Introduction
Les ressources de l’Etat ne représentent qu’une partie de l’ensemble des recettes publiques : celles-ci comprennent, en effet, également, les recettes des collectivités locales et celles des administrations de sécurité sociale. En 2021, les recettes de l’Etat (hors budgets annexes et comptes spéciaux) ont occupé le deuxième rang de l’ensemble des ressources publiques et se sont élevées à 316,9 Md (milliards) d’euros. Ces recettes se composent de deux grands ensembles.
Le premier correspond aux recettes fiscales. Celles-ci ont représenté, en 2021, la somme de 295,7 Md €. Elles ont connu une forte hausse par rapport à 2020 du fait d’une évolution de la conjoncture économique plus favorable que prévue. Les ¾ d’entre elles proviennent, par ordre de rendement, de la TVA, de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés.
Le second comprend les recettes non fiscales de l’Etat qui se sont élevées, en 2021, à 21,2 Md €. Elles sont très variées et se composent, notamment, des dividendes versés par les entreprises dont l’Etat est actionnaire, des produits du domaine de l’Etat ou, encore, du produit des amendes de la circulation et du stationnement routiers.
Il est précisé que les chiffres retenus dans ce propos sont issus des notes d’analyse de la Cour des comptes sur l’exécution budgétaire 2021 (https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-budget-de-letat-en-2021-resultats-et-gestion).
Il convient donc d’étudier, dans une première partie, les ressources fiscales de l’Etat en 2021 (I) et d’analyser, dans une seconde partie, les ressources non fiscales de l’Etat en 2021 (II).
I - Les ressources fiscales de l'Etat en 2021
Les ressources fiscales nettes de l’Etat, c’est-à-dire après dégrèvements et remboursements d’impôts, ont atteint en 2021 la somme de 295,7 Md € (A). Ces recettes se composent de quatre grands impôts (B).
A – Le poids des ressources fiscales de l'Etat
L’année 2021 a été marquée par un rebond exceptionnel des recettes fiscales (1) et, comme en 2020, de profonds écarts entre les prévisions et l’exécution ont été constatés (2).
1 – Un rebond exceptionnel des recettes fiscales par rapport à 2020
Après un recul très marqué en 2020 (- 25,3 Md €, soit -9 % par rapport à 2019), les recettes fiscales ont rebondi en 2021 (+ 39,8 Md€, soit + 15,5 %) : elles ont, ainsi, atteint un total de 295,7 Md € et ont même dépassé leur niveau d’avant crise. Ce rebond est bien supérieur à ce qui avait été observé en 2010 en sortie de crise financière.
Le produit de la quasi-totalité des lignes de recettes augmente à l’exception de la TVA qui fait l’objet de transferts d’ampleur inédite : à partir de 2021, en effet, près de la moitié de la TVA nette est transférée à d’autres administrations publiques que l’État (54 Md € à la sécurité sociale et 37 Md € aux collectivités locales), de sorte que cette taxe ne représente, en 2021, plus qu’un tiers des recettes de l’État. Les autres grands impôts croissent fortement, en particulier l’impôt sur les sociétés sous l’effet de la reprise d’activité et la TICPE qui bénéficie de la rebudgétisation de la part qui était auparavant affectée au CAS « Transition énergétique ». L’impôt sur le revenu progresse, lui, de 4,6 Md€, et les autres recettes fiscales nettes rebondissent, sous l’effet notamment de la disparition du dégrèvement qui finançait jusqu’en 2020 la réforme de la taxe d’habitation.
Cette hausse des recettes fiscales résulte de leur évolution spontanée (à législation constante), c’est-à-dire qu’elle est fonction des évolutions de la conjoncture économique. Cette évolution spontanée a été de + 46 Md €, soit + 18 % par rapport à 2020. Un tiers de cette croissance spontanée résulte du dynamisme des encaissements de TVA nette (16,4 Md €). Un autre tiers provient de la croissance des recettes d’impôt sur les sociétés (13,1 Md €) et le reste de l’évolution est à imputer à hauteur de 4,4 Md € à l’impôt sur le revenu, de 2,6 Md € à la TICPE et de 9,5 Md € aux autres recettes fiscales.
