Les recettes et les dépenses de la Sécurité sociale : l’exemple du régime général (fiche thématique)

Introduction

Le régime général de la Sécurité sociale couvre, à lui seul, près de 80 % des charges de l’ensemble des régimes de base de protection sociale. Il régit les salariés, les inactifs et, depuis le 1° janvier 2018, les indépendants et les professions libérales pour le risque maladie. A côté, il existe de nombreux autres régimes propres à certaines professions (fonctionnaires, SNCF, RATP, …).

Ce régime a connu, en 2021, un déficit de 24,4 Md€ (milliards d’euros), après un déficit record de 38,7 Md€ en 2020. Le précédent point bas de - 28 Md€ avait été atteint en 2010 dans le prolongement de la crise financière de 2008. Cette dégradation brutale est la conséquence de la crise sanitaire et économique. Elle s’explique par une hausse des dépenses de 6,2 % en 2020 et de 7 % en 2021. Elle est, toutefois, moins forte qu’attendu en raison d’un niveau de recettes moins dégradé qu’anticipé en 2020 (- 2,9 %) et une hausse des recettes liée à un rebond de l’économie en 2021 (+ 11,4 %).

Cette situation n’a, toutefois, pas bouleversé les grands équilibres qui caractérisent le régime général depuis plusieurs décennies. S’agissant des recettes, les cotisations sociales demeurent sa principale source de financement, mais les impôts et taxes affectés représentent toujours la deuxième part de ses ressources. Sur le plan des dépenses, le régime général est organisé en cinq branches autonomes : maladie, retraite, famille, accidents du travail et, depuis 2021, autonomie. Les deux premières branches représentent, à elles seules, environ 80 % des prestations financées par le régime général.

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, les recettes du régime général (I) et d’analyser, dans une seconde partie, les dépenses du régime général (II).

I - Les recettes du régime général

Les ressources du régime général de la Sécurité sociale se sont élevées à 435,2 Md€ en 2021, en progression de 11,4 % après le replis marqué de 2020 (- 2,9 %). Elles se composent, principalement et par ordre décroissant, des cotisations sociales (A), des impôts et taxes affectés (B), ainsi que des transferts (C).

A - Les cotisations sociales

Les cotisations sociales sont des prélèvements obligatoires à la charge des employeurs et des salariés. Elles ouvrent droit, en contrepartie, à des prestations sociales. C’est le mode naturel de financement de la Sécurité sociale dans un système bismarckien au sein duquel la solidarité est adossée à des liens professionnels.

Les cotisations du Régime général de la Sécurité sociale sont assises sur la rémunération des salariés : il s’agit, selon l’article L 242-1 du Code de la sécurité sociale, de « toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail » (salaires, indemnités, primes, pourboires, avantages en argent et en nature, …). Leur montant est retenu à la source : il est, ainsi, précompté par l’employeur sur le salaire versé. L’employeur doit verser les deux parts de cotisation (patronale et salariale) à l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF).

Les cotisations sociales ont servi de moteur à la croissance du système de protection sociale français en permettant de financer son extension. Mais, de nos jours, si la logique bismarckienne prévaut toujours, la part des cotisations tend à diminuer : elles sont, en effet, passées de 82 % des ressources du régime général en 1993 à 49 % en 2021. Cette baisse tient, notamment, à la politique d’allègement des cotisations mise en place depuis les années 1990 pour réduire le coût du travail et favoriser l’emploi. Une politique qui vise à favoriser l’emploi des publics particulièrement touchés par le chômage : les jeunes, les chômeurs de longue durée et les salariés à temps partiel. Elle s’explique, également, par la hausse de la fiscalité affectée au financement de la protection sociale.

En 2021, les cotisations sociales du régime général se sont élevées à 213,7 Md€, en hausse de 10,3 %, dépassant largement leur niveau d’avant crise. Cette croissance s’explique, principalement, par le rebond de la masse salariale du secteur privé, mais elle est, également, soutenue par l’enregistrement dans les comptes 2021 des cotisations des travailleurs indépendants non appelées en 2020 (du fait de la crise sanitaire), ainsi que par les revalorisations salariales découlant du Ségur de la Santé.

B - Les impôts et taxes affectés

Les impôts et taxes affectés (ITAF) sont des recettes fiscales affectées au financement de la protection sociale. Leur part dans les ressources de la Sécurité sociale est allée croissante : ils représentent, ainsi, aujourd’hui, sa deuxième source de financement, soit 45 % du total des ressources sociales en 2021. Cette expansion vise, dans un système où les prestations sociales se généralisent à l’ensemble de la population, à ne plus faire peser sur les seuls salariés et sur les seuls revenus du travail le poids du financement de la protection sociale. La logique bismarckienne cohabite, alors, avec la logique beveridgienne.

