Introduction

Le budget de l’Etat obéit à un ensemble de règles juridiques. Certaines sont communes à d’autres secteurs de l’action étatique. D’autres sont propres au finances publiques. Parmi celles-ci, l’on dénombre quatre grands principes budgétaires classiques et deux principes budgétaires apparus plus récemment.

Au nombre des premiers, l’on trouve l’annualité, l’unité, l’universalité et la spécialité. Ces principes figurent dans la législation financière de longue date. Ils sont présents dans l’ordonnance du 2 janvier 1959 et repris dans la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1° août 2001. Ils répondent à la préoccupation ancienne, dans un régime parlementaire, du nécessaire contrôle des finances de l’Etat par le Parlement. Pour autant, ces principes ont fait l’objet, au fil du temps, d’aménagements, voire de dérogations, motivés, notamment, par la diversification de l’action de l’Etat et plus généralement des finances publiques et par l’exigence, toujours plus grande, d’une bonne gestion financière.

A côté de ces principes classiques, ont émergé deux nouveaux principes : le principe de sincérité budgétaire et le principe d’équilibre budgétaire. Le premier est apparu dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel et a fait l’objet d’une consécration par la LOLF. Le second doit son existence à l’impératif de maîtrise des finances publiques et au poids des engagements européens de la France. Toutefois, la récurrence des déficits publics ne semble pas permettre de lui reconnaître, à ce jour, un caractère véritablement contraignant.

Il convient donc d’étudier le principe d’annualité budgétaire (I), le principe d’unité budgétaire (II), le principe d’universalité budgétaire (III), le principe de spécialité budgétaire (IV) et les nouveaux principes budgétaires (V).

I - Le principe d'annualité budgétaire

Le principe d’annualité budgétaire vise à permettre au Parlement de contrôler chaque année les finances de l’Etat (A). Il fait, cependant, l’objet d’aménagements liés à la prise en compte grandissante de l’exigence de pluriannualité (B).

A - La signification du principe d'annualité budgétaire

Ce principe est apparu à la Révolution française, car il n'y avait pas eu de consultation sur l'impôt et les finances publiques de 1615 à 1789. Fut, donc, posé le principe selon lequel l’autorisation budgétaire doit être accordée annuellement. En d’autres termes, l’autorisation de procéder à la levée de l’impôt et à l’exécution des dépenses doit être donnée chaque année par les représentants de la Nation afin de leurs permettre d’assurer un contrôle régulier des finances de l’Etat. Ce principe exprime la nécessaire périodicité du consentement sans laquelle l’Exécutif s’affranchirait du contrôle politique du Parlement.

La périodicité annuelle a été retenue, car, à l’époque où les pratiques budgétaires se sont établies (entre la fin du XVIII° et le début du XIX° siècle), les économies étaient encore très dépendantes des rythmes agricoles : aussi, l’année a été considérée comme un cycle pertinent, ni trop long, ni trop court. En France, le droit financier retient l’année civile comme cadre chronologique des autorisations budgétaires. Dans d’autres pays, l’exercice budgétaire est à cheval sur l’année civile : par exemple, aux Etats-Unis, l’année budgétaire commence le 1° octobre.

Ce principe sera constamment appliqué jusqu’à aujourd’hui. Il est consacré par l’ordonnance du 2 janvier 1959 et repris par la LOLF en son article 6.

B - Les aménagements au principe d'annualité budgétaire : la pluriannualité

Dans la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, le cadre annuel a, très vite, été considéré comme trop étriqué pour permettre à l’Etat de mettre en œuvre des politiques cohérentes. C’est, en effet, à partir de cette période que l’Etat a entrepris des politiques interventionnistes en termes d’équipement et de programmation à moyen ou long terme. Or, ces politiques exigent un continuité dans le temps et se laissent malaisément enfermer dans le cadre de l’année. Elles impliquent, au contraire, une vision pluriannuelle des engagements budgétaires. Une tendance que l’exigence de maîtrise des déficits publics en lien avec les engagements européens de la France a nettement renforcé de nos jours.

Des aménagements ont donc été apportés au principe afin de permettre à l’Etat d’avoir une vision pluriannuelle des finances publiques, source d’efficacité. Quatre types de pluriannualité peuvent, ainsi, être relevées : l’une est de fait (1), l’autre n’a qu’une valeur indicative (2), une autre est, revanche, pleinement organisée (3) et la dernière est de gouvernance (4).

1 – La pluriannualité de fait

Certaines atteintes au principe d’annualité budgétaire ne résultent pas de dispositifs juridiques, mais découlent des engagements que prend l’Etat sur le long terme. Un grand nombre de ses dépenses sont, en effet, pluriannuelles par nature. Certes, elles sont formellement votées chaque année par le Parlement, mais celui-ci ne peut échapper à leur reconduction sans remettre en cause, par là-même, la continuité de l’Etat.

L’exemple le plus caractéristique concerne le recrutement de fonctionnaires : lorsque l’Etat recrute un agent, il prend, en fait, un engagement pluriannuel puisqu’il s’oblige à payer son traitement, ainsi que sa retraite pour une très longue durée. Dans le même sens, lorsque l’Etat emprunte, il s’engage à en régler les annuités et les intérêts pendant toute la durée du prêt.

