Introduction
La vie administrative communale ne serait pas si dynamique sans l’existence d’associations multiples. Les politistes (et les politiques) ne s’y trompent pas, qui y voient des réservoirs de voix importants. Pourtant, le modèle associatif présente d’autre avantages, dont celui de permettre à la personne publique d’avancer masquée. C’est à cette situation que répond l’arrêt du Conseil d’État, Commune de Boulogne-Billancourt du 21 mars 2007.
La patinoire communale de Boulogne-Billancourt est gérée par une association, qui a passé un contrat avec une entreprise privée afin d’assurer le gardiennage du site. L’association a été mise en règlement judiciaire ( procédure faillite pour les associations) et s’est trouvée dans l’incapacité d’honorer le règlement des sommes dues à la société. Cette dernière s’est retournée contre la commune de Boulogne-Billancourt afin d’obtenir réparation. Le Tribunal administratif de Paris, ainsi que la Cour administrative d’appel de la même ville ont condamné la commune à verser les sommes dues par l’association à la société requérante. La commune se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel.
Le Conseil d’État confirme en tous points la solution retenue par les juges du fond, au regard notamment des liens qui existaient entre l’association, association communale, et la ville. L’arrêt a reçu les honneurs d’une publication au Recueil Lebon notamment parce qu’il établi les critères de reconnaissance des associations qui constituent en réalité les paravents de la personne publique.
Il faut voir dans cet arrêt un double mouvement qui a conduit à autonomiser la notion d’association transparente (I) et qui l’a ensuite intégré aux raisonnement issus du droit des contrats publics (II).
I - Un développement autonome de la notion d'association transparente
Si la solution de l’arrêt commenté est nouvelle, le raisonnement suivi, en revanche, se retrouve en jurisprudence. Il existait un précédent tiré du droit de la responsabilité (A) et les critères dont fait application le Conseil d’État sont exactement ceux tirés du très important arrêt APREI, rendu deux mois auparavant (B).
A - Le précédent Département de la Dordogne
L’arrêt CE, 5 décembre 2005, Département de la Dordogne, avait déjà eu à traiter des associations si proches des personnes publiques qu’elles leur sont progressivement intégrées. Toutefois, à l’époque, la lecture faite par le Conseil d’État était orientée vers le droit de la responsabilité (1). Il n’en demeure pas moins qu’il avait, à cette occasion, prédéterminé les critères utilisés deux ans plus tard (2).
1 - Une lecture sous l’angle du droit de la responsabilité
En 1989, le Département de la Dordogne avait créé, sous forme associative, un comité pour l’expansion économique du territoire. Au bout de deux ans, le Département avait cessé le versement de ses subventions. Le comité s’est rapidement retrouvé dans l’incapacité de réaliser ses missions et a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. Le liquidateur a estimé que la cause essentielle des déboires de l’association provenait de faits imputables au Département de la Dordogne. En particulier, il a constaté que ¾ de l’insuffisance d’actif provenait d’une abstention fautive du Département. Il a alors recherché la responsabilité de cette personne publique, d’abord sur le fondement des règles spéciales du droit des entreprises en difficulté, puis, sur le fondement de la responsabilité de la puissance publique. Le Conseil d’État confirme l’appréciation faite par la Cour administrative d’appel de Bordeaux selon laquelle le Département devait être tenu pour responsable de la faillite de l’association. On se retrouve dans un cas d’espèce similaire, qui traite des rapports entre personne publique et association née à son initiative.
