Introduction
« Un événement de l’ampleur de la révolution française n’est jamais terminé ». Cette citation de Max Gallo montre à la fois l’héritage important de la Révolution française dont les retombées irradient aujourd’hui encore très largement sur nos institutions mais met également en exergue le fait que l’œuvre complexe qu’elle a entamée en faveur de la République, de la démocratie et des droits de l’homme reste à ce jour une œuvre fragile et inachevée que la Constitution doit s’efforcer de promouvoir, de prolonger et de maintenir.
Les principes de la Révolution française désignent l’ensemble des valeurs et idées fondamentales proclamées lors de la Révolution, en particulier celles issues de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789 et des premières constitutions révolutionnaires (1791, 1793, 1795). Ces principes incluent la souveraineté nationale et le rôle du peuple dans l’exercice du pouvoir, la séparation des pouvoirs, les libertés fondamentales (égalité, liberté, propriété, sûreté), la laïcité et l’égalité devant la loi. Les constitutions successives désignent les divers textes fondamentaux qui ont organisé les institutions françaises depuis 1789 jusqu’à la Ve République (1958), incluant les régimes républicains, impériaux et monarchiques. Les constitutions successives de ces régimes très différents ont toutes été influencées d’une manière ou d’une autre par la Révolution française.
La Révolution française marque une rupture avec l’Ancien Régime et inaugure une tradition constitutionnelle fondée sur les droits de l’homme et la souveraineté populaire. Depuis, ces principes n’ont cessé d’influencer les régimes politiques français, bien que leur application ait varié selon les contextes historiques. Depuis sa première Constitution écrite en 1791 la France a connu une grande pluralité de Constitutions et de régimes politiques : Constitution de l’An I (1793), Constitution de l’An III (1795, Directoire), Constitution de l’An VIII (1799, Consulat), Constitution de l’An X (1802, Consulat à vie), Constitution de l’An XII (1804, Empire), Charte de 1814 (1ère Restauration), Acte additionnel aux Constitutions de l’Empire (1815, Cent-jours), Charte de 1830 (Monarchie de Juillet), Constitution de 1848 (IIe République), Constitution de 1852 (Second Empire), Lois constitutionnelles de 1875 (IIIe République), Lois constitutionnelles de 1945 (Gouvernement provisoire), Constitution de 1946 (IVe République) et enfin Constitution de 1958 (Ve République). Les idées développées lors de la révolution, très présentes dans les trois premières constitutions révolutionnaires, ont été mis en retrait sous l’Empire et la Restauration, bien qu’elles aient nécessairement influencé la construction de ces régimes, avant d’être progressivement réintégrées dans les constitutions républicaines.
Au vu de ces éléments il conviendra de répondre dans le cadre de cette dissertation à la problématique suivante : Comment les principes issus de la Révolution française ont-ils été intégrés dans les différentes constitutions françaises, et dans quelle mesure leur mise en œuvre a-t-elle évolué au fil du temps ?
Nous verrons d’abord comment les constitutions successives ont progressivement repris et consolidé les principes fondamentaux de la Révolution française (I), avant d’analyser les limites et les adaptations de ces principes selon les périodes historiques et les différents régimes politiques (II).
I - Une intégration progressive des principes révolutionnaires dans les constitutions françaises
Les principes fondamentaux issus de la Révolution française — souveraineté nationale, séparation des pouvoirs, reconnaissance des droits et libertés — ont servi de référence aux constitutions successives et ce depuis la DDHC de 1789, véritable socle des principes universels qui fondent aujourd’hui notre République (A). Si la mise en œuvre de ces principes a varié en fonction des régimes politiques, leur influence s’est affirmée au fil du temps (B).
A - La consécration des droits fondamentaux et de la souveraineté nationale
La DDHC de 1789 constitue un véritable socle fondateur pour les constructions institutionnelles futures et la protection des droits et libertés des citoyens (1). Les principes affirmés par la Révolution ont trouvé ensuite une consécration politique, bien qu’éphémère et fragile dans les premières constitutions révolutionnaires de 1791 et 1793 (2).
