Introduction
Aux termes de l’article 47 al. 1 de la Constitution du 4 octobre 1958, « le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique. » Cette loi organique a, pendant plus de 40 ans, été l’ordonnance du 2 janvier 1959. Ce n’est qu’au début du XXI° siècle qu’elle a été remplacée par la Loi organique relative aux lois de finances, dite LOLF, du 1° août 2001 qui est, aujourd’hui, la « Constitution financière » de la France.
La nécessité de réformer le cadre budgétaire applicable aux finances de l’Etat s’explique par l’évolution de la donne économique, financière et politique qui a rendu l’ordonnance de 1959 inadaptée aux enjeux actuels. Malgré plusieurs dizaines de tentatives, il a fallu attendre 2001 pour que la réforme aboutisse. Le plus étrange, d’ailleurs, est que la LOLF a été adoptée pendant une période de cohabitation et de non-concordance des majorités à l’Assemblée nationale et au Sénat. Mais, un large consensus s’était fait, progressivement, jour au sein de la classe politique sur le caractère impérieux d’une telle réforme et sur les directions qu’elle devait emprunter. Celles-ci sont au nombre de deux.
La première est la consécration de l’exigence de performance. En effet, dans un monde où les déficits publics sont récurrents et où l’argent public se fait rare, la dépense publique doit être utilisée à bon escient. Aussi, là où l’ordonnance de 1959 prévoyait un budget de moyens, la LOLF opte pour une structuration des crédits selon une logique fonctionnelle à partir d’objectifs à atteindre et d’indicateurs permettant de mesurer leur réalisation. L’exigence de performance se traduit, également, par une plus grande liberté laissée aux décideurs publics dans l’allocation des crédits budgétaires.
La seconde est un renforcement des prérogatives des parlementaires. Ceux-ci disposent de plus d’informations pour contrôler l’usage qui est fait des deniers publics. Surtout, la LOLF accroît sensiblement leur pouvoir d’amendement, puisqu’ils peuvent moduler les crédits entre les programmes au sein d’une même mission.
A la suite de la LOLF, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, complétée par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, adoptées conformément au Traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union économique et monétaire, a créé les lois de programmation des finances publiques dont but est de renforcer la vision pluriannuelle des finances publiques. La LOLF a, enfin, été complétée par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques : celle-ci a pour objet de moderniser le cadre de gouvernance des finances publiques.
Il convient donc d’étudier les origines de la LOLF (I), la consécration de l’exigence de performance (II), le renforcement des pouvoirs du Parlement (III) et de terminer par l’analyse de la réforme adoptée en 2021 (IV).
I - Les origines de la LOLF
Jusqu’à la LOLF, les compétences du Gouvernement et du Parlement en matière de préparation, de vote et d’exécution du budget de l’Etat étaient régies par l’ordonnance du 2 janvier 1959. Ce texte, adopté au début de la V° République dans le cadre du parlementarisme rationnalisé, se caractérisait par sa grande stabilité. Les exigences actuelles des finances publiques devaient, cependant, révéler ses imperfections et mettre en avant la nécessité d’une réforme. C’est chose faite avec la LOLF dont l’adoption résulte de causes structurelles (A) et conjoncturelles (B).
A - Les facteurs structurels
L’environnement économique, financier et politique a considérablement changé depuis 1959 (1). Ces évolutions ont révélé tant le caractère inadapté de l’ordonnance de 1959 (2) que la nécessité de prendre en compte une nouvelle exigence, celle de performance (3).
1 – Un environnement largement modifié …
La situation des finances publiques à la fin des années 1990 et au début des années 2000 n’a que peu de choses à voir avec celle des années 1950.
D’une part, à l’inverse des débuts de la V° République caractérisés par une forte croissance économique (les fameuses « Trente Glorieuses »), la France connaît, depuis le milieu des années soixante-dix, une profonde crise économique. Cette dernière a provoqué une succession ininterrompue de déficits du budget de l’Etat et une hausse constante de la dette publique. Cette situation a rendu d’autant plus urgente la maîtrise des dépenses publiques et, plus généralement, une réforme de l’Etat.
D’autre part, les engagements européens de la France, en lien, notamment, avec la mise en place de la monnaie unique, ont imposé aux Etats-membres de la zone euro de nouvelles règles budgétaires : un déficit public inférieur à 3 % du PIB et une dette publique limitée à 60 % du PIB. Ces engagements et leur portée ont fluctué au fil des différents soubresauts de l’économie mondiale, mais ils sont demeurés un facteur de contrôle des finances étatiques par l’Union européenne.
