Introduction
Dans nos sociétés occidentales, les préoccupations environnementales et la question du réchauffement climatique prennent de plus en plus de place dans nos politiques publiques. Comme le rappelle l’auteur et avocat Paul Baumann qui y a consacré sa thèse, « le droit à un environnement sain ne figure pas dans le texte de la Convention européenne des droits de l'homme. Cela n'a pourtant pas empêché le juge européen (…) d'ériger progressivement un système de protection permettant d'en corriger l'absence » (P. BAUMANN, Le droit à un environnement sain et la Convention européenne des droits de l’Homme, LGDJ, 2021). En effet, sans prévoir expressément ce droit, la Cour européenne des droits de l’Homme ne rejette pas la possibilité que l’exercice de certains droits garantis par la Convention soit pour autant compromis par un environnement dégradé.
Sur ce sujet, la Cour a notamment eu à se prononcer récemment dans le cadre de trois affaires pour lesquelles les chambres initialement saisies se sont dessaisies au profit de la Grande chambre. Sans joindre ces affaires, ces dessaisissements témoignent à la fois de leur importance et de leur difficulté. Elles donneront ainsi lieu à trois arrêts rendus le même jour.
Dans la première affaire concernant la Confédération helvétique, la Cour a été saisie par quatre vieilles dames membres d’une association dont le cœur de préoccupation est le réchauffement climatique et ses conséquences sur la santé et les conditions de vie. En 2016, elles avaient saisi le Conseil fédéral et d’autres autorités suisses alléguant d’omissions de la part de l’État en matière environnementale et appelant à respecter les termes de l’Accord de Paris sur le climat. Les citoyennes suisses ont été déboutées de leurs différentes requêtes, avant de saisir la Cour arguant de différentes violations à l’encontre du droit à la vie, du droit au procès équitable et du droit à un recours effectif.
Dans la seconde affaire concernant la France, le requérant était maire de Grande-Synthe, pendant une vingtaine d’années, puis député européen écologiste depuis 2019. Sa commune apparait particulièrement exposée aux risques climatiques, notamment le risque d’inondation. Le maire avait saisi les membres de l’exécutif (Président de la République, Premier ministre…) pour que l’État prenne de nouvelles mesures notamment sur les émissions de gaz à effet de serre. Le 23 janvier 2019, en l’absence de réponse des autorités, le requérant, agissant en son nom personnel et en sa qualité de maire de la commune de Grande-Synthe, au nom et pour le compte de celle-ci, saisit le Conseil d’État d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation des décisions implicites de rejet nées du silence gardé par les autorités sur leurs demandes. Si le Conseil d’État reconnait l’intérêt à agir de la commune de Grande-Synthe et enjoint à l’État d’agir pour faire respecter les règlementations environnementales et infléchir les émissions de gaz à effet de serre de la France, la haute-juridiction précise que la qualité de maire « ne suffit pas à lui donner intérêt pour agir, pas plus que le fait que sa résidence actuelle est implantée dans une zone susceptible d’être inondée annuellement en 2040 : rien n’indique quelle sera la résidence de l’intéressé dans les années à venir, de plus fort dans 20 ans ou plus, de sorte que son intérêt parait affecté de façon trop incertaine sur ce point ». En ce sens, il saisit la Cour européenne des droits de l’Homme, alors même qu’il n’habite plus la commune en question.
Dans la troisième affaire concernant le Portugal, six jeunes requérants se plaignent des graves effets déjà visibles du changement climatique. S’appuyant sur différents textes internationaux et sur certains droits de la Convention, les requérants saisissent la Cour sur le fondement de l’article 34 dans une requête dirigée contre le Portugal, mais aussi contre trente-deux autres États (la République d’Autriche, le Royaume de Belgique, la République de Bulgarie, la Confédération suisse, la République de Chypre, la République tchèque, La République fédérale d’Allemagne, Le Royaume de Danemark, le Royaume d’Espagne, la République d’Estonie, La République de Finlande, la République française, le Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord, la République hellénique, la République de Croatie, la République de Hongrie, l’Irlande, la République italienne, la République de Lituanie, le Grand-Duché de Luxembourg, la République de Lettonie, la République de Malte, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Norvège, la République de Pologne, la Roumanie, la Fédération de Russie, la République slovaque, la République de Slovénie, le Royaume de Suède, la République de Türkiye et l’Ukraine).
