Introduction
Dans une formule restée célèbre Gambetta, suite à la crise du 16 mai 1877, déclare au Président Mac-Mahon « Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine [...], il faudra se soumettre ou se démettre ». Cette phrase illustre bien l’opposition entre républicains et monarchistes qui va se jouer lors de cette crise politique.
Avant d’étudier plus en détail cette crise il est utile de rappeler quelques définitions à propos des régimes politiques. Un régime parlementaire est un régime dans lequel le pouvoir exécutif est responsable devant une ou plusieurs assemblées parlementaires et peut en retour dissoudre le Parlement. Le régime parlementaire peut être dualiste (le gouvernement doit avoir la confiance du Parlement et du chef de l’État) ou moniste (le gouvernement est uniquement responsable devant le Parlement). Le régime parlementaire est à différencier du régime présidentiel qui se définit comme un régime de séparation stricte des pouvoirs dans lequel le Président est élu au suffrage universel direct, le gouvernement n’est pas responsable politiquement devant le Parlement et ne peut pas dissoudre ce dernier. Le régime actuel en France est qualifié de semi-présidentiel ou de parlementarisme rationalisé (élection d’un Président au suffrage universel direct qui peut dissoudre l’Assemblée nationale et responsabilité du gouvernement devant le Parlement).
Depuis sa première Constitution écrite en 1791 la France a connu une grande pluralité de Constitutions et de régimes politiques : Constitution de l’An I (1793), Constitution de l’An III (1795, Directoire), Constitution de l’An VIII (1799, Consulat), Constitution de l’An X (1802, Consulat à vie), Constitution de l’An XII (1804, Empire), Charte de 1814 (1ère Restauration), Acte additionnel aux Constitutions de l’Empire (1815, Cent-jours), Charte de 1830 (Monarchie de Juillet), Constitution de 1848 (IIe République), Constitution de 1852 (Second Empire), Lois constitutionnelles de 1875 (IIIe République), Lois constitutionnelles de 1945 (Gouvernement provisoire), Constitution de 1946 (IVe République) et enfin Constitution de 1958 (Ve République). La période historique à laquelle nous nous intéressons ici se situe au début de la IIIe République, qui est le régime républicain en vigueur entre 1870 et 1940. Il s’agit du premier régime à durer en France qui a auparavant connu sept régimes en 80 ans (trois monarchies constitutionnelles, deux républiques et deux empires). Les lois constitutionnelles de 1875 établissent un régime de type parlementaire bicaméral. Entre 1870 et 1877 les républicains et les monarchistes vont s’affronter sur l’interprétation juridique des nouvelles institutions. La crise du 16 mai 1877 va venir mettre fin à ce conflit en ancrant définitivement le régime républicain.
Le présent sujet nous invite ainsi à nous interroger sur les répercussions à long terme de la crise du 16 mai 1877, notamment au regard du type de régime mis en place suite à cet crise.
Pour répondre à cette interrogation nous nous pencherons dans un premier temps sur l’ancrage durable du régime républicain en France comme conséquence de la crise du 16 mai 1877 (I) avant d’adopter une perspective de plus long terme pour étudier les répercussions institutionnelles de cette crise (II).
I - Un ancrage durable du régime républicain en France suite à la crise du 16 mai 1877
La crise du 16 mai trouve son origine dans un affrontement entre républicains et monarchistes au début de la IIIe République (A). Cette crise va tourner à l’avantage des républicains puisque le régime républicain et parlementaire va durablement s’enraciner en France (B).
A - Les prémisses de la crise : un affrontement entre républicains et monarchistes
Les soutiens de la monarchie, présents en nombre parmi les parlementaires français au début de la IIIe République, espèrent une restauration (1). Cependant le vote des lois constitutionnelles de 1875 va venir tempérer cet espoir en contribuant au renforcement du caractère républicain du régime (2).
