Introduction
Les constituants ont souhaité, en écrivant la Constitution du 4 octobre 1958, rationnaliser plus largement le régime parlementaire. Il s’agissait ainsi de ne pas réitérer les excès des régimes d’assemblée qui la précédèrent, à savoir, les IIIe et IVe Républiques. Les Pr. Philippe ARDANT et Bertrand MATHIEU évoquent une véritable évolution du parlementarisme en précisant que, sous la Ve République, « le Parlement ne définit plus la politique de la Nation comme il avait pris l’habitude de le faire » précédemment (Ph. ARDANT et B. MATHIEU, Droit constitutionnel et institutions politiques, LGDJ, 27e Ed, 2015, p. 477). Il reste pour autant un acteur indispensable parmi les institutions, après le Président et le gouvernement : il reste le centre du pouvoir législatif.
Le Parlement est bicaméral, composé à la fois de l’Assemblée nationale et du Sénat. L’Assemblée nationale (chambre basse), composée de 577 députés, est élue pour un mandat de cinq ans au suffrage universel direct. Le Sénat (chambre haute), composé de 348 sénateurs, est élu pour un mandat de six ans au suffrage universel indirect par des grands électeurs qui sont principalement des élus locaux. Le Sénat se renouvelle par moitié tous les trois ans, contrairement à l’Assemblée qui est renouvelée intégralement à l’issue du mandat.
Les deux chambres du Parlement sont régies à la fois par la Constitution, notamment en ce qui concerne leurs pouvoirs respectifs (notamment l’article 24 de la Constitution du 4 octobre 1958), mais aussi par les règlements intérieurs de chacune de ces institutions. Le juge constitutionnel se prononce sur leur conformité à la Constitution dans le cadre de l’article 61. Plusieurs organes internes permettent de faire fonctionner chacune des chambres (présidence, vice-présidence, bureau, groupes politiques etc.). Parmi ces organes, on retrouve également les « commissions » constituées d’une partie représentative des parlementaires. Elles ne sont pas nouvelles, puisque la Chambre des députés en comptait une vingtaine avant 1958.
Il convient de s’arrêter sur la réalité, les compétences et donc le rôle de ces dernières sous la Ve République. L’Assemblée et le Sénat sont ainsi constitués au quotidien de commissions permanentes (I), mais aussi de commissions conjoncturelles et plus spécifiques (II).
I - Le rôle primordial et quotidien des commissions permanentes
Les commissions permanentes existantes, leur composition et leur fonctionnement peuvent légèrement différer entre la chambre basse et la chambre haute (A). Leurs missions restent semblables et particulièrement impérieuses pour le bon fonctionnement du Parlement (B).
A - État des lieux sur les commissions permanentes de l’Assemblée et du Sénat
L’article 43 de la Constitution vient limiter à huit le nombre de commissions permanentes à l’Assemblée (1) et au Sénat (2).
1 - Les commissions permanentes à l’Assemblée nationale
À l’heure actuelle, l’Assemblée compte huit commissions permanentes sur les thématiques suivantes : affaires culturelles et éducation ; affaires économiques ; affaires étrangères ; affaires sociales ; défense nationale et armées ; développement durable et aménagement du territoire ; finances ; lois. Ces intitulés peuvent être amenés à évoluer légèrement au cours des législatures. Avant 2009, deux commissions concernaient les « affaires culturelles, familiales et sociales » ou encore les « affaires économiques, environnement et territoire ».
Chacune de ces commissions permanentes peut être composée, au sein du Palais Bourbon, de 70 membres environ. Un député ne peut être membre que d’une seule commission permanente, en fonction de ses affinités. La réforme du règlement intérieur de la chambre basse entreprise durant la présidence de Nicolas Sarkozy a institué l’obligation de laisser la présidence de la commission des finances à un membre de l’opposition. À l’heure actuelle, c’est le député (LR) Éric WOERTH qui la préside. Un président, un rapporteur général, des vice-présidents et des secrétaires assurent le fonctionnement de chaque commission permanente. Le fonctionnement des commissions permanentes du Sénat est assez semblable.
