercha à rationaliser et à encadrer leur utilisation en réservant leur création à la loi de finances (et non à la voie réglementaire) et en les soumettant à la règle de l’annualité (même si leur solde est reporté sur l’exercice suivant). Était, ainsi, assuré le contrôle parlementaire.
La LOLF, en son article 19, va plus loin et ne reconnait, désormais, que quatre types de comptes spéciaux contre six avec l’ordonnance de 1959 : les comptes d’affectation spéciale qui concernent des opérations à caractère définitif (pensions de retraite des fonctionnaires de l’Etat, participations financières de l’État, …) et pour lesquels une relation directe doit exister entre la recette et la dépense ; les comptes de commerce qui retracent les opérations de caractère industriel ou commercial effectuées à titre accessoire par des services de l’État (compte relatif à la gestion de la dette et de la trésorerie de l’Etat, par exemple) ; les comptes d'opérations monétaires (comme le compte des opérations avec le FMI) ; les comptes de concours financiers qui retracent les prêts et avances consentis par l’Etat (par exemple, aux collectivités locales ou à des Etats étrangers).
Du point de vue de leur régime juridique, les comptes spéciaux sont créés par la loi de finances. Chaque compte est voté séparément et est assimilé à une mission. Ils ne peuvent comprendre de dépenses de personnel. Ceux qui sont dotés de crédits sont présentés par programmes, gérés comme pour le budget général. Pour les autres comptes, la loi de finances fixe un plafond de découvert.
C - Les documents budgétaires
A la loi de finances stricto sensu, viennent s’ajouter différents documents destinés à l’information des parlementaires. Ces documents ont pris une importance croissante au fil du temps. D’abord, par leur volume : plusieurs milliers de pages de nos jours. Ensuite, par leur autorité, puisque les textes budgétaires contemporains ont soit rendu obligatoire certains d’entre eux et fixé un délai pour leur dépôt, soit leurs ont fait produire des effets de droit.
Ces documents sont prévus par la LOLF ou par les lois et règlements. L’on trouve : des documents généraux (1), les « bleus budgétaires » (2), les « jaunes budgétaires » (3) et les « oranges budgétaires » (4).
1 – Les documents généraux
Il s’agit, d’abord, de documents de cadrage permettant de contextualiser le projet de loi de finances. Le premier, et le plus important, est le Rapport économique, social et financier (qui intègre l’ancien rapport sur les prélèvements obligatoires et le rapport sur la dépense publique) : celui-ci présente les projections économiques sur la base desquelles est établi le projet de loi de finances, ainsi que les perspectives d’évolution des recettes, des dépenses et du solde de l’ensemble des administrations publiques pour au moins les quatre années suivantes au regard des engagements européens (art. 50 de la LOLF). Il existe, également, un rapport proposant une présentation du budget qui distingue le fonctionnement et l’investissement et un rapport décrivant l’évolution de la présentation budgétaire depuis l’année précédente (art. 51 – 2° et 3° de la LOLF). La loi organique du 28 décembre 2021 a, par ailleurs, prévu le dépôt d’une annexe explicative récapitulant les dispositions relatives aux règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures adoptées depuis le dépôt du projet de loi de finances de l'année précédente.
Le Gouvernement doit, ensuite, fournir deux fascicules « Evaluation des voies et moyens » (art. 51 – 4° de la LOLF). Le premier présente de façon détaillée les recettes de l’Etat. Le second analyse les dépenses fiscales : celles-ci recouvrement l’ensemble des dispositions de nature dérogatoire à la norme fiscale et dont la mise en œuvre entraîne pour l’Etat une perte de recettes. Tel est le cas, par exemple, de la réduction d’impôt accordée à un contribuable à la suite d’un don à une association. Plus généralement, ces mesures visent à soutenir un secteur économique en particulier ou à inciter à certains comportements vertueux. La loi organique de 2021 a enrichi cette annexe. Elle prévoit, en effet, qu’elle doit, à présent, comporter : l'évaluation de leur montant et le nombre de bénéficiaires ; la liste de celles qui feront l'objet d'une évaluation dans l'année ; pour chaque mission, l'évaluation de l'écart entre le montant exécuté au titre d'une année et la prévision correspondant à cette année inscrite dans le projet de loi de finances ainsi que les éléments d'explication de cet écart ; la présentation, par mission, du ratio entre le montant prévisionnel des dépenses fiscales et le montant des crédits budgétaires.
