Introduction
Les exploitants agricoles obéissent, en matière fiscale, à des règles particulières. Il en va ainsi tant de la taxation leurs bénéfices agricoles (BA) à l’impôt sur le revenu que de l’imposition de leur chiffre d’affaires à la TVA. Ces exploitants peuvent se définir comme toutes les personnes qui obtiennent des produits au cours ou à la fin d'un cycle de production végétal ou animal. C’est le cas des personnes qui exerce une activité de culture proprement dite (agriculture générale, arboriculture fruitière, sylviculture, …), d’élevage (élevage de bétail, aviculture, …) et de pêche (pêche en eau douce, pisciculture, …).
Sur le plan de la TVA, tous les exploitants agricoles constituent des assujettis à la TVA, mais ils ne sont pas tous redevables de cette taxe. Les plus nombreux sont, à titre obligatoire ou sur option, effectivement soumis à l'imposition à la TVA. Ils relèvent, alors, du régime simplifié de l'agriculture (RSA), dont les modalités de fonctionnement diffèrent du régime général sur plusieurs points (notamment, en ce qui concerne l’exigibilité de la taxe). Les autres exploitants agricoles sont non redevables de la TVA et sont placés, de plein droit, sous le régime du remboursement forfaitaire : ce régime leur permet de compenser, d'une manière forfaitaire, la charge de la TVA ayant grevé les achats de produits et de biens qu’ils ont effectués ainsi que les services qui leur ont été rendus.
Il convient, donc, d’étudier, d’une part, le régime simplifié de l’agriculture (I) et, d’autre part, le régime du remboursement forfaitaire (II).
I - Le régime simplifié de l'agriculture
Analyser le régime simplifié de l’agriculture suppose, d’abord, d’en délimiter le champ d’application (A), puis d’analyser les règles qui le gouvernent (B).
A – Le champ d'application du RSA
Le RSA s’applique, de plein droit, à certains exploitants agricoles (1) et, sur option, à d’autres (2). Certaines opérations ne peuvent, toutefois, être régies selon ce régime ; elles relèvent, alors, du droit commun de la TVA (3).
1 – Les exploitants agricoles soumis de plein droit au RSA
L’article 298 bis II du CGI énumère les cas d'assujettissement obligatoire au régime simplifié de l'agriculture. Ceux-ci sont fonction soit du chiffre d’affaires réalisé, soit de la nature des opérations réalisées. Il convient de noter que l'imposition obligatoire à la TVA à raison de l'importance du chiffre d'affaires réalisé prévaut sur tous les autres cas d'assujettissement obligatoires ou optionnels éventuellement en cours.
En premier lieu, sont soumis de plein droit au régime simplifié de l'agriculture « les exploitants agricoles, lorsque le montant moyen des recettes de l'ensemble de leurs exploitations, calculé sur deux années civiles consécutives dépasse 46 000 €. L'assujettissement prend effet à compter du 1er janvier de l'année suivante » (art. 298 bis II 5° du CGI ; BOFIP n° BOI-TVA-SECT-80-10-20-10 du 12/09/2012 et BOFIP n° BOI-TVA-SECT-80-10-20-20 du 02/03/2016 n° 140 et s.). Cette obligation peut donc intervenir alors même que les recettes de l'une des deux années en cause seraient inférieures à cette limite. Ainsi, un exploitant agricole qui a réalisé au cours des années N et N+1 des recettes s'élevant respectivement à 30 000€ et 70 000€ sera soumis au RSA à compter du 1er janvier N+2 puisque la moyenne des recettes des années N et N+1 s'établit à 50 000€.
