Introduction
L’article 49 alinéa 1 du Traité sur l’Union européenne prévoit que « Tout État européen qui respecte les valeurs visées à l'article 2 et s’engage à les promouvoir peut demander à devenir membre de l’Union » tandis que son article 50 dispose que « Tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union ».
L’Union européenne (UE) est une organisation composée de 27 États membres dont les relations sont régies par les traités sur l’Union européenne (TUE) et sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). L’Union européenne possède un certain nombre d’organes supranationaux et intergouvernementaux assurant son fonctionnement institutionnel et la mise en application du droit européen. Un État qui souhaiterait adhérer à l’Union européenne doit se plier à une procédure spécifique et respecter certains critères. Un État ayant adhéré à l’Union européenne est dès lors appelé un État membre de l’Union. L’État membre demeure un État souverain qui peut choisir de quitter l’Union européenne, comme le prévoit l’article 50 du TUE.
Historiquement, l’Union européenne tire son origine du traité de Paris établissant la CECA, signé en 1951 par 6 États fondateurs (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas). Ces mêmes États ont signé le traité de Rome en 1957 qui crée les communautés européennes. Par la suite, l’Union européenne s’est considérablement élargie et a compté jusqu’à 28 États membres. Elle en compte désormais 27 depuis le retrait du Royaume-Uni, officialisé le 31 janvier 2020. Un certain nombre d’États sont candidats à l’adhésion. Les sept États officiellement reconnus comme candidats sont l’Albanie, la Macédoine du Nord, la Moldavie, le Monténégro, la Serbie, l’Ukraine et la Turquie.
Au vu de cet élargissement conséquent de l’Union européenne et de l’existence d’un retrait de l’Union, il est possible de s’interroger sur le cadre juridique entourant l’adhésion et le retrait d’un État à l’UE.
Il conviendra dès lors d’étudier le cadre dans lequel s’effectue l’adhésion d’un État à l’Union européenne (I), avant d’étudier celui du retrait de l’Union par un de ses États membres (II).
I - L'adhésion à l'Union européenne, un processus en plusieurs étapes répondant à des critères multiples
L’État souhaitant adhérer à l’Union européenne doit tout d’abord se voir reconnaître un statut dit d’ « État candidat » (A) avant de pouvoir adhérer à proprement parler à l’UE (B).
A - Le statut d'État candidat : la porte d'entrée vers une adhésion effective
Pour être reconnu officiellement comme État candidat à l’adhésion à l’Union européenne, un État doit répondre à un certain nombre de critères (1). Celui-ci doit ensuite se plier à une procédure formelle afin de demander la reconnaissance de ce statut (2).
1 - L’existence de critères exigeants bien que peu définis par le droit primaire
Avant de pouvoir adhérer officiellement à l’Union européenne, il est nécessaire que l’État se voit reconnaître le statut d’État candidat à cette adhésion. L’article 49 TUE, disposant que « Tout État européen qui respecte les valeurs visées à l'article 2 et s'engage à les promouvoir peut demander à devenir membre de l’Union », fixe a priori peu de critères pour devenir un État candidat.
En réalité, plusieurs conditions doivent être remplies. Tout d’abord, le candidat doit avoir le statut d’État en droit international. Ce critère a été source de difficultés pour le Kosovo qui n’est reconnu comme un État que par 23 des membres de l’Union européenne et qui ne s’est pas vu à ce jour reconnaître le statut d’État candidat. L’État doit être européen au sens de l’article 49 TUE, sans que cette condition soit définie précisément. Cette question renvoie à celle des frontières de l’Europe qui est une question politique donnant lieu à de nombreux débats. Juridiquement, la question du caractère européen d’un État est tranchée dès lors que l’Union lui reconnaît le statut de candidat officiel. C’est ainsi que la Turquie est en droit un État européen puisqu’elle a la qualité d’État candidat depuis 1999. L’État doit également respecter les valeurs de l’Union européenne au sens de l’article 2 TUE (respect de la dignité humaine, liberté, démocratie, égalité, État de droit, respect des droits de l’homme, pluralisme, non-discrimination, tolérance, justice, solidarité, égalité entre hommes et femmes). Ces conditions soulignent le fait que l’Union européenne n’est pas une simple organisation internationale mais est une communauté politique fondée sur des valeurs communes. L’État remplissant ces critères doit dès lors accomplir une procédure formelle en plusieurs étapes afin de se voir reconnaître le statut d’État candidat à l’adhésion à l’Union.
