L’application de la loi dans le temps (cas pratiques)

Présentation de l’exercice

Le droit est une science vivante. Ce dynamisme est connu : inflation législative et réglementaire, vivacité de la jurisprudence des Cours suprêmes, multiplication des actes pris par les acteurs privés. Il entraîne inévitablement des conflits temporels entre certaines règles de droit, qu’il faut résoudre. C’est ce qu’on nomme la question de l’application de la loi dans le temps. Plusieurs cas sont ici proposés pour connaître et comprendre les principales règles de résolution des conflits de normes dans le temps. Pour chacun de ces cas, demandez-vous quelle est la situation proposée et quel en est le fait générateur, quelle est la date d’entrée en vigueur de la norme litigieuse, quel est le principe en matière d’application de la loi dans le temps et quelles sont les potentielles exceptions applicables. Vous utiliserez la méthode du syllogisme pour construire vos réponses.

Résolvez les cas pratiques suivants.

Cas pratique n° 1

Le 11 mai 2025, comme tous les dimanches, Léa faisait son jogging matinal au parc. Malheureusement, elle est alors mordue par le chien de son voisin. Léa ne veut pas en rester là et souhaite demander réparation à son voisin, afin que celui-ci prenne conscience de la dangerosité de l’animal. En effectuant ses recherches, Léa apprend que l’indemnité forfaitaire due aux victimes de morsures de chiens a été doublée, par une loi publiée au Journal Officiel de la République française le 14 mai 2025

Le 20 mai, elle envoie une lettre recommandée à son voisin afin de réclamer réparation, sur la base de l’indemnité doublée. Mais vous vous interrogez : la loi nouvelle s’applique-t-elle à sa demande ?

Cas pratique n° 2

Samira souhaite obtenir une bourse municipale d’aide à la création de projets. Elle dépose donc un dossier auprès des services municipaux le 10 septembre 2024. Le 20 septembre 2024, la mairie rejette son dossier de bourse, arguant qu’elle a des revenus supérieurs au plafond réglementaire. Samira apprend en effet qu’un décret, publié au JORF le 14 septembre, abaisse le plafond de revenus pour obtenir la bourse convoitée. Elle s’interroge : la décision de la mairie est-elle légale ? 

Cas pratique n° 3

Le 22 juin dernier, Marco se retrouve en garde-en-vue après trois infractions commises après une fête de la musique très alcoolisée. Vers 2 heures du matin, il a volé un vélo en sectionnant l’antivol, afin de rentrer chez lui. Sa conduite dangereuse est remarquée par des policiers, qui commencent à le suivre. Marco, se sentant observé, a foncé tout droit dans un abribus et l’a légèrement détérioré. Les policiers ont alors souhaité procéder à un test d’alcoolémie, ce qu’il a drastiquement refusé. 

Quelques jours plus tard, le 25 juin, en discussion avec son avocat commis d’office, Marco se demande combien cela va lui coûter. Son avocat lui annonce souriant que tout va bien se passer, en raison d’une série de lois votées la veille et publiées au JO ce jour même. Ces lois prévoient notamment :
-    que le vol simple d’une chose d’une valeur de moins de 500 € ne fait désormais l’objet d’aucune poursuite et est sanctionné par une amende allant jusqu’à trois fois le prix de la chose volée (l’ancienne loi ne prévoyait pas de distinction, le vol étant alors sanctionné par 3 ans de prison et 45 000 € d’amende) ;
-    que l’amende pour dégradation d’un ouvrage public est doublée, passant 3 750 € à 7 500 € ;
-    que les vols simples et les infractions connexes relèvent désormais d’une procédure d’enquête simplifiée.

Qu’en pensez-vous ? 

Cas pratique n° 4

Lucie et Anna ont flashé sur un petit appartement en centre-ville de Nantes. Le 1er mars 2024, elles signent le bail d’habitation avec Paul, le propriétaire. Le contrat précise que l’appartement est loué non meublé, pour un loyer mensuel de 800€ et un dépôt de garantie est exigé d’une valeur d’un mois de loyer.

Les deux femmes sont bonnes payeuses, mais assez négligentes. Ainsi, en septembre 2024, elles ont cassé les volets roulants de l’appartement, sans en demander la réparation. Alerté, Paul réclame aux deux femmes la somme de 120 € pour procéder au changement des volets. Il estime qu’il s’agit d’une petite réparation et donc à la charge des locataires, ce qu’elles réfutent.

Paul commence à perdre espoir de revoir son argent. Il risque d’ailleurs d’en perdre encore, car les locataires lui annoncent le 10 mai 2025 qu’elles prévoient de quitter le logement le 30 juin suivant : Lucie débute son premier CDI le 1er juin en périphérie de Nantes, où elles ont trouvé un pavillon plus grand. 

