Introduction
Parlement et lois de finances ont des origines intimement liées. C’est, en effet, à partir du moment où les monarques n’ont pu, au cours du Moyen Âge, couvrir leurs besoins, notamment militaires, grâce aux ressources de leur domaine que des assemblées ont dû être réunies afin de consentir tant la levée des impôts que l’autorisation de dépenser.
Cette intime relation, qui est parfaitement établie en France depuis la Révolution de 1789, fait du Parlement le législateur financier du pays. Ce rôle lui confère le monopole du vote des lois de finances, mais aussi des prérogatives pour en contrôler l’exécution.
Le poids du Parlement en matière budgétaire a, toutefois, varié au cours de l’histoire. S’il était à son apogée lors des III° et IV° Républiques, en l’occurrence des régimes parlementaires, il a connu un reflux depuis 1958. La V° République est, en effet, caractérisée par une nette prédominance du pouvoir exécutif sur le Parlement. La question financière n’échappe pas à la règle. La procédure budgétaire est, ainsi, sous la tutelle étroite du Gouvernement et les pouvoirs d’initiative du Parlement, en la matière, demeurent, malgré quelques avancées, limités.
L’ensemble de ces constats résultent tant du texte de la Constitution du 4 octobre 1958 que des lois organiques régissant la matière budgétaire : la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1° août 2001 et la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.
Il convient, donc, d’étudier, dans une première partie, le rôle classique de législateur financier du Parlement (I) et d’examiner, dans une seconde partie, son rôle effacé dans la procédure budgétaire (II).
I - Le Parlement : un rôle classique de législateur financier
Comme dans tout régime démocratique, le Parlement français est le législateur financier. En d’autres termes, il dispose, seul, du pouvoir de voter les lois de finances (A). Ce rôle lui confère, également, des prérogatives pour en contrôler l’exécution (B).
A - Le monopole du Parlement dans le vote des lois de finances
Le Parlement dispose du monopole du vote des lois de finances. Cette prérogative trouve sa source dans le principe du consentement à l’impôt (1). Elle est consacrée par les textes constitutionnels contemporains (2).
1 - Les origines : le principe du consentement à l’impôt
Le principe du consentement à l’impôt suppose que la levée du prélèvement soit explicitement acceptée par ceux sur qui en retombe la charge ou par leurs représentants. Il s’est, progressivement, affirmé lorsque les monarques se sont vus incapable de couvrir leurs charges, notamment militaires, avec les revenus de leur domaine et ont dû négocier avec les divers ordres composant la société la levée extraordinaire de subsides qui, par la suite, sont devenus réguliers. C’est sur cette base que se sont constituées des assemblées telles que les États généraux en France ou le Parlement en Grande-Bretagne.
Le principe du libre consentement à l’impôt s’est, d’abord, affirmé en Grande-Bretagne au XIII° siècle. L’on en trouve une première illustration dans la Grande Charte de Jean sans Terre de 1215 : celle-ci prévoit qu’« aucun écuage ou aide ne sera établi dans notre royaume sans le consentement du commun conseil de notre royaume ». Par la suite, cette Charte ne sera pas appliquée par la dynastie des Tudors. Il faudra attendre la dynastie des Stuart pour que le principe qu’elle consacre soit à nouveau appliqué. Ainsi, lorsque Charles I° décide de gouverner en ayant recours à l’emprunt forcé, le Parlement rappelle, par la Pétition des droits de 1628, le principe du consentement à l’impôt. Puis, c’est le célèbre Bill of Rights de 1689 qui viendra consacrer ledit principe.