Les mesures de hausse ou de baisse des impôts, parmi lesquelles sont distinguées les mesures de périmètre et de transfert de ressources entre administrations publiques d’une part et les mesures nouvelles d’autre part, ont eu, en 2021, un impact négatif sur les recettes fiscales de - 6,3 Md €. L’effet des premières a été de - 4 Md € lié, principalement, aux mesures modifiant les modalités de financement des collectivités locales (suppression de la taxe d’habitation et baisse des impôts de production, compensés par des transferts de TVA). L’effet des secondes a été de – 2,3 Md € du fait, essentiellement, de la baisse du rendement de l’impôt sur les sociétés.
2 – Des recettes fiscales nettement supérieures aux prévisions
Selon la loi de finances initiale pour 2021, les recettes fiscales de l’État devaient atteindre 257,9 Md €. En exécution, elles se sont élevées à 295,7 Md €, soit + 37,9 Md € par rapport à la prévision initiale.
Cet écart s’explique par un contexte sanitaire et économique très incertain qui a conduit le Gouvernement à modifier plusieurs fois ses prévisions. Il en est allé ainsi dès les débats du projet de loi de finances 2021 à l’automne 2020 : d’importantes modifications ont, en effet, été apportées aux prévisions macroéconomiques afin de tenir compte des effets d’une nouvelle vague épidémique à l’automne 2020 et de ses répercussions sur 2021, ce qui a conduit le Gouvernement à revoir les recettes fiscales à la baisse. Les prévisions ont, ensuite, été très légèrement relevées en loi de finances rectificatives n° 1. La loi de finances rectificatives n° 2, élaborée à partir des données comptables à fin septembre et publiée un mois avant la fin d’année, a permis de tenir compte partiellement du dynamisme des encaissements et de la croissance économique meilleure que prévue. Mais l’écart entre l’exécution et cette seconde loi de finances rectificative est demeuré très élevé.
Cet écart massif entre la prévision initiale et l’exécution est constaté sur chacun des grands impôts, mais, tout particulièrement, sur l’impôt sur les sociétés avec des recouvrements supérieurs à la prévision de loi de finances initiale de 15,3 Md €, ainsi que sur la TVA (écart de 10 Md €).
B – Les différentes ressources fiscales de l'Etat
L’Etat dispose de quatre grandes recettes fiscales : par ordre d’importance, l’on trouve la TVA (1), l’impôt sur le revenu (2), l’impôt sur les sociétés (3) et la TICPE (4). Existent, également, diverses ressources fiscales (5).
1 - La TVA
La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est un impôt sur la dépense institué en France en 1954. Cette taxe, qui s’applique, aujourd’hui, dans plus d’une trentaine de pays, est un impôt indirect proportionnel calculé sur le prix de vente hors taxes de la plupart des biens et services. Elle pèse sur les consommateurs, mais est collectée et reversée à l’Etat par les entreprises. Son mécanisme repose sur le principe du paiement fractionné : concrètement, chaque assujetti à la taxe doit, d’abord, calculer et facturer à son client une TVA, appelée TVA collectée, qui vient s'ajouter au prix de vente, puis déduire de cette TVA brute le montant de la TVA que lui ont facturé ses fournisseurs lors de ses achats, dénommée TVA déductible, et reverser, enfin, la différence au Trésor public (c’est la TVA due).