2 – Les « bleus budgétaires »
Ces documents ne concernent que les dépenses. Il s’agit d’annexes obligatoires dont l’objet est d’expliciter le projet de loi de finances en donnant le détail des crédits pour chaque mission du budget général, ainsi que pour les budgets annexes et les comptes spéciaux. Ces documents budgétaires sont modifiables par les parlementaires dans le cadre de leur pouvoir d’amendement. Une fois la loi de finances adoptée, ils acquièrent valeur législative. Ainsi, s’explique qu’ils doivent obligatoirement être déposés au plus tard le premier mardi d’octobre (comme le projet de loi de finances).
A ces documents s’ajoutent les projets annuels de performance (PAP) créés par la LOLF dans le cadre de la promotion de l’exigence de performance au sein de la démarche budgétaire (art. 51 – 5° de la LOLF). Chaque PAP expose le détail des crédits alloués à un programme, ainsi que les objectifs qui lui sont assignés et les indicateurs de performance permettant de mesurer les résultats obtenus. Les PAP permettent, ainsi, d’avoir une vision globale des dépenses et des objectifs qui les sous-tendent pour chaque programme.
3 - Les « jaunes budgétaires »
Les « jaunes budgétaires » sont des annexes générales qui existent de longue date et qui sont prévus par les lois et règlements. Ils jouent un rôle essentiel d’information du Parlement sur une politique particulière menée par l’Etat : par exemple, il existe un « jaune » sur les relations financières avec l’Union européenne, un autre sur les transferts financiers de l’Etat au profit des collectivités territoriales, un autre encore sur le financement de la transition énergétique.
Bien que leur transmission au Parlement soit obligatoire, ces documents n’ont pas vocation à acquérir valeur législative. Par ailleurs, ils ne sont pas amendables par les parlementaires. En revanche, leur délai de transmission a été modifié par la loi organique du 28 décembre 2021. Jusqu’à présent, chaque « jaune » devait, simplement, être déposé devant les assemblées avant que la discussion relative au domaine qu’il concerne ne commence. Dorénavant, ces documents doivent être déposés avant le début de l'examen du projet de loi de finances de l'année en séance publique par l'Assemblée nationale.
4 – Les « oranges budgétaires »
Ces annexes sont aussi appelées Documents de politique transversale (DPT). Elles ont été créées par la loi de finances pour 2005. Ces annexes développent la stratégie mise en œuvre, les crédits, les objectifs et les indicateurs concourant à une politique transversale, c’est-à-dire une politique qui concerne plusieurs programmes relevant de différents ministères et n’appartenant pas nécessairement à une même mission. Ces DPT permettent d’apprécier la façon dont chaque programme participe à la politique transversale. A titre d’exemple, il existe un DPT concernant l’aménagement du territoire, un autre relatif à la sécurité routière, un autre encore sur la politique de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Les « oranges budgétaires » ne peuvent pas être modifiés et n’ont pas vocation à acquérir force contraignante. En revanche, comme les « jaunes budgétaires », ils doivent être, dorénavant, déposés avant le début de l'examen du projet de loi de finances de l'année en séance publique par l'Assemblée nationale.
II - Les lois de finances rectificatives
Les lois de finances rectificatives, aussi appelées collectifs budgétaires, visent à modifier l’autorisation budgétaire initiale (A). Leur adoption s’effectue selon les mêmes règles que pour la loi de finances de l’année (B).
A – L'objet des lois de finances rectificatives
Les lois de finances rectificatives ont pour objet de modifier, en cours d’année, les dispositions de la loi de finances initiale. Elles peuvent, ainsi, en cours d’exercice, ajuster les prévisions et adapter les autorisations budgétaires en conséquence. Elles disposent, là, d’un monopole (art. 35 de la LOLF). L’examen de la pratique budgétaire permet de distinguer deux grands types de lois de finances rectificatives.