Les recettes à retenir pour l'appréciation du seuil de 46 000 € s'entendent de toutes celles reçues par l'exploitant en contrepartie des opérations agricoles réalisées dans l'ensemble de ses exploitations non dotées d'une personnalité juridique distincte. Il est tenu compte du montant (hors TVA et hors remboursement forfaitaire) des recettes encaissées (et non des créances acquises) au cours de chacune des deux années de référence. Doit, également, être pris en compte l'ensemble des recettes provenant des opérations agricoles (y compris notamment les subventions compléments de prix, les indemnités d'assurance, les fermages en nature versés) même si ces recettes, au cas où la limite est atteinte, échappent à l'imposition. Il est, en revanche, fait abstraction des recettes accessoires ne relevant pas du RSA et de divers produits (autoconsommation, rétrocessions pour les besoins de la consommation familiale, cessions d'éléments d'actif immobilisé, entraide agricole, subventions d'équipement, ristournes et intérêts statutaires de coopératives, prix obtenus à l'occasion de foires-expositions ou concours).
L'assujettissement selon le RSA porte obligatoirement sur une première période de trois ans (ou de trois exercices s'agissant des redevables ayant opté pour la souscription d'une déclaration annuelle par exercice), quel que soit le montant des recettes réalisées au cours de cette période. Par la suite, l'assujettissement est, en principe, obligatoirement reconduit, par périodes d'un an (ou d'un exercice). Toutefois, lorsque la moyenne des recettes, hors taxe sur la valeur ajoutée, calculée sur trois périodes annuelles d'imposition consécutives, devient inférieure à 46 000 €, les exploitants agricoles peuvent cesser d'être soumis au régime simplifié à compter du 1er janvier ou du premier jour de l'exercice suivant, à condition, d’une part, qu'ils le signalent au service des impôts avant le 1er février ou avant le premier jour du deuxième mois de l'exercice et, d’autre part, qu'ils n'aient pas bénéficié, au cours de ces trois périodes annuelles d'imposition de remboursement de crédit de taxe (si un tel remboursement est intervenu, la sortie du régime ne pourra se faire en tout état de cause avant le 1er janvier de la quatrième année ou le 1er jour du quatrième exercice suivant l'année ou l'exercice de ce remboursement).
En second lieu, certains exploitants agricoles sont soumis de plein droit au RSA s’ils réalisent certaines opérations, quand bien même leur chiffre d’affaires serait inférieur à 46 000 €.
Il en va ainsi, d’abord, des exploitants agricoles dont les activités sont, par leur nature ou leur importance, assimilables à celles exercées par des industriels ou des commerçants, même si ces opérations constituent le prolongement de l'activité agricole (art. 298 bis II 1° du CGI ; BOFIP n° BOI-TVA-SECT-80-10-20-30 du 12/09/2012). Tel est le cas des ventes qui sont réalisées par les agriculteurs, soit sur les marchés, à place fixe, avec l'aide d'un personnel exclusivement affecté à ces ventes, soit dans un magasin ou une installation spécialement agencé pour la vente, soit à l'aide de moyens publicitaires relevant des usages commerciaux ou avec le concours de représentants ou placiers, lorsque les produits vendus sont conditionnés et représentés sous une marque. La même solution s’applique aux ventes de produits agricoles transformés, préparés ou conservés, lorsque l'intéressé utilise pour les opérations de transformation, de préparation ou de mise en conserve, des installations, agencements ou matériels importants de la nature de ceux dont se servent pour les opérations semblables les industriels ou les commerçants. L’ensemble de ces opérations sont considérées comme conservant un caractère agricole et sont donc taxables dans le cadre du RSA, lorsqu'elles portent sur des produits provenant de l'exploitation agricole de l'intéressé.
Sont, également, soumises obligatoirement à la TVA selon le RSA, pour leurs activités agricoles, les personnes qui effectuent des achats, des livraisons, des importations, des acquisitions intracommunautaires, ou des services d'intermédiation portant sur des animaux vivants de boucherie et de charcuterie, tels que des équidés, bovidés, ovidés, suidés et caprins (art. 298 bis II 3° et 4° du CGI ; BOFIP n° BOI-TVA-SECT-80-10-20-40 du 12/09/2012 et BOFIP n° BOI-TVA-SECT-80-10-20-50 du 12/09/2012). Dans cette situation, les activités agricoles des intéressés sont obligatoirement soumises à la TVA, même si le montant des recettes correspondantes n'atteint pas le seuil de 46 000 € au-delà duquel on entre dans le cas général d'assujettissement en fonction des recettes. Sont notamment concernés les négociants en bestiaux et les professionnels de la viande (bouchers, charcutiers, chevillards, fabricants de salaisons, etc.) qui ont des activités d'élevage.