2 - … qui rend l’ordonnance du 2 janvier 1959 inadaptée
Cette nouvelle donne économique et politique va, très vite, faire apparaître les imperfections de l’ordonnance de 1959.
Du point de vue de la maîtrise des dépenses publiques, l’ordonnance de 1959 va se révéler inadaptée. D’une part, ce texte prévoyait un budget de moyens où les dépenses étaient votées par ministère et par titre. Un tel système ne permettait pas un contrôle de la pertinence de l’utilisation des crédits et constituait un cadre inadaptée aux nouveaux impératifs des finances publiques. D’autre part, les gestionnaires publics étaient, pour l’exécution des dépenses, enfermés dans un cadre rigide quant aux procédures et plafonné quant au montant, de sorte que ce manque de liberté conduisait à les déresponsabiliser.
Du point de vue de la situation du Parlement, dont les droits étaient strictement limités conformément au paradigme juridique ayant présidé à l’adoption de la Constitution de 1958, la situation n’était, elle-aussi, guère satisfaisante. Celui-ci ne pouvait, en effet, véritablement exercer de contrôle sur le contenu des lois de finances et, ainsi, peser sur les choix faits par le Gouvernement en termes de dépenses publiques. A titre d’exemple, 90 % des dépenses de l’Etat (les services votés) étaient reconduits d’année en année de manière automatique, sans inventaire de la part du Parlement qui ne discutait que des mesures nouvelles.
Autant de lacunes qui allaient mettre en exergue un nouvel impératif.
3 – Vers la prise en compte de l’impératif d’efficacité de gestion : la performance
Traditionnellement, les principes qui guident les finances de l’Etat sont, essentiellement, d’inspiration légaliste : il s’agit d’assurer un contrôle parlementaire et démocratique du budget de l’Etat.
La nouvelle donne économique et financière de ces trente dernières années a, cependant, conduit à prendre en compte un nouvel impératif : celui de l’efficacité de la gestion budgétaire de l’Etat, tant au niveau de la préparation de la loi de finances que de son exécution. C’est, là, la fameuse exigence de performance. Il s’agit de mieux contrôler la dépense publique et d’assurer son efficacité, de sorte que les principes juridiques classiques doivent, à présent, coexister avec une vision économique des finances publiques. Cette nouvelle dimension conduit à intégrer à la sphère publique des modes de gestion venus de l’entreprise privée, c’est-à-dire du monde marchand.
Bien que pouvant heurter au premier abord, cette évolution peut se justifier puisqu’il s’agit de contrôler et d’optimiser l’usage que fait l’Etat de l’argent versé par les contribuables pour le financement des services publics. L’emploi et l’utilité des deniers publics appellent, en effet, dans un contexte de rareté, une vigilance accrue.
Toutefois, le transfert de techniques de gestion privée doit être opéré avec parcimonie dans la mesure où un service public n’est pas un commerce. La plupart des services publics sont, et il ne peut en aller autrement, par nature, non rentables. Cette intégration ne doit donc pas se faire au détriment de la spécificité de l’action publique, sous peine de remettre en cause nombre des bénéfices qu’en retirent les citoyens.
Concilier la recherche de l’efficacité de gestion et celle du respect de principes juridiques dans l’esprit d’un Etat protecteur de ses citoyens apparaît, dans ce cadre, comme une voie audacieuse, voire chimérique. Elle est, pourtant, le gage d’une saine gestion des deniers publics, du respect des principes démocratiques et d’une conception des services publics qui a, jusqu’ici, assuré la stabilité du modèle social français et permis à tout un chacun de trouver sa place au sein de la République. Si cette voie semble recueillir l’assentiment de nombreux français, les différents plans de réforme de l’Etat menés ces vingt dernières années attestent qu’il s’agit, là, d’une voix que peu d’hommes et de femmes politiques sont en mesure de porter.
B – Les facteurs conjoncturels
La LOLF résulte d’un large consensus politique entre Assemblée nationale, Sénat et Gouvernement. Son origine atteste du rôle central joué par le Parlement puisqu’elle est issue d’une proposition de loi organique du 11 juillet 2000 (c’est-à-dire que le texte a été proposé par le Parlement), elle-même faisant suite au rapport d’un groupe de travail sur la réforme des finances publiques constitué par Laurent Fabius, alors président de l’Assemblée nationale.