Bien que la Cour de Strasbourg conclue à la violation de plusieurs droits de la Convention seulement pour la requête dirigée contre la Suisse, elle reconnait ainsi plus précisément le droit à vivre dans un environnement sain (I). Pour autant, la Cour fait aussi preuve de retenues en autolimitant son contrôle en la matière (II).
I - La reconnaissance du droit à vivre dans un environnement sain
Avant tout, la Cour rappelle les articles de la Convention sur lesquels peuvent s’appuyer les requêtes en la matière (A), tout en dégageant des obligations positives incombant aux États parties (B).
A - Le fondement de la mise en cause de l'exercice de certains droits garantis par la CEDH du fait d'un environnement dégradé
Le premier article de la Convention sur lequel il pourrait être opportun de se fonder est évidemment l’article 2 qui garantit le droit à la vie (1), mais aussi de façon plus surprenante l’article 8 qui garantit un droit à la protection effective (2).
1 - Le fondement du droit à la vie : l’article 2
L’article 2 de la Convention prévoit notamment que « le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi ». Cette disposition est régulièrement invoquée dans l’ensemble – ou presque – des requêtes introduites à l’encontre d’États signataires en ce qui concerne le dérèglement climatique et le droit à vivre dans un environnement sain (v. par exemple : CEDH, 1er décembre 2022, Humane Being et a. c/ Royaume-Uni, n° 36959/22 ; CEDH, 13 décembre 2022, Plan B. Earth et a. c/ Royaume-Uni, n° 35057/22). Dans l’une des affaires étudiées, celle concernant la France, le requérant fait observer que l’article 2 de la Convention trouve à s’appliquer « dans la mesure où de tels phénomènes climatiques peuvent s’avérer mortels ».
Dans l’ensemble des affaires étudiées, les États invoquent toutefois que les requérants dans leur ensemble ne démontrent pas l’existence d’un risque imminent pour leur vie, un élément recherché dans l’application de ce droit par la Cour. Dès lors, les juges de Strasbourg préfèrent se fonder plus sereinement sur les dispositions de l’article 8 pour condamner la Suisse et reconnaitre sa violation.
2 - Le fondement d’un droit à la protection effective : l’article 8
L’article 8 de la Convention prévoit notamment que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». À première vue, il peut apparaitre surprenant de retenir plutôt cet article que l’article 2 sur le droit à la vie. Mais la Cour rappelle, notamment dans le cadre de la condamnation de la Confédération helvétique, qu’elle a déjà eu l’occasion d’étudier plusieurs affaires environnementales sous l’angle de l’article 8.
Dès lors, elle consacre « que le champ de la protection assurée par l’article 8 de la Convention s’étend aux effets négatifs que des dommages ou risques de dommages environnementaux d’origines diverses entraînent sur la santé, le bien‑être et la qualité de vie des personnes. De même, la Cour déduit de l’article 8 l’existence d’un droit pour les individus de bénéficier de la protection effective des autorités de l’État contre les effets négatifs graves sur leur vie, leur santé, leur bien-être et leur qualité de vie qui résultent des conséquences et risques néfastes liés au changement climatique ». La question du domicile est ici particulièrement importante, car la Cour n’hésite pas – suivant le Conseil d’État – à relever, dans l’affaire introduite contre la France par l’ancien maire de Grande-Synthe, que le requérant n’habitant plus au domicile initial ne peut se prévaloir des risques climatiques affectant ce lieu.
B - Les obligations positives découlant de la reconnaissance du droit à vivre dans un environnement sain
La Cour a pu notamment évoquer le contenu général résultant des obligations positives en la matière et pesant sur les États (1). Il faut par la suite s’intéresser à l’appréciation de ces obligations en l’espèce (2).
1 - Le contenu général découlant d’obligations positives en la matière
D’une façon très générale, il est courant que la Cour définisse notamment les obligations positives des États de la façon suivante :
-Les États sont tenus par une obligation positive de mettre en place un cadre législatif et administratif pertinent visant à protéger de manière effective la vie et la santé humaines. Ils ont en particulier l’obligation de mettre en place une réglementation adaptée aux spécificités de l’activité en cause, notamment au niveau de risque qui pourrait en résulter.