2 – Les exploitants agricoles soumis au RSA sur option
Les exploitants agricoles qui, pour leurs opérations agricoles, ne sont pas imposés de plein droit à la TVA d'après le RSA sont normalement placés sous le régime du remboursement forfaitaire. Ils peuvent cependant sur leur demande et au titre de ces opérations, se soumettre à la taxe d'après le régime simplifié (art. 298 bis I du CGI ; BOFIP n° BOI-TVA-SECT-80-20-10 du 12/09/2012).
Cette option s'applique à l'ensemble des opérations réalisées par les exploitants agricoles. Elle couvre, ainsi, l'ensemble des opérations de nature agricole réalisées par un même agriculteur dans le cadre de toutes les exploitations relevant d'une même entité juridique, à l’exclusion, bien entendu, des activités non agricoles exercées, le cas échéant, par l'agriculteur. Et, elle entraîne la soumission de l’exploitant à toutes les règles qui régissent le RAS.
L'option ne nécessite aucune formalité particulière : elle est exercée par le paiement et la déclaration pour la première fois de la TVA par l'exploitant. Elle porte sur une première période de trois ans et prend obligatoirement effet au 1er janvier de la première année de la période qu'elle recouvre. À la fin de cette première période, elle est renouvelable par tacite reconduction pour des périodes successives de cinq ans. Les périodes de trois ans et de cinq ans qu'elle peut recouvrir se comptent donc en années civiles. La renonciation à l'option doit être formulée, par lettre recommandée adressée au service des impôts, au moins deux mois avant l'expiration de la période couverte par l'option (période de trois ans ou de cinq ans).
3 – Les opérations exclues du régime de la TVA agricole
Les exploitants agricoles qui exercent des activités économiques (non salariées) relevant, en matière d'impôt sur le revenu, d'une catégorie autre que les bénéfices agricoles - essentiellement BIC ou BNC - sont, à ce titre, obligatoirement redevables de la TVA selon les règles de droit commun et non selon le RSA (BOFIP n° BOI-TVA-SECT-80-10-10 du 19/09/2014). Parmi ces activités non agricoles, il est possible de citer : la vente, en l'état ou après transformation ou mise en conserve, de produits d'achat ne provenant pas de l'exploitation agricole de l'intéressé ; au titre des prestations de services, les transports, travaux agricoles ou forestiers effectués pour le compte de tiers, prestations parahôtelières, la prise en pension ou gardiennage d'animaux autrement qu'à des fins d'élevage, …
En pareille hypothèse, c’est-à-dire en cas de coexistence d’activités agricoles et non agricoles, l’exploitant doit, en principe, constituer deux secteurs d'activités distincts : l’un relevant du RSA, l’autre du régime général. Cependant, en vue de simplifier la gestion des intéressés, des exceptions sont possibles dans deux situations.
Ainsi, lorsque les activités non agricoles ne présentent qu'un caractère accessoire aux activités agricoles, elles peuvent être imposées selon le RSA. Sont considérées comme ne présentant qu'un caractère accessoire par rapport aux recettes agricoles les recettes non agricoles dont la moyenne annuelle, taxes comprises, des trois années d'imposition précédentes n'excède pas 100 000 € et 50 % de la moyenne annuelle, taxes comprises, des recettes agricoles desdites années. Les redevables qui souhaitent bénéficier de ce dispositif doivent en informer le service des impôts par simple lettre. Si, au cours d'une période de référence, les recettes non agricoles réalisées sur l'exploitation deviennent supérieures aux limites ci-dessus, elles doivent être imposées au titre de la période annuelle suivante selon les règles de droit commun et le redevable doit en informer le service des impôts.