L’adoption de ce texte vient mettre fin à moultes tentatives des parlementaires et des gouvernements successifs pour réformer l’ordonnance de 1959 (37 fois pour être précis). La nécessité d’une telle réforme était, en effet, unanime dans la classe politique. Tous s’accordaient sur le fond : l’importance de la prise en compte de l’exigence de performance de l’action publique.
Mais, le consensus politique était loin d’être acquis en 2001. En effet, les majorités à l’Assemblée nationale et au Sénat ne coïncidaient pas. Plusieurs circonstances ont, cependant, permis le consensus. D’abord, deux personnes jouèrent un rôle majeur pour rapprocher les deux majorités : Didier Migaud, alors rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, et Alain Lambert, alors président de la commission des finances du Sénat. Ensuite, le Gouvernement ne déposa aucun amendement et préféra négocier avec les rapporteurs de la proposition de loi organique, ce qui mit en avant le rôle du Parlement et favorisa le consensus. Enfin, le texte recueillit l’entier soutien du président de la République Jacques Chirac et celui du Premier ministre Lionel Jospin. Il s’ensuivit que le texte fut adopté à la quasi-unanimité. Alain Lambert déclarera, ainsi, que l’adoption de la LOLF fut « un moment d’exception et d’excellence … un acte majeur de maturité démocratique ».
La mise en œuvre pratique de la LOLF durera, ensuite, quatre ans. La première loi de finances à être intégralement préparée, adoptée et exécutée selon le nouveau cadre budgétaire sera la loi de finances de l’année 2006.
II - La consécration de l'exigence de performance
L’objectif de la LOLF est de passer d’une logique de moyens à une logique de résultats. Jusque-là, on s’intéressait d’avantage au volume des moyens consacrés à une politique qu’aux résultats concrets obtenus grâce à ces moyens. Désormais, les discussions budgétaires portent non seulement sur les moyens, mais aussi sur l’efficacité des dépenses par rapport à des objectifs prédéfinis. Cette prise en compte de l’exigence de performance se traduit, d’une part, au niveau de la loi de finances (A) et, d’autre part, au niveau de la liberté allouée aux gestionnaires publics (B).
A – La performance au niveau de la loi de finances
Avec l’ordonnance de 1959, les plafonds de dépenses étaient votés par ministère et par titre, puis détaillés par chapitre. Les crédits étaient, ainsi, spécialisés en fonction de leur nature et des administrations bénéficières. Il s’agissait d’un budget de moyens.
La LOLF change complètement de logique : à présent, les crédits sont structurés selon une logique fonctionnelle, à partir des objectifs à atteindre. Ce changement impacte la structure de la loi de finances (1) et entraîne la mise en place d’outils de mesure de la performance (2).
1 – La présentation de la loi de finances
Dorénavant, les crédits budgétaires sont votés par missions, elles-mêmes divisées en programmes, eux-mêmes détaillés en actions.
Les missions peuvent être interministérielles : elles regroupent des programmes de plusieurs ministères qui concourent à une politique publique définie.
Les programmes, qui sont rattachés à un ministère en particulier, constituent la marque du passage d’une culture de moyens à une culture de résultats. En effet, la LOLF opère une budgétisation des crédits par objectifs : les crédits sont, ainsi, spécialisés par programmes auxquels sont associés des objectifs et des indicateurs de performance permettant de mesurer leur réalisation.
Les actions constituent le troisième niveau de présentation des dépenses de l’Etat. La LOLF n’en donne aucune définition précise. Elles n’ont qu’un caractère informatif et visent à mieux identifier les composantes des politiques publiques et à en retracer les coûts.
2 – La mesure de la performance
Il s’agit, là, de mesurer annuellement la performance de la dépense publique, afin de permettre au Parlement d’exercer pleinement son contrôle.
Deux outils sont mis en place à cette fin. Sont, d’abord, annexés au projet de loi de finances de l’année, les Projets annuels de performance (PAP) qui contiennent les objectifs à atteindre par chaque programme et les indicateurs correspondants. En fin d’exercice, sont établis les Rapports annuels de performance (RAP,) annexés au projet de loi de règlement, qui permettent aux parlementaires d’évaluer les politiques publiques menées par l’analyse comparative des objectifs qui avaient été, initialement, fixés et des résultats effectivement obtenus.