1 - La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : un socle fondateur
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) du 26 août 1789 marque une rupture radicale avec l’Ancien Régime en affirmant des principes universels qui deviendront au fil du temps la base du droit constitutionnel français. Nombre de principes prévus par la DDHC figurent aujourd’hui comme des principes intangibles de la République ayant valeur constitutionnelle. C’est le cas à titre d’exemple de l’égalité devant la loi, prévue à l’article 1 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », de la souveraineté nationale prévue à l’article 3 : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation » ou encore de séparation des pouvoirs prévu à l’article 16 de la DDHC : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».
La DDHC de 1789 protège également un certain nombre de libertés fondamentales qui sont aujourd’hui protégées par le droit dans les démocraties modernes, à l’instar de la liberté d’expression ou du droit de propriété qui sont en France des principes à valeur constitutionnelle et sont également en Europe protégés par la Charte des droits fondamentaux et la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Ces principes sont repris dans les constitutions révolutionnaires, qui en font le fondement d’un nouvel ordre politique aux contours fragiles.
2 - Les constitutions révolutionnaires : une application politique des principes de la Révolution
Adoptée par l’Assemblée constituante, la Constitution de 1791 instaure la première monarchie constitutionnelle en France. Elle consacre plusieurs principes révolutionnaires. La souveraineté nationale est exercée par une Assemblée législative élue. La séparation des pouvoirs est garantie avec un roi à la tête de l’exécutif et une Assemblée législative indépendante. Le suffrage, dans le cadre de cette Constitution, est un suffrage censitaire, limité aux citoyens les plus aisés. Ce suffrage reste révélateur du caractère inachevé de l’idéal démocratique post révolution française. Bien que cette Constitution soit rapidement abrogée après la chute de la monarchie en 1792, elle pose les bases du parlementarisme moderne et sert de modèle aux constitutions suivantes.
La Constitution montagnarde de 1793, ou Constitution du 6 messidor an I, adoptée sous la Convention nationale, va plus loin dans l’application des principes révolutionnaires. Elle prévoit un suffrage universel masculin, et non plus censitaire. Un référendum populaire est instauré pour valider les lois. La Constitution protège également des droits sociaux tels que le droit au travail, la liberté d’association et de réunion, le droit d’assistance et d’instruction. Toutefois, il est à noter que cette Constitution ne sera jamais appliquée en raison du contexte de guerre et de la mise en place du gouvernement révolutionnaire sous la Terreur.
B - Une influence durable sur les régimes républicains et constitutionnels ultérieurs
La Révolution, et les principes qui en découlent, a grandement influencé tous les régimes politiques mis en place depuis 1789, que ceux-ci décident d’en marginaliser la plupart des principes ou de consacrer juridiquement ses idéaux (1) ou s’en emparent pour les intégrer et les adapter à leur construction institutionnelle (2).
1 - Entre persistance marginale des principes révolutionnaires sous l’Empire et la Restauration et retour des idéaux révolutionnaires sous les constitutions républicaines
Lors de l’adoption de la Constitution de l’an VIII en 1799, Napoléon Bonaparte instaure le Consulat et renforce le pouvoir exécutif. Certains acquis révolutionnaires sont conservés malgré la mise en place de ce nouveau régime, à l’instar de l’égalité devant la loi et des droits protégés par le code civil de 1804. Toutefois, la souveraineté populaire est fortement limitée et le suffrage universel est contrôlé. Le pouvoir exécutif est renforcé et la Constitution permet à Napoléon d'exercer un pouvoir personnel fort sans véritablement respecter les principes démocratiques. La restauration (1814-1830), n’offre guère plus de garanties de respect des principes révolutionnaires. La Charte de 1814 rétablit une monarchie constitutionnelle inspirée de 1791, reconnaissant certaines libertés fondamentales tout en maintenant un pouvoir royal fort.
La IIe République marque un fort retour aux principes démocratiques et des acquis importants. Le suffrage universel masculin est établi et un certain nombre de droits fondamentaux réaffirmés tels que la liberté de la presse et l’abolition de l’esclavage. Toutefois ces acquis sont fragiles. La IIe République fut courte, quatre ans seulement, et suivie du IIe Empire, qui n’était quant à lui pas marqué par un fort respect des principes démocratiques.