Paul est désemparé et vous demande conseil, car il risque de perdre de l’argent dans cette histoire. Vous le rassurez en lui évoquant une récente loi « Habitat 2025 » publiée au JORF le 14 mai 2025. L’article 1er de cette loi généralise la réduction du préavis d’un mois à tous les centres-villes de plus de 40 000 habitants, en raison du contexte immobilier tendu, au lieu de trois mois. 

De même, pour assainir les relations entre propriétaires et locataires, l’article 12 de la loi précise : « I. — Sont récupérables sur le locataire, au titre des charges, les dépenses afférentes aux petites réparations et à l’entretien courant du logement loué.
II. — Constituent notamment des petites réparations, lorsqu’elles ne procèdent pas d’une vétusté anormale ou d’un vice de construction :
[…]
4° le remplacement des volets roulants et de leurs accessoires
; […] ».

Enfin, vous lui indiquez que la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence dans l’interprétation du préavis d’un mois. Dans un arrêt rendu le 5 juin 2025, elle indique que « il résulte de l’économie des textes régissant les rapports locatifs que les dispositions relatives au préavis du locataire doivent recevoir une interprétation conforme à leur finalité, qui est de fluidifier le marché locatif, de résorber la pénurie de logements dans les centres-villes et de lever les freins à l’embauche ; qu’en conséquence, le bénéfice du préavis d’un mois doit être reconnu au locataire qui justifie de la conclusion de son premier CDI au cours du préavis, peu important que le logement soit ou non situé en zone dite “tendue”. » 

Paul ne voit pas bien en quoi cela peut l’aider :
-    Paul peut-il réclamer les loyers de juillet et août 2025 à ses locataires ? 
-    Pourra-t-il obtenir le remboursement des 120€ de réparation des volets ? Pourra-t-il, le cas échéant, déduire ces sommes du dépôt de garantie ?

Cas pratique n° 1

Énoncé

Le 11 mai 2025, comme tous les dimanches, Léa faisait son jogging matinal au parc. Malheureusement, elle est alors mordue par le chien de son voisin. Léa ne veut pas en rester là et souhaite demander réparation à son voisin, afin que celui-ci prenne conscience de la dangerosité de l’animal. En effectuant ses recherches, Léa apprend que l’indemnité forfaitaire due aux victimes de morsures de chiens a été doublée, par une loi publiée au Journal Officiel de la République française le 14 mai 2025

Le 20 mai, elle envoie une lettre recommandée à son voisin afin de réclamer réparation, sur la base de l’indemnité doublée. Mais vous vous interrogez : la loi nouvelle s’applique-t-elle à sa demande ?

Corrigé

En droit, l’article 2 du Code civil pose le principe de la non-rétroactivité et de l’application immédiate de la loi. Cela signifie que la loi n’a vocation qu’à régir les situations légales postérieures à son entrée en vigueur, sans remettre en cause les situations légales passées. À défaut de dispositions contraires, la loi entre en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française (JORF), aux termes de l’alinéa 1er de l’article 1er du Code civil. 

En l’espèce, la situation vécue par Léa est une situation légale, car il s’agira de mettre en œuvre la responsabilité délictuelle de son voisin du fait de son chien. Le fait générateur de cette situation légale est la morsure, survenue le 11 mai 2025. La loi plus favorable à Léa est entrée en vigueur le 15 mai 2025, le lendemain de sa publication au JORF. La loi du 14 mai 2025 est donc postérieure au fait générateur. 

En conclusion, la loi du 14 mai 2025 n’a donc pas vocation à régir la situation de Léa. Cette dernière ne peut pas demander le doublement de son indemnité sur le fondement de cette loi. 

Cas pratique n° 2

Énoncé

Samira souhaite obtenir une bourse municipale d’aide à la création de projets. Elle dépose donc un dossier auprès des services municipaux le 10 septembre 2024. Le 20 septembre 2024, la mairie rejette son dossier de bourse, arguant qu’elle a des revenus supérieurs au plafond réglementaire. Samira apprend en effet qu’un décret, publié au JORF le 14 septembre, abaisse le plafond de revenus pour obtenir la bourse convoitée. Elle s’interroge : la décision de la mairie est-elle légale ?