- Les États sont également tenus d’appliquer concrètement et de manière effective le cadre ainsi mis en place. En effet, une réglementation ayant pour objet la protection des droits garantis n’a guère d’utilité si elle n’est pas dûment observée, la Convention visant à protéger des droits effectifs et non illusoires.
- L’État est tenu par une obligation positive de donner accès aux informations essentielles qui sont de nature à permettre aux individus d’apprécier les risques pesant sur leur santé et leur vie.
Au-delà, la jurisprudence de la Cour vient évidemment étayer ce tableau très général. Elle rappelle en particulier que « s’il ne lui appartient pas de déterminer précisément ce qui aurait dû être fait, la Cour peut évaluer si les autorités ont abordé la question avec la diligence requise et pris en considération tous les intérêts concurrents » (v. par exemple : CEDH, 25 nov. 2010, Mileva et a. c/ Bulgarie, n° 43449/02). L’État bénéficie évidemment d’une certaine marge d’appréciation qui sera évoquée ensuite, mais il appartient à la Cour de mener la constatation du bien-fondé des décisions étatiques en fonction des éléments recueillis in concreto.
2 - L’appréciation des obligations positives en l’espèce
Pour apprécier la diligence avec laquelle l’État incriminé a opéré, en particulier pour ce qui concerne le dérèglement climatique et les questions environnementales, la Cour ne va pas hésiter à se fonder très largement sur des données scientifiques. Souvent, des associations ou groupements scientifiques sont amenés à intervenir, de même que les requêtes sont souvent fondées sur ce type de travaux.
En l’espèce, pour ce qui concerne la Suisse, la Cour a relevé notamment l’entrée en vigueur d’une loi en 2013 qui imposait à l’horizon 2020 que les émissions de gaz à effet de serre soient réduites de 20% par rapport aux chiffres de 1990. Toutefois, la Cour constate que « sur la période 2013-2020, la Suisse a réduit ses émissions d’environ 11 % par rapport aux niveaux de 1990, ce qui montre l’insuffisance des efforts passés des autorités pour prendre les mesures nécessaires face au changement climatique ». En 2017, le Conseil fédéral avait proposé un nouveau texte visant à réduire drastiquement les émissions sur la période 2020-2030, mais cette réforme a été rejetée par référendum en juin 2021. Depuis, la baisse des émissions de gaz à effet de serre s’est très (trop) lentement poursuivie, et ce malgré quelques actions menées en outre par l’État. Pour les juges de Strasbourg, le constat est donc intransigeant : « Le processus de mise en place par les autorités suisses du cadre réglementaire interne pertinent a comporté de graves lacunes, notamment un manquement desdites autorités à quantifier, au moyen d’un budget carbone ou d’une autre manière, les limites nationales applicables aux émissions de GES. En outre, la Cour a relevé que, de l’aveu des autorités compétentes, l’État n’avait pas atteint ses objectifs passés de réduction (…) l’État défendeur a outrepassé les limites de sa marge d’appréciation et manqué aux obligations positives qui lui incombaient en la matière ».
II - L'action limitée de la CEDH quant au droit à vivre dans un environnement sain
Si elle reconnait des obligations découlant du droit à vivre dans un environnement sain, qu’elle consacre plus largement en cette occasion, la Cour de Strasbourg vient tout de même encadrer son action. Elle se montre particulièrement exigeante sur deux points : la recevabilité des requêtes en la matière (A) et la protection de la marge d’appréciation laissée aux États dans ce domaine (B).
A - La difficile recevabilité des requêtes en la matière : les exigences de la Cour
La recevabilité des requêtes en la matière s’avère souvent délicate du fait notamment des exigences de la Cour en matière d’intérêt à agir (1) et des difficultés engendrées par le difficile établissement d’un lien de causalité (2).