2 - La détermination des critères autorisant l’extension de la responsabilité
Dans l’affaire Département de la Dordogne, la détermination des règles applicables avait été le fait du Tribunal des conflits. Dans une décision du 19 novembre 1999, le Tribunal avait en premier lieu écarté les règles issues du droit des procédures des entreprises en difficulté. Il avait ensuite constaté que « le département de la Dordogne a créé, sous la forme d'une association, le Comité d'expansion de la Dordogne lequel a été investi d'une mission d'intérêt général à caractère administratif visant à contribuer au développement économique du département, et dont ce dernier exerçait la direction tout en pourvoyant à la quasi-totalité de ses dépenses » pour juger que « dans ces conditions, la mise en jeu de la responsabilité du département en raison des fautes commises par lui dans la gestion du comité ne saurait être recherchée dans le cadre d'une action en comblement d'insuffisance d'actif engagée devant le juge judiciaire à la suite de la mise en liquidation judiciaire de l'association, mais ressortit au contraire à la compétence de la juridiction administrative ».
Dans ce cas précis, la logique est assez claire : le droit des procédures collectives n’est pas applicable, mais l’action du Département est susceptible d’avoir causé un dommage à son association – fille. Il convient alors d’appliquer les règles d’engagement de la responsabilité de la personne publique. Cependant, il faut noter que les critères utilisés par le Tribunal ne sont, avec le recul, pas anodins. Il note l’initiative publique, le caractère administratif (sous-entendu non économique) de l’activité exercée, l’existence d’un pouvoir de contrôle et de direction sur la gestion de l’association et l’origine quasiment exclusivement publique des recettes. Ces considérations ont conduit la Cour administrative d’appel de Bordeaux, dont le raisonnement est validé par le Conseil d’État à juger que l’association « ne disposait pas d'une autonomie réelle à l'égard de la collectivité publique ». La Cour s’était fondée sur « plusieurs indices concordants tirés des conditions de création de cette association, de son objet, de son financement et de l'influence des représentants du département en son sein ». On retrouvera ici les critères qui donneront corps à la très importante jurisprudence APREI, dont le Conseil fait une application positive dans l’arrêt commenté.
B - Une application au-delà de la jurisprudence APREI
La détermination du service public dévolu à un tiers par une personne publique responsable est régie par une jurisprudence de principe assez délicate à mettre en œuvre. L’arrêt APREI vise à assouplir cette reconnaissance (1). Pour autant, le Conseil d’État, dans l’arrêt commenté va au-delà des critères nouveaux, au risque de complexifier l’état du droit positif (2).
1 - Une application de la jurisprudence APREI
La définition du service public est délicate. La notion est sujette à un flou qui lui permet, en contrepartie, de s’adapter aux évolutions de la société. Assez paradoxalement, le Conseil d’État a établi des critères de reconnaissance du service public, mais uniquement lorsqu’il est délégué. On peut y voir une volonté d’éviter un délitement de la notion par une trop grande dilution des activités dans le secteur privé. On peut également y voir le signe d’une nécessité de contenir l’applicabilité du droit administratif aux seules situations dans lesquelles plane l’ombre d’une personne publique.
L’arrêt Narcy ( CE, 13 juillet 1968) a bâti un faisceau d’indices destinés à qualifier un service public concédé. Ces indices consistent dans l’exigence d’une dévolution d’une activité d’intérêt général, dans l’existence d’un contrôle de la personne publique sur l’activité, et de l’attribution de prérogatives de puissance publique à la personne délégataire. Cette dernière condition n’était pas nécessairement remplie et avait eu tendance, au fil des applications successives de la jurisprudence Narcy à prendre une place prépondérante. L’arrêt APREI assouplit ces conditions (CE, Sect., 22 février 2007). Il y juge que « Considérant qu'indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public ; que, même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission ».
On trouve une application positive certaine de l’arrêt APREI dans l’arrêt commenté. L’essentiel de la solution du Conseil tient en un considérant de principe : « Considérant que lorsqu'une personne privée est créée à l'initiative d'une personne publique qui en contrôle l'organisation et le fonctionnement et qui lui procure l'essentiel de ses ressources, cette personne privée doit être regardée comme transparente et les contrats qu'elle conclut pour l'exécution de la mission de service public qui lui est confiée sont des contrats administratifs ».
