Un régime particulier : les locations immobilières (fiche thématique)

Introduction

Les locations immobilières constituent des prestations de services, en principe, soumises à la TVA. Il en va ainsi pour tout bien répondant à la définition de bien immobilier, qu’il s’agisse de la terre, des constructions fixées au sol ou dans le sous-sol, de tout élément installé et faisant partie intégrante d’un immeuble sans lequel celui-ci est incomplet (fenêtres, toitures, …) et de tout élément, matériel ou machine, installé à demeure dans une construction qui ne peut être déplacé sans destruction ou modification de celle-ci.

Ce principe général fait, toutefois, l’objet d’adaptations. Certaines locations immobilières sont, en effet, exonérées de taxe. Des cas de non-imposition qui, eux-mêmes, soit, font l’objet de dérogation et rendent la location taxable, soit ouvrent droit à une mécanisme d’option pour la taxation à la TVA. L’ensemble de ces spécificités dépend de la nature du bien loué et / ou de l’usage qui en est fait par le locataire.

Il convient, donc, d’étudier les locations de terres et de bâtiments agricoles (I), les locations de terrains non aménagés et de locaux nus (II) et les locations d’immeubles aménagés (III).

I – Les locations de terres et de bâtiments agricoles

Les locations de terres et de bâtiments à usage agricole sont exonérées de la TVA (art. 261 D 1° du CGI ; BOFIP n° BOI-TVA-CHAMP-30-10-50 du 12/09/2012 n° 10). Ces opérations revêtent, en effet, en principe, un caractère civil. Il s’agit, essentiellement, des baux à ferme qui donnent lieu au versement de « fermages » par le preneur que l’on nomme fermier. Ces baux portent souvent, non seulement sur les terres et bâtiments, mais encore sur le matériel à usage agricole et sur le cheptel. L'exonération s'applique à la totalité du bail, quelle qu'en soit la forme (bail écrit ou location verbale) et même s'il y a participation du bailleur aux résultats du fermier.

Ces locations peuvent, toutefois, être imposées à la TVA sur option (art. 260 6° du CGI ; BOFIP n° BOI-TVA-SECT-80-50 du 12/09/2012). Cette option peut être exercée par toutes les personnes qui donnent en location des terres et des bâtiments d'exploitation à usage agricole, quel que soit le statut juridique du bailleur : personnes physiques, indivisions et sociétés créées de fait, usufruitiers et personnes morales (groupements agricoles d'exploitation en commun, groupements fonciers agricoles, associations foncières pastorales, sociétés civiles, sociétés commerciales, établissements publics, collectivités locales, ...) qui n'ont pas la qualité d'exploitant pour les biens sur lesquels porte l'option. Cette option est, en revanche, conditionnée. Elle ne peut porter que sur les terres et les bâtiments d'exploitation à usage agricole, à l’exclusion des locaux à usage d'habitation (occupés par le preneur ou par des tiers) et des parcelles et bâtiments qui sont affectés à un usage non agricole au moment où le bail est consenti pour la première fois au fermier (immeubles à usage industriel ou commercial, terrains ne dépendant pas d'une exploitation agricole). Elle n’est, par ailleurs, possible que si le preneur est redevable de la TVA de plein droit ou par option : elle n’est donc pas autorisée si les terrains et bâtiments agricoles sont loués à un agriculteur qui est placé sous le régime du remboursement forfaitaire.

L'option revêt la forme d'une lettre signée par le bailleur et accompagnée de la déclaration de création d'activité ou d'entreprise pour cette activité. Le bailleur joint à son option la preuve de la qualité de redevable du preneur (copie de sa déclaration de création d'entreprise ou d'activité ou de sa dernière déclaration de TVA). Elle prend effet le premier jour du mois au cours duquel elle a été déclarée au service des impôts et peut être dénoncée à partir du 1er janvier de la cinquième année civile qui suit celle au cours de laquelle elle a été exercée. La dénonciation prend effet à compter du premier jour du mois au cours duquel elle a été formulée auprès du service des impôts. L'option couvre, donc, obligatoirement une période minimale de quatre années et un mois.