En France, le principe du consentement à l’impôt s’affirme, progressivement, au cours du Moyen-âge. Le développement de l’Etat moderne et les besoins militaires liés à la Guerre de Cent ans amènent la monarchie à ne plus se contenter des revenus traditionnels tirés du domaine royal et à chercher de nouvelles recettes. Sont, alors, créés quatre nouveaux prélèvements : les aides, la gabelle sur le sel, les traites et le fouage. Afin d’éviter des révoltes fiscales, la levée de ces impôts est soumise à l’approbation des Etats généraux. Ceux-ci se réunissent pour la première fois sous Philippe le Bel en 1302. Pendant la Guerre de Cent ans, ils autorisent la levée des quatre impôts créés, d’abord de manière provisoire, puis de façon permanente. Par la suite, confronté à la hausse des besoins et à l’hostilité des parlements de Paris et de province, le Roi ne parvient pas à réformer le système. Les Etats généraux ne seront, alors, plus réunis de 1614 à 1789, marquant, ainsi, l’effacement, temporaire, du principe du consentement à l’impôt
Le principe ne sera, à nouveau, consacré qu’en 1789. Les révolutionnaires édictent, alors, que toutes les contributions sont illégales et nulles parce que non consenties par la Nation. Dorénavant, aucune levée d’impôt ne peut s’effectuer si elle n’a pas été, préalablement, décidée par l’assemblée représentative. L’article 14 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 prévoit ainsi que « tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. » Ce principe sera repris par les différents textes constitutionnels qui ponctueront l’histoire de France.
2 – Les fondements textuels contemporains
Le monopole du Parlement dans le vote des lois de finances est consacré par les textes constitutionnels actuels. Ainsi, l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 prévoit que « les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. » Cette disposition est reprise par l’article 1° de la LOLF au terme duquel « les lois de finances déterminent, pour un exercice, la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat, ainsi que l'équilibre budgétaire et financier qui en résulte. »
Sur le plan fiscal, le même article 34 dispose que « la loi fixe les règles concernant … l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures. » Ainsi, seul le Parlement est habilité à créer ou supprimer un impôt, à définir les règles d’assiette, de calcul et de recouvrement, dans le cadre d’une loi de finances ou d’une loi ordinaire.
L’article 1° de la LOLF prévoit les différentes catégories de lois qui présentent le caractère de lois de finances et dont le vote relève, donc, du seul Parlement. Il s’agit de la loi de finances de l’année, des lois de finances rectificatives et de la loi de règlement. Les premières contiennent l’autorisation budgétaire pour l’année à venir en termes de recettes et de dépenses. Les secondes sont de plus en plus fréquentes en raison de la difficulté croissante à prévoir, avec précision, l’évolution de la conjoncture économique. Aussi appelées collectifs budgétaires, leur objet est de modifier la loi de finances initiale sur la base de nouvelles prévisions économiques ou à la suite d’une alternance politique. La nouvelle loi organique du 28 décembre 2021 crée, à ce titre, une nouvelle catégorie de lois de finances : la loi de finances de fin de gestion qui se substitue aux collectifs budgétaires adoptés en fin d’exercice ; celle-ci ne peut comporter aucune mesure fiscale nouvelle. Les troisièmes sont adoptées une fois l’exercice budgétaire terminé. Elles visent à permettre au Parlement de contrôler l'exécution de la loi de finances de l’année précédente en constatant les résultats de l'exercice écoulé au regard de ce qui avait été, initialement, prévu. C’est, là, la seconde prérogative fondamentale du Parlement en matière budgétaire.
B - La participation du Parlement au contrôle de l'exécution des lois de finances
L’exécution des lois de finances, qu’elles soient initiales ou rectificatives, relève de la compétence exclusive du Gouvernement. Toutefois, celle-ci fait l’objet d’un contrôle de la part du Parlement pendant l’exécution budgétaire (1) et a posteriori (2).
1 - Le contrôle en cours d’exécution budgétaire
Le contrôle en cours d’exécution de la loi de finances est, essentiellement, le fait des commissions des finances des deux assemblées grâce à des prérogatives que la LOLF a, sensiblement, revalorisé.