2 – La pluriannualité indicative : les lois de programme

Les lois de programme sont destinées à permettre la réalisation de travaux d’équipement s’échelonnant sur plusieurs années. Prévues à l’article 34 de la Constitution de 1958, elles ont pour but d’instituer dans certains secteurs (domaines militaire, de l’outre-mer, de la recherche, par exemple) une politique pluriannuelle d’investissements.

Ces lois demeurent, cependant, en dehors du champ budgétaire proprement dit : elles ne sont pas des lois de finances et présentent uniquement le caractère de lois ordinaires. Aussi, elles sont dépourvues de toute force obligatoire sur le plan financier. Par elles-mêmes, elles n’ouvrent, en effet, aucun crédit, même si elles comportent des échéanciers, et se bornent à établir des prévisions que les lois de finances annuelles doivent rendre exécutoires. Elles constituent, en quelque sorte, un engagement moral ou politique du Gouvernement vis-à-vis du secteur considéré de mettre en œuvre certaines dépenses, mais celui-ci reste dépourvu de toute sanction juridique.

Toutefois, la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a étendu le mandat du Haut conseil des finances publiques aux projets de loi de programmation sectoriels ayant une incidence sur les finances publiques. Le Haut conseil peut, donc, exprimer un avis à l’occasion de leur adoption, ce qui donne à ces lois une portée sensiblement plus marquée, d’un point de vue politique tout du moins.

3 – La pluriannualité organisée : les autorisations d’engagement

Le système des autorisations d’engagement existait sous le régime de l’ordonnance de 1959 sous l’appellation d’autorisations de programme. Il s’agissait d’autorisations qui concernaient les seules dépenses d’investissement et qui portaient uniquement sur la phase d’engagement de la dépense. Ces autorisations étaient indéfiniment utilisables, mais le Gouvernement devait, chaque année, obtenir du Parlement (qui pouvait refuser) les crédits de paiement permettant de les mettre en œuvre.

La LOLF est venue rationnaliser ce système. Dorénavant, l’on parle d’autorisations d’engagement (art. 8 de la LOLF) et ces dernières concernent aussi bien les dépenses de fonctionnement, à l'exception des dépenses de personnel, que les dépenses d'investissement. Ces autorisations permettent à l’Etat d’engager des dépenses qui dépassent le cadre annuel. Concrètement, lorsque celui-ci veut réaliser un projet s’échelonnant sur plusieurs années, il doit mettre en œuvre une autorisation d’engagement et, au fur et à mesure qu’il faut régler les fournisseurs, il consomme des crédits de paiement qui, eux, ont une validité annuelle.

Le principe d’annualité demeure, toutefois, en partie respecté. En effet, les autorisations d’engagement constituent la limite supérieure des dépenses qu’il est possible d’engager annuellement. Dans le même sens, les autorisations d’engagement doivent se concrétiser, chaque année, en crédits de paiement votés par le Parlement, ces derniers constituant, alors, la limite supérieure des dépenses pouvant être ordonnancées ou payées durant l’année.

Des possibilités de report sont, toutefois, ouvertes. Ainsi, les crédits de paiement peuvent être reportés sur l’année suivante dans la limite de 3 %. Pour les autorisations d’engagement non consommées, il est, également, possible de les reporter après négociation.

4 – La pluriannualité de gouvernance : vers une maîtrise des déficits publics

Au fur et à mesure de l’accroissement des déficits publics, s’est faite jour l’idée selon laquelle le retour à l’équilibre budgétaire ne pourrait être obtenu sans une vision pluriannuelles des finances publiques. Cette idée s’est, finalement, imposée du fait de la contrainte européenne. En effet, les exigences du Pacte de stabilité et de croissance liées à la mise en œuvre de la monnaie unique ont imposé aux Etats-membres de l’Union européenne d’élaborer des programmes pluriannuels de finances publiques qui définissent des objectifs à moyen terme sur lesquels les Etats s’engagent. Sur cette base, ont été mis en place depuis 2008 deux dispositifs.

Le premier vise à opérer, dans le cadre de l’élaboration du projet de loi de finances de l’Etat, une programmation budgétaire triannuelle qui concerne uniquement les dépenses et qui est intégrée dans la loi de programmation des finances publiques. Il s’agit d’une programmation semi-glissante. Autrement dit, un plafond global de dépense est fixé en fonction de la norme de dépense et fait l’objet d’une programmation ferme sur trois ans. Ce plafond peut, toutefois, être modifié en fonction d’une révision des taux d’inflation initialement prévus si l’évolution est à la hausse. Des plafonds sont, également, fixés par mission : ils sont fermes les deux premières années, mais révisables la troisième dans le respect du plafond global. Sont, ensuite, fixés les crédits répartis par programme : ils sont fermes la première année, mais modifiables les deux suivantes. La troisième année sert de base au prochain budget pluriannuel.

