Introduction
L’article 271 – I – 1 du CGI (Code général des impôts) prévoit que « la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ». C’est cette possibilité offerte aux entreprises de déduire la taxe qu’elles ont acquitté en amont qui permet de leurs garantir la neutralité économique du système de TVA.
Concrètement, à chaque stade de la production ou de la distribution, le redevable calcule et facture à son client une taxe, la TVA collectée, correspondant au prix de vente qu’il pratique. Puis, lors du règlement de la taxe au Trésor, il impute sur celle-ci la TVA, dite déductible, qui a grevé les éléments de son prix de revient (matières premières, marchandises, prestations de services). C’est de cette façon que la charge fiscale pour les entreprises se trouve être nulle, celle-ci reposant uniquement sur le consommateur final, en l’occurrence les particuliers.
Pour qu’il en aille ainsi, il convient, cependant, que l’entreprise respecte trois grandes séries de conditions. Des conditions de fond, d’abord : le bien ou le service acquis doit être utilisé pour des opérations imposables et ouvrant droit à déduction, et ne pas être visé par une mesure d’exclusion du droit à déduction. Des conditions de forme, ensuite, qui résident essentiellement dans la nécessité de détenir une facture. Et, des conditions de délai : la déduction n’est, en effet, possible que lorsque la TVA dont la déduction est demandée devient exigible chez le fournisseur.
Il convient, donc, d’étudier, d’abord, les conditions de fond (I), de forme (II) et de délai (III) de déduction de la TVA et d’analyser, dans une dernière partie, les modalités de récupération de la TVA déductible (IV).
I – Les conditions de fond de déduction de la TVA
Le régime encadrant la TVA déductible obéit à deux grands principes (A) qui déterminent, largement, les modalités de son calcul (B).
A – Les principes généraux de déduction
Le droit à déduction de la TVA est subordonné au respect de deux grandes conditions.
a / Les biens ou les services doivent être acquis par un assujetti agissant en tant que tel : c’est, en effet, cette qualité qui détermine l’application du système de TVA et, partant, du mécanisme de déduction.
Tel est le cas d’une personne qui fait une utilisation immédiate des biens et services pour ses activités économiques. Dans le cas contraire, il convient de se référer à son intention, laquelle s’apprécie à partir de considérations de fait comme, par exemple, la nature des biens concernés ou, encore, la période écoulée entre l’acquisition et l’utilisation économique.
b / Les biens ou les services doivent être utilisés pour la réalisation d’une opération soumise à TVA (art. 271 – II – 1 du CGI). En d’autres termes, il doit exister un lien direct et immédiat entre les biens ou services acquis en amont et une opération taxée en aval : ce lien présuppose que les dépenses effectuées pour acquérir lesdits biens et services fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations réalisées. Cela reste vrai pour les frais généraux de l’entreprise dans la mesure où ceux-ci entretiennent un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti.
Par exception à ce principe, certaines opérations (exportations, livraisons intracommunautaires, notamment), bien que non soumises à TVA, sont, en vertu de dispositions spéciales, assimilées à des opérations taxées et ouvrent, dès lors, droit à déduction.
B – La détermination du montant de la TVA déductible
La TVA grevant un bien ou un service qu’un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même n’est pas toujours intégralement déductible. En effet, celle-ci n’est déductible qu’à proportion de son coefficient de déduction, lequel est propre à chaque bien ou service (art. 205 Annexe II du CGI). Pour déterminer ce montant, il convient donc de multiplier la TVA acquittée en amont par le coefficient de déduction.
Le coefficient de déduction est égal au produit de trois coefficients (art. 206 – I Annexe II du CGI) : le coefficient d’assujettissement (1), le coefficient de taxation (2) et le coefficient d’admission (3). Pour les deux premiers coefficients, l’assujetti doit, dès l’acquisition, l’importation ou la première utilisation du bien ou du service, procéder à son affectation afin de déterminer leur valeur.