Ce mécanisme est avantageux à plus d’un titre. Il est économiquement neutre, puisque seul le consommateur final en supporte le coût. Il est, également, financièrement avantageux pour le Trésor public : celui-ci n’a pas, en effet, besoin d’attendre la vente du produit final pour encaisser la TVA, dans la mesure où les versements se font au fur et à mesure de la chaîne de production. La TVA peut, toutefois, être regardée comme un impôt injuste dans la mesure où elle est supportée de la même manière par tous les consommateurs, quel que soit leur niveau de revenu : or, la part du revenu consommé est plus importante chez les ménages modestes.
La TVA est la première recette fiscale de l’Etat : elle représente, en 2021, 32 % de ses recettes fiscales, soit 95,5 Md €. Après un repli spontané de - 6,5 % en 2020, proche du PIB en 2020 (- 7,9 %), l’évolution spontanée de la TVA a rebondi, en 2021, à + 14,4 % pour la part État, soit environ 1,8 fois la croissance du PIB.
Cette évolution s’explique, principalement, par l’évolution de l’assiette de la TVA : les « emplois taxables ». Assis sur la consommation des ménages (pour les deux tiers), l’investissement et les consommations intermédiaires, les emplois taxables croissent en effet bien plus vite (+ 9,1 %) que les autres composantes du PIB qui pâtissent notamment d’une croissance ralentie du commerce extérieur. Elle tient, également, au ralentissement du rythme de traitement des dossiers de remboursement de crédit de TVA par les services de la DGFiP et à la plus forte propension des entreprises à reporter leur crédit de TVA plutôt que d’en demander le remboursement.
2 - L'impôt sur le revenu
L’impôt sur le revenu a été institué en 1914 - 1917. Il s’agit d’un impôt direct qui est calculé au niveau du foyer fiscal et qui porte sur l’ensemble des revenus perçus par les personnes physiques qui le composent (salaires, revenus fonciers, revenus de capitaux mobiliers, bénéfices industriels et commerciaux, …). Son calcul s’effectue en fonction de la situation et des charges de famille du contribuable et d’un barème progressif fixé par tranches de revenus.
Il s’agit de la deuxième recette fiscale de l’Etat. Elle représente, en 2021, 27 % de ses rentrées fiscales, soit 78,7 Md €. Sa croissance spontanée a été, en 2021, de + 5,9 % (+ 4,3 Md €) : elle est ainsi, un peu plus faible que celle du PIB (7,9 %), mais bien plus élevée que les années passées.
Cette évolution peut s’expliquer par la baisse en 2021 du coût de certains crédits d’impôt : ainsi, le crédit d’impôt pour l’emploi de salariés à domicile a été peu mobilisé sous l’effet de la contraction de la dépense des ménages pendant les confinements ; dans le même sens, le crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement (CIMR) mis en place en 2019 lors du passage au prélèvement à la source a disparu en 2021. Elle tient, également, à la croissance de la masse salariale et à la forte progression des dividendes et des plus-values immobilières.
3 - L'impôt sur les sociétés
L’impôt sur les sociétés est apparu en 1948. Il s’agit d’un impôt direct proportionnel sur les bénéfices des entreprises. Son taux était, traditionnellement, de 33,33 %. Mais, il a été décidé de le diminuer progressivement à compter des exercices ouverts au 1° janvier 2017. Il est, ainsi, passé à 25 % à compter des exercices ouverts au 1° janvier 2022 pour toutes les entreprises.
Cet impôt est la troisième recette fiscale de l’Etat : il en représente une part de 16 % en 2021, soit 46,3 Md €. Cet impôt augmente spontanément de 36,1 %. Cette évolution tient à la hausse du bénéfice fiscal des entreprise et à la propension des entreprises à verser un 5° acompte d’impôt sur les sociétés élevé : celui-ci a, ainsi, été, en 2021, de 10,1 Md € contre une moyenne de 2 Md € sur la période 2008 - 2019. En revanche, les exonérations d’impôt sur les sociétés des aides versées par le Fonds de solidarité ont, elles, entraîné de moindres recettes fiscales en 2021.