1 - La délicate question de l’intérêt à agir
La qualité de victime des requérants et de l’intérêt à agir qui en résulte, dans le cadre des contentieux environnementaux devant la CEDH, ne sont pas toujours aisés à démontrer. Les juges de Strasbourg y sont particulièrement attentifs pour éviter les contentieux politiques « d’opportunité ». Dans l’affaire contre la République française, la Cour rappelle que « eu égard au fait que toute personne, ou presque, pourrait avoir une raison légitime de ressentir une forme d’anxiété face aux risques futurs d’effets néfastes du changement climatique, juger que le requérant puisse prétendre à cette qualité de victime rendrait difficile de distinguer la défense des intérêts poursuivie par la voie de l’actio popularis – laquelle n’est pas reconnue dans le système de la Convention – des situations où il existe un besoin impérieux d’assurer la protection individuelle d’un requérant contre les atteintes que les effets du changement climatique pourraient porter à la jouissance de ses droits fondamentaux » (§ 84). Dans l’affaire contre la Confédération helvétique, la Cour a reconnu l’intérêt à agir de l’association requérante. Elle a eu l’occasion de rappeler que « dans les sociétés actuelles, lorsque les citoyens sont confrontés à des actes administratifs spécialement complexes, le recours à des entités collectives telles que les associations représente l’un des moyens accessibles, parfois le seul, dont ils disposent pour assurer une défense efficace de leurs intérêts particuliers. Cela vaut particulièrement face au changement climatique, qui est un phénomène mondial et complexe » (§ 489). Cette association démontre son intérêt à agir, car elle a pour objet de veiller aux difficultés des personnes âgées, particulièrement vulnérables face au changement climatique. La Cour s’appuie d’ailleurs sur des données scientifiques pour rappeler que la mortalité des personnes âgées, entre autres, est plus importante face aux phénomènes climatiques extrêmes. La CEDH trouve donc un certain équilibre entre une définition trop large de la victime et une définition, au contraire, qui serait trop formaliste et empêcherait tout recours. Dans l’affaire face au Portugal et à plusieurs dizaines de pays européens, l’intérêt à agir des requérants est difficile à démontrer, car ces derniers ne résident que sur le seul territoire portugais et n’y ont d’ailleurs pas épuisé toutes les voies de recours dites « internes ».
2 - La délicate question du lien de causalité
Au-delà, la question du lien de causalité est souvent difficile à poser lorsque les requérants recherchent à s’appuyer sur les conséquences dommageables qui proviendraient de l’inaction ou de l’action insuffisante de l’État en matière de dérèglement climatique. Plus globalement, la Cour rappelle que pour relever de la catégorie des victimes directes, le requérant doit pouvoir démontrer qu’il a « subi directement les effets » de la mesure litigieuse. Dès lors, toute personne physique, organisation non gouvernementale ou groupe de particuliers doit pouvoir se prétendre victime d’une violation des droits garantis par la Convention. La Convention européenne n’autorise pas, pour autant, les particuliers ou les groupes de particuliers à se plaindre d’une disposition de droit interne simplement parce qu’il leur semble, sans qu’ils en aient directement subi les effets, qu’elle enfreint la Convention. En ce sens, dans la jurisprudence européenne, le lien de causalité entre un effet dommageable et l’action gouvernementale doit être démontré pour justifier d’un intérêt à agir. Pour autant, dans l’affaire contre la Suisse, les juges de Strasbourg rappellent leur nécessaire adaptation en la matière, toujours à la recherche d’un certain équilibre : « les effets néfastes et les risques pour des individus ou groupes d’individus particuliers vivant en un lieu donné résultent de l’ensemble des émissions mondiales de GES, et les émissions provenant d’un pays donné ne représentent qu’une partie des causes du dommage. Dès lors, le lien de causalité entre, d’une part, les actes ou omissions des autorités nationales d’un pays et, d’autre part, le dommage ou risque de dommage qui en découle dans ce pays est nécessairement plus ténu et indirect que dans le contexte d’une pollution dommageable ayant des origines locales. En outre, du point de vue des droits de l’homme, l’essence des obligations pertinentes de l’État en matière de changement climatique est liée à la réduction des risques de dommage pour les individus. À l’inverse, un défaut d’exécution de ces obligations entraîne une aggravation des risques en cause, même si l’exposition des individus à ces risques varie en termes de nature, de gravité et d’imminence, en fonction d’un ensemble de circonstances. Il s’ensuit que les questions relatives à la qualité de victime individuelle ou au contenu particulier des obligations de l’État ne peuvent pas être tranchées sur la base d’une stricte condition sine qua non » (§ 439).