En sens inverse, lorsque l’exploitant ne désire pas user de cette possibilité ou lorsque ses recettes non agricoles excèdent les limites, il peut, sur demande adressée à l'administration, être autorisé à confondre les activités non agricoles et agricoles en un seul secteur relevant du régime de droit commun, à la condition cependant que les activités agricoles et non agricoles soient économiquement liées.
B – Les règles régissant le RSA
Si certaines règles qui gouvernent le régime simplifié de l’agriculture sont identiques à celles du régime général, certaines d’entre elles font l’objet d’adaptation et aboutissent à créer un régime d'imposition propre à l'agriculture. Il convient, donc, d’analyser la base d’imposition à la TVA (1), les fait générateur / exigibilité à la TVA (2), le taux de la TVA (3), le régime des déductions (4), ainsi que les obligations fiscales et comptables (5).
1 – La base d’imposition
Les exploitants agricoles assujettis à la TVA sont imposables, dans le cadre du RSA, sur l'ensemble des opérations à caractère agricole qu'ils effectuent, c'est-à-dire en particulier sur les ventes, les livraisons aux coopératives, les livraisons à soi-même, les façons (par exemple, élevage ou engraissement d'animaux appartenant à des tiers, saillies, insémination de testage) et les échanges (BOFIP n° BOI-TVA-SECT-80-30-10 du 29/06/2022).
En ce qui concerne la détermination de la base d'imposition, les règles générales sont applicables aux opérations imposables relevant du régime de la TVA dans l'agriculture (BOFIP n° BOI-TVA-SECT-80-30-20 du 12/09/2012). Cette base imposable comprend, ainsi, l'ensemble des paiements en espèces ou en nature qui incombent au client en contrepartie de la fourniture du bien ou de la prestation qui lui est faite.
Des règle spécifiques s’appliquent, toutefois, à certaines opérations. Ainsi, en cas d'échanges, il convient de considérer qu'il y a, comme dans le régime général, double vente : à défaut d'encaissements, le prix imposable est constitué par la valeur du produit reçu en paiement. S’agissant des livraisons à des coopératives, les exploitants agricoles doivent acquitter la taxe sur les versements effectués par ces coopératives, quelle que soit la dénomination sous laquelle sont faits ces versements : acomptes, primes, ristournes ou compléments de prix en fin de campagne, … (à l’exception des intérêts statutaires versés aux sociétaires, porteurs de parts). Autre hypothèse, les subventions versées aux exploitants agricoles, qui ne constituent ni la contrepartie directe ni un complément de prix d'opérations imposables, n'ont pas à être soumises à la TVA. Il en va de même des aides versées, par l’Union européenne ou par l’Etat, pour compenser une perte de revenus consécutive par exemple à un changement ou à l'abandon d'une production ou à une nouvelle politique agricole (aides à l'élevage, primes de reconversion des vignobles, indemnités compensatrices de handicaps naturels, …) et qui ne sont, ainsi, pas le complément de prix de vente d’un produit agricole.
2 – Le fait générateur et l’exigibilité de la TVA
Le fait générateur se produit au moment où sont effectuées la livraison ou l'acquisition intracommunautaires (art. 269 1 a du CGI).
Quant à l'exigibilité de la TVA, elle est constituée, c’est la particularité du régime simplifié agricole, par l'encaissement des acomptes ou du prix en ce qui concerne les ventes effectuées par les exploitants agricoles (art. 298 bis I 2° du CGI ; BOFIP n° BOI-TVA-SECT-80-30-30 du 12/09/2012). Tous les encaissements perçus par l'exploitant agricole pendant la période d'imposition sont taxables, quelle que soit la date de la conclusion de l'opération ou de la livraison correspondante. Toutefois, pendant les trois premiers mois de l'imposition, les encaissements qui se rapportent à des ventes faites, avant la date d'effet de l'imposition, à des clients non redevables de la TVA ne sont pas imposables. Les encaissements postérieurs à la cessation d'activité ou à la renonciation à l'option sont imposables lorsqu'ils se rapportent à des ventes pour lesquelles la délivrance des biens est intervenue avant cet événement. Il est, également précisé que, comme les redevables du régime général qui acquittent la TVA sur leurs encaissements, les exploitants agricoles peuvent opter pour le paiement de la TVA d'après leurs débits.