Cette option est globale et indivisible : elle s'applique à tous les baux conclus par un même bailleur avec des agriculteurs redevables de la TVA au moment où l'option est exercée, ou qui sont placés dans cette situation au cours de la période de validité de l'option. Si en cours d'option, un preneur devient redevable de la TVA à titre obligatoire ou sur option, l'option exercée par le propriétaire s'étend obligatoirement aux baux conclus avec ce preneur. Si pendant la même période un fermier cesse d'être redevable de la TVA, l'option exercée par le bailleur continue à produire ses effets.

Enfin, les bailleurs, qui exercent l'option sont imposables à la TVA selon le régime simplifié agricole (RSA). Ils doivent, alors, accomplir toutes les obligations qui incombent aux redevables placés sous ce régime d'imposition. La taxe est établie, liquidée, recouvrée et contrôlée suivant les règles retenues à l'égard de cette catégorie de redevables (sous réserve d’adaptations).

II – Les locations de terrains non aménagés et de locaux nus

Les locations de terrains non aménagés et de locaux nus sont exonérées de TVA (art. 261 D 2° du CGI ; BOFIP n° BOI-TVA-CHAMP-30-10-50 du 12/09/2012 n° 20 et s.). Cette exonération s'applique à toutes les opérations de location (habitations, établissements à usage industriel, commercial ou professionnel, ...), dès lors qu'elles s'analysent en des opérations de caractère civil, et quand bien même elles seraient réalisées par une société à forme commerciale. Ce principe connait, toutefois, deux types de dérogations (A) et peut être battu en brèche par l’exercice d’une option pour la TVA dans un cas particulier (B).

A – Les dérogations à l'exonération de TVA

Les dérogations à l’exonération de TVA des locations de terrains non aménagés et de locaux nus concernent, d’une part, certaines locations auxquelles la jurisprudence du Conseil d'État attribue un caractère commercial et, d’autre part, les locations d'emplacements pour le stationnement des véhicules (art. 261 D 2° du CGI ; BOFIP n° BOI-TVA-CHAMP-30-10-50 du 12/09/2012 n° 40 et s. ; BOFIP n° BOI-TVA-CHAMP-10-10-30 du 15/02/2013 n° 120 et s.).

En premier lieu, sont exclues de l’exonération les locations de terrains non aménagés et de locaux nus lorsque ces locations sont réputées commerciales. Il en va ainsi lorsque la location constitue pour le bailleur le moyen de poursuivre, sous une autre forme, l'exploitation d'un actif commercial : par exemple, la personne qui apporte son fonds de commerce à une société et lui donne en location l'immeuble nécessaire à l'exploitation de ce fonds. C’est, également, le cas quand la location constitue pour le bailleur un moyen d'accroître ses débouchés : par exemple, lorsque le bailleur et les locataires font tous partie d'un « ensemble commercial intégré ». La même solution s’applique, enfin, quand le bailleur participe aux résultats de l'entreprise locataire : cette participation s’entend d'une association aux profits et aux aléas de l'exploitation du locataire.

