La TVA sur les opérations immobilières (fiche thématique)

Introduction

L’article 16 de la loi de finances rectificative pour 2010 (n° 2010-237 du 09/03/2010) a institué, à compter du 11/03/2010, de nouvelles règles applicables en matière de TVA sur les opérations immobilières. L’objectif majeur de cette réforme était de mettre le droit national en conformité avec la directive communautaire n° 2006/112/CE du 28/11/2006 (dite « directive TVA »).

Auparavant, les opérations immobilières relevaient d’un régime spécifique, appelé « TVA immobilière ». Désormais, ces opérations entrent dans le régime de droit commun de la TVA défini à l’article 256 du CGI (Code général des impôts). Par suite, les règles applicables varient selon que le vendeur est ou non assujetti à la TVA.

Dans l’hypothèse où la vente est réalisée par un non assujetti, l’opération se situe en dehors du champ d’application de la TVA. Elle n’est donc pas imposable. Il n’est fait exception à cette règle de la non-taxation des opérations réalisées hors d’une activité économique que pour certaines livraisons à soi-même de logements sociaux.

Seules sont imposables à la TVA, les livraisons d’immeubles réalisées par des assujettis dès lors, bien évidemment, que, conformément aux dispositions de l’article 256 du CGI, ces livraisons sont effectuées à titre onéreux par des assujettis agissant en tant que tel dans le cadre d’une activité économique (entreprises, professionnels de l’immobilier ou non, marchands de biens, lotisseurs, …). Ce préalable n’est, cependant, pas suffisant. La taxation effective à la TVA dépend, en effet, en plus, de la nature du bien cédé. C’est, ainsi, que les livraisons de terrains à bâtir et d’immeubles neufs sont taxables de plein droit, quand les livraisons de terrains non à bâtir et d’immeubles anciens sont, au contraire, exonérées de TVA (sauf option de l’assujetti).

Il convient, donc, d’étudier, dans une première partie, les opérations imposables de plein droit (I), d’analyser, dans une seconde partie, les opérations exonérées, mais imposables sur option (II) et de terminer par l’étude des livraisons à soi-même d’immeubles neufs (III). Ces considérations ne visent, bien sûr, que les opérations qui satisfont, au préalable, aux conditions générales de l’article 256 du CGI.

I – Les opérations imposables de plein droit

Sont imposables de plein droit à la TVA (art. 257 – I - 1 et 2 du CGI), les livraisons de terrains à bâtir (A) et les livraisons d’immeubles bâtis neufs (B). Sont, également, automatiquement taxables à la TVA, les opérations portant sur certains droits immobiliers afférents à ces deux catégories de biens : droits démembrés (nue-propriété et usufruit), droits indivis, servitudes, par exemple. Les droits en cause suivent, alors, le régime applicable à l’immeuble auquel ils se rapportent.

A - Les livraisons de terrains à bâtir

a / Champ d’application : l’ensemble des livraisons de terrains à bâtir (TAB) sont imposables de plein droit à la TVA ; les TAB peuvent être définis comme des terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en vertu des règles d’urbanisme (plan local d’urbanisme – PLU, carte communale, notamment) ; sont son incidence tant l’intention de l’acquéreur du terrain que l’utilisation qui en est effectivement faite.

b / Redevable : il s’agit toujours du vendeur.

c / Base imposable : celle-ci dépend du traitement fiscal appliqué à l’acquisition initiale du bien par le vendeur :

  • si le terrain a ouvert droit à déduction lors de l’acquisition par le cédant, l’imposition s’effectue sur le prix total exprimé dans l’acte (ou sur la valeur vénale du terrain si elle est supérieure dans le cadre d’un contrôle fiscal),
  • si le terrain n’a pas ouvert droit à déduction lors de l’acquisition par le cédant (principalement lorsque l’acquisition n’était pas soumise à la TVA), la taxation a pour base la marge : celle-ci est égale à la différence entre le prix de vente et le prix d’acquisition (prix d’achat du bien + frais accessoires),
    • la taxation sur la marge n’est, cependant, applicable que si le bien revendu est identique au bien acquis quant à sa qualification juridique (CE, 27/03/2020, n° 428234, SARL Promialp) : ainsi, le régime de la marge s’applique aux opérations de cession de TAB qui ont été acquis en vue de leur revente ; en revanche, lorsque l’acquisition initiale porte sur un immeuble bâti et que celui-ci fait l’objet d’une démolition, la vente du TAB qui résulte de cette opération ne peut bénéficier du régime de la marge et doit faire l’objet d’une taxation sur le prix total,
    • quant à la condition tenant à l’identité de caractéristiques physiques du bien acquis et du bien cédé, elle n’est plus exigée par l’administration : un TAB peut donc faire l’objet d’une division en vue de sa revente en plusieurs lots et bénéficier du régime de la marge (Rép. Vogel : Sénat 17/05/2018 n° 4171 ; Rép. Falorni : AN 24/09/2019 n° 1835).

d / Taux : taux normal (ou taux réduit en matière de logement social).

e / Fait générateur / Exigibilité : au moment de la livraison, c’est-à-dire du transfert du droit de disposer du bien comme un propriétaire (date de l’acte de vente).

f / Déduction : application des règles de droit commun.

g / Déclaration : la mutation doit être portée sur la déclaration établie au titre du mois ou du trimestre au cours duquel elle est intervenue.