Le second concerne les lois de programmation pluriannuelle des finances publiques créées par la loi de révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et organisées par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques adoptées à la suite de la ratification du Traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union économique et monétaire. Selon l’article 34 révisé de la Constitution, « Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État. Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques. »

Cette réforme vient consacrer la pluriannualité budgétaire avec pour objectif d'assurer une meilleure gouvernance des finances publiques dans leur ensemble, tant en ce qui concerne la maitrise des dépenses publiques que la prévisibilité des recettes. Ces lois concernent, en effet, chacun des acteurs de la dépense publique : Etat, collectivités territoriales et administrations de Sécurité sociale. Elles doivent, par ailleurs, comporter la fixation de l’objectif à moyen terme d’équilibre des administrations publiques, la définition de la trajectoire pour atteindre cet objectif sous la forme d’un solde structurel défini pour chaque année de la programmation et la fixation, pour l’ensemble des administrations publiques, de la trajectoire en solde structurel et en solde effectif par sous-secteur et la présentation d’une trajectoire de la dette publique.

L’objet de ces lois a été complété par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Celle-ci prévoit, en effet, que les lois de programmation doivent déterminer, pour chacun des exercices de la programmation, un objectif d’évolution en volume et une prévision en milliards d’euros des dépenses des administrations publiques. La loi organique de 2021 complète, également, les informations devant figurer au sein de l’article liminaire des différentes lois financières afin que soit mieux appréciée la conformité des choix faits chaque année aux objectifs fixés par la loi de programmation.

L’ensemble de ce dispositif connaît, cependant, une limite qui tient au fait que ces lois de programmation sont dépourvues de toute force obligatoire sur le plan financier : elles ne sont, en effet, pas des lois de finances, mais des lois ordinaires. Le seul aspect contraignant concerne le compteur des écarts mis en place par la loi organique du 28 décembre 2021 : celui-ci mesure l’écart entre les prévisions en milliards d'euros courants des dépenses des administrations publiques qui figurent dans la loi de programmation et les dépenses réalisées ou prévues au sein de la dernière loi de finances afférente à l'exercice concerné. En cas d’écart, il revient au Gouvernement de présenter, dans le Rapport économique, social et financier prévu par l’article 50 de la LOLF, les raisons et les hypothèses expliquant ces écarts cumulés, ainsi que, le cas échéant, les mesures prévues pour les réduire.

Malgré ces défauts, les lois de programmation pluriannuelle des finances publiques apparaissent comme un instrument utile pour le pilotage de l’ensemble du secteur financier public. A travers elles, le vote de la représentation nationale donne, également, un caractère solennel aux engagements budgétaires qu’elles contiennent. La prochaine étape sera, probablement, d’accorder à leurs dispositions un caractère obligatoire afin que parlementaires comme Gouvernement ne puissent s’en écarter.

II - Le principe d'unité budgétaire

Le principe d’unité budgétaire vise à ce que les lois de finances soient le reflet exact de l’ensemble de la vie financière de l’Etat, de manière que le Parlement puisse pleinement exercer son contrôle (A). La diversification des actions de l’Etat a, cependant, conduit au développement de procédés qui, pour les uns, ne sont que des aménagements techniques du principe d’unité (B) et, pour les autres, constituent de véritables entorses faites audit principe (C).

A - La signification du principe d'unité budgétaire

Entendu strictement, le principe d’unité ne s’applique qu’aux finances de l’Etat (1). Il tend, cependant, de nos jours, à imposer une approche consolidée de l’ensemble des finances publiques (2).     

1 – Le principe d’unité budgétaire stricto sensu

Ce principe signifie que toutes les dépenses et toutes les recettes de l’Etat doivent être réunies en un seul document soumis à l’approbation du Parlement. Afin que cette règle soit respectée, il convient donc, d’une part, que le budget recense l’ensemble des recettes et des dépenses de l’Etat (sans aucune exclusion) et, d’autre part, que celles-ci soient rassemblées dans un projet de loi de finances unique (ce qui n’interdit pas de le scinder en deux parties).

Cette règle traditionnelle poursuit deux objectifs principaux. Il s’agit, d’abord, sur un plan politique, de permettre au Parlement de se prononcer en connaissance de cause et d’exercer un contrôle réellement efficace du budget, ce qu’il ne pourrait faire si lui étaient, seulement, présentée une série de plans financiers partiels ou si étaient exclues du budget certaines dépenses ou certaines recettes. Cette règle vise, également, à déterminer, par la présentation globale du budget qu’elle impose, si celui-ci est ou non en équilibre et, s’il ne l’est pas, à mesurer l’ampleur exacte du déficit.

Ce principe est un principe traditionnel du droit public financier français. Il est présent dans l’ordonnance du 2 janvier 1959 et repris dans la LOLF, notamment en son article 6.