En second lieu, sont, également, exclues de l’exonération les locations d'emplacements pour le stationnement des véhicules. Ces locations sont imposables à la TVA à titre obligatoire, quelle que soit la nature du véhicule pour le stationnement duquel l'emplacement est loué (automobiles, bateaux, avions, caravanes, ...).  Il en va ainsi pour toutes les locations de ce type consenties à titre onéreux, quels que soient les caractéristiques ou le type de l'emplacement loué (garages individuels, boxes, simples emplacements, en sous-sol, en surélévation ou en surface), que cette location s'accompagne ou non de prestations commerciales annexes (gardiennage, mise à disposition d'installations permettant l'entretien, la réparation ou le ravitaillement en carburant des véhicules), quel que soit le statut juridique de la personne qui loue les emplacements (collectivités locales, sociétés commerciales, sociétés civiles ou simples particuliers, ...) et quelle que soit la périodicité de la location (à l'heure, à la journée, au mois) ou son mode de rémunération (parcmètres, loyer à la journée ou au mois). Cette dérogation à l’exonération fait, toutefois, elle-même l’objet d’une exception lorsque la location d’un emplacement pour le stationnement des véhicules est étroitement liée à la location - non soumise à la TVA - d'un local destiné à un autre usage, si les conditions suivantes sont réunies : l'emplacement et le local doivent être situés dans le même ensemble immobilier ; ils doivent être loués par le même bailleur au même locataire ; l'emplacement doit constituer (même si les baux et loyers sont distincts) l'accessoire d'un local ne donnant pas lieu lui-même à imposition (local d'habitation nu ou loué en meublé, local professionnel nu n'ayant pas donné lieu à l'option pour la TVA). En pareille hypothèse, la location de l’emplacement est, alors, exonérée.

B – L'option pour la TVA : les locaux nus à usage professionnel

Les personnes qui donnent en location des locaux nus à usage professionnel peuvent opter pour l’assujettissement de ces locations à la TVA (art. 260 2° du CGI ; BOFIP n° BOI-TVA-CHAMP-50-10 du 04/04/2014). Cette option est possible si les locaux nus sont donnés en location pour les besoins de l'activité d'un preneur assujetti (industriel, commercial, prestataire de services, …) ou d'un preneur non assujetti (bureau à usage professionnel donné en location à un VRP statutaire, locaux à usage de bureaux donnés en location à une commune qui les utilise pour des activités non taxables) à la condition, dans cette seconde hypothèse, que le bail fasse mention expresse de l'option par le bailleur. Sont, donc, exclus du champ de l'option les locaux que les locataires utilisent pour des besoins autres que ceux de leur activité économique ou administrative : tel est le cas des locaux destinés à l'habitation (ou à tout autre besoin privé) et des locaux destinés à un usage agricole (mais ceux-ci peuvent éventuellement être concernés par l'option spécialement prévue pour les locations de biens ruraux).

L’option doit, en cas de locations de plusieurs immeubles ou ensembles d'immeubles, être exercée distinctement pour chaque immeuble ou ensemble d'immeubles. Dans les immeubles ou ensembles d'immeubles comprenant à la fois des locaux nus donnés en location ouvrant droit à l'option et d'autres locaux, l'option ne s'étend pas à ces derniers, mais elle s'applique globalement à l'ensemble des locaux de la première catégorie. Cette option, qui doit être expresse, revêt, en principe, la forme d'une déclaration écrite adressée au service des impôts territorialement compétent. Elle prend effet le premier jour du mois au cours duquel elle a été déclarée au service des impôts. Elle peut être dénoncée à partir du 1er janvier de la neuvième année civile qui suit celle au cours de laquelle elle a été exercée (ou l'immeuble achevé dans le cas d'une option exercée au titre d'un immeuble non encore achevé). La dénonciation prend effet à compter du premier jour du mois au cours duquel elle a été formulée auprès du service des impôts. L'option couvre, donc, obligatoirement une période minimale de huit années et un mois.

Les personnes qui se placent volontairement sous le régime de la TVA peuvent exercer leur droit à déduction immédiatement, même si elles n'ont pas encore conclu de baux ou perçu de loyers, dès lors qu'il peut être établi, par des éléments objectifs, qu'elles offrent les immeubles à la location. Chaque immeuble, ensemble d'immeubles ou fraction d'immeuble ayant fait l'objet d'une option constitue un secteur d'activité distinct. En conséquence, les loueurs qui ont exercé des options afférentes à plusieurs immeubles sont tenus de suivre distinctement les déductions propres à chaque immeuble. De même, les loueurs qui exercent par ailleurs des activités passibles de la TVA sont tenus de séparer les deux catégories d'activités. Enfin, ces personnes sont soumises à l'ensemble des obligations qui incombent aux redevables de la TVA. Elles sont, notamment au regard des règles de recouvrement et de contentieux de l'impôt, placées dans la même situation que les redevables de plein droit.