Ainsi, selon l’article 57 de la loi organique, les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat suivent et contrôlent l’exécution des lois de finances d’une part et, c’est la nouveauté, procèdent à l’évaluation de toute question relative aux finances publiques d’autre part. A ce titre, les présidents des commissions, les rapporteurs généraux et les rapporteurs spéciaux ont la possibilité de contrôler sur pièces et sur place l’emploi des crédits et de procéder à toutes auditions qu’ils jugent utiles. Ces pouvoirs sont assortis d’un droit de communication de tout renseignement ou document.
Depuis la loi organique de 2001, les commissions des finances doivent, par ailleurs, être obligatoirement informées ou sollicitées pour avis en ce qui concerne les modifications apportées aux crédits en cours d’exécution (décrets d’avance, virements, transferts, annulations de crédits).
Dans l’accomplissement de cette mission, les parlementaires disposent de l’appui de la Cour des comptes. Les commissions des finances peuvent, en effet, lui demander d’effectuer des enquêtes sur des thèmes précis. La révision constitutionnelle de 2008 a, d’ailleurs, prévu que le juge des comptes devait assister le Parlement dans sa mission d’évaluation des politiques publiques.
Enfin, a été créée en 1999 au sein de la commission des finances de l’Assemblée nationale la Mission d'évaluation et de contrôle dont le but est de réorienter l’activité budgétaire vers les fonctions d'évaluation et de contrôle des politiques publiques.
2 - Le contrôle a posteriori
Le contrôle a posteriori est opéré par le Parlement via l’examen et le vote de la loi de règlement. Celle-ci a, principalement, pour objet d’arrêter le montant définitif des recettes et des dépenses du budget de l’année précédente et le résultat budgétaire (déficit ou excédent) qui en découle. Le Parlement peut, ainsi, examiner les résultats effectifs de l’exécution des lois de finances qu’il a initialement votées (et la différence avec ce qui était prévu) et en tirer, ensuite, des informations essentielles pour la discussion du budget de l’année suivante.
Le rôle de la loi de règlement a été, sensiblement, renforcé par les deux lois organiques intervenues pour organiser les finances de l’Etat.
La première, la LOLF, a introduit le principe du « chaînage vertueux » en optimisant la place de la loi de règlement dans le processus de décision budgétaire. Elle fixe, en effet, comme date limite de dépôt du projet de texte le 1° juin de l’année suivant celle de l’exécution du budget auquel il se rapporte (art. 46 de la LOLF). Dans le même sens, son article 41 prévoit que le projet de loi de finances initiale ne peut être mis en discussion devant une assemblée avant le vote en première lecture du projet de loi de règlement afférent au dernier exercice clos. Le but de ce dispositif est de permettre au Parlement de contrôler les résultats de l’exécution budgétaire de l’année passée avant de procéder à la discussion du budget de l’année suivante. Par ailleurs, le projet de loi de règlement présente, également, un volet « Performances » qui permet au Parlement de contrôler et d’évaluer la qualité de la gestion des politiques publiques menées. Ce contrôle s’opère, principalement, grâce aux Rapports annuels de performances (RAP) qui permettent de comparer, par programme, les résultats obtenus avec les objectifs qui avaient été fixés, au départ, dans les Projets annuels de performances (PAP).
La seconde, la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques du 28 décembre 2021, a, elle, élargi le temps consacré à l’analyse de l’exécution du budget et réaffirmé la fonction d’évaluation du Parlement. Ainsi, la date limite de dépôt du projet de loi de règlement est, à présent, avancée du 1° juin au 1° mai afin de donner plus de temps aux parlementaires pour se consacrer à leurs travaux d’évaluation et de contrôle dans le cadre du « printemps de l’évaluation », pratique observée depuis quatre ans à l’Assemblée nationale. Les lois de règlement sont, par ailleurs, renommées « lois relatives aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année » afin de mettre en avant l’importance des travaux liés à l’évaluation des politiques publiques à l’occasion de leur examen.
Ces deux prérogatives parlementaires, le vote des lois de finances et le contrôle de leur exécution, confèrent, donc, au Parlement un rôle unique dans la procédure budgétaire. Toutefois, l’examen plus minutieux de cette procédure conduit à devoir relativiser ce rôle.