2 - La nécessité d’un vote à l’unanimité des membres de l’Union européenne pour entériner le statut d’État candidat
Si l’État respecte ces conditions il peut se voir reconnaître le statut d’État candidat. Pour ce faire, il doit adresser sa demande au Conseil de l’Union européenne. Ce dernier consulte le Parlement européen, les parlements nationaux et la Commission européenne. Il adopte ensuite une décision à l’unanimité sous réserve d’un vote à la majorité des membres du Parlement européen pour accorder le statut de candidat à l’État demandeur. Le vote à l’unanimité peut permettre à un État ou un petit nombre d’États de bloquer la candidature d’un État. Il est ici possible de penser au Kosovo qui n’est pas reconnu comme un État par tous les membres de l’UE, ce qui bloquerait son accession au statut d’État candidat. Les circonstances politiques peuvent à l’inverse considérablement accélérer cette procédure plutôt rigide. L’Ukraine a ainsi pu être très rapidement reconnue comme candidate à l’adhésion suite à son invasion par la Russie.
Une fois l’État officiellement reconnu comme candidat, celui-ci peut adhérer effectivement à l’Union sous réserve d’un certain nombre de critères. Il est toutefois à noter que l’accession au statut d’État candidat n’entraîne pas automatiquement les négociation relatives à l’adhésion à l’UE.
B - Une procédure d'adhésion longue et soumise à de nombreux critères
Trois séries de critères, politiques, économiques et juridiques, ont été établis dans un premier temps par le Conseil européen de Copenhague (1). Par la suite, le Conseil européen de Bruxelles a ajouté un quatrième critère tenant à la capacité d’intégration de l’Union européenne (2).
1 - Les critères de Copenhague : des exigences de nature politique, économique et juridique
Le Conseil européen de Copenhague de 1993 a défini les critères devant être remplis par un État candidat pour adhérer à l’Union européenne. Trois séries de critères peuvent être dégagés. D’abord les critères politiques englobent le respect par le pays candidat de l’État de droit, des droits de l’homme et des minorités ainsi que la présence d’institutions stables et d’un système démocratique. Ensuite, les critères économiques désignent l’existence d’une économie de marché viable, la capacité pour le pays de faire face à la concurrence intra-européenne. Enfin, le critère de la « reprise de l’acquis communautaire » nécessite du pays candidat la transposition en droit interne de la législation européenne et son adhésion aux principes de l’Union.
Le processus est bien souvent très long et dure des années voire des décennies. L’État candidat établit en effet des réformes de son système institutionnel, judiciaire ou économique pour se conformer aux exigences de l’UE. Ces réformes sont souvent déterminées dans le cadre de négociations avec l’Union européenne afin d’aboutir à l’adhésion effective du pays à l’UE. À ces différents critères a par la suite été ajouté un critère propre à l’UE et non plus seulement à l’État candidat.
2 - Le critère de Bruxelles : un critère tourné vers l’UE et non plus vers l’État candidat
Le Conseil européen de Bruxelles de 2006 a ajouté un quatrième critère concernant cette fois-ci l’UE et non plus l’État candidat. Ce critère concerne la capacité d’intégration de l’UE. Il repose sur la possibilité pour l’Union d’accueillir l’État candidat dans les meilleures conditions possibles. L’Union doit en effet, suite à l’intégration de ce nouveau membre, garder des processus de décision efficaces et poursuivre les objectifs communs à l’UE avec les moyens budgétaires adéquats.
D’un point de vue formel, l’adhésion doit être ratifiée à l’unanimité par les États membres de l’Union ainsi que par l’État candidat. Cela signifie que le désaccord d’un seul des États membres peut bloquer l’adhésion à l’UE d’un État candidat. Une fois le traité ratifié, l’État devient membre de l’UE. Tout État membre peut ensuite choisir de quitter l’Union, à l’instar du Royaume-Uni en 2016.
II - Le retrait de l'Union européenne : un choix souverain ouvert à tous les États membres
Le retrait de l’Union européenne obéit à une procédure fixée par les traités européens (A). Au cours de cette procédure, se pose la question du statut de l’État en cours de retrait de l’Union (B).
A - Un retrait de l'Union juridiquement encadré par les traités européens
Tout État souhaitant se retirer de l’Union doit impérativement débuter cette procédure en notifiant cette volonté à l’Union européenne (1). Une fois notifié, le retrait fait l’objet d’une longue négociation entre l’État et l’UE afin de déterminer les modalités de ce retrait ainsi que ses relations avec l’Union (2).
1 - La nécessité d’une notification pour débuter la procédure de retrait
La notification du retrait est une obligation prévue par l’article 50§2 du TUE. Cette notification doit se faire au Conseil européen. Juridiquement, cela signifie que la procédure de retrait ne débute qu’à compter de cette notification, et non par exemple à la date d’un référendum ou autre décision nationale ayant convenu de ce retrait. La notification ne répond à aucune exigence formelle. À titre d’exemple, le Royaume-Uni a notifié sa volonté de quitter l’Union européenne par un courrier de la Première ministre britannique au Président du Conseil européen en mars 2017.
Les modalités pratiques du retrait, à savoir par exemple l’organe compétent pour notifier le retrait, doivent être menées conformément aux règles constitutionnelles internes de l’État membre. L’Union n’a aucun droit de regard en la matière.