On dénombre, actuellement, une cinquantaine d’ITAF. Certains sont liés à des objectifs de santé publique, tels que les contributions sur les tabacs et sur les alcools. D’autres contributions sont dues par l’industrie pharmaceutique quand d’autres, encore, s’appliquent aux produits d’assurance. Mais, les ITAF les plus importants demeurent la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), qualifiées explicitement, tant par le Conseil d’Etat que par le Conseil constitutionnel, de prélèvements fiscaux.

A elle seule, la CSG représente plus de la moitié du rendement des ITAF en 2021 (soit 24 % des recettes du régime général, contre 21 % pour les autres ITAF). Son rendement s’est élevé à 131,4 Md€ en 2021, en hausse de 7,9 % du fait du rebond économique, après le repli de 3,9 % en 2020 en raison de la crise sanitaire et économique. Il s’agit d’un impôt destiné à participer au financement de la protection sociale qui a été créé par la loi de finances pour 1991. Cette impôt est assis sur l’ensemble des revenus des personnes résidant en France : revenus d’activité (salaires, principalement), revenus de remplacement (pensions de retraite, allocations chômage, …), revenus du patrimoine (revenus fonciers, notamment) et revenus de placement (revenus mobiliers, plus-values immobilières, …).  Initialement fixé à 1,1 %, son taux est passé à 2,4 % en 1993, à 3,4 % en 1996 et à 7,5 % en 1998. Il est actuellement fixé à 9,2 % pour les revenus d’activité, du patrimoine et de placement. Le taux normal de la CSG appliqué sur les revenus de remplacement varie quant à lui en fonction du type de revenu.

La CRDS est, elle, un impôt créé par l’ordonnance du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale pour une durée initiale limitée à 13 ans et un mois. Son taux de 0,5 % n’a pas évolué depuis sa création. Il est appliqué (presque) sur la même assiette que la CSG : il englobe, toutefois, également, les prestations familiales, les aides personnelles au logement, ainsi que les ventes de métaux précieux et d’objets d’art. Son produit est entièrement destiné à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) qui reçoit la dette sociale à son passif et est chargée de l’apurer grâce à ses revenus, notamment la CRDS. En théorie, CRDS et CADES devaient disparaître fin janvier 2009, mais leur existence a été prolongée, à plusieurs reprises, jusqu'à extinction de la dette sociale. L'objectif est désormais d'apurer la dette des organismes de Sécurité sociale à fin 2033.

C - Les transferts

Une troisième partie des recettes du régime général de la Sécurité sociale provient de transferts opérés par l’Etat ou par d’autres acteurs du système de Sécurité sociale. Ces transferts représentaient, en 2021, 2 % du total des recettes du régime général.

Les contributions publiques de l’Etat ont différentes finalités. Il peut s’agir de financer des dépenses de solidarité, telles que le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation de solidarité spécifique ou, encore, le Fonds de solidarité vieillesse. Ces contributions peuvent, également, venir compenser les pertes de recettes résultant de la politique d’allègement ou d’exonération de cotisations sociales. D’autres transferts subventionnent des régimes spéciaux de façon permanente ou en cas de difficultés : par exemple, les régimes de retraite de certaines professions dans lesquelles le nombre d’actifs cotisants est inférieur au nombre de retraités.

Il existe aussi des transferts en provenance d’autres régimes de Sécurité sociale : cela concerne, notamment, les mécanismes de compensation démographique dans le champ de l’assurance maladie ou de l’assurance vieillesse. Il existe, par ailleurs, des transferts en provenance d’autres organismes de Sécurité sociale, comme le Fonds de solidarité vieillesse, afin de financer des dispositifs « vieillesse » de solidarité, tels que le minimum vieillesse, la validation de trimestres au titre des périodes de chômage ou d’arrêts maladie par exemple.

II - Les dépenses du régime général

Les dépenses du régime général de la Sécurité sociale ont, à l’instar de celles des autres régimes de protection sociale, évolué à la hausse (A). Leur structure est, en revanche, restée relativement stable, puisqu’environ 80 % d’entre elles demeurent des dépenses de maladie et de retraite (B).

A – L'évolution des dépenses du régime général

Les dépenses sociales ont considérablement augmenté depuis les années 1960 : elles sont, ainsi, passées de 14,3 % du PIB en 1959 à plus de 30 % depuis 2010. Cette évolution s’est faite en trois grandes étapes.