III – Les locations d'immeubles aménagés

Toutes les locations d'immeubles aménagés, c’est-à-dire pourvus des aménagements nécessaires sans lesquels l'exploitation commerciale à laquelle ces immeubles sont destinés n'est pas possible, constituent des opérations de nature commerciale normalement soumises à la TVA sur le prix de location (BOFIP n° BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-30 du 12/09/2012 n° 40 et s.). Doivent être regardées comme des locations d’immeubles aménagés les locations de locaux à usage professionnel munis de mobilier, du matériel ou des installations nécessaires à l'exercice de l'activité : tels est le cas des locations de salles meublées à usage de réunion, de ses installations par un radiologue, d'immeuble à usage de clinique comportant des installations spécialisées ou, encore, de salles de spectacles aménagées pour recevoir les spectateurs. Il en va de même des locations de terrains aménagés et notamment de terrains de camping pourvus d'aménagements tels que sanitaires, emplacements, ...

Le principe de l'imposition comporte cependant une exception qui concerne la plupart des locations meublées à usage d'habitation. Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation sont, en effet, en principe exonérées de TVA (art. 261 D 4° du CGI ; BOFIP n°BOI-TVA-CHAMP-30-10-50 du 12/09/2012 n° 100 et s.). Cette exception à l’imposition à la TVA comporte, toutefois, elle-même une dérogation qui concerne trois catégories d’opérations.

Sont, ainsi, imposables les prestations d'hébergement fournies dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire, c’est-à-dire ayant une activité de para-hôtellerie (hôtel, auberge, résidence de tourisme, gîtes ruraux, meublés de tourisme, ...), si elles remplissent les conditions cumulatives suivantes : d’une part, elles sont offertes au client pour une durée n'excédant pas 30 nuitées ; d’autre part, elles comprennent au moins trois des prestations parmi le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. Il en va de même des locations de logements meublés à usage résidentiel dans le cadre de secteurs autres que le secteur hôtelier ou similaire (résidences étudiants, résidences seniors, ...) dès lors qu'elles sont assorties de trois de ces mêmes prestations. Enfin, l’imposition s’applique, également, aux locations de locaux (nus, meublés ou garnis) consenties à l'exploitant d'un établissement d'hébergement entrant dans l'une des deux catégories ci-dessus évoquées, à l'exclusion de celles consenties à des exploitants de logements-foyers dont l'activité n'ouvre pas droit à déduction.

Ce régime résulte de l'article 84 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023, applicable à compter du 1er janvier 2024, pris à la suite d’un avis du Conseil d’État (CE, avis, 05/07/2023, n° 471877) par lequel la Haute juridiction a jugé que les dispositions de l'article 261 D 4° du CGI, applicables en matière de para-hôtellerie, sont partiellement incompatibles avec les objectifs de l'article 135 de la directive TVA. Le juge administratif suprême a, en effet, considéré que ces dispositions étaient « susceptibles d'entraîner l'exonération de locations de logements meublés au seul motif que deux de ces prestations accessoires ne sont pas offertes à la clientèle dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers, alors que le cumul de trois de ces quatre prestations n'apparaît pas systématiquement indispensable pour que de telles locations puissent, selon le contexte dans lequel elles sont proposées, être regardées comme se trouvant en concurrence avec le secteur hôtelier. » Autrement dit, pour le Conseil d’Etat, une location para-hôtelière peut être imposable à la TVA, même si ne sont pas proposées trois des prestations évoquées plus haut, dès lors qu’elle se trouve « dans une situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières ». C’est alors « à l'administration, sous le contrôle du juge de l'impôt, d'apprécier au cas par cas si un établissement proposant une location de logements meublés, eu égard aux conditions dans lesquelles cette prestation est offerte, notamment la durée minimale du séjour et les prestations fournies en sus de l'hébergement, se trouve en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières. »