1 – Le coefficient d’assujettissement (art. 206 – II Annexe II du CGI)
Ce coefficient est égal à la proportion d’utilisation du bien ou du service pour la réalisation d’opérations imposables, c’est-à-dire d’opérations situées dans le champ d’application de la TVA, qu’elles soient imposées ou légalement exonérées.
a / Lorsque le bien ou le service est exclusivement utilisé pour la réalisation d’opérations situées hors du champ d’application de la TVA, le coefficient d’assujettissement est nul.
b / Lorsque le bien ou le service est exclusivement utilisé pour la réalisation d’opérations situées dans le champ d’application de la TVA (taxées ou légalement exonérées), le coefficient d’assujettissement est égal à l’unité.
c / Dans le cas où le bien ou le service est, concurremment, utilisé pour la réalisation d’opérations situées dans et hors du champ d’application de la TVA, le coefficient d’assujettissement est égal à la proportion de son utilisation pour la réalisation d’opérations imposables. Il est donc compris entre 0 et 1.
Cette quote-part peut être déterminée à l’aide de critères physiques. Par exemple, lorsqu’un commerçant achète un immeuble neuf comprenant un rez-de-chaussée affecté à un usage commercial et un étage lui servant d’appartement, l’intéressé peut déduire la TVA ayant grevé l’achat du bien au prorata de la surface affectée à un usage commercial par rapport à la surface totale de l’immeuble.
2 – Le coefficient de taxation (art. 206 – III Annexe II du CGI)
L’article 271 – II – 1 du CGI prévoit que seule peut être déduite la TVA grevant un bien ou un service utilisé pour la réalisation d’opérations ouvrant droit à déduction. Aussi, le coefficient de taxation est égal à la proportion d’utilisation du bien ou du service pour la réalisation de telles opérations.
Les opérations ouvrant droit à déduction correspondent aux opérations effectivement soumises à la TVA, ce qui exclut les opérations placées hors du champ d’application de la TVA et les opérations qui, bien que placées dans le champ d’application de la TVA, sont légalement exonérées. Cependant, certaines opérations exonérées sont, pour l’exercice du droit à déduction, assimilées à des opérations taxées et ouvrent, dès lors, droit à déduction : il en va, ainsi, notamment, de certaines activités relevant du commerce extérieur telles que les exportations et les livraisons intracommunautaires.
a / Lorsque le bien ou le service est exclusivement utilisé pour la réalisation d’opérations n’ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est nul.
b / Lorsque le bien ou le service est exclusivement utilisé pour la réalisation d’opérations ouvrant droit à déduction, le coefficient de taxation est égal à l’unité.
c / Dans le cas où le bien ou le service est, concurremment, utilisé pour la réalisation d’opérations ouvrant droit et n’ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est égal à la proportion de son utilisation pour la réalisation d’opérations ouvrant droit à déduction. Il est donc compris entre 0 et 1.
Le coefficient est, ici, déterminé de manière forfaitaire. Il est, ainsi, égal au rapport entre, au numérateur, le montant total annuel du chiffre d’affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d’affaires afférent aux opérations imposables.
3 - Le coefficient d’admission (art. 206 – IV Annexe II du CGI)
Contrairement aux deux précédents coefficients qui dépendent de l’activité de l’assujetti et de l’utilisation qu’il fait des biens et services qu’il achète, le coefficient d’admission d’un bien ou d’un service dépend uniquement de la règlementation en vigueur. Cette dernière prévoit, en effet, certains dispositifs spécifiques d’exclusion ou de restriction du droit à déduction.
Le coefficient de d’admission est ainsi :
- nul lorsque le bien ou le service fait l’objet d’une mesure d’exclusion du droit à déduction,
- égal à 1 lorsque le bien ou le service ne fait l’objet d’aucune mesure d’exclusion ou de restriction du droit à déduction,
- compris entre 0 et 1 lorsque le bien ou le service fait l’objet d’une mesure de restriction du droit à déduction.