1 - L’espoir d’une restauration de la monarchie au début de la IIIe République
Pour bien comprendre la crise du 16 mai 1877 il est nécessaire de revenir quelques années en arrière au moment de l’instauration de la IIIe République. Celle-ci prend naissance en 1870 sur les ruines du Second Empire, après la capitulation de Napoléon III à Sedan le 2 septembre lors de la guerre franco-prussienne. Le 4 septembre Gambetta proclame la république et un gouvernement « de défense nationale » se met en place. Le 26 janvier 1871 un armistice est signé, entérinant la défaite française. Des élections législatives sont organisées le 8 février 1871 et consacrent une majorité monarchiste, principalement du fait de son opposition à la guerre contrairement aux républicains. Jules Grévy est alors élu président de l’Assemblée nationale tandis qu’Adolphe Thiers dirige le pouvoir exécutif. Le 10 mai 1871 un traité de paix définitif est signé avec l’Allemagne (traité de Francfort). En août 1871 Thiers prend le titre de « Président de la République » par l’effet de la loi Rivet (il avait auparavant le titre de « chef du pouvoir exécutif »). En 1873 le vote de la loi de Broglie vient considérablement encadrer les pouvoirs du Président de la République. Adolphe Thiers, qui soutient la République, supporte mal cet encadrement de ses pouvoirs par une Assemblée monarchiste. Suite au vote d’une motion de censure du gouvernement par l’assemblée le 23 mai 1873 Thiers présente sa démission et est remplacé le 24 mai à la Présidence de la République par Patrice de Mac Mahon, favorable à la monarchie. Le 20 novembre 1873 est voté la loi du septennat qui fixe un mandat de sept ans pour Mac Mahon. Les monarchistes espèrent alors parvenir à une restauration à l’issue de ce mandat.
2 - Les lois constitutionnelles de 1875 comme premier acte de renforcement du caractère républicain du régime
Avant les lois constitutionnelles de 1875, la nature du régime, monarchique ou républicaine, n’était pas fixée. Ces lois vont venir préciser les choses notamment au moyen de l’amendement Wallon selon lequel « le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et par la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est élu pour sept ans. Il est rééligible ». Cette formulation, fruit d’un compromis entre modérés républicains et monarchistes, contribue à fixer le caractère républicain du régime. Un ensemble de lois est votée pour organiser le fonctionnement et l’organisation des pouvoirs publics. La « Constitution » de 1875 est un texte hâtivement rédigé, souple et assez peu précis sur le fonctionnement du régime. Son caractère de compromis permet à chaque camp d’espérer une modification ultérieure, pour renforcer le caractère républicain d’un régime d’un côté, pour revenir à une monarchie de l’autre.
B - La résultat de la crise : la pérennisation d'un régime républicain et parlementaire
La crise à proprement parler va se déclencher suite à un conflit entre le Président de la République, aux penchants monarchistes, et une Assemblée majoritairement républicaine (1). La lecture institutionnelle qui sortira de cette crise est celle d’un régime républicain, parlementaire et moniste (2).
1 - Une crise déclenchée du fait du non-respect par le Président de la République du caractère républicain de l’Assemblée
Le caractère républicain du régime, déjà amorcé lors de l’adoption des lois constitutionnelles de 1875, va se trouver renforcé par les résultats des élections législatives du 20 février 1876 qui donnent une large majorité aux républicains. Le Président Mac Mahon, dont les convictions monarchistes le placent en porte-à-faux avec la nouvelle majorité républicaine, commence par nommer successivement deux républicains conservateurs à la tête du gouvernement (Jules Dufaure puis Jules Simon). Néanmoins le 16 mai 1877 Jules Simon va démissionner suite à une lettre de Mac Mahon désavouant sont attitude face aux députés et lui reprochant son manque d’autorité. La crise va se nouer lorsque Mac Mahon décide de nommer Albert de Broglie, aux convictions monarchistes, comme Président du Conseil. La Chambre refuse de voter la confiance à de Broglie puisque le choix d’un monarchiste par Mac Mahon ne reflète pas sa couleur majoritaire. Mac Mahon décide alors d’une dissolution le 25 juin 1877. C’est à la suite de cette dissolution que Gambetta prononcera sa célèbre phrase « Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine [...], il faudra se soumettre ou se démettre ».
