Introduction
Le Code général des impôts (CGI) prévoit des règles particulières s’agissant des opérations internationales. Ainsi, les exportations de biens (art. 262 I du CGI) et, sous conditions, les livraisons intracommunautaires (art. 262 ter I du CGI) sont exonérées de TVA. La TVA grevant ces opérations demeure déductible dans les conditions de droit commun, avec possibilité d’en obtenir le remboursement en cas de crédit de TVA constaté.
Ce régime présente, toutefois, l’inconvénient pour les entreprises en cause de devoir faire une avance de taxe. Aussi, l’article 275 du CGI prévoit que les entreprises qui réalisent des opérations relevant du commerce extérieur ont, si elles le désirent, la possibilité d'acquérir en franchise de TVA les biens ou services destinés à ces opérations. L’intérêt de ce dispositif se situe sur le plan de la trésorerie, puisqu'il évite aux entreprises d'avoir à faire l'avance d'une taxe d'amont qui, sinon, ne serait récupérée qu'ultérieurement par voie d'imputation ou de remboursement.
Ce régime fait l’objet d’un encadrement. Il ne concerne, en effet, que certaines personnes et certains biens et services. Par ailleurs, les achats éligibles ne peuvent être effectués que dans la limite d’un contingent annuel. Et, la franchise de taxe suppose l’accomplissement de différentes formalités destinées à sauvegarder les droits du Trésor.
Appréhender ce régime suppose, alors, d’en déterminer le champ d’application d’une part (I) et d’analyser ses modalités de fonctionnement d’autre part (II).
I – Le champ d'application du régime des achats en franchise
Le régime des achats en franchise concerne certaines personnes (A) et certains biens et services (B).
A – Les personnes éligibles au régime
Pour bénéficier du régime des achats en franchise, les entreprises doivent respecter trois grandes conditions (BOFIP n° BOI-TVA-CHAMP-30-30-50-10 du 13/08/2021 n° 1 et s.). Elles doivent, d’abord, être redevables de la TVA, que ce soit à titre obligatoire ou sur option. Elles doivent, ensuite, effectuer l’un des types de livraisons mentionnées à l'article 275 I du CGI. Elles doivent, enfin, effectuer directement ces livraisons : en effet, la franchise ne bénéficie qu'à la personne qui les réalise directement, à l'exclusion, par conséquent, de ses fournisseurs.
A cette catégorie générale doit être ajoutée celles des assujettis agissant en leur nom propre mais pour le compte d'autrui. Il s’agit, là, plus précisément, des commissionnaires en marchandises qui s'entremettent dans des exportations et des livraisons intracommunautaires (LIC). Ces personnes sont réputées avoir personnellement acquis et livré le bien. Aussi, elles bénéficient de l'exonération de TVA prévue pour les exportations et les LIC et peuvent, alors, acheter en franchise de taxe les biens qui font l'objet de l'exportation ou de la livraison intracommunautaire, ainsi que les services portant sur ces biens.
Enfin, il convient de noter que les dispositions de l’article 275 I du CGI sont, également, applicables aux organismes sans but lucratif dont la gestion est désintéressée qui exportent des biens à l'étranger dans le cadre de leur activité humanitaire, charitable ou éducative. Ces organismes peuvent, ainsi, acquérir en franchise de TVA les biens en cause qu'ils destinent à l'exportation, ainsi que les services portant sur ces biens.
B – Les biens et services éligibles au régime
Sont éligibles au régime des achats en franchise (BOFIP n° BOI-TVA-CHAMP-30-30-50-10 du 13/08/2021 n° 140 et s.) tant certains biens (1) que certaines prestations de services (2).
1 – Les biens
Peuvent être acquis en franchise de TVA, en vertu de l’article 275 I du CGI, les biens meubles corporels acquis en France ou dans l'Union européenne ou importés, que l'entreprise destine à faire l'objet : d'une livraison à l'exportation, d'une livraison intracommunautaire exonérée, d'une livraison dont le lieu est situé dans un autre État membre de l'Union européenne et qui relève du régime des ventes à distance (VAD) ou qui concerne des biens livrés après montage ou installation par le vendeur (hors VAD intracommunautaires auxquelles est appliqué le régime des petits opérateurs ou celui de la marge pour les assujettis-revendeurs), ainsi que d'une livraison de gaz naturel ou d'électricité, de chaleur ou de froid située hors de France.
L'administration n'exige pas que les biens qui font l'objet des opérations ci-dessus et désignées à l'article 275 du CGI soient identiquement ceux qui ont été reçus en suspension de taxe. Ainsi, les assujettis peuvent reporter la totalité de leurs droits à la franchise sur les achats effectués auprès de quelques fournisseurs, quelle que soit la destination ultérieure des marchandises commandées.