Pour leurs acquisitions intracommunautaires, l'exigibilité de la TVA intervient le 15 du mois suivant celui au cours duquel s'est produit le fait générateur. Toutefois, la taxe devient exigible lors de la délivrance de la facture, à condition qu'elle précède la date d'exigibilité prévue ci-avant et qu'il ne s'agisse pas d'une facture d'acompte.
3 – Le taux de la TVA
Les règles générales, qui fixent les champs d'application respectifs du taux normal de 20 %, du taux intermédiaire de 10 % et du taux réduit de 5,5 %, sont applicables dans le cadre du RSA. Par ailleurs, les ventes d'animaux vivants de boucherie et de charcuterie faites à des non-assujettis à la TVA (particuliers, collectivités locales) et aux agriculteurs soumis au remboursement forfaitaire bénéficient du taux particulier de 2,1 % en France continentale.
4 – Le régime des déductions
Aux termes de l’article 271 I du CGI, la TVA qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la TVA applicable à cette opération. Ce principe est de portée générale et s'applique par conséquent aux exploitants agricoles imposables à la TVA, obligatoirement ou sur option (BOFIP n° BOI-TVA-SECT-80-30-40 du 13/05/2014).
Ces exploitants peuvent, donc, bénéficier de la procédure de remboursement des excédents de taxe déductible selon la procédure de droit commun, mais les modalités de présentation des demandes de remboursement diffèrent selon le régime déclaratif des exploitants. Ainsi, les exploitants placés sous le régime des acomptes trimestriels peuvent effectuer des demandes de remboursement relatif à une année ou à un exercice lors de la souscription de leur déclaration annuelle de régularisation CA 12A ou CA 12AE, si ce crédit est au moins égal à 150 €. Quant aux exploitants ayant opté pour le régime des déclarations trimestrielles ou mensuelles CA 3, ils peuvent obtenir des remboursements soit annuels, soit éventuellement mensuels ou trimestriels si leur déclaration CA 3 mensuelle ou trimestrielle fait apparaître un crédit minimum de 760 €.
Enfin, les cas nécessitant une régularisation des déductions antérieures et les modalités de cette régularisation obéissent aux règles générales. Ainsi et notamment, les exploitants agricoles doivent, chaque année d'imposition, d’une part, déposer une déclaration récapitulative concernant ladite année et acquitter alors éventuellement le reliquat d'impôt exigible, compte tenu des acomptes déjà versés et, d’autre part, procéder éventuellement à des régularisations visant les déductions opérées la ou les années précédentes. Dans un souci de simplification, l’administration a décidé que les exploitants agricoles qui n'ont pas opté pour le régime des paiements au vu de déclarations trimestrielles doivent intégrer les régularisations dans leur déclaration récapitulative annuelle.
5 – Les obligations fiscales et comptables
Les exploitants agricoles, assujettis de plein droit ou sur option au RSA, sont astreints au respect d’obligations fiscales et comptables.
S’agissant des obligations fiscales, les exploitants agricoles doivent, d’abord, souscrire, dans les 15 jours du commencement de leur activité, une déclaration de création de l’entreprise et fournir toutes les informations relatives à leur activité professionnelle auprès des centres de formalités des entreprises (CFE – Chambres d'agriculture) dont relève le lieu d'exploitation. Sur le plan des déclarations et des paiements de taxe à effectuer, il convient de distinguer les exploitants agricoles qui paient l’impôt par acomptes trimestriels et ceux qui optent pour le paiement au vu de déclarations trimestrielles ou mensuelles (BOFIP n° BOI-TVA-SECT-80-30-60-10 du 12/09/2012 ; BOFIP n° BOI-TVA-SECT-80-30-60-20 du 05/08/2015).