Corrigé

En droit, le principe est celui de la non-rétroactivité des actes administratifs (CE, 25 juin 1948, Société du journal l’Aurore). Les actes administratifs ont vocation à être d’application immédiate et entrent en vigueur le lendemain de leur publication, sauf dispositions contraires (CRPA, art. L. 221-2). Par ailleurs, l’article L. 221-4 du CRPA précise que sauf disposition contraire, « la nouvelle réglementation ne s’applique pas aux situations juridiques définitivement constituées avant son entrée en vigueur ou aux contrats formés avant cette date ». À l’inverse, les situations non encore définitives à la date d’entrée en vigueur doivent se voir appliquer l’acte en question. 

En l’espèce, Samira a effectué sa demande le 10 septembre 2024 et le décret litigieux est entré en vigueur le 15 septembre 2024, en l’absence de dispositions transitoires. Cela signifie donc qu’il devait s’appliquer à toutes les décisions non encore définitives. Or, la demande de Samira doit s’analyser comme une situation juridique non définitive, car aucune décision administrative ne lui avait octroyé de bourse. La décision de rejet intervient le 20 septembre, soit postérieurement à l’entrée en vigueur du décret. La mairie devait donc appliquer le nouveau plafond. 

En conclusion, le refus opposé par la mairie, fondé sur les ressources de Samira, est valable. 

Cas pratique n° 3

Énoncé

Le 22 juin dernier, Marco se retrouve en garde-en-vue après trois infractions commises après une fête de la musique très alcoolisée. Vers 2 heures du matin, il a volé un vélo en sectionnant l’antivol, afin de rentrer chez lui. Sa conduite dangereuse est remarquée par des policiers, qui commencent à le suivre. Marco, se sentant observé, a foncé tout droit dans un abribus et l’a légèrement détérioré. Les policiers ont alors souhaité procéder à un test d’alcoolémie, ce qu’il a drastiquement refusé. 

Quelques jours plus tard, le 25 juin, en discussion avec son avocat commis d’office, Marco se demande combien cela va lui coûter. Son avocat lui annonce souriant que tout va bien se passer, en raison d’une série de lois votées la veille et publiées au JO ce jour même. Ces lois prévoient notamment :
-    que le vol simple d’une chose d’une valeur de moins de 500 € ne fait désormais l’objet d’aucune poursuite et est sanctionné par une amende allant jusqu’à trois fois le prix de la chose volée (l’ancienne loi ne prévoyait pas de distinction, le vol étant alors sanctionné par 3 ans de prison et 45 000 € d’amende) ;
-    que l’amende pour dégradation d’un ouvrage public est doublée, passant 3 750 € à 7 500 € ;
-    que les vols simples et les infractions connexes relèvent désormais d’une procédure d’enquête simplifiée.

Qu’en pensez-vous ? 

Corrigé

En droit, l’article 2 du Code civil pose le principe de la non-rétroactivité et de l’application immédiate de la loi. Cela signifie que la loi n’a vocation qu’à régir les situations légales postérieures à son entrée en vigueur (v. également C. pén., art. 112-1 al. 1er), sans remettre en cause les situations légales passés. Le droit pénal connaît des exceptions à ce principe, en fonction de ce que la loi nouvelle est en faveur ou en défaveur du mis en cause. L’alinéa 3 de l’article 112-1 du Code pénal prévoit ainsi que « les dispositions nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ». Les deux conditions pour l’application de cette exception sont donc l’existence d’une loi nouvelle prévoyant une sanction moins sévère (rétroactivité in mitius) et que la condamnation ne soit pas passée en force de chose jugée. Enfin, les réformes procédurales sont immédiatement applicables aux procédures en cours (C. pén., art. 112-2, 2°). À défaut de dispositions contraires, la loi entre en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française (JORF), aux termes de l’alinéa 1er de l’article 1er du Code civil.

En l’espèce, Marco est poursuivi pour trois chefs distincts : le vol simple d’un vélo, la dégradation d’un ouvrage public et le refus de se soumettre à un dépistage d’alcoolémie.  Il s’agit de situations légales. Marco ne devrait pas, en principe, se voir appliquer les lois du 24 juin 2025, entrant en vigueur le 26 juin 2025. Cependant, les lois ont vocation à s’appliquer notamment si elles édictent une sanction moins sévère en faveur de Marco et si elles prévoient une réforme de la procédure. 

D’une part, les lois en cause ne concernent que le vol simple et la dégradation d’ouvrage public. Cela signifie déjà que le refus de se soumettre à un dépistage d’alcoolémie ne fait l’objet d’aucun changement. 