2 – D’une unité budgétaire à une unité des finances publiques

Le contexte contemporain, lié à la maîtrise de la dette publique et aux engagements européens de la France, a imposé de procéder à une approche globale, ou consolidée, de l’ensemble des trois branches des finances publiques : finances de l’Etat, finances des collectivités locales et finances de la Sécurité sociale. La dépense publique n'est pas, en effet, la seule affaire de l'État. Le poids financier des organismes de sécurité sociale et des collectivités territoriales est aujourd’hui, également, majeur. Un pilotage renforcé des finances publiques dans leur ensemble est, alors, nécessaire pour la réussite du redressement des comptes publics. L’unité budgétaire tend, ainsi, de nos jours, à faire sa place à une unité des finances publiques.

Cette quête d'unité s'est, d’abord, traduite par la création d’organismes paritaires ayant pour fonction de fournir des informations et de réguler, par la concertation, les évolutions des ressources et des dépenses publiques des différents niveaux d’administrations.

La première tentative fut la création, par le décret du 5 mai 2006, de la Conférence nationale des finances publiques et du Conseil d’orientation des finances publiques. Ceux-ci réunissaient, chaque année, des représentants des trois grandes composantes des finances publiques : représentants du Gouvernement, du Conseil économique et social, du Parlement, des associations d’élus locaux, des partenaires sociaux, des organismes de protection sociale obligatoire et de l’administration. Leur but était de favoriser une approche consensuelle sur la situation des finances publiques et sur les objectifs stratégiques à poursuivre pour en assurer le redressement.

Ces deux instances ont été supprimées par le décret du 18 février 2013. Un an plus tard, la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2014 – 2019 du 29 décembre 2014 a créé une nouvelle Conférence des finances publiques. Cette dernière devait élaborer un diagnostic sur la situation des finances publiques et apprécier les conditions requises pour assurer le respect de la trajectoire des finances publiques. Cette instance ne s’est, cependant, jamais réunie. Elle a, alors, été supprimée par un décret du 27 décembre 2016.

Entre-temps, a été créé par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques le Haut conseil des finances publiques. Il s’agit d’un organisme indépendant, placé auprès de la Cour des comptes, qui est chargé d’apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques associées aux principaux textes financiers (projets de lois de finances annuelles, projets de lois de finances rectificatives, projets de lois de financement de la Sécurité sociale, notamment) et la cohérence de la trajectoire des finances publiques avec les engagements européens de la France. Son mandat a été étendu par la loi organique du 28 décembre 2021 : il lui revient, notamment, à présent, d’apprécier le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses des principales lois financières. Les avis du Haut conseil n’ont pas de portée contraignante, mais ils peuvent, lorsqu’ils sont négatifs, représenter un « coût » politique important pour le Gouvernement.

B - Les atteintes apparentes au principe d'unité budgétaire

La structure du budget de l’Etat peut sembler, au premier abord, heurter le principe d’unité budgétaire. Cette structure est, en effet, tripartite, puisque, à côté du budget général, existent des budgets annexes (1) et des comptes spéciaux (2). Ces atteintes sont, cependant, plus apparentes que réelles dans la mesure où ces trois comptes sont regroupés au sein de la même loi de finances, de sorte que les parlementaires ne se trouvent nullement empêchés d’exercer leur contrôle, objectif premier du principe d’unité budgétaire.

1 - Les budgets annexes

Les budgets annexes constituent des budgets spéciaux dont sont dotés certains services publics de l’Etat auxquels on veut appliquer une gestion commerciale. Ils permettent d’isoler les ressources et les charges afférentes à un service public afin de ne pas les noyer dans la masse des opérations du budget général.

Ces budgets existaient de manière assez large sous le régime de l’ordonnance de 1959. L’on peut citer à titre d’exemple : Journaux officiels, Monnaies et médailles, Aviation civile, Ordre de la Légion d’honneur et Ordre de la Libération. L’ordonnance prévoyait, en son article 20, deux conditions pour qu’un service de l’Etat puisse disposer d’un budget annexe : le service ne devait pas avoir de personnalité morale et il devait exercer une activité économique. La réalité n’a, cependant, jamais totalement été conforme à cette définition. Il existait, en effet, un certain nombre de budgets annexes qui n’avaient pas véritablement de caractère industriel et commercial et dont l’existence était justifiée par la seule préoccupation de donner une indépendance financière à certains services de l’Etat.

La LOLF a maintenu le principe des budgets annexes, mais a fortement réduit leur champ d’application. Ils concernent, désormais, les « seules opérations des services de l'Etat non dotés de la personnalité morale résultant de leur activité de production de biens ou de prestations de service donnant lieu au paiement de redevances » (art. 18 de la LOLF). Sur la base de cette disposition, ont, ainsi, notamment, disparu les budgets annexes Ordre de la Légion d’honneur et Ordre de la Libération. Ne subsistent, aujourd’hui, que deux budgets annexes : Contrôle et exploitation aériens et Publications officielles et information administrative.

