Les livraisons à soi-même – LASM (fiche thématique)

Introduction

La livraison à soi-même (LASM) est l’opération par laquelle une personne, un assujetti à la TVA, obtient, avec ou sans le concours de tiers, un bien ou une prestation de services à partir de biens, d’éléments ou de moyens lui appartenant. D’application relativement large par le passé, cette technique a vu plusieurs de ses hypothèses être supprimées par la loi du 20/12/2014 de simplification de la vie des entreprises.

Pour comprendre ce type d’opération, il convient d’envisager la situation où une entreprise décide de réaliser, pour son exploitation, un investissement dans un nouvel équipement, tel qu’un outils par exemple. Le plus souvent, elle en fait l’acquisition auprès d’un fournisseur et déduit, alors, dans les conditions de droit commun, la TVA grevant cet achat. Mais, ce droit à déduction peut, parfois, faire l’objet d’une mesure d’exclusion ou de limitation.

Il arrive, cependant, que l’entreprise décide de fabriquer cet outillage avec ses propres moyens (son personnel, ses machines, notamment). En l’absence de disposition spéciale, cette opération purement interne ne serait pas soumise à la TVA et l’entreprise échapperait, ainsi, à la non-déductibilité totale ou partielle de la TVA pouvant être constatée dans la première hypothèse.

Pour éviter cette distorsion entre les deux situations et respecter la neutralité fiscale du système TVA, la loi prévoit, alors, en cas de fabrication en interne, pour les déducteurs non intégraux, le recours à la technique de la livraison à soi-même. En pratique, l’entreprise est, par une sorte de fiction fiscale, considérée comme étant, à la fois, « fournisseur » et « client » du bien. En tant que « fournisseur », elle est redevable de la TVA sur le prix de revient du bien livré à elle-même. En tant que « client », elle peut exercer son droit à déduction, mais celui-ci est, comme dans l’hypothèse d’une acquisition externe, réduit ou supprimé par l’effet des dispositions légales de limitation ou d’exclusion.

Les livraisons à soi-même constituent des opérations imposables à la TVA par disposition expresse de la loi. Elles sont régies par l’article 257 du Code général des impôts (CGI). Le I dudit article concerne les LASM de certains immeubles relevant du secteur social : elles ne seront pas étudiées dans le présent propos. Ce dernier se concentrera sur les LASM visées au II de l’article 257 du même code. Celui-ci traite, d’abord, des livraisons à soi-même de biens, meubles et immeubles, qu’ils soient affectés aux besoins de l’entreprise ou à des besoins qui lui sont étrangers. La suite de l’article porte sur les livraisons à soi-même de services ou prestations de services à soi-même (PSASM).

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, les LASM de biens (I) et d’analyser, dans une seconde partie, les LASM de services (II).

I – Les livraisons à soi-même de biens

Deux grands cas de taxation de LASM de biens existent (A) et appellent certaines observations quant à leurs modalités d’imposition (B).

A – Les cas d'imposition

Les LASM de biens, qu’ils soient meubles ou immeubles, sont imposables, sous conditions, dans deux hypothèses : l’une concerne les biens affectés aux besoins de l’entreprise (1), l’autre vise les biens affectés à des besoins autres que ceux de l’entreprise (2).

1 – Les biens affectés aux besoins de l’entreprise (art. 257 – II - 1 – 2° du CGI)

a / Champ d’application : sont imposables les LASM de biens affectés aux besoins de l’entreprise lorsque l’acquisition de tels biens auprès d’un autre assujetti n’ouvrirait pas droit à déduction intégrale de la TVA.

  • sont considérés comme affectés aux besoins de l’entreprise tous les biens meubles et immeubles destinés à être utilisés en vue de la réalisation de livraisons de biens ou de prestations de services à titre onéreux,
  • sont considérés comme n’ouvrant pas droit à déduction complète de la TVA : les biens utilisés pour la réalisation d’opérations intégralement exonérés, les biens dont la taxe n’est déductible que partiellement (coefficient d’assujettissement et / ou de taxation supérieur à 0 mais inférieur à 1) et les biens exclus du droit à déduction (coefficient d’admission égal à 0).

b / Exemple : l’installation par une SCI d’une climatisation dans les locaux qu’elle loue nus et à usage, pour partie, d’habitation (hors TVA), pour partie, professionnel (avec option TVA exercée) doit donner lieu à taxation d’une LASM dans la mesure où ce nouvel équipement est affecté aux besoins de l’entreprise, mais n’ouvre pas droit à déduction complète de la TVA.