4 - La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)
La TICPE correspond à l’ancienne TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers). Il s’agit d’un impôt indirect qui vient taxer les différents produits pétroliers (essence, fioul, …) proportionnellement à leur volume ou à leur poids au moment de leur mise en circulation. Depuis 2005, une partie de son produit a été transféré aux régions et aux départements afin de financer les transferts de compétences opérés dans le cadre de la relance de la décentralisation en 2003.
Cette taxe représente 6 % des recettes fiscales de l’Etat en 2021 (alors qu’elle pèse lourdement sur les ménages et les entreprises puisqu’elle équivaut à environ les 2/3 du coût du carburant à la pompe), soit 18,3 Md €. Elle a augmenté de manière spontanée de 38 % en 2021, soit une augmentation très supérieure à celle du PIB (+ 7,0 % en volume).
5 - Les autres ressources fiscales
Elles représentent 19 % des recettes fiscales de l’Etat en 2021, soit 56,9 Md €. Leur évolution spontanée s’établit à + 9,5 Md €, soit + 38 %. Cette évolution s’explique, principalement par le contrecoup de la crise sanitaire qui a repoussé certaines opérations.
Ainsi, la croissance spontanée des droits de mutation à titre gratuit s’est montrée particulièrement dynamique en 2021 : + 55,8 % pour les donations et + 19,4 % pour les successions.
Dans le même sens, après un recul en 2020 en raison de la chute des dividendes versés entre 2019 et 2020 du fait des engagements des grandes entreprises ayant bénéficié de mesures d’urgence, les retenues à la source sur les revenus distribués à des non-résidents sur des produits de source étrangère ont crû spontanément de plus de + 60,4 %.
II - Les ressources non fiscales de l'Etat en 2021
Les ressources non fiscales de l’Etat constituent des recettes secondaires du budget de l’Etat. Après avoir connu une certaine stabilité au cours des trois derniers exercices, elles ont fortement augmenté en 2021 pour atteindre 21,2 Md €, soit + 6,4 Md €.
Certaines s’inscrivent dans le cadre du fonctionnement de l’Etat en tant qu’agent économique. Il s’agit, principalement, des dividendes versés par des entreprises dont l’État est actionnaire et dont le montant varie en fonction de leurs performances économiques : leur montant se maintient en 2021 et elle représentent toujours la première source de recettes non fiscales. L’Etat encaisse, également, les produits de son domaine, tels que les redevances et loyers pour l’utilisation de son domaine public ou privé ou, encore, les produits de cessions d’éléments de son patrimoine immobilier : ce poste est en légère baisse en 2021.
Les autres sont diverses. Certaines correspondent à des produits de la vente de biens et services, tels que les frais d’assiette et de recouvrement des impôts et taxes perçus au profit de l’Union européenne et de personnes morales autres que l’État ou les recettes liées aux ventes d’actifs carbone et aux ventes aux enchères des quotas d’émissions de gaz à effet de serre : ces recettes sont passées de 1,1 Md € en 2020 à 2,8 Md € en 2021 ; cela s’explique, principalement, par la hausse du remboursement par l’Union européenne des frais d’assiette et de perception et par la hausse des recettes de quotas carbone. D’autres sont liées à des remboursements et intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières : intérêts des prêts à des banques et à des États étrangers, intérêts des autres prêts et avances consentis par l’État (stables en 2021). D’autres, encore, concernent les produits des amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuites, tels que le produit des amendes de la circulation et du stationnement routiers et le produit des amendes prononcées par les autorités de la concurrence (en baisse en 2021).
Enfin, deux dispositifs mis en place pour répondre aux effets de la crise sanitaire ont provoqué une hausse des recettes non fiscales : les primes perçues par l’État dans le cadre du dispositif des prêts garantis pas l’État (+ 1,8 Md €) et le versement par l’Union européenne du premier paiement au titre de la Facilité pour la reprise et la résilience (+ 5,1 Md €).