On notera d’une part la similitude des critères employés avec l’arrêt Département de la Dordogne, et, d’autre part, la proximité temporelle de l’arrêt APREI et de l’arrêt commenté. Et ce, alors même que les problématiques sont assez divergentes. L’arrêt APREI vise à qualifier une activité de service public, alors que l’arrêt Commune de Boulogne-Billancourt fait émerger la notion d’association transparente. L’utilisation simultanée des mêmes critères est susceptible d’entraîner une insécurité juridique.
2 - La délicate distinction entre association délégataire et association transparente
L’identité des critères utilisés à la fois pour engager la responsabilité d’une personne publique dans la gestion d’une association, qualifier une activité de service public et reconnaître, par la notion d’association transparente, un faux-nez de l’administration est source d’insécurité. Notamment, dans les deux derniers cas, comment délimiter la frontière entre d’un côté l’association délégataire d’une activité de service public, qui jouit de son autonomie de gestion et, surtout, de la personnalité morale, et, d’un autre côté, une association qui se voit privée de sa personnalité morale pour n’être considérée que comme un service interne de l’administration ? Il serait préjudiciable d’assimiler tout à fait les deux. Toute association publique ne devrait pas être qualifiée d’association transparente, et toute association assumant la gestion d’un service public, créée à l’initiative d’une personne publique et contrôlée par elle, ne peut être assimilée à une association transparente. La raison de cette opposition tient à ce qu’une telle solution reviendrait d’abord à fragiliser un tissu associatif souvent soutenu, sinon créé par les personnes publique, ensuite à priver les personnes publiques du bénéfice des dispositions de la loi de 1901 sur les associations, alors que le législateur n’a pas prévu d’interdiction de principe, et enfin, à remettre en cause toutes les relations entre de telles associations et les tiers. En outre, il y a quelque chose d’illogique à considérer l’association transparente comme un service de la personne publique vis-à-vis des tiers, en lui niant une quelconque personnalité juridique, et, dans le même temps, à reconnaître que cette même personne publique peut être responsable vis-à-vis de l’association des fautes qu’elle commettrait éventuellement dans sa gestion. Il ne peut y avoir de responsabilité qu’entre deux personnes morales.
On ne peut être certain qu’il s’agisse d’une différence de nature car, la situation et les relations juridiques entre la personne publique et l’association sont identiques. La différence doit être, dans ce cas, une situation de degré. Mais, alors, où placer la barre de la distinction ? Il est vrai qu’alors que l’arrêt APREI se contente, de façon neutre, d’établir les critères, l’arrêt commenté les qualifie : la personne publique « contrôle l’organisation et le fonctionnement » de l’association et « lui procure l’essentiel de ses ressources ».
Au final, on peut penser que le recours à ces critères provoquera des solutions différentes selon les moyens et conclusions des parties, en fonction du cadre juridique et du contexte de l’affaire. L’intégration de la notion d’association transparente au droit des contrats publics permet de saisir la logique sous-jacente de l’arrêt commenté.
II - L'intégration de la notion d'association transparente au droit des contrats publics
L’arrêt doit être lu dans le contexte dans lequel il puise sa source. Il est, à ce titre, important de relire l’arrêt sous l’angle du droit des contrats publics, non seulement parce qu’elle délivre la rationalité interne de la décision et son agencement avec les autres matières du droit administratif (A), mais également parce qu’elle apporte des précisions intéressantes sur l’étendue et les modalités du préjudice indemnisable en matière de responsabilité contractuelle (B).
A - Une lecture orientée sous l'angle du droit des contrats publics
L’arrêt Commune de Boulogne-Billancourt traduit l’importation en droit français de la notion de « in-house » issue du droit européen de la commande publique (1). Les conséquences qui découlent de la reconnaissance d’association transparente apparaissent en cascade, pour ce qui concerne les relations contractuelles (2).