La franchise ne peut, toutefois, s'appliquer qu'à des biens susceptibles de faire l'objet d'une livraison mentionnée à l'article 275 du CGI par l'entreprise, en l'état ou après transformation : produits finis, semi-produits, matières premières ou agents de fabrication. En revanche, les biens constituant des immobilisations pour l'entreprise ne peuvent être reçus en suspension de taxe, sauf si ces matériels sont destinés à être exportés sans réserve de retour pour être utilisés par l'entreprise pour les besoins de son exploitation.
2 – Les services
Outre les biens destinés à faire l'objet d'une livraison mentionnée à l’article 275 I du CGI, les exportateurs peuvent acquérir en franchise de TVA les prestations de services portant sur ces biens et qui ne sont pas déjà exonérées en application de dispositions législatives ou réglementaires : c’est, notamment, le cas des services liés aux exportations et des transports à l'exportation.
Par ailleurs, lorsque des emballeurs ou des façonniers travaillant pour le compte d'entreprises exportatrices éprouvent des difficultés pour apporter la preuve que leurs prestations portent sur des biens destinés à l'exportation (preuve nécessaire pour l'octroi de l'exonération), il est admis qu'ils puissent facturer les prestations en franchise de TVA. Cette mesure est étendue aux transports effectués pour le compte d'entreprises exportatrices et portant sur des biens qui, en l'état ou après transformation, font normalement l'objet du négoce à l'exportation de ces entreprises.
Sont, en revanche, exclus du bénéfice de la franchise les locations et les services d'entretien et de réparation concernant les terrains, les constructions, le fonds de commerce, le mobilier, les véhicules de transport utilisés par l'entreprise qui effectue les livraisons mentionnées à l'article 275 I du CGI (bien entendu, les locations de véhicules de transports utilisés pour la réalisation de transport de marchandises à destination de l'étranger sont exonérées en vertu de l'article 262 I du CGI) et, d'une manière générale, les prestations portant sur les immobilisations. Sont également exclus du bénéfice de la franchise les frais de déplacement du personnel.
II – Les modalités de fonctionnement du régime des achats en franchise
Le régime des achats en franchise donne lieu à l’établissement d’un contingent annuel (A) et nécessite l’accomplissement de deux types de formalités (B). Son non-respect entraîne l'exigibilité de la taxe qui n'a pas été acquittée (C).
A – L'établissement d'un contingent annuel d'achats en franchise
Le montant des achats de biens ou de services que l'entreprise peut effectuer chaque année en franchise de taxe est égal au montant des livraisons éligibles que l'entreprise a réalisées au cours de l'année précédente et qui ont porté sur des biens normalement passibles de la taxe (BOFIP n° BOI-TVA-CHAMP-30-30-50-10 du 13/08/2021 n°200 et s.). La valeur des produits passibles de la TVA qui, sans être vendus, font l'objet d'une sortie définitive de France (matériel loué, articles publicitaires, marchandises en dépôt, …) peut être ajoutée au montant des ventes, pour le calcul du contingent. Il en va de même des primes accordées à l'exportation. Par ailleurs, les entreprises peuvent retenir, comme année de référence, soit l'année civile précédente, soit les 12 derniers mois lorsqu'il apparaît, en cours d'année, que les livraisons à prendre en compte faites pendant cette période sont plus élevées que celles de l'année précédente.
Ces modalités font l’objet d’adaptations pour certaines entreprises. Ainsi, pour celles qui relèvent du régime simplifié d’imposition, le montant du contingent est égal à celui des livraisons éligibles qu'elles ont effectuées au cours de l'année civile précédente. Ce montant n'étant connu qu'après le dépôt de la déclaration CA12, il est admis, pour éviter une interruption des achats en franchise pendant la période précédant cette déclaration, que l'entreprise dispose, au cours du premier trimestre de chaque année civile, d'un contingent égal au quart de celui retenu au cours de l'année civile précédente. Accordé automatiquement au début de chaque année, ce contingent provisoire est ensuite imputé sur le contingent annuel. Pour les entreprises nouvelles ou nouvellement exportatrices, il est, cette fois-ci, admis qu’elles puissent bénéficier du dispositif des achats en franchise sur accord donné par la direction des finances publiques dans la limite des approvisionnements nécessaires à la réalisation des marchés de fournitures dont ces entreprises justifient être titulaires avec l'étranger. Cette facilité est réservée aux entreprises qui présentent une moralité fiscale indiscutable.