Les premières correspondent à ce que l’on appelle les collectifs budgétaires de fin d’année. Ceux-ci ont pour objet de corriger les prévisions initiales des ressources (pour tenir compte des écarts constatés entre les prévisions et les recettes effectivement encaissées) et d’apporter, en conséquence, aux crédits les modifications qui sont nécessaires et que le Gouvernement n’est pas habilité à opérer par voie règlementaire. Avec la loi organique du 28 décembre 2021, ce type de loi de finances rectificative est, dorénavant, remplacé par une nouvelle catégorie de loi de finances : la loi de finances de fin de gestion. Celle-ci ne peut comporter aucune disposition fiscale nouvelle et a pour objet principal la régulation des crédits budgétaires.
Les secondes sont adoptées en cours d’année et visent généralement à infléchir la politique budgétaire. Il peut s’agir soit de l’adapter aux évolutions de la conjoncture économique, soit de traduire rapidement une nouvelle orientation de la politique économique et budgétaire à la suite d’une alternance politique.
Ces lois sont, relativement, fréquentes de nos jours du fait de la mondialisation des échanges qui rend l’évolution de la conjoncture économique plus difficilement prévisible. La crise sanitaire entamée en 2020 et la crise économique qui l’a suivie ont, également, provoqué l’adoption de multiples collectifs budgétaires : quatre en 2020.
B – Le régime juridique des lois de finances rectificatives
Le dépôt d’un projet de loi de finances rectificative relève de la seule initiative du Gouvernement. Il peut intervenir à n’importe quel moment de l’année, sauf pour la loi de finances de fin de gestion qui intervient en fin d’année.
Ces lois ont la même structure en deux parties que la loi de finances de l’année. Elles comportent, ainsi, les dispositions relatives à l’équilibre général et celles modifiant les crédits des missions. Elles comportent, également, le même article liminaire.
Le constant est le même du point de vue de la procédure parlementaire. Le projet de loi de finances rectificative est, d’abord, examiné par les commissions des finances qui auditionnent le ministre du Budget. Leur rapporteur général rédige un rapport à destination des parlementaires. Le délai dont dispose le Parlement pour examiner le texte est, lui-aussi, le même. Et, l’organisation de la séance publique impose, de la même façon, que la première partie du projet de loi soit adoptée avant la mise en discussion de la seconde (art. 42 de la LOLF).
Le projet de loi de finances rectificatives doit, également, être accompagnés de différentes annexes (art. 53 de la LOLF). Il s’agit, là, d’informer le Parlement sur les raisons et le contenu des modifications envisagées. Parmi ces documents, l’on trouve : un rapport présentant les évolutions de la situation économique et budgétaire justifiant les dispositions du texte, une annexe explicative détaillant les modifications de crédits proposées et des tableaux récapitulant les mouvements intervenus par voie réglementaire et relatifs aux crédits de l'année en cours.
III - La loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année
Il s’agit, là, du nouveau nom donné à la loi de règlement. Ce changement d’appellation vise à mettre l’accent sur l’objet principal de cette catégorie de loi de finances, à savoir l’évaluation des résultats de la gestion du Gouvernement dans la mise en œuvre des politiques publiques telles que financées par l’autorisation parlementaire.
Cette loi pour objet de rendre compte des résultats de l’exécution budgétaire de l’année précédente (A). Elle constitue, ainsi, un instrument précieux d’aide à la décision pour le budget suivant. Ainsi, s’explique que la LOLF en ait remanié le régime pour en réhausser le rôle (B).
A – L'objet de la loi
Ce type de loi permet un contrôle a posteriori de l’exécution du budget. Institué sous la Restauration par une loi du 15 mai 1818, ce contrôle représentait un acte politique très important à l’époque, car la « loi des comptes » était l’une des rares occasions par laquelle le Parlement pouvait porter un jugement sur la politique du Gouvernement. Cette procédure a, ensuite, perdu de son intérêt avec l’installation progressive du pouvoir parlementaire. Elle s’est, en effet, révélée être une simple formalité annuelle. Ce n’est qu’avec la LOLF qu’elle a fait l’objet d’une revalorisation importante.
Cette loi a, principalement, pour objet d’arrêter le montant définitif des recettes et des dépenses du budget de l’année précédente et le résultat budgétaire (déficit ou excédent) qui en découle (art. 37 de la LOLF). Le Parlement peut, ainsi, examiner les résultats effectifs de l’exécution des lois de finances qu’il a initialement votées (et la différence avec ce qui était prévu) et en tirer, ensuite, des informations essentielles pour la discussion du budget de l’année suivante.
