La jurisprudence SA Mitsukoshi France (fiche thématique)

Introduction

Si la plupart des ventes et des prestations de services fournies par un assujetti à la TVA à des clients donnent lieu à une facturation tout à fait régulière, comportant, à la fois, le montant hors taxes (HT), la TVA et le montant toutes taxes comprises (TTC), il arrive que certaines opérations comportent un prix sans indication de la TVA. La question se pose, alors, de savoir si ce prix doit s'entendre « taxe comprise » ou « hors taxe ».

Cette question revêt un intérêt majeur dans le cadre des contrôles fiscaux où il convient d’évaluer le montant de la TVA omise sur des opérations imposables non soumises à la TVA lors de leur réalisation ou sur des opérations soumises à la TVA à un taux erroné. Le Conseil d’Etat est venu répondre à cette question dans un arrêt resté célèbre pour ses implications fiscales (CE, 28/07/1993, SA Mitsukoshi France, n° 62865 ; commenté au BOFIP n° BOI-TVA-BASE-10-20-20 du 12/09/2012 n° 70 et s.). Les règles posées par cette décision varient selon que le redevable de la TVA est le vendeur du bien / prestataire de service ou l’acquéreur du bien / bénéficiaire du service. En principe, le prix est considéré comme TTC dans le premier cas et HT dans le second.

Il est, alors, possible d’analyser, d’une part, les principes posés par la jurisprudence SA Mitsukoshi France (I) et, d’autre part, les modalités de mise en œuvre de ces principes (II).

I - Les principes dégagés par la jurisprudence SA Mitsukoshi France

Dans sa décision SA Mitsukoshi France, le Conseil d’Etat juge que la base d'imposition à la TVA est déterminée à partir du prix convenu entre les parties. Le prix convenu entre les parties est le prix ferme et définitif, c’est-à-dire le prix dont le vendeur ou le prestataire peut exiger le paiement de son client en application des règles de droit privé. Ce prix est considérée comme TTC ou HT selon que le redevable est le vendeur / prestataire ou l’acquéreur / bénéficiaire.

Ainsi, lorsque le redevable de la TVA est le vendeur du bien ou le prestataire de service, la base d'imposition est égale au prix convenu ferme et définitif diminué de la taxe exigible sur l'opération. En d’autres termes, le prix est, ici, considéré comme TTC. Dès lors, pour calculer le rappel de TVA, il convient de ramener ce prix TTC à un prix HT et de lui appliquer le taux adéquat. La TVA due est, ainsi, calculée « en dedans ».

Dans le cas contraire, c’est-à-dire lorsque le redevable de la TVA est l'acquéreur du bien ou le bénéficiaire du service, la base d'imposition est égale au prix convenu ferme et définitif. Autrement dit, le prix est considéré comme un prix HT. Ici, pour calculer le rappel de TVA, il suffit d’appliquer au prix le taux de TVA correspondant. On dit que la TVA due est calculée « en dehors ».

Ces principes peuvent être affectés par la présence au sein du contrat d’une stipulation expresse par laquelle les parties conviennent de faire supporter la charge de la TVA à la partie qui n'en est pas le redevable légal (bien entendu, cette stipulation est sans influence pour la détermination du redevable au sens de la loi fiscale). Sans cette stipulation, les règles de droit privé ne permettent pas au redevable légal de la TVA d’exiger de l'autre partie qu'elle supporte la charge de la TVA.

II – La mise en œuvre des principes dégagés par la jurisprudence SA Mitsukoshi France

La jurisprudence SA Mitsukoshi France voit ses modalités de mise en œuvre varier selon qu’il s’agit d’opérations imposables non soumises à la TVA lors de leur réalisation (A) ou d’opérations soumises à la TVA à un taux erroné inférieur au taux légal (B).

A – L'hypothèse des opérations imposables non soumises à la TVA lors de leur réalisation

Lorsque des opérations imposables n'ont pas, à tort, été soumises à la TVA, cette situation peut être rectifiée soit par le service des impôts, soit par le redevable lui-même. Les règles diffèrent selon que le redevable est le vendeur / prestataire (1) ou l’acquéreur / bénéficiaire (2).