Dans le premier cas, les exploitants agricoles acquittent la TVA par acomptes trimestriels compte tenu des taux auxquels sont soumises les opérations imposables et des déductions auxquelles ils peuvent prétendre. Ces acomptes sont égaux, au minimum, au cinquième de l'impôt dû au titre de l'année précédente ou du dernier exercice clos. Les nouveaux assujettis peuvent, eux, pour ladite année, déterminer eux-mêmes le montant des acomptes, mais chacun doit représenter plus de 70 % de l'impôt réellement dû pour le trimestre correspondant. La date limite pour remplir ces obligations est respectivement fixée, pour chacun des quatre trimestres, au 5 des mois de mai, août, novembre et février. Les sanctions pour retard de paiement sont encourues si le montant de l'impôt finalement dû se révèle supérieur de plus de 30 % au montant des acomptes versés. Ces exploitants doivent, par ailleurs, souscrire, au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai de chaque année pour les opérations réalisées au cours de l'année précédente, une déclaration annuelle indiquant le montant des opérations taxables et les éléments de liquidation de la TVA et sur laquelle sont régularisés les acomptes trimestriels déjà versés. Si leur exercice comptable ne coïncide pas avec l'année civile, ils peuvent, sur option, déposer une déclaration annuelle correspondant à cet exercice avant le cinquième jour du cinquième mois qui suit la clôture de celui-ci. Cette option porte sur une première période de cinq ans et est ensuite renouvelable par tacite reconduction pour des périodes de cinq ans. La renonciation à cette option doit être formulée, par lettre recommandée, deux mois au moins avant son expiration.
Dans le second cas, les exploitants relevant du RSA peuvent, sur option, choisir d'acquitter la TVA au vu de déclarations trimestrielles ou mensuelles (régime dit « de l'effectif »), souscrites sur des formulaires CA 3 habituels. Ce régime leurs permets d’obtenir des remboursement de crédit de TVA selon une périodicité mensuelle ou trimestrielle. Les déclarations mensuelles doivent être souscrites aux dates habituellement prévues et les déclarations trimestrielles doivent être souscrites au plus tard le 5 des mois de mai, août, novembre et février (les exploitants dont l'exercice ne coïncide pas avec l'année civile doivent également souscrire ces déclarations selon les trimestres civils). L'option est exercée, par lettre recommandée, pour une période de cinq ans tacitement reconductible. Elle prend effet à compter du 1er janvier de l'année au cours de laquelle elle est exercée si elle est notifiée avant la date limite de souscription de la déclaration annuelle CA 12A (soit au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai) ou le 1er janvier de l'année suivante si elle est notifiée après cette date. La renonciation à l'option (également formulée par lettre recommandée) doit intervenir avant le 31 janvier ou, pour les déclarations trimestrielles, au plus tard le 5 février de l'année du retour au régime de la déclaration annuelle.
S’agissant des obligations comptables (BOFIP n° BOI-TVA-SECT-80-30-50-10 du 02/06/2021), il convient de distinguer la tenue de la comptabilité proprement dite de la facturation.
Sur le plan de la comptabilité, les redevables placés sous le régime simplifié de l'agriculture tiennent une comptabilité leur permettant de fournir les renseignements qui doivent figurer sur la déclaration annuelle de régularisation ou, en cas d'option, sur la déclaration trimestrielle ou mensuelle, et de justifier les opérations qu'ils réalisent. Plus précisément, cette comptabilité doit comporter : la tenue d'un livre de vente où sont notamment prévues la ventilation des encaissements entre opérations exonérées, exportations, opérations imposables et la répartition par taux des taxes afférentes aux ventes taxables ; la tenue d'un livre des achats, simple registre de dépouillement des pièces justificatives des achats, où le montant des acquisitions et les taxes y afférent est ventilé entre les immobilisations et les autres achats.