D’autre part, s’agissant du vol, il est indiqué que pour les objets volés d’une valeur inférieure à 500 €, la peine est diminuée jusqu’à un maximum de trois fois le prix de la chose (soit une amende maximum de 1 500 €), contre 45 000 € auparavant. En principe, Marco ne devrait pas bénéficier de cette loi : les faits commis le 22 juin ne tombent pas sous le coup de cette loi d’application immédiate à partir du 26 juin 2025. Mais la loi prévoit une faveur si le vélo volé était d’une valeur inférieure à 500 €. Marco devrait alors se voir appliquer cette loi, en application du principe de la rétroactivité in mitius (les lois pénales plus favorables s’appliquent même rétroactivement). 

S’agissant de la dégradation d’ouvrage public, la loi prévoit de doubler l’amende. Le principe est celui de l’application immédiate et de l’absence de rétroactivité de la loi pénale. Aucune exception ne trouve à s’appliquer, car cette loi est plus sévère pour Marco. 

Enfin, l’une des lois du 24 juin 2025 prévoit un changement procédural. Le principe est celui de l’application immédiate et de l’absence de rétroactivité de la loi pénale. Il ne s’agit pas ici de vérifier si cette loi est plus favorable ou non à Marco : toutes les réformes procédurales ont vocation à s’appliquer aux instances en cours. Or, l’énoncé nous apprend que Marco est encore en discussion avec son avocat commis d’office, ce qui signifie qu’il n’a pas encore été jugé. 

En conclusion, Marco devrait bénéficier de l’allégement des peines en matière de vol simple en appliquant de l’une des loi du 24 juin 2025. La loi relative à l’alourdissement des peines pour dégradation d’ouvrage public ne s’appliquera pas. Enfin, son procès devrait intervenir plus rapidement que prévu, avec la réforme procédurale votée.

Cas pratique n° 4

Énoncé

Lucie et Anna ont flashé sur un petit appartement en centre-ville de Nantes. Le 1er mars 2024, elles signent le bail d’habitation avec Paul, le propriétaire. Le contrat précise que l’appartement est loué non meublé, pour un loyer mensuel de 800€ et un dépôt de garantie est exigé d’une valeur d’un mois de loyer.

Les deux femmes sont bonnes payeuses, mais assez négligentes. Ainsi, en septembre 2024, elles ont cassé les volets roulants de l’appartement, sans en demander la réparation. Alerté, Paul réclame aux deux femmes la somme de 120 € pour procéder au changement des volets. Il estime qu’il s’agit d’une petite réparation et donc à la charge des locataires, ce qu’elles réfutent.

Paul commence à perdre espoir de revoir son argent. Il risque d’ailleurs d’en perdre encore, car les locataires lui annoncent le 10 mai 2025 qu’elles prévoient de quitter le logement le 30 juin suivant : Lucie débute son premier CDI le 1er juin en périphérie de Nantes, où elles ont trouvé un pavillon plus grand. 

Paul est désemparé et vous demande conseil, car il risque de perdre de l’argent dans cette histoire. Vous le rassurez en lui évoquant une récente loi « Habitat 2025 » publiée au JORF le 14 mai 2025. L’article 1er de cette loi généralise la réduction du préavis d’un mois à tous les centres-villes de plus de 40 000 habitants, en raison du contexte immobilier tendu, au lieu de trois mois. 

De même, pour assainir les relations entre propriétaires et locataires, l’article 12 de la loi précise : « I. — Sont récupérables sur le locataire, au titre des charges, les dépenses afférentes aux petites réparations et à l’entretien courant du logement loué.
II. — Constituent notamment des petites réparations, lorsqu’elles ne procèdent pas d’une vétusté anormale ou d’un vice de construction :
[…]
4° le remplacement des volets roulants et de leurs accessoires ;
[…] ».

Enfin, vous lui indiquez que la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence dans l’interprétation du préavis d’un mois. Dans un arrêt rendu le 5 juin 2025, elle indique que « il résulte de l’économie des textes régissant les rapports locatifs que les dispositions relatives au préavis du locataire doivent recevoir une interprétation conforme à leur finalité, qui est de fluidifier le marché locatif, de résorber la pénurie de logements dans les centres-villes et de lever les freins à l’embauche ; qu’en conséquence, le bénéfice du préavis d’un mois doit être reconnu au locataire qui justifie de la conclusion de son premier CDI au cours du préavis, peu important que le logement soit ou non situé en zone dite “tendue”. » 

Paul ne voit pas bien en quoi cela peut l’aider :
-    Paul peut-il réclamer les loyers de juillet et août 2025 à ses locataires ? 
-    Pourra-t-il obtenir le remboursement des 120€ de réparation des volets ? Pourra-t-il, le cas échéant, déduire ces sommes du dépôt de garantie ?