II - Le Parlement : un rôle effacé dans la procédure budgétaire
Bien qu’étant le législateur financier, le Parlement voit son rôle dans la procédure budgétaire être strictement encadré. D’une part, cette procédure est sous l’entier contrôle du Gouvernement conformément au dogme du parlementarisme rationnalisé qui prévaut sous la V° République (A). D’autre part, le pouvoir d’initiative budgétaire des parlementaires demeure limité (B).
A - Une procédure budgétaire sous la tutelle du Gouvernement
La Constitution de 1958 et la LOLF confèrent au Gouvernement la mainmise sur la procédure budgétaire : il en va ainsi s’agissant de la préparation du projet de loi de finances (1) et de la discussion budgétaire proprement dite (2).
1 - La maîtrise de la préparation du projet de loi de finances
Le Gouvernement dispose de la compétence de principe pour l’élaboration du budget. En effet, les lois de finances ne peuvent être issues que de textes présentés par le Gouvernement (art. 39 de la Constitution de 1958). En d’autres termes, il ne peut y avoir que des projets de loi de finances et jamais des propositions (émanant des parlementaires).
L'article 38 de la LOLF prévoit, ainsi, que « sous l'autorité du Premier ministre, le ministre chargé des Finances prépare les projets de loi de finances, qui sont délibérés en conseil des ministres ». Aux termes de cet article, la compétence en la matière revient donc au chef du Gouvernement quand le ministre des Finances ne se voit reconnaître qu’une position subordonnée.
Cette hiérarchisation s’explique par la nature éminemment sensible des questions financières : en effet, c’est là que sont décidés les grands arbitrages de politiques publiques. Il est donc logique que ces textes soient préparés sous la supervision du Premier ministre. L’intervention du président de la République est, d’ailleurs, également, prévue en filigrane, puisque les projets de loi de finances « sont délibérés en conseil des ministres », lesquels sont présidés par le chef de l’Etat. Sur un plan plus politique, le caractère présidentiel du régime de la V° République fait de ce dernier l’autorité de décision de dernier ressort lorsque l’intervention du Premier ministre n’a pas permis de résoudre les désaccords entre le ministre des Finances et les autres ministres.
Le rôle du ministre du budget ne doit, pour autant, pas être minoré. C’est, en effet, lui qui coordonne et centralise toutes les demandes de crédits et contrôle les recettes. C’est, également, lui qui fournit aux deux têtes de l’Exécutif les informations financières nécessaires à leur prise de décision. Celui-ci intervient, donc, en amont et en aval des choix politiques effectués par le Premier ministre et le chef de l’Etat. En amont, il collecte les données indispensables à leurs choix. En aval, il assure leur traduction en terme budgétaire. Dans cette tâche, il est, principalement, assisté par la Direction du budget et de manière, plus secondaire, par la Direction générale du Trésor, la Direction générale des finances publiques (DGFIP), la Direction de la législation fiscale ou, encore, l’INSEE.
2 - La maîtrise de la discussion budgétaire
Bien que les lois de finances soient votées par le Parlement, le Gouvernement conserve, du fait d’un certain nombre de règles constitutionnelles, la maîtrise de la discussion budgétaire : certaines sont propres à la matière financière, d’autres sont communes à la procédure parlementaire ordinaire.
S’agissant des premières, le temps dont dispose le Parlement pour examiner le projet de loi de finances se trouve fortement contraint. En effet, son vote est enserré dans des délais très stricts : l’objectif est d’éviter les errements des III° et IV° Républiques et, plus fondamentalement, d’assurer la continuité de l’Etat.
Ainsi, l’article 47 al. 3 de la Constitution prévoit que le Parlement dispose d’un délai global de 70 jours à compter du dépôt du projet de loi de finances sur le bureau de l’Assemblée nationale pour le voter. Dans le même sens, le délai dont chaque assemblée dispose pour l’examen du projet en première lecture est, lui aussi, encadré : l’Assemblée nationale dispose de 40 jours (art. 47 al. 2 de la Constitution et art. 40 al. 1 de la LOLF) et le Sénat de 20 jours (art. 40 al. 2 de la LOLF).