B - La protection d'une marge d'appréciation importante laissée aux États parties
Si la CEDH n’hésite pas à reconnaitre le droit à vivre dans un environnement sain, elle ne manque pas non plus, notamment au nom du principe de subsidiarité (1), de laisser une marge de manœuvre confortable aux États notamment dans les moyens employés pour lutter contre le dérèglement climatique (2).
1 - Le principe de subsidiarité garantissant l’intervention étatique
En droit européen des droits de l’Homme, « le principe de subsidiarité est ainsi (…), l’expression d’une répartition claire des compétences et des responsabilités entre la Cour et les juridictions nationales » (Jean-Marc SAUVÉ, Conférence du 19 avril 2010). Plus globalement, en droit international et en droit de l’Union européenne, il permet aux autorités les mieux à même de le faire d’intervenir. Dans l’affaire contre la Suisse, la Cour n’hésite pas à rappeler que « conformément au principe de subsidiarité, c’est au premier chef aux autorités nationales qu’il incombe de garantir le respect des droits et libertés définis dans la Convention, et celles-ci disposent pour ce faire d’une marge d’appréciation soumise au contrôle de la Cour ». La jurisprudence a déjà eu l’occasion d’appliquer ce principe (CEDH, 6 novembre 2017, Garib c/ Pays-Bas, n° 43494/09).
Il faut faire remarquer, comme nous avons déjà pu l’évoquer, que des obligations incombent aux États du fait des droits découlant de l’article 8 de la Convention. À cet égard, il apparait que le devoir primordial de l’État est donc d’adopter, et d’appliquer à la fois effectivement et concrètement, une réglementation et des mesures à même d’atténuer les effets actuels et futurs, potentiellement irréversibles, du changement climatique. Pour autant, la Cour va veiller au respect d’un large pouvoir discrétionnaire, c’est-à-dire à une large marge d’appréciation aux États.
2 - Une marge d’appréciation laissée aux États, notamment dans les moyens utilisés
La Cour de Strasbourg tient, dans l’affaire contre la Suisse, un raisonnement en deux temps : les États doivent jouir effectivement d’une marge d’appréciation en la matière, d’une part sur l’engagement de l’État en faveur de la lutte contre le dérèglement climatique, avec des objectifs à atteindre, mais aussi d’autre part, sur le choix par l’État des moyens propres à atteindre ces objectifs. Pour la Cour, « concernant le premier point, la nature et la gravité de la menace, ainsi que le consensus général quant aux enjeux liés à la réalisation de l’objectif primordial que constitue une protection effective du climat par la fixation d’objectifs globaux de réduction des émissions de GES conformément aux engagements pris par les parties contractantes en matière de neutralité carbone, appellent une marge d’appréciation réduite pour les États. S’agissant du deuxième point, c’est-à-dire le choix des moyens, y compris les choix opérationnels et les politiques adoptées pour atteindre les objectifs et engagements fixés sur le plan international compte tenu des priorités et des ressources, les États devraient se voir accorder une ample marge d’appréciation » (§ 543).
Pour autant, les juges de Strasbourg sont assez intransigeants, notamment dans l’affaire contre la Suisse, en précisant que « pour rendre les choses réellement possibles et pour éviter de faire peser une charge disproportionnée sur les générations futures, il faut prendre des mesures immédiatement et fixer des objectifs de réduction intermédiaires appropriés pour la période lors de laquelle la neutralité nette devra être atteinte. Ces mesures doivent tout d’abord être intégrées dans un cadre réglementaire contraignant au niveau national, puis être mises en œuvre adéquatement » (§ 549).
Arrêts
CEDH, 9 avril 2024, Verein KlimaSeniorinnen Schweiz c./ Suisse, n°53600/20 :
https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22itemid%22:[%22001-233258%22]}
CEDH, 9 avril 2024, Carême c./ France, n° 7189/21 :
https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22itemid%22:[%22001-233175%22]}
CEDH, 9 avril 2024, Duarte Agostinho c./ Portugal et autres, n°39371/20 :
https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22itemid%22:[%22002-14301%22]}