Le coefficient d’admission est égal à 0 dans les hypothèses suivantes :
a / Lorsque le bien ou le service est utilisé par l’assujetti à plus de 90 % à des fins étrangères à l’entreprise.
b / Lorsque le bien ou le service est relatif à la fourniture à titre gratuit du logement des dirigeants ou du personnel de l’entreprise, à l’exception de celui du personnel de gardiennage, de sécurité ou de surveillance sur les chantiers ou dans les locaux de l’entreprise.
c / Le coefficient d’admission est nul pour les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usage mixte. Il en va de même des éléments constitutifs, pièces détachées et accessoires afférents à ces véhicules. Ne sont, en conséquence, pas concernés les camionnettes et véhicules utilitaires.
Cette exclusion du droit à déduction comporte, cependant, un certain nombre d’exceptions, parmi lesquelles l’on trouve, notamment : les véhicules acquis par les entreprises de transport public de voyageurs et affectés de façon exclusive à la réalisation desdits transports, les véhicules destinés à être revendus à l’état neuf, les véhicules donnés en location ou, encore, ceux affectés de façon exclusive à l’enseignement de la conduite.
d / Le coefficient d’admission est nul pour les prestations de transport de personnes, quelle que soit la voie utilisée (route, air, eau). Cette exclusion du droit à déduction s’étend aux prestations accessoires à ces transports.
Ne sont, cependant, pas concernés par cette mesure d’exclusion : les transports réalisés pour le compte d’une entreprise de transport public de voyageurs et les transports réalisés en vertu d’un contrat permanent de transport conclu par les entreprises redevables pour amener leur personnel sur les lieux de travail.
e / Lorsque le bien ou le service est cédé sans rémunération ou pour une rémunération très inférieure à son prix normal (cadeaux, notamment). Il en va, ainsi, quelle que soit la qualité du bénéficiaire, la forme de la distribution et quand bien même l’opération serait effectuée dans l’intérêt de l’entreprise.
Il est fait exception à cette règle pour les biens de très faible valeur (moins de 69 € par an et par bénéficiaire) et, sous certaines conditions, pour les matériels et objets publicitaires.
f / Le coefficient d’admission est nul pour les prestations de services de toute nature afférentes aux biens dont le coefficient d’admission est nul : location, réparation, transport, notamment.
g / Lorsque le bien ou le service est utilisé pour des publicités prohibées par le Code de la santé publique (boissons alcooliques).
II – Les conditions de forme de déduction de la TVA
Le redevable qui procède à la déduction de la TVA ayant grevé un bien ou un service qu’il a acquis doit être en mesure d’en justifier. Cette justification s’opère, la plupart du temps, par la production d’une facture (ou de documents douaniers dans le cas d’importations). En effet, en vertu de l’article 271 – II – 1 - a du CGI, « la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est … celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ». Il découle de cette disposition trois grandes conditions.
a / Le redevable doit, d’abord, être en possession de la facture (art. 271 – II – 2 du CGI). L’administration considère, appuyée par le Conseil d’Etat, que l’absence de production de la facture fait obstacle au droit à déduction.
b / La facture doit, par ailleurs, comporter certaines mentions obligatoires : éléments d’identification des parties, données concernant les biens livrés ou les services rendus, prix HT et TVA appliquée, notamment. Cette règle est appréciée souplement par l’administration : cette dernière considère, en effet, que l’omission ou l’inexactitude de l’une des mentions obligatoires ne fait pas nécessairement échec au droit à déduction, dès lors que l’opération est justifiée dans sa réalité et qu’elle satisfait aux autres conditions de déduction.
c / La TVA n’est, enfin, déductible que si elle pouvait légalement figurer sur la facture. En d’autres termes, toute facturation irrégulière de TVA, qu’elle ait pour cause une simple erreur ou un procédé frauduleux, fait obstacle au droit à déduction.