La IIIe République marque une forte consolidation républicaine. Il s’agit d’un régime parlementaire inspiré des idées révolutionnaires. Elle affirme des principes importants de la République : l’école gratuite, la laïcité, la séparation de l’Église et de l’État en 1905. Ces principes sont encore aujourd’hui des fondements de notre fonctionnement institutionnels. Dans son sillage, la IVe République prolonge cet ancrage en 1946. La Constitution inclus des droits économiques et sociaux dans son préambule et affirme le principe d’égalité entre les femmes et les hommes. Cette Constitution marque les fondements de la Ve République actuelle.
2 - La Ve République : entre intégration et réinterprétation des principes révolutionnaires
La Constitution de 1958 marque à la fois une continuité et une rupture avec l’héritage révolutionnaire. Elle reprend les principes fondamentaux de 1789, notamment en ce qui concerne les droits et libertés, mais elle adapte l’organisation des pouvoirs en instaurant un exécutif fort, ce qui modifie la séparation stricte des pouvoirs telle que conçue en 1791. La Constitution de la Ve République intègre en effet dès 1958 dans son préambule la DDHC de 1789, le préambule de la Constitution de 1946, qui complète les droits de 1789 en introduisant des droits sociaux et économiques et les PFRLR (principes fondamentaux reconnus par les lois de la République) qui incluent des valeurs comme la liberté d’association et l’indépendance de la justice. La Constitution de la Ve République réaffirme dans son texte des valeurs tirées des principes de la Révolution et notamment l’affirmation de la souveraineté nationale en ses articles un et trois. L’article 3 de la Constitution s’inspire d’ailleurs très largement de l’article 3 de la DDHC « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».
La DDHC de 1789 a par ailleurs désormais directement valeur constitutionnelle depuis la décision Liberté d’association de 1971 du Conseil constitutionnel. Ainsi le Conseil est garant des droits proclamés en 1789 et le droit français doit s’y conformer. Des principes issus des constitutions révolutionnaires ont également pris valeur constitutionnelle, comme la liberté d’expression depuis la décision Loi sur la presse de 1984. Toutefois, ainsi qu’il sera vu dans les développements suivants, la Ve République a très largement réinterprété le modèle de Gouvernement pensé lors de la Révolution. Loin du parlementarisme et de la rationalisation de l’exécutif voulue alors, le rôle du Président de la République y est particulièrement fort. Le Président de la République a un rôle central dans les institutions françaises et l’exécutif s’immisce dans la procédure législative en ayant très largement la main sur l’initiative en matière législative. Une telle situation est révélatrice des limites de l’adaptation, plus ou moins grande, des principes issus de la révolution lors des régimes successifs depuis 1789.
II - Limites et adaptations des idéaux révolutionnaires au sein des régimes politiques depuis 1789
Si les principes issus de la Révolution française ont profondément marqué les constitutions successives, leur application n’a pas toujours été uniforme. En fonction des contextes historiques et des choix politiques, certains principes ont été remis en cause ou réinterprétés (A). De même dans nos régimes politiques modernes, l’esprit des institutions voulues en 1789 a été réadapté aux réalités et pratiques institutionnelles modernes, quitte à limiter certaines libertés voulues par les révolutionnaires (B).
A - La remise en cause des principes révolutionnaires par certains régimes
Certains régimes politiques ont, depuis 1789, marqué un retour en arrière ou une limitation des principes issus de la Révolution. Ces retours sur certains droits et libertés ont pu avoir lieu, dans des mesures différentes, tant sous les régimes impériaux et monarchiques (1) que républicains (2).
