Présentation de l’exercice
La lecture attentive d’un arrêt du Conseil d’État (I) est essentielle, car elle permet de comprendre comment le juge administratif qualifie juridiquement les faits, applique les principes du droit public et construit son raisonnement. C’est une étape clé pour saisir les mécanismes de contrôle de l’action administrative.
Après avoir pris connaissance de l’arrêt du Conseil d’Etat et des questions posées (I), il conviendra d’analyser la forme (II) et le fond de cette décision de justice (III).
Les réponses aux séries de questions posées doivent permettre ensuite de rédiger une fiche d’arrêt et de comprendre la valeur et la portée de l’arrêt proposé (IV).
I - Corpus documentaire et questions
A - Arrêt du Conseil d’État : CE, Ass., 23 déc. 2011, n° 335033, « Danthony », Publié au recueil Lebon (extraits)
Vu la requête, enregistrée le 28 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. C...H..., demeurant..., M. J...-C...G..., demeurant..., M. E...I..., demeurant..., M. B...D..., demeurant...,; M. H...et autres demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2009-1533 du 10 décembre 2009 portant création de l'Ecole normale supérieure de Lyon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées le 12 et 19 décembre 2011, présentées par M. H...et autres ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule ;
Vu le code civil ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 ;
Vu la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ;
Vu le décret n° 82-452 du 28 mai 1982 ;
Vu le décret n° 87-695 du 26 août 1987 ;
Vu le décret n° 94-360 du 6 mai 1994 ;
Vu le décret n° 2008-618 du 27 juin 2008 ;
Vu le code de justice administrative ;
[…]
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
[…]
Considérant que l'article 70 de la loi du 17 mai 2011 dispose que : " Lorsque l'autorité administrative, avant de prendre une décision, procède à la consultation d'un organisme, seules les irrégularités susceptibles d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise au vu de l'avis rendu peuvent, le cas échéant, être invoquées à l'encontre de la décision " ;
Considérant que ces dispositions énoncent, s'agissant des irrégularités commises lors de la consultation d'un organisme, une règle qui s'inspire du principe selon lequel, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; que l'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte ;
En ce qui concerne l'irrégularité tenant à ce que les conseils d'administration ont délibéré sans l'avis préalable des comités techniques paritaires :
Considérant que la consultation obligatoire de chaque comité technique paritaire préalablement à l'adoption par le conseil d'administration de chaque établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel de la demande de regroupement prévue par les dispositions précitées de l'article L. 711-1 du code de l'éducation, qui a pour objet d'éclairer chacun de ces conseils sur la position des représentants du personnel de l'établissement concerné, constitue pour ces derniers une garantie qui découle du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail consacré par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; qu'il ressort des pièces du dossier que, si les comités techniques paritaires des deux écoles ont été consultés sur le projet de statuts de la nouvelle Ecole normale supérieure, ils ne l'ont été que lors d'une réunion commune tenue le 9 juillet 2009, soit postérieurement aux délibérations des conseils d'administration formulant la demande de regroupement ; qu'une telle omission de consultation préalable de chaque comité sur le principe de la fusion, qui a privé les représentants du personnel d'une garantie, a constitué une irrégularité de nature à entacher la légalité du décret attaqué ;
En ce qui concerne les modalités des délibérations des conseils d'administration :
Considérant que lorsque des établissements demandent leur regroupement, une délibération exprimant la volonté propre du conseil d'administration de chacune des personnes morales concernées doit être prise en ce sens ; qu'une telle nécessité fait obstacle, eu égard à l'objet même de la délibération, à ce qu'un conseil d'administration puisse délibérer en présence de membres des conseils d'administration des établissements avec lesquels le regroupement est envisagé ; qu'il ressort des pièces du dossier que les délibérations par lesquelles les conseils d'administration des deux écoles normales supérieures ont pris parti sur le principe de la fusion avec l'autre établissement ont été émises lors d'une réunion organisée en commun, sous la présidence unique du président du conseil d'administration de l'un des deux établissements, y compris pendant le débat et le scrutin ; qu'eu égard au nombre et à la qualité des personnes irrégulièrement présentes, et en dépit du fait que les administrateurs étaient informés depuis plusieurs mois du projet de regroupement, de telles modalités de délibération ne peuvent être regardées comme dépourvues d'incidence sur le sens des votes, même si ceux-ci ont été émis de façon distincte ; que l'expression du point de vue autonome de chaque établissement a ainsi été altérée ; que ce vice dans le déroulement de la procédure a donc été susceptible d'exercer une influence sur le sens des délibérations et, par suite, sur le sens du décret attaqué approuvant la demande de regroupement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède […] que M. H...et autres sont fondés à soutenir que le décret attaqué a été pris au terme d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
[…]
D E C I D E :
Article 1er : Le décret du 10 décembre 2009 est annulé à compter du 30 juin 2012 […].