La démarche est, alors, la suivante. Avec les PAP, chaque responsable de programme s’engage devant le Parlement sur des objectifs chiffrés pour l’année à venir. Une fois l’exercice budgétaire clôturé, il rend compte, avec les RAP, des résultats obtenus et justifie les écarts par rapport aux prévisions initiales. Cette démarche est déclinée à chaque niveau de l’exécution du programme, du responsable de programme au responsable de service opérationnel sur le terrain.
B – La performance au niveau de la liberté allouée aux gestionnaires publics
L’exigence de performance se traduit aussi au niveau de la marge de manœuvre dont bénéficient les gestionnaires publics. Ceux-ci disposent, en effet, en contrepartie d’exigences accrues sur la performance de l’action publique, d’une plus grande liberté pour décider de l’allocation optimale des crédits budgétaires de manière à atteindre les objectifs fixés.
Concrètement, si chaque programme constitue un plafond de crédits, les décideurs publics peuvent redéployer les crédits entre les titres d’un même programme, ce qui était impossible par le passé. Cette règle a, toutefois, une limite : les dépenses de personnel ne peuvent recevoir de crédits d'autres titres du programme, mais il est possible de prélever des crédits sur les dépenses de personnel pour les affecter à d'autres titres. C’est ce que l’on appelle la fongibilité asymétrique.
Cette liberté permet, ainsi, aux gestionnaires publics d’adapter, en permanence, l’affectation des crédits lorsque la poursuite des objectifs fixés l’exige. Liberté et responsabilité du gestionnaire apparaissent, alors, comme les deux piliers de l’action financière posés par la LOLF.
III - Le renforcement des prérogatives du Parlement
Outre que la nouvelle structure du budget de l’Etat offre une lisibilité accrue de l’action publique et des différentes politiques publiques menées, la LOLF a permis un renforcement des pouvoirs du Parlement. Il en est allé de la sorte dans deux sens. La loi organique a, d’abord, renforcé les informations dont disposent les parlementaires (A). Elle a, ensuite, élargi leur droit d’amendement (B).
A – Un Parlement qui dispose de plus d'informations
La LOLF offre aux parlementaires plus d’informations au niveau du vote, de l’exécution et du contrôle a posteriori de l’exécution de la loi de finances.
Sur le premier point, la loi organique officialise le mécanisme des questionnaires budgétaires auxquels les ministres doivent répondre avant le 10 octobre. Elle consacre, également, en son article 48, le débat d’orientation des finances publiques en juin. Elle introduit, par ailleurs, le principe du « chaînage vertueux » en optimisant la place de la loi de règlement dans le processus de décision budgétaire. Son article 46 prévoit, en effet, que ce texte doit être déposé avant le 1° juin de l’année suivant celle de l’exécution du budget auquel il se rapporte. Dans le même sens, son article 41 prévoit que le projet de loi de finances initiale ne peut être mis en discussion devant une assemblée avant le vote en première lecture du projet de loi de règlement afférent au dernier exercice clos. Le but de ce dispositif est de permettre au Parlement de contrôler les résultats de l’exécution budgétaire de l’année passée avant de procéder à la discussion du budget de l’année suivante.
Sur le second point, la régulation budgétaire, qui permet au Gouvernement de déroger à l’autorisation parlementaire (décrets d’avance, virements ou transferts de crédits, annulations de crédits), fait l’objet d’un encadrement plus strict : les commissions des finances des deux assemblées doivent, en effet, soit donner un avis, soit en être informées préalablement.
Sur le troisième point, les Rapports annuels de performance, annexés au projet de loi de règlement, permettent au Parlement de contrôler les résultats de l’exécution budgétaire passée par rapport aux objectifs qui avaient été, initialement, définis dans les Projets annuels de performance. A travers ces Rapports, les responsables de programme rendent compte au Parlement de leurs choix de gestion, de leurs dépenses effectives, de la gestion des ressources humaines, ainsi que de la performance obtenue en fonction des moyens dont ils disposaient. Il s’agit, là, de la contrepartie de la liberté d’allocation des crédits dont bénéficient les décideurs publics.
Dans l’accomplissement de ces tâches, les parlementaires disposent de l’appui de la Cour des comptes. Le projet de loi de règlement donne, ainsi, lieu à un rapport de la Cour sur l’exécution de la loi de finances antérieure. Les commissions des finances peuvent aussi lui demander d’effectuer des enquêtes sur des thèmes précis. La révision constitutionnelle de 2008 a, enfin, prévu que le juge des comptes devait assister le Parlement dans sa mission d’évaluation des politiques publiques.