Depuis l’entrée en vigueur de la LOLF, ce type de loi présente, également, un volet « Performances » qui permet au Parlement de contrôler et d’évaluer la qualité de la gestion des politiques publiques menées. Ce contrôle s’opère, principalement, grâce aux Rapports annuels de performances (RAP) qui permettent de comparer, par programme, les résultats obtenus avec les objectifs qui avaient été fixés, au départ, dans les Projets annuels de performances.
Par ces deux volets, la loi de règlement (à présent loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année) permet de satisfaire une exigence démocratique à l’égard du citoyen et de ses représentants, mais aussi de l’usager et du contribuable. C’est également une contrepartie de la liberté de gestion dévolue par la LOLF aux gestionnaires.
B – Le régime juridique de la loi
Ce régime a été profondément remanié par la LOLF dans le sens d’une revalorisation du rôle de cette catégorie de loi de finances.
La loi organique a, d’abord, introduit le principe du « chaînage vertueux » en optimisant la place de cette loi dans le processus de décision budgétaire. Son article 46 prévoyait, ainsi, que ce texte devait être déposé avant le 1° juin de l’année suivant celle de l’exécution du budget auquel il se rapporte. Cette date a, ensuite, été avancée au 1° mai par la loi organique du 28 décembre 2021 afin de donner plus de temps aux parlementaires pour se consacrer à leurs travaux d’évaluation et de contrôle. Dans le même sens, l’article 41 de la LOLF prévoit que le projet de loi de finances initiale ne peut être mis en discussion devant une assemblée avant le vote en première lecture du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année afférent au dernier exercice clos. Le but de ce dispositif est de permettre au Parlement de contrôler les résultats de l’exécution budgétaire de l’année passée avant de procéder à la discussion du budget de l’année suivante.
La loi organique de 2001 a, également, élargi le contenu de cette catégorie de loi de finances (art. 37 de la LOLF). En effet, outre le fait d’arrêter le résultat de l’exécution de l’année précédente, elle fixe le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l’équilibre financier. Sur le plan comptable, elle permet aux parlementaires d’approuver le compte de résultat de l’exercice, d’affecter le résultat au bilan et d’approuver ce dernier.
Depuis la loi organique du 17 décembre 2012, ce type de loi de finances contient, également, une information d’ensemble sur les finances publiques : un article liminaire présente, en effet, notamment, le solde structurel et le solde effectif de l’ensemble des administrations publiques à l’issue de l’exécution.
La loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année s’accompagne, enfin, d’un ensemble d’annexes budgétaires destinées à l’information des parlementaires (art. 54 de la LOLF) : outre les RAP, l’on trouve, notamment, des annexes explicatives développant, par programme ou par dotation, le montant définitif des crédits ouverts et des dépenses constatées, une annexe explicative présentant les recettes et les dépenses effectives du budget en sections de fonctionnement et d’investissement ou, encore, l’avis du Haut conseil des finances publiques. Le texte est, également, accompagné de deux rapports de la Cour des comptes : le rapport sur les résultats de l’exécution de l’exercice antérieur et le rapport de certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l’Etat.
IV - La nomenclature budgétaire
Le choix d’une nomenclature budgétaire reflète les préoccupations qui irriguent les finances de l’Etat. D’inspiration juridique sous l’ordonnance de 1959 (A), le nomenclature issue de la LOLF répond, elle, à des impératifs de performance de l’action publique (B).
A – La nomenclature budgétaire selon l'ordonnance de 1959
Sous le régime de l’ordonnance du 2 janvier 1959, la présentation des dépenses de l’Etat s’effectuait, essentiellement, selon une logique de moyens. Cette approche administrative ou juridique répondait, principalement, à des impératifs de régularité, à savoir permettre le contrôle du Parlement. Les crédits étaient, ainsi, ventilés par ministères, titres (au nombre de sept : dette publique, pouvoirs publics, moyens des ministères, …), parties, sections, chapitres (qui constituaient l’unité budgétaire de base), articles et paragraphes. Ces strates exprimaient les différentes natures de moyens d’intervention, mais ne permettaient, à aucun moment, de déterminer la politique publique que ces moyens étaient censés servir.
Une réforme de la nomenclature budgétaire tenta, au début des années 1970, de remédier à cela, sans toutefois y parvenir. Elle instaurait, en complément de la nomenclature administrative, une nomenclature économique et fonctionnelle. Celle-ci classait les dépenses selon leur nature économique (frais de personnel, biens et services de consommation, …) et les fonctions remplies (éducation et culture, secteur social – santé – emploi, défense, …).