B – Liste des questions
a / Lecture formelle d’un arrêt du Conseil d’État :
1. Qu’est-ce qu’un visa ? Ou se trouve les visas dans cette décision ?
2. Que sont les motifs dans un arrêt du Conseil d’État ? Où se trouvent les motifs dans l’arrêt étudié ?
3. Qu’est-ce que le dispositif dans un arrêt du Conseil d’État ?? Où se trouve-t-il dans l’arrêt étudié ?
b / Compréhension substantielle d’un arrêt du Conseil d’État :
1. Quels sont les faits de l’arrêt étudié ?
2. Que souhaitent les requérants ? Quel type de vice est en cause ? Quel point de droit est discuté devant le Conseil d’État ?
3. Le Conseil d’État va-t-il dans le sens du demandeur au pourvoi ? Comment le savez-vous ?
4. Sur quels fondements juridiques le Conseil d’État s’appuie-t-il pour rendre sa décision ?
5. Le Conseil d’État opère-t-il une distinction entre différents types de vices ? Le cas échéant, expliquez le raisonnement du Conseil d’État quant à la qualification de ces différents vices (catégories juridiques retenues, critères posés, etc.).
6. Quelles sont les conséquences de la qualification du vice ? En l’espèce, le vice invoqué se voit-il appliquer ces conséquences ?
7. Quelle est, selon vous, la portée (= l’importance dans le futur) de cet arrêt ? Quels sont les indices pouvant vous aider à répondre à cette question ?
II - Lecture formelle d’un arrêt du Conseil d’État
Avant d’analyser le fond d’une décision de justice, il est primordial d’être à l’aise avec sa forme. Pour cela, il faut connaître et savoir reconnaître les différentes « parties » d’une décision de justice. Les réponses aux questions sont données en italique.
1 - Qu’est-ce qu’un visa ? Ou se trouvent les visas dans cette décision ?
Un visa est l’indication du fondement juridique sur lequel le juge se fonde pour rendre sa décision. Dans un arrêt du Conseil d’État, le visa indique aussi les demandes et moyens des parties requérantes.
Dans un arrêt du Conseil d’État, le visa apparaît systématiquement, au début de la décision.
Dans l’arrêt étudié, le visa est bien au début :
« Vu la requête, enregistrée le 28 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. C...H..., demeurant..., M. J...-C...G..., demeurant..., M. E...I..., demeurant..., M. B...D..., demeurant...,; M. H...et autres demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2009-1533 du 10 décembre 2009 portant création de l'Ecole normale supérieure de Lyon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées le 12 et 19 décembre 2011, présentées par M. H...et autres ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule ;
Vu le code civil ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 ;
Vu la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ;
Vu le décret n° 82-452 du 28 mai 1982 ;
Vu le décret n° 87-695 du 26 août 1987 ;
Vu le décret n° 94-360 du 6 mai 1994 ;
Vu le décret n° 2008-618 du 27 juin 2008 ;
Vu le code de justice administrative. »
2 - Que sont les motifs dans un arrêt du Conseil d’État ? Où se trouvent les motifs dans l’arrêt étudié ?
Les motifs correspondent au raisonnement, en fait et en droit, du Conseil d’État. C’est la partie de la décision dans laquelle il reprend les éléments de fait ou de droit qui l’ont conduit à statuer comme il le fait dans le dispositif. En tant qu’élément de raisonnement, le motif est le matériau principal du commentaire d’arrêt. Les motifs sont toujours présents dans un arrêt du Conseil.
Les motifs commencent généralement avec un « Considérant », sauf dans les arrêts les plus récents. Le Conseil adopte désormais un style direct et simplifié.