2 - Les commissions permanentes au Sénat
Depuis 2011, la chambre haute compte sept commissions permanentes différentes : affaires économiques ; affaires étrangères, défense et forces armées ; affaires sociales ; aménagement du territoire et développement durable ; culture, éducation et communication ; finances ; lois constitutionnelles, législation, suffrage universel, règlement et administration générale.
Une soixantaine de sénateurs composent chaque commission. De la même façon qu’à l’Assemblée nationale – à la différence qu’il s’agit d’une tradition récente et non d’une obligation figurant dans le règlement intérieur – la présidence de la commission des finances est laissée à un membre de l’opposition sénatoriale : à l’heure actuelle, il s’agit de M. Vincent ÉBLÉ (PS).
Les missions des commissions permanentes sont particulièrement indispensables au bon fonctionnement du Parlement.
B - Des missions impérieuses pour le fonctionnement du Parlement
Parmi les missions impérieuses des commissions permanentes, on retrouve notamment le travail législatif effectué en amont de l’examen des textes en séance plénière (1), mais aussi le contrôle du gouvernement et l’information des parlementaires (2).
1 - Le travail législatif en amont des séances plénières
La principale mission de chaque commission permanente sera d’étudier un projet ou une proposition de loi. En effet, en fonction de la thématique concernée, telle ou telle commission permanente recevra le projet ou la proposition qui a été présentée au bureau de la présidence. Un débat s’organise donc sur le texte en question : les députés ou sénateurs, membres de la commission saisie, peuvent modifier le texte avant sa présentation en séance plénière. L’article 44 de la Constitution précise que le droit d’amendement « s'exerce (…) selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique. Après l'ouverture du débat, le Gouvernement peut s'opposer à l'examen de tout amendement qui n'a pas été antérieurement soumis à la commission ».
Une commission spéciale (v. infra) peut toutefois être créée, sous certaines conditions, et se saisir d’un projet ou d’une proposition de loi. La commission permanente ne peut dès lors plus être saisie comme convenue. Aussi, la publicité des débats en commission a été largement renforcée ces dernières années. Cela permet aux français de mieux connaître les travaux en commission qui étaient marginalisés par rapport aux séances dans l’hémicycle. Mais les commissions sont également compétentes pour contrôler le gouvernement et informer les parlementaires.
2 - Contrôle du gouvernement et information des parlementaires
Le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale précise, en son article 145, que « les commissions permanentes assurent l’information de l’Assemblée pour lui permettre d’exercer son contrôle sur la politique du Gouvernement ». Les pouvoirs des commissions permanentes et de leurs membres sont considérables pour agir en ce sens. La loi du 3 février 2011 a notamment renforcé les moyens du Parlement en matière de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques. Les commissions permanentes – comme d’autres commissions d’ailleurs – peuvent être amenés à auditionner des personnalités, notamment les membres du gouvernement.
Des rapports publics d’information peuvent être rédigés en vue de l’adoption d’un texte de loi. Ils viennent éclairer, informer, à la fois les membres du Parlement et les citoyens.
Enfin, l’article 13 de la Constitution prévoit notamment, depuis la révision constitutionnelle de 2008, la prise en compte d’un avis public de la commission permanente compétente pour les nominations qui sont de la compétence du président de la République.
II - Le rôle conjoncturel de diverses commissions spécifiques
De manière plus éphémères ou plus circonstancielles, des commissions spéciales sont également amenées à intervenir (A) dans la vie du Parlement. C’est également le cas des commissions d’enquête créées pour enquêter sur un événement ou une problématique spécifique (B).
A - Une multitude de « commissions spécifiques »
Parmi ces commissions spécifiques, il est notamment possible de créer des commissions « spéciales » (1), alors même que le Parlement voit se multiplier d’autres commissions ad hoc (2).
1 - La création de « commissions spéciales »
L’article 43 alinéa 2 prévoit qu’à « la demande du Gouvernement ou de l'assemblée qui en est saisie, les projets ou propositions de loi sont envoyés pour examen à une commission spécialement désignée à cet effet ». Le gouvernement, mais aussi les députés ou sénateurs, peuvent demander la création d’une commission spéciale lorsque plusieurs commissions seraient d’ordinaires compétentes pour travailler sur tels ou tels textes. Une opposition à cette création peut être soulevée par le gouvernement, le président d’une commission permanente ou d’un groupe politique. Un débat doit alors être organisé pour se prononcer sur la création.