1 - L’importation de la notion de « in-house »
Le droit européen de la commande publique impose, dès le premier euro dépensé, que les libertés fondamentales des Traités ainsi que le principe de non discrimination soient respectés (CJCE, 18 novembre 1999 Teckal). Cependant, le juge de Luxembourg a pris en considération les structures, parfois complexes, des relations entre personnes publiques – pouvoirs adjudicateurs, et les organismes qui en sont issus, et notamment les associations. Ainsi, il accepte de considérer que, sous conditions, une structure entretenant des liens particuliers avec le pouvoir adjudicateur, n’est pas un opérateur économique agissant sur un marché concurrentiel et les relations contractuelles entre les deux entités ne doivent pas nécessairement prendre la forme d’un contrat de la commande publique. Ces conditions sont synthétisées de la sorte : il que faut mais il suffit que « la collectivité territoriale exerce sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services et où cette personne réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent ». La Cour de justice précisait que cette exception tient en réalité au fait que la législation sur les marchés publics, pour être applicable, nécessite un contrat passé par un pouvoir adjudicateur d’un côté et « une personne juridiquement distincte de ce dernier » de l’autre.
On se retrouve alors exactement dans la situation de l’arrêt Commune de Boulogne-Billancourt. L’association transparente se voit nier une personnalité morale distincte de la personne publique qui la détient, dans le cadre des relations contractuelles entre elles deux. Étant considérée comme un service interne de la personne publique, il ne peut y avoir de contrat formel. On peut lire cette exception comme une souplesse accordée aux personnes publiques. Cette conception est exacte à condition toutefois d’isoler les seules relations entre ces deux personnes. En revanche, cette assimilation, valant également à l’égard des tiers, présente de nombreuses conséquences qui vont dans le sens d’un renforcement de l’application des règles de la commande publique.
2 - Des conséquences en cascade
L’extension de la personnalité morale de la personne publique, qui phagocyte en quelques sorte celle, formelle, de l’association transparente présente des conséquences non négligeables. Deux séries de risques peuvent être isolés.
D’abord, le fait que l’association soit considérée comme une extension de la personne publique implique que les règles applicables, notamment en matière de commande publique, deviennent applicables à l’association. Si l’association est reconnue transparente, alors elle est soumise à l’obligation de passer ses contrats de nature économique selon les règles des marchés publics ou des délégations de service public. Ce risque n’est pas négligeable. Il peut prendre des formes pénales, lorsque les critères du délit de favoritisme, prévu et réprimé à l’article 432-14 du Code pénal, sont réunies. Sur le plan du droit des contrats publics, tout contrat passé en méconnaissance des règles de la commande publique est nul et peut engager la responsabilité de la personne publique.
Ensuite, au regard du droit des finances publiques, les fonds maniés par les agents de l’association peuvent recevoir la qualification de deniers publics. Or, le fait de manier des fonds publics sans en avoir l’autorisation constitue une gestion de fait, qui peut être pénalement réprimée. Les suites de l’arrêt commenté sont éclairantes à ce propos. La Cour de cassation se reconnaît désormais compétente pour qualifier une association transparente, en appliquant les critères issus de l’arrêt Commune de Boulogne-Billancourt (Crim. 7 nov. 2012, n° 11-82.961). Une dernière série de conséquences peut être développée sur la faute de la personne publique dans la gestion de l’association transparente au regard des règles de la responsabilité contractuelle.
B - Une précision concernant l'étendue de la responsabilité contractuelle de la personne publique
L’arrêt commenté apporte également des précisions intéressantes sur les modalités d’indemnisation des cocontractants de l’association transparente. Il rappelle en premier lieu les modalités de réparation des préjudices subis suite à la reconnaissance de la nullité d’un contrat administratif (1) et revient sur les possibilités d’invoquer l’enrichissement sans cause (2).