2 – Les biens affectés à des besoins autres que ceux de l’entreprise (art. 257 – II – 1 – 1° du CGI)

a / Champ d’application : le prélèvement par un assujetti d’un bien pour des besoins autres que ceux de l’entreprise ou qu’il transmet à titre gratuit entraîne la taxation d’une LASM si la taxe ayant grevé le bien a été totalement ou partiellement déductible lors de son acquisition ; ce principe vaut pour les stocks et les immobilisations et que le bien ait été acquis ou fabriqué par l’entreprise ; les besoins autres que ceux de l’entreprise peuvent être définis comme les besoins des dirigeants, du personnel ou de tiers.

b / Exceptions : il n’y a pas lieu à taxation d’une LASM pour, notamment, les hypothèses suivantes :

  • cadeaux de faible valeur (69 € maximum) prélevés pour les besoins de l’exploitation (sans remise en cause de la déduction initiale),
  • échantillons donnés aux clients pour les besoins de l’entreprise quelle que soit leur valeur (sans remise en cause de la déduction initiale),
  • les prélèvements effectués sur ses stocks (auto-consommation) par l’exploitant d’une entreprise individuelle (et non les dirigeants de sociétés) pour ses besoins privés normaux et ceux de sa famille (mais régularisation de la taxe d’amont ayant grevé les biens prélevés).

c / Exemples :

  • promoteur immobilier qui se réserve la jouissance d’une partie de l’immeuble qu’il construit à des fins autres que la vente (à titre de domicile personnel par exemple),
  • revendeur de matériel audio qui cède gratuitement à l’un de ses clients un appareil de 400 € prélevé sur ses stocks ; en revanche, si le bien a un prix inférieur à 69 €, la LASM n’a pas à être taxée.

B – Les modalités d'imposition

Les deux catégories de LASM de biens taxables sont imposées dans les conditions qui suivent.

a / Redevable : l’assujetti redevable.

b / Base d’imposition : elle est constituée, selon les cas, soit, par le prix d’achat (pour les biens achetés en l’état), soit, par le prix de revient (pour les biens construits, extraits, fabriqués ou transformés par l’entreprise), soit, par la valeur vénale au jour du transfert, soit, par le coût de revient HT pour les travaux immobiliers.

c / Taux : taux applicable au bien qui fait l’objet de la LASM.

d / Fait générateur / Exigibilité : date de la première utilisation du bien.

e / Déduction :

  • pour les LASM de biens affectés aux besoins de l’entreprise, la taxe est, selon les cas, soit non déductible (cas des biens exclus du droit à déduction), soit déductible seulement partiellement (cas des biens ayant un coefficient de déduction inférieur à 1),
  • pour les LASM de biens affectés à des besoins autres que ceux de l’entreprise, la taxe n’est jamais déductible.

f / Déclaration : à déclarer à la ligne « Autres opérations imposables » de la déclaration de chiffre d’affaires ; le défaut de déclaration donne lieu à l’application d’une amende de 5 % calculée sur le montant de la TVA déductible multiplié par le rapport existant entre les dépenses non grevées de TVA et la totalité de la base d’imposition.

II – Les livraisons à soi-même de services

Les LASM de services ou prestations de services à soi-même (PSASM) sont, en vertu de l’article 257 – II – 2 du CGI, imposables dans deux grandes hypothèses (A) et selon certaines modalités (B).

A – Les cas d'imposition

a / Champ d’application : l’opération par laquelle un assujetti réalise une prestation de services à partir de biens ou d’éléments lui appartenant ou celle par laquelle il rend une prestation de services à titre gratuit est imposable en tant que LASM si deux conditions cumulatives sont remplies :

  • les prestations doivent, d’abord, être faites pour des besoins autres que ceux de l’entreprise (tels que les besoins privés de l’exploitant, de dirigeants, d’associés, du personnel, de tiers ou à toutes autres fins étrangères à l’entreprise),
  • et, la taxe ayant grevé les biens ou les éléments utilisés pour réaliser ces prestations doit avoir ouvert droit à une déduction totale ou partielle.

b / Exemples :

  • dirigeant d’une entreprise qui utilise un ordinateur professionnel pour ses besoins privés,
  • prestations de conseil rendues gratuitement par un cabinet d’avocats à l’un de ses dirigeants.

B – Les modalités d'imposition

a / Redevable : l’assujetti redevable.

b / Base d’imposition : elle est constituée par le prix de revient du service, c’est-à-dire la valeur hors taxe des biens (autres que les immobilisations) et des services utilisés pour la réalisation de la prestation (pour autant qu’ils aient ouvert droit à déduction) ; en cas d’usage d’un bien immobilisé (ayant ouvert droit à déduction), il est également tenu compte de l’amortissement linéaire correspondant à la durée d’utilisations du bien.

c / Taux : taux applicable au service qui fait l’objet de la LASM.

d / Fait générateur / Exigibilité : date d’exécution du service.

e / Déduction : dans la mesure où le service est rendu pour des besoins autres que ceux de l’entreprise, la TVA résultant de la taxation de la LASM de service n’est jamais déductible.

f / Déclaration : à déclarer à la ligne « Autres opérations imposables » de la déclaration de chiffre d’affaires ; le défaut de déclaration donne lieu à l’application d’une amende de 5 % calculée sur le montant de la TVA déductible multiplié par le rapport existant entre les dépenses non grevées de TVA et la totalité de la base d’imposition.