Ces dernières années, des commissions spéciales ont été créés pour examiner les textes suivants : le projet de loi relatif à la bioéthique, le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public, la proposition de loi renforçant la protection des victimes et la répression des violences faites aux femmes, la proposition de loi sur l’enfance et l’adoption etc.
Ces commissions spéciales prennent fin dès l’adoption du texte en question. Au-delà, d’autres commissions ad hoc peuvent être créées.
2 - L’apparition d’autres commissions ad hoc
La révision constitutionnelle de 2008 a également institué, à l’Assemblée nationale et au Sénat, une commission chargée des affaires européennes. Elle n’entre pas dans la catégorie des commissions permanentes classiques, pourtant elle n’apparaît pas éphémère comme les commissions spéciales, mais elle intervient moins souvent.
Une commission spécifique chargée de l’application de l’article 26 de la Constitution du 4 octobre 1958 est également prévue. En effet, cette commission peut se réunir pour se prononcer sur les mesures de poursuites pénales à l’encontre d’un député, d’un sénateur et donc sur la levée de l’immunité parlementaire. Elle est composée d’une trentaine de membres dans chaque chambre et la participation à cette commission n’est pas incompatible avec sa présence dans une commission permanente.
Une autre commission spéciale est, par exemple, chargée d’apurer et de vérifier les comptes publics. Les commissions d’enquête jouent également un rôle considérable au sein des deux chambres.
B - Le rôle considérable des commissions d’enquête
Il faut revenir sur le rôle et le fonctionnement des commissions d’enquête (1) avant de constater qu’elles ont été nombreuses à se réunir ces dernières années (2).
1 - Le rôle et le fonctionnement des commissions d’enquête
L’article 51-2 de la Constitution du 4 octobre 1958 prévoit que « pour l'exercice des missions de contrôle et d'évaluation définies au premier alinéa de l'article 24, des commissions d'enquête peuvent être créées au sein de chaque assemblée pour recueillir, dans les conditions prévues par la loi, des éléments d'information. La loi détermine leurs règles d'organisation et de fonctionnement. Leurs conditions de création sont fixées par le règlement de chaque assemblée ». Les constituants sont ainsi venus encadrer les commissions d’enquête, afin qu’elles soient moins déstabilisantes que sous la IIIe république où elles étaient à l’origine de nombreuses crises et de mises en échec des gouvernements.
La mise en place d’une commission d’enquête relève de l’initiative parlementaire, avant d’être concrétisée en séance publique. Les commissions sont composées proportionnellement à la force des groupes politiques. La commission d’enquête peut auditionner l’ensemble des personnalités qu’elle souhaite et dont elle dresse la liste. Les convoqués doivent obligatoirement s’y rendre, sous peine de sanctions. Les conclusions de la commission d’enquête peuvent être transmises à la justice si celle-ci a constaté des infractions pénales lors de ses investigations et elle peut aider à l’orientation de l’action gouvernementale sur le sujet concerné. Les séances, notamment d’auditions, sont publiques et donc largement accessibles aux français. Ces commissions d’enquête sont d’ailleurs assez nombreuses depuis le début de la Ve République.
2 - Les nombreuses commissions d’enquête des dernières législatures
Des commissions d’enquête sont créées sur un large panel de problématiques économiques, sociales, environnementales, internationales et politiques. Ainsi, les plus récentes portaient notamment sur la sincérité, l'exhaustivité et l'exactitude de l'étude d'impact sur les projets de loi retraite ; sur l’affaire Benalla ; sur les défaillances supposées dans l’attentat terroriste à la préfecture de police etc…
Elles sont vues comme particulièrement nécessaires à l’expression des pouvoirs d’enquête parlementaires, particulièrement dans les moments de crise. Une telle commission fût notamment créée, en 2010, concernant les commandes de vaccins durant la pandémie de grippe H1N1. Une autre a été créée sur le fonctionnement des services de renseignements français, à l’aune du contexte terroriste particulier que connaît notre pays depuis quelques années.