Dans l’arrêt étudié, les motifs suivent le visa :
« Sur les conclusions aux fins d'annulation :
[…]
Considérant que l'article 70 de la loi du 17 mai 2011 dispose que : " Lorsque l'autorité administrative, avant de prendre une décision, procède à la consultation d'un organisme, seules les irrégularités susceptibles d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise au vu de l'avis rendu peuvent, le cas échéant, être invoquées à l'encontre de la décision " ;
Considérant que ces dispositions énoncent, s'agissant des irrégularités commises lors de la consultation d'un organisme, une règle qui s'inspire du principe selon lequel, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; que l'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte ;
En ce qui concerne l'irrégularité tenant à ce que les conseils d'administration ont délibéré sans l'avis préalable des comités techniques paritaires :
Considérant que la consultation obligatoire de chaque comité technique paritaire préalablement à l'adoption par le conseil d'administration de chaque établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel de la demande de regroupement prévue par les dispositions précitées de l'article L. 711-1 du code de l'éducation, qui a pour objet d'éclairer chacun de ces conseils sur la position des représentants du personnel de l'établissement concerné, constitue pour ces derniers une garantie qui découle du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail consacré par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ; qu'il ressort des pièces du dossier que, si les comités techniques paritaires des deux écoles ont été consultés sur le projet de statuts de la nouvelle Ecole normale supérieure, ils ne l'ont été que lors d'une réunion commune tenue le 9 juillet 2009, soit postérieurement aux délibérations des conseils d'administration formulant la demande de regroupement ; qu'une telle omission de consultation préalable de chaque comité sur le principe de la fusion, qui a privé les représentants du personnel d'une garantie, a constitué une irrégularité de nature à entacher la légalité du décret attaqué ;
En ce qui concerne les modalités des délibérations des conseils d'administration :
Considérant que lorsque des établissements demandent leur regroupement, une délibération exprimant la volonté propre du conseil d'administration de chacune des personnes morales concernées doit être prise en ce sens ; qu'une telle nécessité fait obstacle, eu égard à l'objet même de la délibération, à ce qu'un conseil d'administration puisse délibérer en présence de membres des conseils d'administration des établissements avec lesquels le regroupement est envisagé ; qu'il ressort des pièces du dossier que les délibérations par lesquelles les conseils d'administration des deux écoles normales supérieures ont pris parti sur le principe de la fusion avec l'autre établissement ont été émises lors d'une réunion organisée en commun, sous la présidence unique du président du conseil d'administration de l'un des deux établissements, y compris pendant le débat et le scrutin ; qu'eu égard au nombre et à la qualité des personnes irrégulièrement présentes, et en dépit du fait que les administrateurs étaient informés depuis plusieurs mois du projet de regroupement, de telles modalités de délibération ne peuvent être regardées comme dépourvues d'incidence sur le sens des votes, même si ceux-ci ont été émis de façon distincte ; que l'expression du point de vue autonome de chaque établissement a ainsi été altérée ; que ce vice dans le déroulement de la procédure a donc été susceptible d'exercer une influence sur le sens des délibérations et, par suite, sur le sens du décret attaqué approuvant la demande de regroupement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède […] que M. H...et autres sont fondés à soutenir que le décret attaqué a été pris au terme d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation. »
3 - Qu’est-ce que le dispositif dans un arrêt du Conseil d’État ?? Où se trouve-t-il dans l’arrêt étudié ?
Le dispositif est la décision du juge, le sens dans lequel il tranche. C’est la partie finale de la décision de justice. Le dispositif ne fait que conclure, à la manière de la conclusion du syllogisme, son raisonnement. Dans un arrêt du Conseil d’État, le dispositif est annoncé (« Décide ») et prend la forme d’articles.
Dans l’arrêt étudié, le dispositif est le suivant :
« D E C I D E :
Article 1er : Le décret du 10 décembre 2009 est annulé à compter du 30 juin 2012 […]. »
III - Compréhension substantielle d’un arrêt du Conseil d’Etat
Une fois comprise la structure d’une décision, il faut passer à sa lecture substantielle. C’est l’étape la plus importante, qui permettra de comprendre dans quel sens un problème de droit est tranché, sur quel fondement, quel est le raisonnement appliqué, etc. Les réponses aux questions sont données en italique.
1 - Quels sont les faits de l’arrêt étudié ?
Un décret n° 2009-1533 du 10 décembre 2009 approuve le regroupement, au sein d’une seule école normale supérieure, de deux écoles déjà existantes, conformément à l’article L. 711-1 du code de l’éducation.
Les arrêts du juge administratif se fondent sur la règle de la décision administrative préalable. Les faits débutent donc par la présentation de l’acte attaqué devant le Conseil d’État.
2 - Que souhaitent les requérants ? Quel type de vice est en cause ? Quel point de droit est discuté devant le Conseil d’État ?
