Territorialité de la TVA : les prestations de services (fiche thématique)

Introduction

A la différences des critères relatifs aux échanges internationaux de biens, les critères d’application territoriale de la TVA en matière de prestations de services sont relativement complexes. Articulés autour de deux grands principes, ils connaissent, en effet, de multiples solutions particulières.

Plus précisément, ces critères sont déterminés par référence au lieu où la prestation est réputée se situer. Ainsi, lorsque cette dernière se situe en France, elle entre dans le champ d’application de la TVA française et se trouve imposable en France. Dans le cas contraire, elle constitue une opération extraterritoriale qui échappe à la TVA française.

La détermination de ce lieu de taxation obéit à deux règles générales qui dépendent de la qualité du preneur, c’est-à-dire de l’acquéreur de la prestation. La première régit les relations entre un prestataire assujetti et un preneur assujetti : l’on parle, dans ce cas, de relations « B to B » pour « Business to Business ». La seconde vise les relations entre un prestataire assujetti et un preneur non assujetti, dites relations « B to C » pour « Business to Consumer ».

A côté de ce cadre général, de nombreuses dérogations existent : les unes concernent communément les deux grands principes, quand d’autre sont spécifiques à l’un ou à l’autre.

Après avoir défini les notions qui sous-tendent le régime de territorialité de la TVA applicable aux prestations de services (I), il conviendra d’étudier, dans une seconde partie, les règles générales de territorialité (II) et d’analyser, dans une troisième partie, les règles dérogatoires de territorialité (III). Un dernier point devra être fait concernant le redevable de la TVA en la matière (IV).

I – Définition de deux notions majeures

En matière de prestations de services, les règle de territorialité de la TVA sont fondées sur deux notions majeures : celle de preneur assujetti et celle d’établissement en France.

a / Preneur assujetti :

  • sont considérés comme ayant la qualité de preneur assujetti au regard des règles de territorialité les personnes suivantes (art. 259 – 0 du CGI) :
    • l’assujetti de droit commun, c’est-à-dire la personne qui réalise des opérations entrant dans le champ d’application de la TVA,
    • l’assujetti partiel, c’est-à-dire l’assujetti qui exerce des activités placées dans et hors du champ d’application de la TVA,
    • et, la personne morale non assujettie qui est identifiée à la TVA ou est tenue de l’être,
  • ces personnes n’ont, en revanche, pas cette qualité lorsque la prestation est acquise pour leurs besoins privés ou ceux de leur personnel : dans un tel cas, en effet, le preneur n’est pas considéré comme un assujetti agissant en tant que tel.

b / Etablissement en France : est considéré comme établi en France, qu’il soit prestataire ou preneur, l’assujetti qui a en France :

  • le siège de son activité économique : ce lieu est déterminé à partir d’un faisceau d’indices, tels que le siège statutaire de la société, le lieu de son administration centrale ou, encore, le lieu de réunion de ses dirigeants,
  • ou, lorsque le précédent critère ne peut être apprécié, un établissement stable : celui-ci est caractérisé par un degré suffisant de permanence et l’existence d’une structure apte, sur le plan humain et technique, à rendre possible de manière autonome soit la fourniture, soit l’utilisation d’un service par l’établissement,
  • ou, à défaut de pouvoir apprécier les deux précédents critères, son domicile ou sa résidence habituelle.

II – Les règles générales de territorialité

Ces règles varient selon que le preneur est assujetti ou non assujetti.

a / Prestations de services fournies à un preneur assujetti : le lieu des prestations de services est situé en France lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel qui a en France (art. 259 – 1° du CGI) :

  • le siège de son activité économique, sauf lorsqu’il dispose d’un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis,
  • ou, un établissement stable auquel les services sont fournis,
  • ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle.

b / Prestations de services fournies à un preneur non assujetti : le lieu des prestations de services fournies à un preneur non assujetti est situé en France lorsque le prestataire (art. 259 – 2° et 259 C du CGI) :

  • a établi en France le siège de son activité économique, sauf s’il dispose d’un établissement stable non situé en France à partir duquel les services sont fournis,
  • ou dispose d’un établissement stable en France à partir duquel les services sont fournis,
  • ou, à défaut, a en France son domicile ou sa résidence habituelle.

III – Les règles dérogatoires de territorialité

Des règles dérogatoires aux deux hypothèses de principe vues plus haut s’appliquent parfois (art. 259 A à 259 D du CGI) : certaines sont communes aux relations « B to B » et « B to C » (A), d’autres spécifiques soit aux relations « B to B » (B), soit aux relations « B to C » (C).

A - Les règles particulières communes aux relations « B to B » et « B to C »

Quatre exceptions concernent les prestations de services fournies tant à des preneurs assujettis qu’à des preneurs non assujettis.

a / Les locations de moyens de transport de courte durée (c’est-à-dire ne dépassant pas 30 jours ou 90 jours pour un moyen de transport maritime) fournies tant à des preneurs assujettis qu’à des preneurs non assujettis sont considérées comme situées en France lorsque le moyen de transport se trouve en France au moment où le preneur en prend effectivement et physiquement possession.

b / Les prestations se rattachant à un immeuble ne sont imposable en France que lorsque l’immeuble est situé en France.

c / Les prestations de transport de passagers sont situées en France à proportion des distances qui y sont parcourues.

d / Les ventes à consommer sur place entrent dans le champ d’application de la TVA française lorsqu’elles sont matériellement exécutées ou ont effectivement lieu en France.