1 - L’Empire et la Restauration : des périodes de retour à un pouvoir autoritaire
Si, ainsi qu’il a été vu plus haut, Napoléon Bonaparte a conservé certains droits issus de la révolution, le régime impérial alors mis en place remet en cause très largement les acquis révolutionnaires. La séparation des pouvoirs est mise à bas par la très forte concentration des pouvoirs voulue par Napoléon. Les assemblées législatives, dont le rôle est en principe central selon les idéaux révolutionnaires sont réduites à un rôle de validation des décisions impériales. La presse est fortement contrôlée et la liberté d’expression quasi inexistante, les opposants politiques étant persécutés et la population étroitement surveillée.
Il en va de même sous le Second Empire. Napoléon III concentre le pouvoir au détriment des institutions parlementaires. Les référendums sont utilisés de manière à plébisciter l’action de l’Empereur, et notamment son coup d’État qui a mis fin en 1852 à la IIe République. Les libertés publiques sont également fortement restreintes.
De la même manière, la restauration et la période de la Monarchie de Juillet marquent un fort retour en arrière sur les idées issues de la Révolution française. Si certains droits sont en partie préservés, l’exécutif gouverne sous la restauration avec un pouvoir très étendu et le vote est réservé aux élites par le biais du suffrage censitaire. De même sous la Monarchie de Juillet, le peuple est très largement exclu de la vie politique et les libertés sont fortement limitées.
Ces limitations ne sont en outre pas le propre des périodes impériales et de retour à la monarchie. Les régimes républicains ont eux aussi restreint certaines libertés, bien que ces restrictions soient généralement moins étendues que celles voulues lors des périodes non républicaines.
2 - L’existence de restrictions des libertés sous certains régimes républicains
Bien que la République incarne l’héritage direct de la Révolution, certaines constitutions républicaines ont elles aussi restreint les libertés et adapté la séparation des pouvoirs. La IIIe République est marquée par un parlementarisme très fort, que d’aucuns pourraient considérer comme un héritage de la Révolution. Cette démocratie est toutefois institutionnellement fragile et la stabilité gouvernementale très faible. Le renversement très fréquent des gouvernements a fait parler de « massacre gouvernemental ». Des répressions ont également eu lieu sous la IIIe République, notamment lors de la Commune de Paris. La répression contre les communards est impitoyable et leur mouvement écrasé dans un bain de sang. De nombreux massacres et exécutions sont rapportés lors de la « semaine sanglante ».
Même sous la Ve République, bien que ce régime présente des éloignements moins forts que ceux que la IIIe République a connus, le régime a très largement réinterprété la pratique institutionnelle pensée lors de la Révolution. En premier lieu, il convient de rappeler certains éléments datant du début de la Ve République, notamment une liberté de la presse moindre que celle que nous connaissons aujourd’hui avec la présence d’un ministère de l’information, mais aussi l’existence du Service d’Action Civique (SAC), une forme de police secrète destinée à défendre les intérêts du Général de Gaulle dissoute en 1981 à cause de ses meurtres et exactions.
Outre ces exemples, appartenant au passé, le fonctionnement des institutions sous la Ve République est marqué par une centralisation des pouvoirs au profit de l’exécutif, et notamment du Président de la République qui limite par bien des aspects l’influence du Parlement mais également des citoyens en dehors des seules périodes électorales. La Ve République possède également une séparation imparfaite des pouvoirs. L’initiative de la loi est majoritairement possédée par l’exécutif. L’usage de l’article 49-3 de la Constitution, très commenté à l’heure actuelle, permettant au gouvernement d’adopter une loi sans vote du Parlement, peut ainsi être perçu comme un affaiblissement du pouvoir législatif. Le référendum a été un outil parfois trop peu utilisé, notamment dans la procédure de révision constitutionnelle où il n’a été utilisé qu’une fois sur les vingt-cinq révisions constitutionnelles alors qu’il est normalement la procédure de principe. Celui-ci a également été parfois dévoyé et utilisé comme un moyen de légitimation du pouvoir exécutif, notamment en 1962 lors du référendum sur l’élection du Président de la République au suffrage universel direct.
Ces évolutions montrent que même sous des régimes républicains, les principes révolutionnaires ne sont pas appliqués de manière absolue et peuvent être modulés en fonction du contexte politique.