Lorsque ces délais ne sont pas respectés, les textes offrent au Gouvernement la possibilité de recourir à des procédures spéciales. Ainsi, si le Parlement ne s'est pas prononcé dans le délai total de 70 jours, les dispositions du projet de loi de finances peuvent être mises en vigueur par ordonnance (art. 47 al. 3 de la Constitution et art. 40 al. 6 de la LOLF). Par ailleurs, lorsque l’Assemblée nationale n’a pas respecté le délai de 40 jours qui lui est imparti, le Gouvernement peut, au terme d’une lecture par le Sénat et d’une nouvelle lecture par l’Assemblée nationale, recourir à la procédure d’urgence prévue à l’article 45 de la Constitution.
La procédure d’urgence, qui est de droit pour le vote d’un projet de loi de finances, s’applique en cas de désaccord entre les deux chambres et après une seule lecture par chacune d’entre elles. Concrètement, le Gouvernement provoque la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de trouver un accord entre les deux assemblées. Si cette commission ne parvient pas à trouver un accord sur un texte commun ou si l’une des deux chambres rejette le texte que la commission a élaboré, le Gouvernement peut, après une nouvelle lecture par chacune d’entre elles, demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement conformément au droit commun de la procédure législative.
S’agissant des secondes, le Gouvernement peut utiliser les prérogatives prévues par la procédure parlementaire ordinaire pour influer sur le cours de la discussion budgétaire. Ainsi, si l’article 48 de la Constitution institue un partage de l’ordre du jour entre Gouvernement et assemblées, il résulte du même article que le vote du projet de loi de finances est prioritaire : en d’autres termes, ce texte peut même être inscrit à l’ordre du jour des semaines réservées aux assemblées. Ensuite, le Gouvernement peut, pendant la discussion, s’opposer à l'examen d'un amendement qui n'aurait pas été soumis à la commission saisie sur le fond (art. 44 al. 2 de la Constitution), demander à l’une ou l’autre des assemblées de se prononcer par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par lui (c’est le « vote bloqué » prévu par l’article 44 al. 3 de la Constitution) ou opposer l’irrecevabilité dans l’hypothèse où un amendement interviendrait dans une matière qui ne relève pas du domaine de la loi (art. 41 de la Constitution). Enfin, le Premier ministre peut, après délibération en Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote du projet de loi de finances (art. 49 al. 3 de la Constitution). Aucune limitation n’est prévue pour ce type de texte. Si aucune motion de censure n’est déposée dans le délai de 24 heures ou si la motion n’est pas adoptée, le projet de loi de finances est considéré comme adopté.
L’ensemble de ces dispositifs placent, ainsi, le Gouvernement au cœur de la procédure budgétaire. Ce constat n’est pas infirmé par les prérogatives dont dispose le Parlement.
B – Un pouvoir d'initiative du Parlement qui demeure limité
Les prérogatives du Parlement pour influer sur le projet de loi de finances apparaissent limitées : il en va de la sorte à propos de la préparation du projet de texte (1) et du pouvoir d’amendement dont disposent les parlementaires (2).
1 – Un rôle limité dans la préparation du projet de loi de finances
Traditionnellement, le rôle du Parlement en matière de préparation du projet de loi de finances est limité. Cette tâche incombe, en effet, au Gouvernement. La participation des parlementaires a, toutefois, été revalorisée par l’instauration, à la fin du printemps (juin ou début juillet), d’un débat sur les finances publiques. Expérimenté au cours des années quatre-vingt-dix sous l’appellation de débat d’orientation budgétaire, ce dispositif a été consacré par l’article 48 de la LOLF sous le nom de débat d’orientation des finances publiques. La loi organique du 28 décembre 2021 l’a, par la suite, fusionné avec le débat relatif au programme de stabilité. Désormais, se déroulera, au printemps, une séquence spécifique dédiée à l’orientation pluriannuelle des finances publiques. À cette occasion, le gouvernement devra présenter un rapport annuel sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques.