La qualification des requérants est essentielle. Il faut éviter au maximum de reprendre les noms anonymisés tels que présentés dans l’arrêt. Par ailleurs, il faut ici indiquer les raisons, de fait ou de droit, qui conduisent les requérants à contester la légalité de l’acte objet du litige.
Les requérants personnes physiques souhaitent voir annuler, pour excès de pouvoir, le décret de 2009. Ils estiment que les modalités de regroupement, prévues aux articles 15 de la loi du 11 janvier 1984 et 12 du décret du 28 mai 1982, n’ont pas été respectées. En effet, ces articles prévoient notamment que la demande préalable des directeurs des écoles soit précédée d’un avis des comités techniques paritaires de chacun des établissements concernés par le regroupement. Or, cette consultation n’a eu lieu que postérieurement à la demande de regroupement, et lors d’une réunion commune, alors que les textes prévoient des réunions séparées de chaque conseil d’administration.
En d’autres termes, les requérants contestent la légalité du décret de 2009 du fait de l’existence de vices de procédure. Les requérants demandaient ainsi au Conseil d’État si tout vice de procédure devait entraîner l’annulation de la décision adoptée en contradiction avec ces vices.
3 - Le Conseil d’État va-t-il dans le sens des requérants ? Comment le savez-vous ?
Le Conseil d’État accueille la demande des requérants. Au-delà de la lecture substantielle de l’arrêt, cela est clair dans le dispositif de la décision. Il est dit que « le décret du 10 décembre 2009 est annulé à compter du 20 juin 2012 ».
Le Conseil d’État accueille la requête et annule le décret litigieux du 10 décembre 2009.
4 - Sur quels fondements juridiques le Conseil d’État s’appuie-t-il pour rendre sa décision ?
Les fondements juridiques employés par le Conseil d’État sont multiples et sont rappelés dès le visa de la décision. Tous les articles n’ont pas la même valeur dans le cadre d’un commentaire de la décision. La lecture substantielle de l’arrêt permet de déterminer les textes qui ont emporté la conviction du juge suprême administratif.
Dans ses motifs, le Conseil d’État se fonde d’abord sur les textes rappelés par les requérants, à savoir l’article L.711-1 du code de l’éducation, l’article 15 de la loi du 11 janvier 1984 et l’article 12 du décret du 28 mai 1982. Cependant, ces dispositions portent sur le cas spécifique des modalités exigées pour opérer un regroupement d’écoles. Elles ne répondent pas à la question posée de l’efficacité des vices de procédure pour annuler un acte administratif litigieux.
Il faut donc déterminer le fondement juridique ayant permis de répondre à cette question de droit. La lecture minutieuse de l’arrêt permet d’y répondre : l’article 70 de la loi du 17 mai 2011, dont la lettre est expressément rappelée dans l’un des considérants. Ce texte porte bien sur les irrégularités susceptibles d’être invoquées à l’encontre d’une décision.
Pour statuer en ce sens, le Conseil d’État se fonde sur l’article 70 de la loi du 17 mai 2011.
5 - Le Conseil d’État opère-t-il une distinction entre différents types de vices ? Le cas échéant, expliquez le raisonnement du Conseil d’État quant à la qualification de ces différents vices (catégories juridiques retenues, critères posés, etc.).
La lecture de l’article 70 de la loi du 17 mai 2011 permet déjà partiellement de répondre au problème de droit posé par les requérants. L’article précise que « seules les irrégularités susceptibles d’avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise au vue de l’avis rendu peuvent être invoquées à l’encontre de la décision ».
En d’autres termes, l’article prévoit différentes catégories de vices de procédure : ceux ayant pu exercer une influence sur la décision prise, pouvant donner lieu à annulation, et ceux n’ayant pas exercé une telle influence, et ne pouvant donc pas être invoqués.
Le Conseil d’État ne s’en tient pas là et répond à la question posée dans un considérant, que l’on peut qualifier de principe : « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ».
Le Conseil ajoute ainsi une condition au texte : seuls les vices ayant pu exercer une influence sur le sens de la décision prise (catégorie créée par la loi de 2011) ou les vices ayant privé les intéressés d’une garantie (innovation de l’arrêt Danthony) pourront entrer l’annulation de la décision. Parmi les vices pouvant entraîner l’annulation de l’acte, on retrouve une catégorie alternative : soit les vices ayant exercé une influence sur la décision prise, soit les vices ayant privé l’intéressé d’une garantie.