Sur le plan du régime juridique, chaque budget annexe est assimilé à une mission assortie d’un ou plusieurs programmes et fait l’objet d’un vote. Leur création ou suppression ne peut être décidée que par une loi de finances. Leur mode de fonctionnement reflète la nature économique et commerciale de leur activité. Ils comprennent, ainsi, conformément aux normes du plan comptable général, une section des opérations courantes et une section des opérations en capital. Ils fonctionnent avec des crédits limitatifs (qui ne peuvent être dépassés au-delà du montant autorisé par la loi de finances), auxquels s’applique la fongibilité asymétrique qui permet de réutiliser des économies au profit des dépenses autres que de personnel. Ils doivent, enfin, être en équilibre comptable et affecter à leur désendettement les surplus de recettes constatés au cours de l’exercice.

2 – Les comptes spéciaux

Les comptes spéciaux (aussi appelés comptes spéciaux du Trésor) ont été créés à l’origine pour retracer de simples mouvements de fonds provisoires. Mais, au milieu du XX° siècle, durant la phase qui précéda et succéda à la Seconde Guerre mondiale, ce procédé fut utilisé comme un moyen commode de ne pas faire figurer dans le budget de l'Etat certaines dépenses et de les soustraire, ainsi, au contrôle parlementaire, de sorte que l’on dénombrait, en 1947, environ 400 comptes spéciaux.

L’ordonnance de 1959 chercha à rationaliser et à encadrer leur utilisation en réservant leur création à la loi de finances (et non à la voie réglementaire) et en soumettant leur autorisation à renouvellement annuel afin de permettre au Parlement d’exercer son contrôle. Sous ce régime, il existait, ainsi, six catégories de comptes spéciaux : les comptes d’affectation spéciale, les comptes de commerce, les comptes de règlement avec les gouvernements étrangers, les comptes d’opérations monétaires, les comptes de prêts et les comptes d’avances.

La LOLF reprend ce régime protecteur des prérogatives parlementaires et ramène le nombre de comptes spéciaux à quatre en les classant en deux grandes catégories (art. 19 de la LOLF).

Il existe, ainsi, des comptes spéciaux dotés de crédits. Ceux-ci comprennent, d’une part, les comptes d’affectation spéciale qui retracent des opérations budgétaires financées par des recettes particulières en relation directe avec les dépenses concernées (pensions de retraite des fonctionnaires de l’Etat, participations financières de l’État, …) et, d’autre part, les comptes de concours financiers qui retracent les prêts et avances consentis par l’Etat (par exemple, aux collectivités locales ou à des Etats étrangers). Chacun de ces comptes correspond à une mission avec une spécialisation des crédits par programmes.

L’autre catégorie concerne les comptes spéciaux non dotés de crédits au nombre desquels figurent, d’une part, les comptes de commerce qui retracent les opérations de caractère industriel ou commercial effectuées à titre accessoire par des services de l’État (compte relatif à la gestion de la dette et de la trésorerie de l’Etat, par exemple) et, d’autre part, les comptes d'opérations monétaires (comme le compte des opérations avec le FMI ou celui lié aux pertes et bénéfices de change). Pour ces comptes spéciaux, ce ne sont pas des crédits qui sont votés, mais des autorisations de découvert.

C – Les atteintes réelles au principe d'unité budgétaire

Il s’agit, là, d’atteintes qui remettent, effectivement, en cause la capacité pour le Parlement d’exercer pleinement son contrôle. Les unes sont conjoncturelles : elles consistent à extraire du budget certaines charges (1). Les autres sont structurelles et causées par la multiplication des formes d’intervention de l’Etat (2).

1 - La débudgétisation des dépenses

La débudgétisation des dépenses consiste à transférer hors du budget des charges qui normalement devraient y figurer. La pratique des budgets extraordinaires au cours du XIX° siècle en a été la première manifestation : il s’agissait, concrètement, de budgets votés en cours d’année, distincts du budget ordinaire, et justifiés par des circonstances exceptionnelles, telles qu’une expédition militaire. Cette technique a, ensuite, vite été utilisée pour camoufler purement et simplement un déficit budgétaire ou inclure, dans un budget extraordinaire, des dépenses ordinaires, empêchant, ainsi, le contrôle parlementaire.

De nos jours, la technique des budgets extraordinaires est tombée en désuétude. En revanche, la débudgétisation au sens large a été couramment utilisée à l’époque contemporaine. L’Etat n’a pas, ainsi, hésité à transférer des dépenses qu’il assurait jusqu’alors à des organismes privés ou publics tiers, de manière à les extraire de son budget. Il en est allé de la sorte pour les prêts aux organismes HLM ou certains investissements concernant les télécommunications.

Ce procédé permet au Gouvernement de présenter un budget plus satisfaisant aux yeux de l’opinion publique. Mais, il n’est pas sans conséquence. Il conduit, en effet, à masquer la situation budgétaire de l’Etat, ce qui obère, considérablement, le contrôle du Parlement. Aussi, le Conseil constitutionnel a-t-il posé des limites en considérant certaines dépenses comme budgétaires par nature, de sorte qu’elles ne peuvent trouver leur place que dans une loi de finances.

2 - Les budgets autonomes

Au sens strict, les budgets autonomes sont les budgets des personnes publiques distinctes de l’Etat. Leurs comptes prévisionnels ne sont donc pas intégrés dans les lois de finances annuelles. Cette pratique peut se justifier dans certaines hypothèses et s’avérer, au contraire, être une dérogation au principe d’unité budgétaire dans d’autres.