1 – Le redevable de la TVA est le vendeur ou le prestataire

Lorsque le redevable d'une opération imposable qui n'a pas été soumise à la TVA est le vendeur ou le prestataire, le prix convenu, sans indication de TVA, doit toujours être considéré comme TTC même si le prix est expressément mentionné hors taxe (par exemple, ventes en franchise, ventes à l'exportation, …). Il convient, alors, de ramener ce prix TTC en un prix HT et d’appliquer à la base ainsi déterminée le taux de TVA correspondant.

Un exemple permettra de comprendre les modalités de calcul de la TVA sur de telles opérations. Soit un matériel vendu 120 € sans être taxé à la TVA comme il aurait dû l’être. Pour calculer la TVA omise, il convient d’appliquer la formule suivante : (120 X 100 / 120) X 20 % = 20 €.

Dans de telles situations, le vendeur ou le prestataire ne peut pas, au regard du droit privé, exiger de son client le paiement d'une somme égale au montant de la TVA qu'il doit acquitter au Trésor. Il doit, en revanche, délivrer à son client une facture rectificative qui annule et remplace la précédente mentionnant la TVA dans les conditions prévues à l'article 289 du CGI s'il est soumis à une obligation de facturation en application de cet article. Le client est autorisé à déduire, dans les conditions habituelles, la taxe ainsi mentionnée sur la facture délivrée par son fournisseur jusqu'au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de la facturation rectificative.

Il est fait exception à ce principe dans l’hypothèse où les parties ont, expressément, convenu d'ajouter au prix mentionné, en cas d'assujettissement à la TVA de l'opération, un supplément de prix égal au montant de la TVA. Ici, la base d'imposition est, alors, égale au montant total du prix mentionné et celui-ci est considéré comme HT. En effet, dans ce cas, le prix convenu ferme et définitif qui résulte du contrat est le prix stipulé majoré du supplément expressément prévu, et ceci même si la facture complémentaire n'a pas encore été délivrée. Dans cette situation, le vendeur ou le prestataire peut exiger de son client le paiement du supplément égal au montant de la TVA. Le vendeur ou le prestataire délivre, alors, une facture rectificative pour le montant total de l'opération.

2 – Le redevable de la TVA est l’acquéreur du bien ou le bénéficiaire du service

Cette hypothèse concerne certaines prestations de services intra-communautaires, les acquisitions intra-communautaires taxables, les livraisons consécutives à une acquisition intra-communautaire imposées en France, les biens ou services reçus à tort en franchise ou, encore, la sortie de biens d'un régime douanier ou d'un entrepôt fiscal.

Dans ces situations, lorsqu'une opération imposable n'a pas été soumise à la TVA, le prix convenu ferme et définitif doit toujours être considéré comme HT au moment de la constatation du caractère imposable de l'opération. En effet, même dans le cas exceptionnel où le vendeur ou le prestataire aurait, par une stipulation expresse, accepté, en cas d'imposition à la TVA, d'accorder à son client une réduction de prix d'un montant égal à la TVA, cette réduction de prix ne pourrait pas être prise en compte en l'absence de facture rectificative.

B – L'hypothèse des opérations soumises à la TVA à un taux erroné inférieur au taux légal

Les principes dégagés par la jurisprudence SA Mitsukoshi France s'appliquent de la même façon lorsqu'il s'avère qu'une opération imposable a été soumise à la TVA à un taux erroné. La base d'imposition au taux légalement applicable doit être déterminée compte tenu du prix convenu ferme et définitif et ce prix doit être diminué du montant de la TVA légalement exigible sur l'opération si le redevable de la TVA est le vendeur ou le prestataire. En d’autres termes, le prix est, ici, réputé TTC.

Par exemple, un bien, d’un montant de 100 € HT, a été facturé au taux réduit de 5,5 % (au lieu du taux de 20 %), soit un total TTC de 105,50 €. Le calcul de la TVA omise du fait de l’erreur de taux est le suivant : (105,50 X 100 / 120) X 20 % = 17,58 €.