Le Conseil d’État rappelle que tous les vices de procédure n’entraînent pas l’annulation de la décision administrative. Il opère une distinction entre les vices de procédure susceptibles d’annuler la décision et ceux qui ne le sont pas : seuls ceux ayant eu une incidence sur la décision prise peuvent être annulés.
Les vices de procédure pouvant entraîner l’annulation de l’acte sont de deux types. D’une part, et conformément à la loi de 2011, il s’agit des vices ayant pu exercer une influence sur le sens de la décision prise. D’autre part, le Conseil consacre une nouvelle catégorie de vices : le vice ayant privé l’intéressé d’une garantie.
6 - Quelles sont les conséquences de la qualification du vice ? En l’espèce, le vice invoqué se voit-il appliquer ces conséquences ?
L’analyse du vice en cause en l’espèce entraînera sa qualification juridique, telle que rappelée précédemment. Selon la qualification choisie, le vice pourra alors ou non entraîner l’annulation de l’acte. L’opération de qualification est donc essentielle, car d’elle dépend l’avenir de l’acte administratif.
En l’espèce, les deux vices invoqués sont qualifiés comme des vices susceptibles d’annuler la décision de 2009 :
- Le premier vice, tenant à la consultation préalable des conseil d’administration, « a privé les représentants du personnel d’une garantie » et « a constitué une irrégularité de nature à entacher la légalité du décret attaqué » ;
- Le second vice, tenant à l’absence de réunion séparée de chaque conseil d’administration, « a été susceptible d’exercer une influence sur le sens des délibérations et, par suite, sur le sens du décret attaqué approuvant la demande de regroupement ».
7 - Quelle est, selon vous, la portée (= l’importance dans le futur) de cet arrêt ? Quels sont les indices pouvant vous aider à répondre à cette question ?
L’arrêt rendu par le Conseil d’État a vocation à prendre une portée importante.
En effet, l’arrêt a été rendu en Assemblée du contentieux. Il s’agit de l’une des formations solennelles du Conseil d’État afin de juger les affaires d’une importance remarquable.
Par ailleurs, l’arrêt fait l’objet d’une publication au recueil Lebon, qui est un ouvrage référençant les décisions les plus importantes rendues par le Conseil d’État. Cela signifie que la décision a été analysée dans le recueil.
Enfin, la formulation impérative, sous la forme d’un attendu de principe, de la règle posée témoigne de la volonté de la part du Conseil d’État d’une portée générale.
IV – Rédaction d’une fiche d’arrêt
Les réponses à l’ensemble des questions permettent la rédaction d’une fiche d’arrêt. En voici un exemple :
Un décret n° 2009-1533 du 10 décembre 2009 approuve le regroupement, au sein d’une seule école normale supérieure, de deux écoles déjà existantes, conformément à l’article L. 711-1 du code de l’éducation.
Les requérants personnes physiques souhaitent voir annuler, pour excès de pouvoir, le décret de 2009. Ils estiment que les modalités de regroupement, prévues aux articles 15 de la loi du 11 janvier 1984 et 12 du décret du 28 mai 1982, n’ont pas été respectées. En effet, ces articles prévoient notamment que la demande préalable des directeurs des écoles soit précédée d’un avis des comités techniques paritaires de chacun des établissements concernés par le regroupement. Or, cette consultation n’a eu lieu que postérieurement à la demande de regroupement, et lors d’une réunion commune, alors que les textes prévoient des réunions séparées de chaque conseil d’administration.
En d’autres termes, les requérants contestent la légalité du décret de 2009 du fait de l’existence de vices de procédure. Les requérants demandaient ainsi au Conseil d’État si tout vice de procédure devait entraîner l’annulation de la décision adoptée en contradiction avec ces vices.
Le Conseil d’État accueille la requête et annule le décret litigieux du 10 décembre 2009.
Pour statuer en ce sens, le Conseil d’État se fonde sur l’article 70 de la loi du 17 mai 2011.
Le Conseil d’État rappelle que tous les vices de procédure n’entraînent pas l’annulation de la décision administrative. Il opère une distinction entre les vices de procédure susceptibles d’annuler la décision et ceux qui ne le sont pas : seuls ceux ayant eu une incidence sur la décision prise peuvent être annulés.
Les vices de procédure pouvant entraîner l’annulation de l’acte sont de deux types. D’une part, et conformément à la loi de 2011, il s’agit des vices ayant pu exercer une influence sur le sens de la décision prise. D’autre part, le Conseil consacre une nouvelle catégorie de vices : le vice ayant privé l’intéressé d’une garantie.