Le procédé des budgets autonomes apparaît, ainsi, parfaitement valide pour les collectivités territoriales dans la mesure où elles disposent d’une réelle autonomie impliquée par la décentralisation.

Il en va différemment pour une multitude de services publics gravitant autour de la sphère étatique, tels que les établissements publics nationaux ou certains organismes privés assurant des missions de service public en lien avec l’Etat. Ces organismes ne disposent pas, en effet, d’une réelle autonomie vis-à-vis de l’Etat. Ils n’en sont, en quelque sorte, que des démembrements fonctionnels, qu’un mode d’organisation. Pourtant, ils disposent de budgets qui ne sont pas compris dans les lois de finances et ne sont, donc, pas soumis au contrôle parlementaire.

III - Le principe d'universalité budgétaire

Le principe d’universalité budgétaire recouvre deux principes : celui de non-compensation (A) et celui de non-affectation (B). Tous deux visent à permettre un contrôle efficace du budget par le Parlement, même si cette tâche a été rendue plus difficile en raison des nombreuses dérogations qui leurs ont été apportées au fil du temps.

A - Le principe de non-compensation

Il convient d’examiner la signification du principe (1) et les dérogations qui lui sont apportées (2).

1 – La signification du principe

Le principe de non-compensation commande de présenter un budget brut et non net. En d'autres termes, le budget doit comprendre toutes les recettes et toutes les dépenses pour leur montant intégral sans compensation entre elles. Il est donc interdit de présenter un solde résultant de la contraction entre les recettes et les dépenses.

Cette règle vise à permettre au Parlement d’avoir une connaissance détaillée de toutes les opérations financières prévues par le budget. En effet, si la compensation était admise, celui-ci ne pourrait, à partir d’un solde, efficacement exercer son contrôle.

Ce principe était consacré par l’article 18 de l’ordonnance de 1959. Il est, actuellement, posé par l’article 6 al. 2 de la LOLF : « le budget décrit, pour une année, l'ensemble des recettes et des dépenses budgétaires de l'Etat. Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. »

2 - Les exceptions au principe

Ce principe fait, d’abord, l’objet d’infractions occultes qui sont relativement fréquentes dans la vie administrative. Elles consistent, le plus souvent, pour un administrateur à laisser ses fournisseurs récupérer de vieux matériaux en échange d’un abaissement du prix du bien à acquérir. Or, la régularité budgétaire impose de vendre les matériaux, de reverser le produit au budget général et d’acheter, ensuite, le bien grâce à des crédits ouverts à cet effet. Lorsque cette procédure n’est pas respectée, l’administrateur se trouve dans une situation irrégulière. Il manie, en effet, des deniers publics, alors que seul un comptable public est en droit de le faire. On dit, alors, de lui qu’il est comptable de fait.

Il existe, également, des exceptions légales au principe de non-compensation. L’on en dénombre deux.

La première concerne certaines catégories de fonds spéciaux qui, du fait de l’impossibilité de faire des prévisions lors du vote de la loi de finances, ne peuvent qu’enregistrer a posteriori le résultat des opérations réalisées. Ces comptes ne présentent, alors, qu’un solde. Il s’agit, notamment, des comptes d’opérations monétaires.

La seconde vise ce que l’on appelle les prélèvements sur recettes, c’est-à-dire des sommes qui sont déduites du montant brut de l’ensemble des recettes et affectées à un type de dépenses spécifiques. Deux prélèvements sont, ainsi, opérés : l’un au profit des collectivités locales, l’autre au profit de l’Union européenne. Ces prélèvements constituent de véritables dépenses, mais apparaissent, par un artifice juridique, comme des recettes négatives. Ce procédé n’était, jusqu’en 2001, régi par aucun texte. Il résultait de la seule pratique budgétaire. La LOLF l’a officialisé tout en évitant son extension à d’autres affectataires que les administrations locales et européennes (art. 6 al. 4 de la LOLF).

B - Le principe de non-affectation

Deux points doivent, ici aussi, nous retenir : la signification du principe (1) et les dérogations qui lui sont apportées (2).

1 – La signification du principe

Ce principe implique qu'aucune recette ne soit affectée directement au financement d’une dépense particulière. Autrement dit, l’ensemble des recettes font masse et couvrent, de façon indifférenciée, l’ensemble des dépenses. Ce principe est, actuellement, posé par l’article 6 al. 3 de la LOLF qui dispose : « l'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont retracées sur un compte unique, intitulé budget général. »

Cette règle trouve pour elle trois types de justification. La première est d’ordre juridique. Dans la mesure où l’évaluation des recettes n’est jamais limitative, affecter une recette à une dépense précise conduirait à ce que le montant de cette dépense ne soit jamais rigidement fixé à l’avance. L’autorisation de dépenses aurait, ainsi, un caractère simplement évaluatif et pourrait varier en fonction de la ressource affectée.