Lorsque le contingent accordé est atteint, les achats restant à effectuer jusqu'à la fin de l'année en cours doivent, en principe, être effectués avec paiement de la TVA. Bien entendu, cette taxe d'amont pourra ensuite être récupérée par voie d'imputation ou de remboursement selon les règles de droit commun. Toutefois, un dépassement du contingent légal peut être accordé dans des conditions qui sont plus ou moins strictes (notamment en termes de caution à présenter par l’entreprise) selon que le dépassement envisagé est supérieur ou non à 20 % du contingent légal.
B – Les formalités à accomplir
La réception de biens ou de services en franchise de TVA est subordonnée à l'accomplissement par l'entreprise de certaines formalités : d’une part, la délivrance à leur fournisseur ou au service des douanes d'une attestation du type défini à l’article 275 I du CGI, avec conservation (1), d’autre part, le cas échéant, la présentation d'une caution responsable conjointement et solidairement du paiement des droits en jeu (2). L’entreprise doit, en outre, mentionner ses acquisitions en franchise sur sa déclaration de TVA.
1 – L’attestation d’achats en franchise
Le régime des achats en franchise impose aux entreprises bénéficiaires de délivrer à leurs fournisseurs une attestation justifiant leur éligibilité au régime. Les modalités d’application de cette formalité varient selon l’origine des biens acquis (BOI-TVA-CHAMP-30-30-50-20 du 09/09/2013 n° 10 et s.).
En matière d’achats effectués en France, les intéressés doivent adresser à leurs fournisseurs une attestation certifiant que les produits commandés par eux sont destinés à faire l'objet, en l'état ou après transformation, d'une livraison éligible au dispositif des achats en franchise ou que les services commandés portent directement sur de tels produits, et comportant l'engagement d'acquitter la TVA au cas où ces produits ne recevraient pas la destination ayant motivé la franchise. Cette attestation doit être remise au fournisseur avant la livraison des marchandises ou la facturation des services : toutefois, dans certains secteurs (céréales, produits laitiers, cuirs et peaux, bétail, vins notamment), les redevables peuvent être autorisés, s'ils justifient de circonstances particulières, à délivrer des attestations d'achat en franchise de TVA après la livraison des biens. Les attestations doivent, en principe, être établies pour un montant déterminé. Toutefois, les entreprises dispensées de visa ne sont pas tenues de chiffrer les attestations correspondant à des achats en France.
En matière d’acquisitions intracommunautaires, les entreprises n'adressent pas l'attestation à leurs fournisseurs, mais doivent la conserver à l'appui de leur comptabilité. Les attestations doivent préalablement au fait générateur de la taxe, ou à l'exigibilité si elle est antérieure, être revêtues du visa du service des impôts.
En matière d’importations, le bénéfice de la franchise est subordonné à la présentation au service des douanes, par les intéressés, d'un avis d'importation n° A I 2, en principe, préalablement visé par le service des impôts. Ces avis mentionnent que l’intéressé est assujetti à la TVA, qu’il certifie que les produits importés sont destinés à faire l'objet d'une des livraisons éligibles et que le montant de ses achats, AIC, importations et services qui ont bénéficié de la franchise dans l'année en cours n'excède pas le montant de ces livraisons de l'année précédente et qu’il s'engage à acquitter au service des impôts des entreprises les taxes normalement exigibles dans le cas où les produits importés ne recevraient pas la destination ayant motivé la franchise.
Les entreprises recourant au régime des achats en franchise doivent, normalement, soumettre leurs attestations et leurs avis d'importation en franchise à la formalité du visa. Elles en sont, toutefois, dispensées dans la généralité des cas. La dispense, délivrée par la direction des finances publiques dont relève l'entreprise, est annuelle. Les entreprises qui disposent d'un contingent d'achats en franchise au titre de l'année précédente sans bénéficier d'une dispense de visa, peuvent en obtenir une sur demande expresse de leur part. Pour ce faire, elles doivent être à jour dans le respect de leurs obligations fiscales et douanières et adresser leur demande auprès de la direction des finances publiques dont elles relèvent. Il est, toutefois, précisé que les entreprises n'ont pas à en effectuer la demande expresse, si une dispense de visa leur a été délivrée au titre de l'année précédente. Sauf en cas de manquement aux obligations fiscales et douanières, une nouvelle dispense de visa leur est transmise. Les assujettis dispensés du visa de leurs attestations d'achats en franchise et de leurs avis d'importation ne sont pas tenus de chiffrer les attestations d'achats en franchise qu'ils remettent à leurs fournisseurs. Les attestations doivent néanmoins comporter les mentions obligatoires prévues à l’article 275 I du CGI et faire mention, aux lieu et place du visa, de la référence à la décision administrative accordant la dispense. Les entreprises ayant obtenu cette dispense informent chaque année leurs fournisseurs par l'envoi à chacun d'entre eux d'une copie de la décision administrative d'obtention de la dispense ou de celle de son maintien délivrée par le service des impôts pour l'année en cours. La dispense de visa peut être retirée par l'administration fiscale à tout moment, notamment en cas d'infraction à la réglementation fiscale et douanière.