La première a concerné les décennies 1960 / 1970. Au cours de cette période, les dépenses de protection sociale ont progressé, respectivement, de 3,2 % et de 5,2 %. Cette hausse n’a que peu coûté socialement et économiquement, car elle s’est faite dans un contexte d’accroissement de la richesse nationale, la période des Trente Glorieuses, qui a rendu soutenable cette extension. C’est au cours de cette période que le système de protection sociale français est arrivé à maturité : la Sécurité sociale a, ainsi, été généralisée à l’ensemble de la population et le législateur a commencé à développer des prestations qui ne sont pas la contrepartie de cotisations (l’allocation aux adultes handicapés, l’allocation parent isolé, par exemple).

Les années 1980 et 1990 ont vu la progression des dépenses de protection sociale se poursuivre, mais à un rythme moindre : + 2,7 %. Deux grands phénomènes ont caractérisé cette période. Le premier est l’augmentation des dépenses liées à la survenue et au maintien durable d’une crise économique : le ralentissement de la progression du PIB a accru, mécaniquement, les dépenses liées à la redistribution sociale et provoqué la mise en place de nouveaux minima sociaux, tel que le revenu minimum d’insertion (RMI) en 1988. Le second est la mise en œuvre des premiers plans visant à maîtriser les coûts de la protection sociale, notamment en matière de santé et de retraite (par exemple, la réforme de 1993 qui a augmenté le nombre d’années de cotisation nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein dans le secteur privé et modifié les modalités de calcul des pensions de retraite qui sont dorénavant basées sur les salaires de 25 meilleures années au lieu de 10).

Les années 2000 ont été marquées par une stabilisation des dépenses de protection sociale à un niveau élevé : près du tiers du PIB, soit plus que le budget de l’Etat. Elles demeurent, toutefois, très sensibles à la conjoncture économique et financière. Ainsi, la crise de fin 2008 a provoqué une nouvelle hausse de la part des dépenses de protection sociale.

La même chose s’est produite avec le crise sanitaire débutée en 2020. Les dépenses du régime général ont, ainsi, augmenté de 6,2 % en 2020, puis de 7 % en 2021, contre une moyenne de 2 % depuis 2012. Les dépenses constatées en 2021 se sont, ainsi, élevées à 459,6 Md€. La progression constatée en 2021 s’explique, notamment, par la poursuite des effets de la crise sanitaire sur la demande de prestations, ainsi que par la montée en charge des mesures salariales du Ségur de la santé. Elle tient également au changement de périmètre du régime général avec la création de la 5° branche Autonomie.

B – La structure des dépenses du régime général

Le régime général comporte cinq grandes branches. Il s’agit, par ordre décroissant, des branches maladie, retraite, famille, autonomie et accident du travail.

La branche maladie, qui couvre les risques maladie, maternité, invalidité et décès, représentait 48 % des dépenses du régime général en 2021. Plus précisément, le montant des prestations nettes versées cette année-là s’élevait à 212,1 Md€. Le poids important de ces dépenses a provoqué la création en 1996 de l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) qui est fixé chaque année par la loi de financement de la Sécurité sociale. Il s’agit d’un objectif de dépenses à ne pas dépasser en matière de soins de ville et d’hospitalisation dispensés dans les établissements privés ou publics, mais aussi dans les centres médico-sociaux. Jusqu’en 2010, l’ONDAM a été systématiquement dépassé. Depuis cette date, il est sous-exécuté, c’est-à-dire que les dépenses constatées sont inférieures à celles qui avaient été initialement prévues. La période de crise sanitaire de 2020 et de 2021 a, toutefois, interrompu cette tendance, les dépenses de santé étant fortement mobilisées pour faire face à la pandémie de la Covid-19.

La branche retraite a donné lieu au versement 135,9 Md€ de prestations en 2021, soit 29 % des dépenses du régime général. Ces dépenses sont, et seront, en hausse du fait du vieillissement de la population. Avec l’arrivée à l’âge de la retraite des générations du baby-boom, le nombre de départs en retraite est, ainsi, passé de 480 000 en 2004 à environ 650 000 par an de nos jours. L’évolution de la réglementation a, dans le même temps, affecté, sensiblement, les flux annuels de départs en retraite.

La branche famille représentait 10 % des dépenses du régime général en 2021. Elle a donné lieu au versement de 35,5 Md€ de prestations familiales, d’action sociale et en faveur du logement. Le niveau de ces prestations dépend étroitement de la politique familiale définie par les pouvoirs publics.

La branche autonomie, créée en 2021, représentait 7 % des dépenses du régime général, soit 27,9 Md€ de prestations versées. Ces dépenses étaient, auparavant, rattachées à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

La branche accidents du travail – maladies professionnelles a donné lieu au versement de 9,5 Md€ de prestations en 2021. Elle représentait 2 % du total des dépenses du régime général cette année-là.