Un autre motif concerne le risque de gaspillage des deniers publics. En effet, la spécialisation des recettes peut, dans certains cas, procurer à un service administratif des ressources supérieures à ses besoins. Or, toute administration a une propension à porter la dépense au niveau de la recette.

Mais, l’argument le plus important reste d’ordre politique. Elle tient à une certaine conception du rôle de l’Etat au terme de laquelle les ressources publiques doivent être mises en commun et faire l’objet d’un arbitrage global, lequel vient donner corps à ce que l’on nomme l’intérêt général. Admettre que des contribuables puissent exiger que le produit des impôts qu’ils paient soit affecté au financement de dépenses susceptibles de leurs être profitables conduirait le pouvoir politique à être le serviteur de revendications catégorielles. Le principe de non-affectation apparait, ainsi, comme un principe anti-démagogique et, par voie de conséquence, profondément démocratique.

2 – Les exceptions au principe

Elles sont prévues par l’article 16 de la LOLF qui stipule : « Certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. Ces affectations prennent la forme de budgets annexes, de comptes spéciaux ou de procédures comptables particulières au sein du budget général, d'un budget annexe ou d'un compte spécial. »

Les deux premières exceptions sont déjà connues : il s’agit, d’une part, des budgets annexes qui impliquent par nature une affectation de recettes justifiée, en principe, par les nécessités d’une gestion commerciale et, d’autre part, des comptes spéciaux qui n’ont d’autre raison d’être que de permettre l’affectation de ressources particulières à certains types d’opérations.

La troisième hypothèse d’affectation de recettes concerne les procédures comptables particulières. Celles-ci sont au nombre de trois. La plus importante est la procédure des fonds de concours : il s’agit des fonds à caractère non fiscal versés par des personnes morales ou physiques pour concourir à des dépenses d’intérêt public et des produits de legs et donations attribués à l’Etat ; la LOLF exige que ces fonds soient directement portés en recettes dans la loi de finances et que leur produit y soit évalué, de même que les crédits dont ils sont la contrepartie. La seconde procédure est l'attribution de produits : il s’agit, ici, de permettre que la rémunération des services rendus par un service de l’Etat soit affectée à ce dernier ; cette procédure requiert un décret pris sur rapport du ministre du Budget. Et, la dernière concerne le rétablissement de crédit : cette procédure permet, en cas de dépense erronée, le remboursement des fonds à l'administration concernée et non au budget général.

IV - Le principe de spécialité budgétaire

Ce principe, dont la signification doit d’abord être précisée (A), connait certaines dérogations (B).

A - La signification du principe de spécialité budgétaire

Ce principe, qui ne concerne que les dépenses, impose que les crédits ouverts par la loi de finances aient une destination, c’est-à-dire un usage déterminé. La loi de finances doit, ainsi, spécifier l’objet de chaque dépense. Le but est de permettre aux parlementaires de connaître précisément la destination des crédits budgétaires.

Ce principe n’a été consacré que tardivement, car le Gouvernement y voyait, à juste titre, une limitation de ses prérogatives. La première consécration est venue de la loi du 25 mars 1817 : celle-ci instaurait un vote par ministère. Il n’a, ensuite, jamais été véritablement remis en cause.

Il convient, toutefois, de noter que, si la spécialisation de l’autorisation budgétaire est un gage de transparence, poussée à l’extrême, elle recèle plus d’inconvénients que d’avantages. En effet, plus la spécialisation est fine, plus la loi de finances perd en lisibilité et la discussion budgétaire se noie dans les détails, masquant, ainsi, la direction globale des politiques mises en œuvre par l’Exécutif. Ainsi s’explique la tendance à la globalisation des unités de spécialisation à partir de la seconde moitié du XX° siècle.

Sous la IV° République, les budgets étaient, ainsi, structurés en ministères / titres / chapitres et les crédits étaient spécialisés par chapitres. Cette unité de spécialisation coïncidait avec l’unité de vote. En d’autres termes, il y avait autant d’opérations de vote qu’il y avait de chapitres. L’on dénombrait, au début des années 1950, plus de 4 000 chapitres dans le budget de l’Etat.

L’ordonnance de 1959 va dissocier l’unité de vote, le titre, de l’unité de spécialisation qui demeure le chapitre. Parallèlement, des efforts sont entrepris pour réduire le nombre de chapitres : au début des années 2000, on en comptait environ 800.

La LOLF poursuit ce mouvement. Elle refond intégralement la nomenclature budgétaire. Celle-ci se compose, dorénavant, de missions qui regroupent des programmes qui, eux-mêmes, sont composés d’actions. La mission est la nouvelle unité de vote, tandis que les crédits sont spécialisés par programme.

B - Les dérogations au principe de spécialité budgétaire

Ces dérogations sont de deux ordres.          

Les premières permettent au pouvoir exécutif de modifier la répartition des crédits en cours d’exécution budgétaire et, par voie de conséquence, de contredire l’autorisation parlementaire. Deux techniques sont prévues par l’article 12 de la LOLF : celle du virement de crédits et celle du transfert de crédits.