Les élections législatives sont organisées en octobre 1877 et se soldent par la conservation de la majorité par les républicains dans un contexte de très forte participation (80,6%). Mac Mahon, après avoir envisagé une seconde dissolution, commence par se « soumettre » en rappelant à la tête du gouvernement le républicain Jules Dufaure. Il finira par se « démettre » en démissionnant le 30 janvier 1879, suite à l’obtention par les républicains d’une majorité au Sénat.
2 - La consécration du parlementarisme moniste à l’issue de la crise
Jules Grévy est élu président de la République en remplacement de Mac Mahon. Sous son mandat le rôle du Président va connaitre une évolution assez forte. En effet le Président de la République sous la IIIe République est en théorie un acteur doté de larges pouvoirs : il peut dissoudre la Chambre des députés tout en étant irresponsable et il nomme le gouvernement. De ce fait le régime a un caractère dualiste : le gouvernement est à la fois responsable devant le Président de la République et doit être soutenu par une majorité du Parlement.
Or Jules Grévy va renoncer à exercer son droit de dissolution, que lui permet pourtant la lettre de la Constitution. En effet le 6 février 1879, suite à son accession à la Présidence de la République il déclare : « soumis avec sincérité à la grande loi du régime parlementaire, je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels ». Pour Grévy la légitimité de l’Assemblée, issue du suffrage universel direct, est plus grande que celle du Président. En vertu de cette nouvelle lecture des institutions, qui sera qualifiée de « constitution Grévy », le régime bascule alors dans un parlementarisme moniste puisque le gouvernement est uniquement responsable devant le Parlement. Plus largement la pratique du pouvoir de Grévy va donner un rôle principalement honorifique au Président de la République.
II - Les conséquences à long terme de la crise : l'instauration d'un régime parlementaire tendant vers le régime d'assemblée
La crise du 16 mai 1877 va conduire à consacrer une lecture moniste du régime parlementaire, qui va dès lors tendre vers le régime d’assemblée (A). Ce type de régime va pourtant perdurer au-delà de la IIIe République puisqu’il sera reconduit sous la IVe République (B).
A - Une consécration d'une lecture moniste du régime parlementaire
Si le régime républicain va perdurer suite à la crise du crise du 16 mai, la lecture institutionnelle des lois constitutionnelles de 1875 sera profondément modifiée (1). Ce triomphe du parlementarisme moniste, qui s’accompagne d’un effacement présidentiel, porte en germe une instabilité ministérielle chronique (2).
1 - La IIIe République : un régime qui va perdurer au prix d’une modification de sa nature
La première conséquence de la crise du 16 mai et de permettre au régime républicain parlementaire de perdurer, l’espoir d’une restauration de la monarchie s’étant éteint avec la démission de Mac Mahon. La IIIe République va finalement être marquée par une grande longévité puisqu’elle survivra jusqu’en 1940 et la mise en place du régime de Vichy. De ce point de vue Gambetta s’était montré assez visionnaire en déclarant en 1875, suite à l’adoption des lois constitutionnelles, que « l’œuvre vaut mieux, peut-être, que les circonstances qui l’ont produite ». Le caractère républicain du régime sera définitivement gravé dans le marbre en 1884 avec une modification des lois constitutionnelles de 1875 selon laquelle « la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l'objet d'une proposition de révision ».
Pour autant la crise du 16 mai, et ses conséquences, va conduire à s’écarter de la lettre de la Constitution, qui prévoit un dualisme parlementaire. En effet l’interprétation des lois constitutionnelles de 1875 qui résulte de ces évènement conduit à mettre en place de facto un parlementarisme moniste. La Chambre des députés, du fait de l’effacement du Président de la République, se retrouve au centre du jeu politique.
2 - Une instabilité ministérielle récurrente du fait de l’effacement de la figure présidentielle
Désormais, en vertu de la « constitution Grévy » la Chambre des députés n’hésitera plus à faire tomber les gouvernements puisqu’elle n’est plus menacée par une dissolution. La fin du dualisme, qui permettait une forme de rationalisation du parlementarisme, va faire glisser le régime vers un parlementarisme plus absolu que l’on peut qualifier de régime d’assemblée. Le régime va connaître dès lors une très forte instabilité ministérielle : au total 104 gouvernements se sont succédés entre 1871 et 1940.