Sur le plan de la facturation, les agriculteurs imposables à la TVA d'après le RSA doivent se conformer aux règles générales applicables en la matière et, notamment, à l'obligation fiscale de délivrance des factures. Toutefois, ces dernières peuvent, comme pour les autres redevables, être matériellement émises, au nom et pour le compte de l'assujetti, par le client ou par un tiers lorsque cet assujetti leur donne expressément mandat à cet effet. Deux tempéraments sont, cependant, admis à leur égard. Ainsi, les clients des exploitants agricoles peuvent établir des décomptes de livraison ou de règlement (ou toutes autres pièces analogues, émises notamment par des coopératives agricoles) valant factures, dès lors qu'ils sont certifiés par la signature des exploitants agricoles. Par ailleurs, les clients (coopératives agricoles, par exemple) des exploitants agricoles peuvent rédiger matériellement les factures que ces derniers doivent établir sous réserve de détenir une attestation du fournisseur certifiant qu'il est redevable de la TVA. En outre, le fournisseur qui a opté doit mentionner sur l'attestation son numéro d'identification.
II – Le régime du remboursement forfaitaire
Les exploitants agricoles qui ne sont pas redevables de la TVA bénéficient tous du remboursement forfaitaire (art. 298 bis I, 298 quater et 298 quinquies du CGI). Ce régime fiscal a pour objet de compenser forfaitairement la charge de la TVA ayant grevé les approvisionnements et les investissements de ces exploitants, ainsi que les services qui leur sont rendus. Il consiste en un versement effectué directement par l'État aux intéressés et dont le montant est liquidé annuellement en appliquant un pourcentage au montant des ventes ou des livraisons faites à certaines catégories de personnes ou à l'exportation. Il convient, donc, d’étudier son champ d’application (A) et ses modalités de fonctionnement (B).
A – Le champ d'application du régime du remboursement forfaitaire
L'octroi du remboursement forfaitaire agricole est subordonné à trois conditions qui tiennent, respectivement, à la situation au regard de la TVA de l'exploitant agricole qui réalise les opérations, à la nature des opérations réalisées et à la destination des produits (BOFIP n° BOI-TVA-SECT-80-60-10-10 du 12/09/2012).
En premier lieu, ne sont éligibles au régime que les exploitants agricoles qui ne sont pas imposés à la TVA d'après le RSA, soit à titre obligatoire, soit sur option.
En deuxième lieu, ouvrent seules droit au remboursement forfaitaire les ventes ou les livraisons de produits provenant de la propre exploitation de l'agriculteur et réalisées à destination de tiers. En d’autres termes, le remboursement forfaitaire n'est pas accordé pour les autres opérations que peuvent effectuer les exploitants agricoles (services, façons, locations, ...). Il en va de même pour les produits que l'exploitant agricole utilise pour sa propre consommation ou pour les besoins soit de son exploitation agricole, soit même, le cas échéant, d'une activité autre qu'agricole. Enfin, le remboursement forfaitaire n'est pas accordé au fermier pour les paiements de fermage en nature, ni au bailleur lorsque celui-ci vend les produits reçus.
En troisième lieu, le remboursement forfaitaire n'est accordé que pour les ventes ou livraisons de produits agricoles faites, soit en France à des entreprises redevables de la TVA au titre de ces mêmes produits (entreprises industrielles, coopératives, négociants ou autres agriculteurs imposables selon le RSA ; à l’exclusion, donc, des particuliers et des agriculteurs soumis au remboursement forfaitaire), soit à destination d'États membres de la Communauté européenne (livraisons faites soit à des assujettis redevables de la TVA dans l'État d'arrivée, soit à des personnes morales non assujetties ou à des assujettis qui ne réalisent que des opérations n'ouvrant pas droit à déduction et qui effectuent des acquisitions intracommunautaires imposables dans l'État d'arrivée ; livraisons faites à destination d'un autre exploitant agricole qui bénéficie dans l'État d'arrivée du régime forfaitaire des producteurs agricoles), soit à l’exportation (pays ou territoires tiers à l’Union européenne).
B – Les modalités de fonctionnement du régime du remboursement forfaitaire
Il convient d’analyser l’assiette du remboursement forfaitaire (1), son fait générateur (2), son taux (3) et les formalités à accomplir par l’exploitant agricole relevant de ce régime (4).