Il est possible de se demander si un État peut revenir sur sa notification et choisir de demeurer dans l’Union européenne. L’article 50 TUE n’évoque pas explicitement ce cas de figure. La CJUE s’est prononcée sur la question dans sa décision Wightman en 2018 en considérant qu’une telle révocation était possible en ce qu’elle constituait un choix souverain de l’État. Ce retour sur la notification doit se faire avant l’entrée en vigueur d’un accord de retrait ou l’expiration du délai fixé par l’article 50§3 TUE.
Une fois le retrait notifié, débutent alors les négociations d’un accord visant à fixer les modalités de celui-ci.
2 - Une négociation d’un accord de retrait ayant pour objectif de fixer les modalités de sortie de l’Union et les relations entre l’UE et le futur État tiers
L’objectif de la négociation de l’accord de retrait est d’une part de fixer les modalités du retrait en lui-même et d’autre part de déterminer les relations futures entre l’UE et l’État souhaitant se retirer de l’Union. La Commission européenne mène techniquement les négociations de l’accord de retrait mais le Conseil européen fixe les grandes lignes et les exigences des États membres. Concrètement, dans le cadre du Brexit, la Commission européenne a désigné un négociateur, Michel Barnier, pour mener les négociations avec le Royaume-Uni.
Aux termes de l’article 50§3 TUE, les traités européens ne s’appliquent plus à l’État souhaitant se retirer soit à l’entrée en vigueur de l’accord de retrait, soit à l’issue d’un délai de 2 ans qui peut être prolongé par le Conseil européen à l’unanimité. Dès lors, juridiquement, l’État devient un pays tiers sur le territoire duquel le droit de l’Union ne s’applique plus. Ses relations avec l’Union sont régies par l’accord de retrait et éventuellement des accords ultérieurs. Dans l’hypothèse où aucun accord de retrait n’est conclu et dans l’éventualité où le délai, éventuellement prorogé, est expiré, l’État sort de l’Union. Dans ce cas il devient un pays tiers et ses relations avec l’Union ne dépendent d’aucun accord particulier. Avant sa sortie définitive et durant la procédure de retrait, se pose la question du statut de l’État sortant.
B - Un État sortant restant membre de plein droit de l'Union européenne jusqu'à l'aboutissement de la procédure de retrait
Bien que l’État sortant de l’Union ne bénéficie d’aucun statut particulier au sens du droit européen jusqu’à sa sortie effective de l’Union (2), il est possible de noter que le statut et les compétences de l’État sortant peuvent évoluer selon l’avancée de la procédure de retrait de l’Union européenne (1).
1 - Un statut changeant pour l’État sortant selon l’avancée de la procédure de retrait
Avant la notification au Conseil européen, l’État souhaitant se retirer demeure un État membre à part entière, peu importe qu’une décision nationale ait été prise en ce sens. L’Union ne peut contraindre un État à notifier son retrait de l’UE. Une fois la notification déposée, le droit européen ne donne aucun éclairage sur le statut de l’État tant qu’un accord de retrait n’est pas entré en vigueur. Seul l’article 50§4 du TUE précise qu’un État membre qui se retire ne participe pas aux délibérations du Conseil européen et du Conseil qui le concernent. Il découle de la décision Wightman que suite à la notification, l’État est toujours membre à part entière de l’UE, avec l’ensemble des droits et des obligations associés à ce statut. L’État ne deviendra un pays tiers, non membre de l’UE, qu’une fois l’accord de retrait entré en vigueur ou à l’issue de l’expiration des délais fixés par l’article 50§3 TUE. Le pays, bien que devenu un État tiers, peut être lié à l’Union européenne par un ensemble d’accords internationaux de nature variable (par exemple participation à l’espace économique européen, accord bilatéral ad hoc, union douanière, accord d’association, accord de libre-échange, …). Toutefois, avant sa sortie effective de l'Union, l’État ne bénéficie d’aucun statut particulier.
2 - L’absence de statut particulier offert à l’État jusqu’à sa sortie effective de l’Union
Le délai entre la notification et le retrait effectif n’offre pas de statut particulier à l’État. Celui-ci reste un État membre à part entière. Cela implique par exemple que l’État ne peut pas être exclu des conseils européens, sauf dans le cas prévu par l’article 50§4 TUE. De manière plus générale, aucun changement particulier ne doit être effectué dans les relations entre l’État et les institutions européennes. Seules les réunions informelles des autres États membres sont possibles, comme cela était pratiqué durant la période de négociation du Brexit.
Il serait possible de s’interroger sur un statut particulier de l’État en train de quitter l’Union, qui deviendrait de manière imminente un État tiers. Le droit européen ne le prévoit pas à l’heure actuelle. Une fois sorti de l’Union et devenu un État tiers, rien n’empêche l’État et l’Union de conclure un accord international qui prévoirait le respect de règles de droit européen. Cet accord serait alors cependant un accord de droit international et non un accord de droit européen.