B – La nomenclature budgétaire selon la LOLF
La LOLF abandonne la nomenclature administrative au profit d’une nomenclature fondée sur une logique de résultats. Son article 7 renouvelle, ainsi, la structuration des crédits qui est, désormais, fonction des politiques publiques que ces crédits sont destinés à financer.
Le budget de l’Etat est, ainsi, présenté par missions (1) qui regroupent des programmes (2) eux-mêmes divisés en actions (3). Dans la mesure où les crédits sont répartis et utilisés en fonction d’objectifs préalablement fixés, le Parlement peut aller au-delà du simple contrôle des moyens pour agir sur l’efficacité de la dépense publique. Cette innovation donne, également, plus de lisibilité au document budgétaire et, par conséquent, offre une meilleure visibilité de l’action publique et de ses enjeux financiers. Enfin, la présentation des crédits par objectifs favorise une meilleure cohérence de l’action publique en évitant un trop grand fractionnement des politiques publiques.
1 – Les missions
Selon l’article 7 – I al. 1 de la LOLF, « les crédits ouverts par les lois de finances pour couvrir chacune des charges budgétaires de l'Etat sont regroupés par mission relevant d'un ou plusieurs services d'un ou plusieurs ministères. ».
Ces missions, qui ne peuvent être créées que par une disposition d’une loi de finances d'initiative gouvernementale, comprennent un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie. Elles peuvent être ministérielles ou interministérielles.
Le nombre de missions est relativement stable : une cinquantaine environ, dont plus d’une trentaine pour le budget général. Ainsi, l’on dénombre une trentaine de missions pour le budget général dans le projet de loi de finances de l’année pour 2022.
2 - Les programmes
Selon l’article 7 – I al. 4 de la LOLF, « un programme regroupe les crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation. »
Les programmes, qui sont rattachés à un ministère en particulier, constituent la marque du passage d’une culture de moyens à une culture de résultats. En effet, la LOLF opère une budgétisation des crédits par objectifs : les crédits sont, ainsi, spécialisés par programmes auxquels sont associés des objectifs et des indicateurs de performance permettant de mesurer leur réalisation. Les crédits ne sont, ainsi, plus présentés par nature de dépenses, mais par objectifs de sorte que les domaines d’intervention publique sont directement visibles dans le budget et les sommes qui leurs sont allouées bien identifiées.
Les objectifs et les indicateurs des programmes sont définis dans les Projets annuels de performance annexés au projet de loi de finances de l’année. En fin d’exercice, sont établis les Rapports annuels de performance (annexés à la loi de règlement) qui permettent aux parlementaires d’évaluer l’efficacité des politiques publiques menées par l’analyse comparative des objectifs qui avaient été, initialement, fixés et des résultats effectivement obtenus.
De nos jours, il existe environ 170 programmes. La LOLF a, ainsi, permis une globalisation des crédits puisque, jusqu’en 2005, les crédits étaient répartis en approximativement 850 chapitres.
Afin de maintenir la traçabilité des moyens mis à la disposition de l’Etat, une présentation fonction de la nature de la dépense est maintenue. A l’intérieur des programmes, les charges budgétaires peuvent, ainsi, être présentées par titres (au nombre de sept : dotations des pouvoirs publics, dépenses de personnel, dépenses de fonctionnement, charges de la dette de l’Etat, dépenses d’investissement, dépenses d’intervention et dépenses d’opération financières.). Cette présentation reste indicative, à l’exception toutefois des dépenses de personnel.
La LOLF permet aux responsables de programme de redéployer les crédits entre les titres, ce qui était impossible par le passé. Cette possibilité connaît, cependant, une limite : les dépenses de personnel ne peuvent recevoir de crédits d'autres titres, mais il est possible de prélever des crédits sur les dépenses de personnel pour les affecter à d'autres titres. C’est ce que l’on appelle la fongibilité asymétrique.
3 – Les actions
Les actions constituent le troisième niveau de présentation des dépenses de l’Etat. La LOLF n’en donne aucune définition précise. Elles n’ont qu’un caractère informatif et visent à mieux identifier les composantes des politiques publiques et à en retracer les coûts.