III – Les conditions de délai de déduction de la TVA
Le principe est que le droit à déduction prend naissance chez le client - redevable lorsque la TVA devient exigible chez le fournisseur du bien ou du service (art. 271 – I – 2 du CGI). Les règles d’exigibilité de la TVA (art. 269 – 2 du CGI) commandent donc celles applicables en matière de droit à déduction.
Il s’ensuit que la TVA est déductible :
- pour les achats de biens corporels à la date de leur livraison ; toutefois, depuis le 1° janvier 2023, en cas de versement d'un acompte préalablement à la livraison de biens, la taxe est déductible au moment de son encaissement, à concurrence du montant de l'acompte,
- pour les prestations de services à la date de leur paiement (ou à la facturation en cas d’option par le prestataire pour les débits).
La déduction de la taxe doit être opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance (art. 271 – I – 3 du CGI). Cette opération est réalisée sur la déclaration de chiffre d’affaires du mois en cause.
Lorsque le redevable omet de porter une TVA déductible sur une déclaration de chiffre d’affaires qui aurait normalement dû la comprendre, celui-ci conserve, néanmoins, la possibilité de la reporter sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l’omission (art. 208 - I Annexe II CGI). Ce report doit, alors, être effectué sur une ligne spécifique de la déclaration.
IV – Les modalités de récupération de la TVA déductible
En principe, la récupération de la TVA déductible s’opère par son imputation sur la taxe dont l’entreprise est elle-même redevable (TVA collectée). Si la TVA déductible est d’un montant inférieur à celui de la TVA collectée, la différence, appelée TVA due, doit être reversée à l’administration fiscale. A l’inverse, si le montant de la TVA déductible excède celui de la TVA collectée, l’excèdent constitue ce que l’on appelle un crédit de TVA. Une telle situation se présente principalement en matière d’entreprises réalisant des opérations relevant du commerce extérieur (opérations exonérées) ou d’activités soumises au taux réduit. Elle peut, occasionnellement, viser la généralité des entreprises en cas, par exemple, d’acquisition coûteuse d’immobilisations.
Un crédit de TVA peut être utilisé de deux façons :
- il peut être reporté sur les déclarations suivantes pour être imputé sur la TVA collectée ultérieure et ce jusqu’à épuisement et sans limitation de délai,
- il peut, également, faire l’objet d’une demande de remboursement.
La demande de remboursement suppose le dépôt d’un formulaire spécifique par l’entreprise. Elle entraîne l’obligation pour celle-ci de réduire son crédit du montant du remboursement demandé. Et, lorsque ce dernier est accordé, le crédit de TVA est définitivement annulé.
La demande peut être opérée selon trois grandes périodicités :
- remboursement annuel : le crédit doit être au moins égal à 150 € et la demande doit être souscrite au cours du mois de janvier de l’année suivante (en même temps que la déclaration de chiffre d’affaires afférente aux opérations du mois de décembre ou du dernier trimestre),
- remboursement trimestriel : cette procédure concerne les redevables qui souscrivent des déclarations selon une périodicité trimestrielle ; la demande doit porter sur un montant minimum de 760 € et être souscrite au cours du mois qui suit le trimestre considéré,
- remboursement mensuel : cette procédure concerne les redevables qui souscrivent des déclarations mensuelles ; la demande doit porter sur un crédit d’un montant minimum de 760 € et être souscrite au cours du mois qui suit le mois considéré.
Un régime spécifique s’applique aux contribuables placées sous le régime simplifié d’imposition (RSI). Ceux-ci peuvent, à l’occasion du dépôt de la déclaration annuelle, demander le remboursement du crédit de TVA constaté si celui-ci est au moins égal à 150 €. Les intéressés peuvent, toutefois, demander un remboursement semestriel (en juillet et décembre) du crédit constitué par la taxe déductible ayant grevé l’acquisition de biens constituant des immobilisations lorsque son montant est d’au moins 760 €. Ce remboursement a un caractère provisionnel et donne lieu à régularisation lors de la souscription de la déclaration annuelle.