Le Président est doublement marginalisé puisque les membres du gouvernement ne s’estiment plus soumis à son autorité et organisent fréquemment des « conseils de cabinet » en son absence. In fine la figure présidentielle devient une fonction honorifique, une sorte de magistère moral au-dessus des querelles partisanes mais dépourvu de réels pouvoirs. Selon la célèbre formule de Jean Casimir-Perier (Président entre 1894 et 1895) le Président de la République « inaugure les chrysanthèmes » (en référence à l’article 3 de la loi du 25 février 1875 qui dispose que le Président « préside aux solennités nationales »).
Dans les faits c’est le président du Conseil qui dirige le gouvernement et organise les pouvoirs publics avec l’aide de ministres choisis par lui, et à condition d’avoir la confiance du Parlement. Là encore la pratique du pouvoir s’écarte de la lettre de la Constitution puisque le président du Conseil n’est même pas mentionné par les lois constitutionnelles de 1875 et ne dispose donc d’aucun pouvoir spécifique, notamment face au Parlement. Il va de facto faire usage de pouvoirs constitutionnellement dévolus au Président de la République (proposition de lois, pouvoir réglementaire, nomination aux emplois civils et militaires…). La fonction va gagner en prestige au cours de la IIIe République et s’institutionnaliser progressivement. Il faudra cependant attendre la Première Guerre mondiale pour qu’un secrétariat général soit directement rattaché au président du Conseil. Celui-ci sera supprimé après-guerre et ce n’est qu’en 1934 que la loi de finances autorisera le président du Conseil à s’entourer de collaborateurs directement rattachés à lui.
En tout état de cause, dans cette nouvelle architecture institutionnelle marquée par un Président de la République en retrait et un président du Conseil aux pouvoirs flous, c’est la Chambre des députés qui mène la danse. L’instabilité des gouvernements masque une relative stabilité des figures de pouvoir, les mêmes députés devenant ministres à plusieurs reprises dans des combinaisons différentes. L’instabilité ministérielle s’accélère à partir de 1885 suite à la démission de Jules Ferry de la présidence du Conseil. Les relations entre conservateurs et radicaux à la Chambre sont tendues et certains gouvernements ont une durée de vie d’une journée. Cette instabilité dévalue le régime qui apparait comme ingouvernable auprès de l’opinion et nourrit les mouvements anti-parlementaires (notamment le boulangisme).
B - Une consécration du parlementarisme moniste qui se poursuit au-delà de la IIIe République
Le régime parlementaire est toujours actuellement celui de la France et a donc perduré dans le temps. Cependant si la IVe République est un régime d’assemblée assez semblable à la IIIe (1) la rupture dans le fonctionnement institutionnel viendra avec la Ve République et le parlementarisme rationalisé (2).
1 - La persistance de l’instabilité ministérielle sous la IVe République
La IVe République est le régime en vigueur en France entre 1946 et 1958. Elle est instituée pour prendre la suite du Gouvernement provisoire de la République française, qui gouvernait le pays suite à la chute du régime de Vichy et la capitulation de l’Allemagne nazie. D’un point de vue institutionnel la IVe République est un régime parlementaire moniste bicaméral, conservant globalement le fonctionnement mis en place sous la IIIe République. Le président du Conseil, de manière similaire à la IIIe République, dirige l’exécutif, nomme aux emplois civils et militaires, exécute les lois et contresigne les actes du Président de la République. Celui-ci est élu pour sept ans par les deux chambres du Parlement et a un rôle majoritairement honorifique et représentatif. Il peut néanmoins nommer le président du Conseil (qui doit également avoir le soutien de l’Assemblée) et peut, sous certaines conditions, dissoudre l’Assemblée nationale.