B – Un Parlement qui dispose d'un droit d'amendement renforcé
Selon l’article 40 de la Constitution, « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique. »
Initialement, l’interprétation retenue de cette disposition en matière de dépenses a été stricte : un parlementaire ne pouvait, ainsi, faire une proposition de dépense nouvelle, même si cette dernière s’accompagnait de la création de recettes nouvelles ou de la diminution d’une autre dépense. La compensation n’était pas admise.
La LOLF a assoupli cette position. Elle a, en effet, précisé, en son article 47, que « au sens des articles 34 et 40 de la Constitution, la charge s'entend, s'agissant des amendements s'appliquant aux crédits, de la mission. » Autrement dit, si les parlementaires doivent respecter le plafond global de la mission, ils disposent, à l’intérieur de celle-ci, de plus de liberté : il peuvent, ainsi, créer des programmes à l’intérieur d’une mission en prélevant des crédits sur les autres programmes de la mission, répartir autrement les crédits entre programmes d’une même mission, ou supprimer un ou plusieurs programmes d’une mission. Le Parlement peut donc, à présent, opérer des choix de répartition des crédits différents de ceux contenus dans le projet de loi de finances. Seuls les transferts de crédits entre missions ou la création de nouvelles missions restent, à ce jour, interdits aux députés et sénateurs.
IV – La réforme de la gestion des finances publiques de 2021
Discutée et adoptée au cours de l’année 2021, la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a été promulguée le 28 décembre 2021. D’initiative parlementaire, elle vise à doter le législateur financier des outils permettant de gérer efficacement les enjeux propres aux finances publiques issus de la crise sanitaire. Cette loi complète, ainsi, la LOLF et abroge la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, mais en insérant l’ensemble du contenu de ce texte au sein de la LOLF. Cette loi organique touche quatre grands domaines.
La loi organique de 2021 consolide d’abord la programmation pluriannuelle des finances publiques. Elle prévoit ainsi que les lois de programmation doivent déterminer, pour chacun des exercices de la programmation, un objectif d’évolution en volume et une prévision en milliards d’euros des dépenses des administrations publiques. Afin de renforcer la portée de cette nouvelle règle, un compteur des écarts à cette norme de dépense est prévu : en cas d’écart, le Gouvernement devra justifier les raisons qui l’expliquent au sein du Rapport économique, social et financier et préciser les mesures destinées à le réduire. La loi organique complète, également, les informations devant figurer au sein de l’article liminaire des différentes lois financières afin que soit mieux appréciée la conformité des choix faits chaque année aux objectifs fixés par la loi de programmation.
Elle procède, ensuite, à un ensemble de changements en matière de lois de finances. Elle renomme, ainsi, la loi de règlement en loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année afin de mettre l’accent sur la fonction de contrôle du Parlement. Elle crée, par ailleurs, une nouvelle catégorie de loi de finances : la loi de finances de fin de gestion qui correspond aux actuelles lois de finances rectificatives adoptées en fin d’année. Elle rationnalise le calendrier budgétaire dans une perspective de renforcement du chaînage vertueux entre l’exécution et la prévision : à ce titre, elle prévoit l’organisation d’un débat commun sur le rapport d’orientation des finances publiques et le programme de stabilité, et ramène le délai de dépôt de ce que l’on appelait la loi de règlement du 1° juin au 1° mai. Elle renforce, enfin, la transparence des finances publiques, notamment en matière de taxes affectées à des personnes autres que les collectivités locales et les organismes de sécurité sociale.
La loi organique de 2021 améliore, ensuite, l’information du Parlement. S’agissant des annexes, certaines voient leur date de dépôt être avancée, d’autres leur contenu être enrichi. Un rapport sur la dette publique et un rapport sur la situation des finances publiques locales devront, également, être déposés. Quant aux commissions des finances, elles voient leurs pouvoirs pour obtenir certaines informations être renforcés.
Elle étend, enfin, les missions du Haut conseil des finances publiques, notamment en lui reconnaissant la compétence pour se prononcer sur le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses du projet de loi de finances de l’année et du projet de loi de financement de la sécurité sociale et pour exprimer un avis sur les projets de loi de programmation sectoriels ayant une incidence sur les finances publiques.