B – Les règles particulières spécifiques aux relations « B to B »

Ces règles concernent uniquement les prestations consistant à donner accès à des manifestations culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, éducatives ou de divertissement (telles que des foires ou des expositions) au profit de preneurs assujettis.

De telles prestations, ainsi que celles qui leurs sont accessoires, fournies à des preneurs assujettis entrent dans le champ d’application de la TVA française lorsque ces manifestations ont effectivement lieu en France.

C – Les règles particulières spécifiques aux relations « B to C »

Huit règles de territorialité dérogatoires s’appliquent aux prestations de services fournies à des preneurs non assujettis.

a / Les transports intracommunautaires de biens, que l’on peut définir comme les transports dont le lieu de départ et le lieu d’arrivée se trouvent dans deux Etats membres différents de l’UE, fournis à des preneurs non assujettis sont réputés être réalisés en France lorsque le lieu de départ est situé en France.

b / Les transports de biens autres qu’intracommunautaires effectués pour des preneurs non assujettis sont passibles de la TVA française pour la distance parcourue en France.

c / Les prestations accessoires aux transports (de biens ou de passagers) rendus à des preneurs non assujettis sont imposables en France lorsqu’elles y sont matériellement exécutées (par exemple, chargement ou déchargement).

d / Les prestations culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, éducatives, de divertissement, ainsi que les prestations qui leurs sont accessoires, fournies à des preneurs non assujettis entrent dans le champ d’application de la TVA française lorsqu’elles sont matériellement exécutées ou ont effectivement lieu en France.

e / Les travaux et expertises portant sur des biens meubles corporels réalisés au profit de preneurs non assujettis sont imposables à la TVA en France lorsque ces prestations sont matériellement exécutées sur le territoire français.

f / Les prestations d’entremise des intermédiaires transparents, que l’on peut définir comme des personnes qui agissent au nom et pour le compte d’autrui, entrent dans le champ d’application de la TVA française lorsque le lieu de l’opération principale sur laquelle porte la prestation est situé en France ; cette disposition ne s’applique pas lorsque l’opération principale consiste en des prestations se rattachant à un immeuble.

g / Les prestations immatérielles (telles que les prestations de publicité, les prestations de conseillers, ingénieurs, bureaux d’études, le traitement de données, …) obéissent aux règles suivantes :

  • lorsqu’elles sont réalisées par un prestataire établi en France, ces prestations sont imposables en France si le preneur est établi dans l’UE (France ou autre Etat membre),
  • lorsqu’elles sont réalisées par un prestataire établi en dehors de l’UE, ces prestations sont imposables en France si le preneur est établi dans l’UE (France ou autre Etat membre) et si le service est utilisé en France,
  • dans toutes les autres hypothèses, les prestations immatérielles ne sont pas imposables en France.

h / Les services de télécommunication, de radiodiffusion et télévision et les services électroniques (fourniture en ligne de logiciels, de musique, de films, …) relèvent des règles qui suivent :

  • le lieu de ces prestations est situé en France :
    • lorsqu’elles sont effectuées en faveur de personnes non assujetties qui sont établies, ont leur domicile ou leur résidence habituelle en France, quel que soit le lieu d’établissement du prestataire,
    • lorsqu’elles sont fournies par un prestataire établi en France ou, en l’absence d’établissement, qui a en France son domicile ou sa résidence habituelle, à des personnes non assujetties qui sont établies, ont leur domicile ou leur résidence habituelle dans d’autres Etats membres de l’UE et que la valeur totale de ces prestations n’a pas excédé pendant l’année civile en cours au moment de la prestation et pendant l’année civile précédente le seuil de 10 000 € hors TVA ; lorsque ce seuil est dépassé, les prestations ne sont plus imposables en France à compter du jour de ce dépassement ; dans l’hypothèse inverse (prestataire établi dans un autre Etat membre de l’UE et preneur non assujetti établi en France), les prestations sont imposables dans cet autre Etat membre jusqu’au seuil de 10 000 €,
  • pour l’imposition de ces prestations fournies à des preneurs non assujettis établis dans l’UE, les prestataires, qu’ils soient ou non établis dans l’UE, ont la possibilité, sur option, d’appliquer un régime simplifié dit de « guichet unique » pour la liquidation de la taxe : concrètement, ce dispositif permet de liquider la TVA dans les différents Etats membres de l’UE par voie électronique auprès d’un seul portail.

IV – Le redevable de la TVA

En principe, le redevable de la TVA afférente à une prestation de services est l’assujetti qui réalise l’opération. Cependant, dans certaines hypothèses, le redevable de la taxe est le preneur.

La détermination du redevable peut s’opérer comme suit :

  • si le prestataire est identifié dans le pays où la TVA est due, il lui incombe de collecter la TVA sur la prestation,
  • si le prestataire n’est pas identifié dans le pays où la TVA est due, c’est au preneur assujetti de procéder à l’autoliquidation de la TVA,
  • enfin, dans l’hypothèse où le preneur de la prestation n’est pas assujetti à la TVA, c’est au prestataire qu’il revient de collecter la taxe sur la prestation réalisée.