B - Les livraisons d'immeubles bâtis neufs

a / Champ d’application : l’ensemble des livraisons d’immeubles bâtis neufs sont imposables de plein droit à la TVA ; cette catégorie de biens englobe :

  • les immeubles achevés depuis moins de 5 ans (à compter du dépôt en mairie de la déclaration attestant de l’achèvement et de la conformité des travaux ou de la réunion des circonstances de fait qui rendent exigible cette déclaration) ; sont visés :
    • les constructions nouvelles,
    • les surévaluations d’immeubles existants,
    • et, les immeubles rénovés lorsque les travaux rendent à l’état neuf, soit, la majorité des fondations, soit, la majorité des éléments hors fondations déterminant la résistance et la rigidité de l’ouvrage, soit, la majorité de la consistance des façades hors ravalement, soit, l’ensemble des éléments de second œuvre dans une proportion au moins égale aux 2/3 pour chacun d’eux,
  • et, les immeubles à construire (ventes en l’état futur d’achèvement – VEFA).

b / Redevable : toujours le vendeur.

c / Base imposable : imposition sur le prix total exprimé dans l’acte (ou sur la valeur vénale si elle est supérieure dans le cadre d’un contrôle fiscal).

d / Taux : taux normal (ou taux réduit en matière de logement social).

e / Fait générateur / Exigibilité : au moment de la livraison pour les immeubles achevés, c’est-à-dire du transfert du droit de disposer du bien comme un propriétaire (date de l’acte de vente) ; lors de chaque versement pour les VEFA.

f / Déduction : application des règles de droit commun.

g / Déclaration : la mutation doit être portée sur la déclaration établie au titre du mois ou du trimestre au cours duquel elle est intervenue.

II – Les opérations exonérées, mais imposables sur option

Les livraisons de terrains qui ne sont pas à bâtir (A) et d’immeubles achevés depuis plus de 5 ans (B) sont, par principe, exonérées de TVA (art. 261 – 5 du CGI). Cependant, les livraisons de ces deux types de biens peuvent, sur option de l’assujetti, être soumises à la TVA (art. 260 – 5° bis du CGI). Les mêmes règles s’appliquent aux opérations portant sur des droits assimilés à de tels immeubles (voir infra).

A - Les livraisons de terrains qui ne sont pas à bâtir

Les terrains qui ne sont pas à bâtir correspondent à tous les terrains qui ne répondent pas à la définition des TAB. La livraison de tels biens peut, du point de vue de la TVA, faire l’objet de deux traitements :

  • par principe, la vente de ces biens est exonérée de TVA,
  • cependant, l’assujetti peut, sur option, décider de soumettre la cession du bien à la TVA : l’option s’opère terrain par terrain et doit être exprimée dans l’acte de vente.

Dans l’hypothèse où une option pour l’assujettissement à la TVA a été effectuée, les règles suivantes s’appliquent.

a / Redevable : toujours le vendeur.

b / Base imposable : imposition sur le prix total exprimé dans l’acte (ou sur la valeur vénale si elle est supérieure dans le cadre d’un contrôle fiscal).

c / Taux : taux normal.

d / Fait générateur / Exigibilité : au moment de la livraison, c’est-à-dire du transfert du droit de disposer du bien comme un propriétaire (date de l’acte de vente).

e / Déduction : application des règles de droit commun ; en l’absence d’option, aucune TVA n’est déductible ; en cas d’option, la TVA déductible n’est récupérable qu’au moment de la cession du bien qui formalise ce choix.

f / Déclaration : la mutation doit être portée sur la déclaration établie au titre du mois ou du trimestre au cours duquel elle est intervenue.

B – Les livraisons d'immeubles bâtis anciens

Les immeubles bâtis anciens correspondent à tous les immeubles achevés depuis plus de 5 ans (à compter du dépôt en mairie de la déclaration attestant de l’achèvement et de la conformité des travaux ou de la réunion des circonstances de fait qui rendent exigible cette déclaration). La livraison de tels biens peut, ici aussi, faire l’objet de deux traitements en TVA :

  • par principe, la vente de ces biens est exonérée de TVA,
  • cependant, l’assujetti peut, sur option, décider de soumettre la cession du bien à la TVA : l’option s’opère immeuble par immeuble et doit être exprimée dans l’acte de vente.