La IVe République connaitra elle aussi une instabilité ministérielle chronique avec vingt-quatre gouvernements et seize présidents du Conseil entre 1946 et 1958. Neuf gouvernements ont duré moins de 41 jours (soit plus d’un tiers). Sur la seule dernière année (entre mai 1957 et mai 1958) cinq gouvernements se sont succédés avec une durée moyenne de 59 jours. Au total seuls deux gouvernements ont duré plus d’un an. Cette chute fréquente des gouvernements se fait au gré des alliances, et retournements d’alliance, entre les différents partis représentés à l’Assemblée. Là encore la dérive vers un régime d’assemblée nourrit la critique en inefficacité du régime et les mouvements anti-parlementaires (poujadisme notamment). Cette instabilité chronique doublée au conflit algérien vont finalement avoir raison de la IVe République. En effet en mai 1958 la révolte des généraux à Alger conduit le président du Conseil, Pierre Pflimlin, à démissionner. De Gaulle se déclare « prêt à assurer les pouvoirs de la République ». Le Président de la République, René Coty, appelle alors de Gaulle à la présidence du Conseil. Ce dernier est investi par l’Assemblée nationale le 1er juin 1958. Le 28 septembre 1958 une nouvelle constitution est approuvée par référendum : la Ve République est née.
2 - La rupture avec le régime d’assemblée : la Ve République et le parlementarisme rationalisé
De Gaulle dénonce dès 1946 « le régime exclusif des partis » et souhaite, dans le cadre de la Ve République, rompre avec le régime d’assemblée et l’instabilité gouvernementale. Ce nouveau régime est qualifié de semi-présidentiel ou parlementaire rationalisé. Le pouvoir exécutif est renforcé et le rôle du Parlement est plus encadré. Le Président de la République devient la figure centrale du régime, particulièrement suite à son élection au suffrage universel direct à partir de 1962.
Formellement le régime demeure parlementaire et moniste, le gouvernement étant responsable devant le Parlement tandis que le Président, qui est irresponsable, peut dissoudre l’Assemblée. Néanmoins le Président dispose d’une légitimité politique propre due au suffrage universel direct. De plus la pratique du pouvoir va conduire à une présidentialisation progressive du régime, aidé en cela par certaines réformes institutionnelles (instauration du quinquennat et inversion du calendrier électoral). Si le chef de l’État dispose d’une majorité à l’Assemblée nationale son influence est particulièrement forte (il dispose de pouvoirs propres, il peut nommer à sa guise le Premier ministre et les membres du gouvernement et les projets de lois sont assurés d’être votés à l’Assemblée nationale). En cas de cohabitation (existence d’une majorité opposée au Président à l’Assemblée nationale comme en 1986-1988, 1993-1995 et 1997-2002) ou d’absence de majorité à l’Assemblée nationale (le parti soutenant le Président n’a pas de majorité absolue mais il n’existe pas de majorité alternative comme c’est le cas depuis les élections législatives de 2022) les pouvoirs du Président se voient plus limités même s’il conserve sa prééminence. On peut alors considérer que le régime revient à un fonctionnement plus parlementaire du fait d’une mise en retrait, relative, du Président de la République.
En pratique un seul gouvernement a été renversé par l’Assemblée nationale depuis 1958 tandis que l’Assemblée nationale été dissoute cinq fois. De ce point de vue l’objectif initial de De Gaulle est atteint puisque la stabilité gouvernementale caractérise la Ve République et son fonctionnement tranche singulièrement avec celui des IIIe et IVe Républiques. Les critiques concernant la Ve République sont plutôt un miroir inversé de celles des républiques précédentes : hyper-présidentialisation du régime, marginalisation du rôle du Parlement, absence de culture de la coalition et du compromis… En tout état de cause, la Constitution de la Ve République a su évoluer au gré des révisions et a fait preuve d’une certaine souplesse qui lui permet de durer dans le temps (elle est actuellement en vigueur depuis 65 ans, presque autant que la IIIe République). In fine l’étude de la crise du 16 mai 1877 et ses conséquences, au-delà de l’intérêt historique, permet d’éclairer les choix institutionnels et la pratique du pouvoir de notre régime actuel.