Les virements de crédit permettent de modifier la répartition des crédits entre programmes d'un même ministère. La LOLF introduit, cependant, un plafond : ces virements ne peuvent dépasser 2 % des crédits ouverts par la loi de finances pour chacun des programmes concernés.

Les transferts de crédits se font entre programmes de ministères distincts à condition que, pour un objet déterminé, l’emploi des crédits transférés corresponde à des actions du programme d’origine.

Ces deux procédures demeurent encadrées en ce qu’elles nécessitent un décret pris sur rapport du ministre des Finances, après information des commissions des finances et des autres commissions concernées.

Les secondes sont plus ciblées. Il s’agit de dotations pour lesquelles l’affectation des crédits est décidée, non par le Parlement, mais par le Gouvernement. Il y a d’abord la dotation pour dépenses accidentelles ou imprévisibles destinée à financer des dépenses connues, mais dont le montant est difficilement prévisible, telles que les frais de voyages officiels, des dépenses provisionnées (comme celles afférentes à des élections à la suite d’une dissolution de l’Assemblée nationale) ou encore des dépenses imprévisibles par nature, notamment celles liées aux catastrophes naturelles. Il y a ensuite la dotation relative aux fonds spéciaux : ici le Parlement vote leur montant global sans en connaitre la destination, même si, depuis 2002, le Gouvernement doit détailler leur contenu, sauf en ce qui concerne les fonds affectés à la DGSE.

V – Les nouveaux principes budgétaires

Au gré des réformes, de nouveaux principes ont émergé. Il est possible d’évoquer le principe de sincérité budgétaire (A) et le principe d’équilibre budgétaire (B).

A - Le principe de sincérité budgétaire

Ce principe est apparu dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel dans les années 1990. Il a été, ensuite, institutionnalisé par la LOLF. Il comporte deux composantes.

La première concerne la sincérité budgétaire proprement dite. L’article 32 de la LOLF prévoit, ainsi, que « les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler ». Cet article soumet les lois de finances à l’exigence de sincérité, mais, tel qu’il est formulé, il laisse une certaine marge de manœuvre au Gouvernement. Il est, en effet, difficile de définir la sincérité d’une prévision, par définition hypothétique. Aussi, le Conseil constitutionnel a-t-il décidé que « la sincérité se caractérise par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre déterminé par la loi de finances » (CC, 25/07/2001, 2001-448 DC). Pour procéder à cette appréciation, la Haute juridiction n’hésite pas à se baser sur les avis du Haut conseil des finances publiques chargé de se prononcer sur la qualité et la crédibilité des prévisions économiques sous-jacentes aux textes financiers.

Le seconde concerne la sincérité des comptes. Selon l’article 27 al. 3 de la LOLF, « les comptes de l'Etat doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière. » Cette disposition, qui ne concerne que l’Etat, a été reprise lors de la révision constitutionnelle de 2008 et insérée, avec un périmètre élargi, à l’article 47 – 2 al. 2 de la Constitution : « Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. » A l’inverse de la sincérité budgétaire, la sincérité des comptes fait l’objet d’une promotion constitutionnelle et voit son champ d’application élargi puisqu’elle concerne l’ensemble des administrations publiques. La Cour des comptes, à laquelle incombe depuis 2006 la nouvelle mission de certifier les comptes de l’Etat, est chargée de vérifier le respect de ces obligations.

B – Le principe d'équilibre budgétaire

Le principe d’équilibre budgétaire est souvent présenté comme un nouveau principe des finances publiques. Cette mise en avant résulte de l’accumulation des déficits publics ces 40 dernières années, des engagements européens de la France et, il faut bien le dire, de la prédominance actuelle des thèses économiques libérales. Différents textes ont contribué à sa promotion.

Sur le plan interne, ce principe n’est pas explicitement proclamé par les textes financiers, mais la notion d’équilibre y est présente. L’ordonnance de 1959 disposait, ainsi, en son article 1°, que « les lois de finances déterminent la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’Etat, compte tenu d’un équilibre économique et financier qu’elles définissent ». La LOLF retient une formule un peu différente. Son article 1° prévoit que « les lois de finances déterminent, pour un exercice, la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’Etat, ainsi que l’équilibre budgétaire et financier qui en résulte. Elles tiennent compte d’un équilibre économique défini ». Quant à l’article 34 de la Constitution, il fait référence à « l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques » dans lequel doivent s’inscrire les lois de programmation des finances publiques, mais ces dernières n’ont pas de portée contraignante.

Sur le plan européen, les textes vont, eux, beaucoup plus loin. Ainsi, le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union économique et monétaire de 2012, dont les modalités d’application ont été précisées par la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques du 17 décembre 2012, institue une obligation d’équilibre budgétaire pour l’ensemble des acteurs publics, l’Etat y compris.

Malgré cette nouvelle règle, il demeure que les déficits restent une donnée récurrente des finances publiques nationales jusqu’à aujourd’hui, de sorte qu’il n’apparaît pas possible de regarder le principe d’équilibre budgétaire comme un principe véritablement contraignant à l’heure actuelle. Tout au plus constitue-t-il un objectif de bonne gestion financière.