Cette procédure présente certains intérêts d’un point de vue politique. Pour le Parlement, ce débat permet de dépasser le stade des généralités du fait des informations détaillées qui lui sont transmises. En effet, les parlementaires disposent d’un rapport de la Cour des comptes, des rapports des commissions des finances des deux assemblées et du rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques déposé par le Gouvernement. La fixation du débat en milieu d’année leurs permet, par ailleurs, de disposer de résultats chiffrés sur l’exécution de l’exercice en cours. Les parlementaires peuvent, ainsi, peser sur les choix gouvernementaux. Ils le peuvent, d’ailleurs, plus largement que lors du vote du budget lui-même dans la mesure où ils peuvent discuter la nomenclature budgétaire, c’est-à-dire la répartition des crédits en missions, alors que, lors du vote, ils ne pourront débattre que dans le cadre des missions retenues par le Gouvernement.
Pour le Gouvernement, ce peut, également, être un outil permettant d’associer le Parlement à ses choix de manière à prévenir toute contestation qui pourrait se manifester lors de la discussion proprement dite du projet de loi de finances.
Toutefois, cette procédure ne remet pas en cause le monopole dont dispose le pouvoir exécutif en matière d’élaboration du projet de loi de finances. Elle vise, simplement, à organiser une consultation du Parlement sur les choix envisagés par le Gouvernement pour le budget à venir en lui permettant de faire valoir un avis. Tout n’est, alors, question que d’équilibre politique entre Gouvernement et majorité parlementaire.
2 – Un droit d’amendement qui demeure, malgré certaines avancées, circonscrit
Le droit d’amendement des parlementaires en matière budgétaire est régi par l’article 40 de la Constitution au terme duquel « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique. » Ce droit fait l’objet, par le Conseil constitutionnel, d’une interprétation qui varie selon qu’il s’agit de dépenses ou de ressources.
En ce qui concerne les dépenses, l’interprétation retenue a été stricte : un parlementaire ne peut faire une proposition de dépense nouvelle, même si cette dernière s’accompagne de la création de recettes nouvelles ou de la diminution d’une autre dépense. La compensation n’est, ainsi, pas admise. Afin de renforcer les prérogatives des parlementaires, la LOLF, en son article 47 a, toutefois, précisé que « au sens des articles 34 et 40 de la Constitution, la charge s'entend, s'agissant des amendements s'appliquant aux crédits, de la mission. » Autrement dit, si les parlementaires doivent respecter le plafond global de la mission, ils disposent, à l’intérieur de celle-ci, de plus de liberté : il peuvent, ainsi, créer des programmes à l’intérieur d’une mission en prélevant des crédits sur les autres programmes de la mission, répartir autrement les crédits entre programmes d’une même mission, ou supprimer un ou plusieurs programmes d’une mission. Mais, les transferts de crédits entre missions ou la création de nouvelles missions restent interdits aux députés et sénateurs.
En ce qui concerne les ressources, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est plus souple. En effet, selon la Haute juridiction, la limitation posée par l’article 40 de la norme fondamentale ne conduit qu’à l’interdiction de diminuer leur niveau d'ensemble. Les parlementaires peuvent, en revanche, proposer la diminution d'une ressource à condition de majorer, en contrepartie, une autre ressource d’un montant équivalent.
Ces constats sont caractéristiques de la position du Parlement au sein des finances de l’Etat en France. Le droit budgétaire lui reconnaît toute la plénitude qu’il se doit dans un régime démocratique. Mais, il le fait, toujours, avec le souci qu’il ne s’émancipe pas de la tutelle du Gouvernement qui prévaut encore aujourd’hui, malgré certaines avancées dont ont bénéficié les deux assemblées.