1 - L’extension des préjudices réparables en cas de faute
À côté de la seule nullité, qui ne résulte pas nécessairement d’une faute de la personne publique, la victime peut percevoir l’indemnisation des dommages résultant spécifiquement d’une faute. Le considérant de principe est ainsi formulé « Considérant que le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité est fondé à réclamer le remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que, dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, il peut en outre prétendre à la réparation du dommage imputable à cette faute et le cas échéant, demander à ce titre, le paiement du bénéfice dont il a été privé par la nullité du contrat si toutefois le remboursement de ses dépenses utiles ne lui assure pas une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ».
On retrouve ici le considérant qui avait été posé par l’arrêt CE, Sect., 20 octobre 2000, Société Citécâble Est. Il impose de délimiter avec précisions les préjudices, afin d’en saisir les causes exactes. Du fait de la nullité, le cocontractant est en droit de réclamer les seuls frais dont il a effectivement été privé (le damnum emergens). La nullité conduit à l’annulation rétroactive du contrat, et aucun gain manqué ne peut être indemnisé, justement parce que le contrat est censé n’avoir jamais existé. En revanche, si la nullité résulte d’une faute de l’administration, le requérant peut solliciter l’indemnisation du gain manqué (le lucrum cessans). Dans cette situation, le manque à gagner ne résulte pas uniquement de la nullité, mais d’une faute qui peut être imputée à l’administration. Elle est donc tenue de remettre la victime dans l’état dans lequel il se serait trouvé si elle n’avait pas commis de faute. Si un gain économique était attendu, la personne publique devra l’indemniser. En revanche, l’indemnisation se limite au seul bénéfice et ne peut rapporter plus au cocontractant malheureux. Cela signifie concrètement que le juge ne peut attribuer à titre de dommages et intérêts le prix initial du contrat. Dans la mesure où le cocontractant n’exerce pas la mission définie par le contrat, il n’a pas à supporter les dépenses qu’il aurait engagé. On retrouve une logique similaire à celle de l’ancien article 1149 du Code civil qui prévoit la réparation intégrale du préjudice, mais juste le préjudice subi : tout le préjudice mais rien que le préjudice.
2 - L’enrichissement sans cause comme fondement de l’indemnisation
Après avoir rappelé les règles régissant l’indemnisation du cocontractant de l’administration en cas de nullité du contrat, le Conseil d’État revient sur la possibilité pour le requérant de modifier le fondement de sa demande en cours d’instance. Il juge ainsi que « lorsque le juge, saisi d'un litige engagé sur le terrain de la responsabilité contractuelle, est conduit à constater, le cas échéant d'office, la nullité du contrat, les cocontractants peuvent poursuivre le litige qui les oppose en invoquant, y compris pour la première fois en appel, des moyens tirés de l'enrichissement sans cause que l'application du contrat frappé de nullité a apporté à l'un d'eux ou de la faute consistant, pour l'un d'eux, à avoir passé un contrat nul, bien que ces moyens, qui ne sont pas d'ordre public, reposent sur des causes juridiques nouvelles ». Il fait ainsi application de la même jurisprudence (CE, Sect., 20 octobre 2000, Société Citécâble Est). Dans le cas d’espèce, le requérant avait effectivement utilisé ce droit, assez rare en contentieux administratif pour être remarqué.
En réalité, le choix du fondement juridique dépend d’un fait qui intervient nécessairement à l’issue du jugement de première instance. Lorsque le contrat est annulé, les conclusions d’appel peuvent prendre acte de cette décision et modifier le fondement des réclamations. Cette manœuvre rend l’action légèrement plus technique, mais vise à permettre une juste réparation des préjudices. L’enrichissement sans cause se limite aux frais effectivement exposés. En ce sens, l’indemnisation est identique à celle qu’aurait eu le cocontractant en prospérant sur un moyen tiré de la seule annulation du contrat. De la même façon, l’engagement de la responsabilité quasi-délictuelle de l’administration aboutit aux mêmes conséquences que la reconnaissance d’une faute, et permet au cocontractant de se voir indemniser le lucrum cessans.
CE, 21/03/2007, Commune de Boulogne-Billancourt
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000018259435/