1 – L’assiette du remboursement forfaitaire
Le remboursement forfaitaire est liquidé sur le montant net des encaissements correspondant aux ventes ou aux livraisons qui ouvrent droit à ce remboursement (art. 263 Annexe II du CGI ; BOFIP n° BOI-TVA-SECT-80-60-10-20 du 12/09/2012).
Par « montant net des encaissements », il convient d’entendre la somme perçue par l'agriculteur, déduction faite des commissions et taxes à la charge du producteur se rapportant à la transaction ou aux produits vendus. Lorsque la perception des taxes spécifiques est assurée par l'intermédiaire de l'acheteur, le prix sur lequel est calculé le remboursement forfaitaire est évidemment le prix net payé par l'acheteur à l'agriculteur. En cas de vente par l'intermédiaire d'un commissionnaire, la commission versée à celui-ci par l'exploitant agricole doit être déduite du prix vendu. Il en est de même de tous frais assimilables à une commission et facturés par les coopératives ou les SICA en cas de vente par leur intermédiaire.
2 – Le fait générateur
L'encaissement par l'agriculteur du prix afférent à la vente ou à la livraison effectuée constitue le fait générateur du remboursement forfaitaire (BOFIP n° BOI-TVA-SECT-80-60-10-30 du 12/09/2012). En conséquence, seuls les encaissements perçus pendant la période pour laquelle les agriculteurs sont placés sous le régime du remboursement forfaitaire ouvrent, en principe, droit au remboursement. Ainsi, un exploitant agricole qui a opté pour l'imposition à la TVA d'après le régime simplifié propre à l'agriculture avant le 1er février N, avec effet du 1er janvier N, ne peut bénéficier du remboursement forfaitaire pour tous les encaissements effectués depuis le 1er janvier N, même si ceux-ci se rapportent à des ventes ou à des livraisons opérées avant cette date.
3 – Le taux du remboursement forfaitaire
Le taux du remboursement forfaitaire diffère selon la nature des produits (art. 298 quater I bis du CGI ; BOFIP n° BOI-TVA-SECT-80-60-10-40 du 28/01/2013). Il est de : 5,59 % pour le lait, les animaux de basse-cour, les œufs, les animaux de boucherie et de charcuterie, ainsi que les céréales, les graines oléagineuses et les protéagineux ; et de 4,43 % pour les autres produits. Ces taux ne s'appliquent que sur le prix des ventes ouvrant droit au remboursement. Ils ne s'appliquent donc pas aux autres sommes et notamment aux subventions.
4 – Les formalités à accomplir
Le remboursement forfaitaire est liquidé annuellement à raison des opérations de l'année précédente et son montant est versé directement par l'État aux exploitants concernés. Il est, toutefois, nécessaire que certaines formalités soient accomplies par les clients et par les exploitants eux-mêmes (art. 265 et 266 Annexe II du CGI ; BOFIP n° BOI-TVA-SECT-80-60-10-50 du 12/09/2012).
En premier lieu, les acheteurs doivent, d'une part, délivrer à l'exploitant agricole, lors du versement du prix ou d'un acompte, un bulletin d'achat ou un bon de livraison et, d'autre part, délivrer à l'exploitant agricole, au début de chaque année civile, une attestation annuelle récapitulant tous les paiements qui lui ont été effectués au cours de l'année précédente, pour les produits agricoles ouvrant droit au remboursement forfaitaire
En second lieu, pour obtenir le remboursement forfaitaire, les exploitants agricoles doivent adresser au service des impôts une déclaration annuelle récapitulant les encaissements de l'année précédente ouvrant droit au remboursement. Établies en double exemplaire sur un formulaire n° 3520-SD, les déclarations sont recevables jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle des encaissements concernés. A cette déclaration, les exploitants agricoles doivent joindre pour les ventes en France les attestations annuelles des clients, pour les livraisons intracommunautaires le double des factures correspondantes et pour les exportations la copie des déclarations en douane ou attestation du commissionnaire certifiant l'exportation effectuée par son intermédiaire.