Dans l’hypothèse où une option pour l’assujettissement à la TVA a été effectuée, les règles suivantes s’appliquent.

a / Redevable : toujours le vendeur.

b / Base imposable : celle-ci est fonction du traitement fiscal appliqué à l’acquisition initiale du bien par le vendeur :

  • si l’immeuble a ouvert droit à déduction lors de l’acquisition par le cédant, l’imposition s’effectue sur le prix total exprimé dans l’acte (ou sur la valeur vénale du bien si elle est supérieure dans le cadre d’un contrôle fiscal),
  • si l’immeuble n’a pas ouvert droit à déduction lors de l’acquisition par le cédant (principalement lorsque l’acquisition n’était pas soumise à la TVA), la taxation a pour base la marge : celle-ci est égale à la différence entre le prix de vente et le prix d’acquisition (prix d’achat du bien + frais accessoires) ; dans la lignée de l’arrêt SARL Promialp (voir I – A), le régime de la marge ne s’applique, cependant, pas dans le cas d’une cession d’un immeuble achevé depuis plus de 5 ans lorsque le bien n’a pas été acquis en l’état d’immeuble bâti.

c / Taux : taux normal (ou taux réduit en matière de logement social).

d / Fait générateur / Exigibilité : au moment de la livraison, c’est-à-dire du transfert du droit de disposer du bien comme un propriétaire (date de l’acte de vente).

e / Déduction : application des règles de droit commun ; en l’absence d’option, aucune TVA n’est déductible ; en cas d’option, la TVA déductible n’est récupérable qu’au moment de la cession du bien qui formalise ce choix.

f / Déclaration : la mutation doit être portée sur la déclaration établie au titre du mois ou du trimestre au cours duquel elle est intervenue.

III – Les livraisons à soi-même d'immeubles neufs

Le régime des livraisons à soi-même (LASM), qui consiste à considérer, par une sorte de fiction fiscale, que le redevable est, à la fois, client et fournisseur du bien, trouve à s’appliquer en matière de livraisons d’immeubles neufs construits par des assujettis.  En la matière, le régime varie selon que l’immeuble a été achevé avant ou après le 22 décembre 2014.

Pour les immeubles achevés avant cette date, la LASM était taxable de plein droit s’ils n’étaient pas revendus dans le délai de 2 ans à compter de leur achèvement (quelle que soit leur destination).

Pour ceux achevés après cette date, le constat d’une LASM n’est plus obligatoire que dans une hypothèse bien spécifique dont les règles d’imposition sont les suivantes.

a / Champ d’application : l’imposition à la TVA de la LASM des immeubles neufs est exigée lorsque les immeubles sont construits en vue de leur affectation à l’exploitation de l’assujetti et que celui-ci ne peut déduire intégralement la TVA qui les grève du fait d’une exclusion ou d’une limitation du droit à déduction liée à l’activité réalisée (art. 257 – II – 1 – 2° du CGI) ; en revanche, pour les immeubles neufs ouvrant droit à déduction intégrale de la TVA, aucune LASM n’a plus à être constatée.

b / Redevable : l’assujetti qui construit lui-même l’immeuble ou qui en a confié la construction, pour son compte, à des tiers.

c / Base imposable : c’est le prix de revient total des immeubles : coût des constructions, coût des terrains, frais généraux, taxes et redevances dus par les constructeurs et frais financiers (sauf, dans ce dernier cas, pour les immeubles destinés à l’habitation).

d / Taux : taux normal (ou taux réduit en matière de logement social).

e / Fait générateur / Exigibilité : à la date de la livraison de l’immeuble qui intervient lors du dépôt en mairie de la déclaration attestant de l’achèvement et de la conformité des travaux (ou de la réunion des circonstances de fait qui rendent exigible cette déclaration).

f / Déduction : le régime des déductions se décompose en deux grandes phases :

  • dans un premier temps, l’assujetti déduit la TVA qui a grevé les dépenses de construction (acquisition du terrain, travaux, …) : cette TVA est, en effet, déductible dans la mesure où les dépenses sont engagées pour la réalisation d’une opération soumise à la TVA, en l’occurrence la LASM,
  • dans un second temps, lors de la liquidation de la LASM, la TVA qui grève cette dernière est, selon le cas, non déductible (cas notamment des immeubles affectés à une activité n’ouvrant pas droit à déduction), soit déductible seulement partiellement (cas des immeubles affectés à une activité ouvrant partiellement droit à déduction).

g / Déclaration : deux obligations déclaratives s’imposent au constructeur :

  • dans le mois qui suit la date du dépôt en mairie de la déclaration d’achèvement et de conformité des travaux, il doit informer l’administration, par un imprimé n° 940, de la date à laquelle est intervenu l’achèvement de l’immeuble,
  • puis, il doit déclarer et liquider la TVA due sur la LASM dans un délai qui court jusqu’au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle au cours de laquelle est intervenu l’achèvement.