Sont, toutefois, exclues du bénéfice de cette dispense de visa, les entreprises nouvelles ou nouvellement exportatrices, sauf si le directeur des finances publiques accorde exceptionnellement une dispense de visa à ces entreprises dans la mesure où elles présentent une bonne moralité fiscale, s'avèrent solvables et justifient que la formalité du visa leur occasionne des difficultés sérieuses (nombre important de fournisseurs et de commandes, évolution des besoins, …). Pour les entreprises ayant manqué à leurs obligations fiscales ou douanières, dès la constatation d'un manquement ou d'une infraction à la réglementation fiscale et douanière au regard de tous impôts, droits ou taxes, la dispense de visa de l'année en cours est retirée à l'entreprise qui ne peut, par ailleurs, prétendre à une nouvelle dispense de visa pour l'année suivante.
2 – Le cautionnement
Le régime des achats en franchise, destiné à alléger la trésorerie des exportateurs, fait courir des risques au Trésor, lorsque les biens ou services acquis en suspension de la TVA ne sont pas effectivement utilisés à des opérations d'exportation. Il est donc normal que l'administration s'entoure d'un minimum de garanties (BOI-TVA-CHAMP-30-30-50-20 du 09/09/2013 n° 210 et s.). L'administration admet qu'en règle générale la garantie soit limitée, suivant le degré de solvabilité du principal obligé, à une fois et demie ou une fois le montant de la TVA et éventuellement des taxes ou cotisations qui lui sont assimilées, afférentes aux achats, ou aux services acquis en franchise.
Bien qu'en principe exigible de toutes les entreprises, le cautionnement n’est, cependant, imposé qu’aux entreprises nouvelles ou réalisant nouvellement des opérations éligibles, à celles qui demandent une augmentation de leur contingent ou à celles dont la solvabilité est douteuse. Des dérogations sont, toutefois, apportées à ces principes. Il en va ainsi, notamment, pour les entreprises nouvelles ou réalisant nouvellement des ventes à l'étranger qui peuvent bénéficier, dans la limite des approvisionnements nécessaires à la réalisation des marchés de fournitures dont ces entreprises justifient être titulaires avec l'étranger, d’un contingent d'acquisitions en franchise avec dispense de présentation d'une caution. Cette facilité est réservée aux entreprises présentant une moralité fiscale indiscutable. De même, l'administration peut accorder à toute entreprise un dépassement du contingent légal avec dispense de présentation d'une caution dans des conditions plus ou moins strictes selon que le dépassement du contingent légal est ou non supérieur à 20 %. Aucune dispense de caution ne peut, toutefois, être accordée aux entreprises dont la solvabilité est douteuse.
C – Les conséquences du non-respect des conditions du régime
Le bénéfice de la livraison en franchise de TVA est soumis à des conditions de fond et de forme. Le non-respect de ces conditions entraîne l'exigibilité de la taxe qui n'a pas été acquittée.
En cas de non-respect des conditions de fond (marchandises non exportées ou ne faisant pas l'objet d'une LIC exonérée, non-respect du contingent d'achats en franchise), le paiement de la TVA est à la charge de l'exportateur et la taxe ainsi acquittée sur le prix d'achat est déductible dans les conditions de droit commun. Le défaut de déclaration de cette TVA est passible d’une amende de 5 %. Toutefois, en cas de revente des biens acquis en franchise sur le marché intérieur, il est admis que la régularisation de la TVA ne soit pas exigée des entreprises qui justifient, par suite de circonstances indépendantes de leur volonté, n'avoir pu réaliser la totalité des livraisons à l'étranger prévues et s'être trouvées dans l'obligation de revendre à l'intérieur une partie des marchandises achetées en franchise.
En revanche, en cas de non-respect des conditions de forme (attestation préalable à la livraison, visa de l'attestation par l'administration fiscale, certification que les biens sont effectivement destinés à faire l'objet d'une livraison exonérée et engagement d'acquitter à défaut la TVA), c'est le fournisseur qui est redevable de la taxe.