B - L'évolution continue des principes révolutionnaires dans un objectif d'adaptation aux réalités institutionnelles et sociétales modernes
Si les constitutions successives ont parfois altéré ou limité les principes révolutionnaires, elles les ont aussi fait évoluer pour les adapter aux défis du monde contemporain, tant en les élargissant à de nouveaux droits (1) qu’en cherchant un équilibre parfois difficile entre stabilité institutionnelle et démocratie constitutionnelle (2).
1 - L’élargissement moderne des principes révolutionnaires à de nouveaux droits
La IVe république a consacré un certain nombre de droits sociaux et économiques tels que le droit au travail, la protection sociale et le droit à l’éducation qui prolongent les droits défendus par la DDHC, axés principalement sur les libertés politiques. La Constitution de 1946 a permis ainsi de renforcer la protection des droits acquis lors de la Révolution en les prolongeant pour adapter à son temps le corpus de droit fondamentaux juridiquement protégés.
La Ve République renforce à son tour cette tendance en consacrant juridiquement le bloc de constitutionnalité et en élargissant considérablement les droits et libertés constitutionnellement reconnus. La Ve République reconnaît ainsi à titre d’exemple le droit à un environnement sain comme ayant une valeur constitutionnelle, celui-ci étant reconnu au sein de la Charte de l’environnement de 2004, qui est intégrée au bloc de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel, garant des droits et libertés, assure la protection des droits des minorités et des libertés individuelles ainsi constitutionnellement reconnus. Les principes révolutionnaires ne sont ainsi pas figés, ils évoluent, s’élargissent, s’adaptent aux évolutions sociétales mais également aux réalités institutionnelles de leur temps.
2 - La recherche d’un équilibre entre stabilité institutionnelle et démocratie sous la Ve République
La Ve République a été mise en place dans le contexte d’une grande instabilité gouvernementale sous la IVe République, rendant impossible toute action de l’exécutif. La Ve République a dès lors cherché à éviter cette instabilité, ayant cours depuis IIIe République. Elle a dû ainsi chercher un équilibre entre conservation des valeurs fondamentales de la Révolution et la stabilité nécessaire pour mener une action gouvernementale cohérente et durable.
Ainsi qu’il a été vu, le pouvoir exécutif est fort et la séparation des pouvoirs relativement imparfaite. Toutefois, cela ne signifie pas que la Ve République est exempte de contre-pouvoirs. Concernant le pouvoir judiciaire, la justice est indépendante, la justice administrative permet des recours contre l’État, et le Conseil constitutionnel a, depuis 1958, très largement pris son indépendance vis à vis de l’exécutif, notamment depuis la décision Liberté d’association de 1971. Il n’hésite désormais plus à censurer toute loi contraire aux libertés fondamentales. L’opposition parlementaire a des droits accrus, notamment depuis la révision constitutionnelle de 2008 qui lui donne une plus grande place, et une présence politique grandissante. Cela est le cas de manière particulièrement notoire à l’heure actuelle, en l’absence de majorité absolue au profit de la couleur politique présidentielle à l’Assemblée nationale.
En outre, si la démocratie représentative reste le modèle dominant, une demande citoyenne accrue de démocratie participative oblige les dirigeants à réinventer des modes de consultations populaires à l’instar du grand débat national ou encore de la Convention citoyenne pour le climat. Si ces modèles sont émergents, imparfaits et encore peu utilisés, ceux-ci sont des modes de participation citoyenne tout à fait alignés sur les idéaux défendus par les textes révolutionnaires. Ainsi, la Ve République ne trahit pas les principes révolutionnaires, mais les adapte pour garantir à la fois efficacité et respect des libertés. Ces adaptations restent fragiles et soumises aux aléas politiques qui pourraient opérer un retour en arrière en la matière. Le poids de la volonté politique et la centralisation des pouvoirs au profit de l’exécutif sous la Ve République montrent ainsi la nécessité de contre-pouvoirs forts et de garde-fous juridiques pour éviter qu’un Gouvernement aux velléités illibérales ne conduise à une restriction des acquis sociaux, économiques, citoyens ou environnementaux révolutionnaires et modernes.