Corrigé

En droit, l’article 2 du Code civil pose le principe de la non-rétroactivité et de l’application immédiate de la loi. Cela signifie que la loi n’a vocation qu’à régir les situations légales postérieures à son entrée en vigueur, sans remettre en cause les situations légales passés. 

Toutefois, le principe de non-rétroactivité ne s’applique pas aux lois dites interprétatives. Les dispositions interprétatives sont des dispositions « se bornant à reconnaître, sans rien innover, un état de droit préexistant qu’une définition imparfaite a rendu susceptible de controverses » (Cass., Civ. 3e, 27 févr. 2002, n° 00-17.902) et qui, par définition, ont vocation à rétroagir (Cass., Civ. 3e, 1er févr. 1984, Bull. civ. III, n° 25).

De plus, les lois nouvelles ne s’appliquent pas aux contrats formés avant son entrée en vigueur, qui demeurent soumis à la loi ancienne (Cass., Civ. 1re, 12 juin 2013, n° 12-15.688). Par exception, les lois impératives ont vocation à s’appliquer immédiatement pour les effets à venir des contrats en cours (Cass., Civ. 3e, 18 févr. 2009, n° 08-13.143), sous réserve des décisions définitives déjà rendues. 

Enfin, la Cour de cassation a déjà précisé que « nul ne peut se prévaloir d’un droit acquis à une jurisprudence figée » (Cass., Civ. 1re, 9 oct. 2001, n° 00-14.564). En d’autres termes, la nouvelle interprétation d’un texte par la Cour s’applique aux litiges en cours, même si les faits sont antérieures. La jurisprudence est donc par principe rétroactive. 

À défaut de dispositions contraires, la loi entre en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française (JORF), aux termes de l’alinéa 1er de l’article 1er du Code civil.

En l’espèce, le litige porte sur une situation contractuelle : son fait générateur est un contrat de bail, conclu le 1er mars 2024. La loi Habitat 2025 entre en vigueur le lendemain de sa publication au JORF, soit le 15 mai 2025.

En application du principe de la non-rétroactivité de la loi, la loi Habitat 2025 n’est pas applicable au contrat de bail conclu entre Paul et ses locataires. 

Pour autant, la loi comprend deux articles :
-    L’article 1er peut être qualifié de disposition impérative, en ce qu’il vise une finalité d’intérêt public (apaiser le contexte immobilier tendu) ; 
-    L’article 12 peut quant à lui être qualifié de disposition interprétative : il a vocation à mieux définir une notion préexistante du droit au bail : les petites réparations. 

L’article 1er de la loi Habitat 2025 a vocation à s’appliquer immédiatement aux contrats en cours. Cependant, l’article n’a pas vocation à écourter rétroactivement le préavis donné le 10 mai 2025. Cela signifie qu’à la date du 10 mai 2025, Lucie et Anna devaient respecter le préavis de droit commun de 3 mois, et rendre les clés le 10 août 2025.

Cependant, l’arrêt de la Cour de cassation du 5 juin 2025 prévoit que le préavis réduit d’un mois s’applique aussi au locataire qui signe son 1er CDI durant la période de préavis donné. Le revirement de la Cour de cassation a un effet interprétatif et déclaratif : il est donc applicable immédiatement aux litiges non définitivement tranchés. Lucie remplit la condition posée : elle a obtenu son 1er CDI durant la période de préavis, qui a débuté le 10 mai 2025. Le préavis des locataires pouvait donc se terminer le 10 juin 2025, sans possibilité pour Paul de réclamer les deux mois de loyer restants. 

Ainsi, la loi impérative du 14 mai 2025 n’écourte pas rétroactivement un préavis déjà donné. Mais le revirement opéré par la Cour dans son arrêt du 5 juin 2025, à effet interprétatif, répute le préavis réduit à un mois dès l’origine si le premier CDI intervient pendant le préavis, ce qui est le cas ici. 

L’article 12 de la loi Habitat 2025 a vocation à s’appliquer immédiatement et rétroactivement. La réparation d’un volet roulant est qualifié par cet article comme une petite réparation à la seule charge du locataire. Cette qualification a vocation à rétroagir à la date du dommage, survenu en septembre 2024 et non réglé à ce jour. Paul est donc en droit d’en demander le remboursement, quitte à le déduire du dépôt de garantie. 

En conclusion, Paul ne pourra pas contraindre Lucie et Anna de lui verser les deux mois de loyers correspondant aux mois de juillet et août (application immédiate du revirement de jurisprudence). En revanche, il pourra demander le remboursement du remplacement du volet roulant, qu’il pourra imputer sur le dépôt de garantie versé au début du contrat de bail.