Introduction
Jusqu’à il y a quelques années, le contrôle exercé sur les dépenses locales était un contrôle a priori avant le décaissement effectif axé, essentiellement, sur la régularité juridique de l’opération. A ce titre, étaient vérifiés : la qualité de l’ordonnateur, l’exacte imputation des dépenses au regard du principe de spécialité des crédits, la disponibilité des crédits, la validité de la dette (notamment au regard de la règle du service fait) ou, encore, le caractère libératoire du paiement.
Ce mode de contrôle est, toutefois, apparu anachronique dans le cadre de la LOLF et de la promotion de la logique managériale qui induit une autonomie et une responsabilité accrue des gestionnaires. Aussi, de nouveaux modes de contrôle ont-ils été mis en place dans le cadre desquels les vérifications du comptable public portent sur les opérations les plus importantes et les plus susceptibles de poser un problème.
Le premier est le contrôle hiérarchisé de la dépense (CHD). Ce dispositif vise à rendre les contrôles plus efficaces et plus simples. Il s’agit, là, d’un contrôle qui n’est plus systématique, mais qui est, au contraire, modulé selon une évaluation des risques et fondé sur des sondages.
Deux autres dispositifs, cette fois-ci fondés sur une logique de partenariat entre la collectivité territoriale et le comptable public, existent. Le premier est le contrôle allégé en partenariat (CAP) : celui-ci permet de dispenser certaines opérations de contrôle a priori de la part du comptable public et de la fourniture de pièces justificatives en contrepartie de la garantie d’un bon niveau de contrôle interne au sein de la collectivité. Le second est le service facturier (SFACT) : il s’agit, là, d’une organisation innovante de la chaîne de la dépense qui mutualise les contrôles de l’ordonnateur et du comptable pour limiter leur redondance.
Il convient, donc, d’étudier, dans une première partie, le contrôle hiérarchisé de la dépense (I) et d’analyser, dans une seconde partie, les dispositifs de partenariat (II).
I – Le contrôle hiérarchisé de la dépense
Le CHD fait partie des nouvelles modalités de contrôle de la dépense. Il vise certains objectifs (A) et repose sur une méthodologie spécifique (B).
A - Les objectifs du CHD
Le contrôle hiérarchisé de la dépense vise deux objectifs : permettre des contrôles plus efficaces (1) et plus simples (2).
1 – Premier objectif : rendre les contrôles plus efficaces
Jusqu’à présent, toutes les dépenses étaient contrôlées de la même manière, en exerçant a priori tous les contrôles sur tous les mandats. Le CHD vise à substituer à ce dispositif uniforme une diversité de formules qui permettent de
personnaliser les contrôles en fonction de la réalité des risques et des enjeux : il peut s’agir de moduler le champ des contrôles (contrôle exhaustif / contrôle par sondage), le moment du contrôle (contrôle a priori / contrôle a posteriori) ou son intensité (sur tout ou partie des points de contrôle). Cette nouvelle approche offre trois grands avantages.
Elle permet, d’abord, de proportionner les contrôles aux risques et enjeux, ce qui conduit à recentrer les contrôles sur les dépenses qui présentent les risques et les enjeux les plus importants et à les alléger sur les autres dépenses. Il est, ainsi, possible de concentrer les moyens de contrôle sur les opérations les plus sensibles.
Elle permet, ensuite, de gagner en efficacité en redonnant aux agents comptables la maîtrise de leurs tâches : le CHD réduit, en effet, mécaniquement la charge de contrôle, mais permet, également, de la lisser dans le temps en introduisant la possibilité de contrôles périodiques.
Elle débouche, enfin, sur des contrôles plus personnalisés, ce qui permet de responsabiliser les ordonnateurs et, par leur entremise, l’ensemble de leurs agents.
2 – Second objectif : simplifier les contrôles
Le CHD a vocation à améliorer l’ensemble de la prestation de l’agent comptable. Il en va ainsi à trois points de vue.
Le nouveau dispositif permet, d’abord, de rendre les contrôles plus fluides, ce qui améliore de manière conséquente les délais de paiement. En effet, les dépenses pour lesquelles le contrôle s’effectue par sondage sont acquittées plus rapidement. Quant à celles qui continuent à faire l’objet d’un contrôle exhaustif, elles bénéficient du réinvestissement des moyens en personnel dégagés du fait des contrôles allégés réalisés sur les dépenses simples.
Les procédures sont, par ailleurs, simplifiées dans la mesure où les dépenses présentant des risques et des enjeux moindres peuvent conduire à réduire le nombre de pièces justificatives à joindre au mandat.
Enfin, le CHD s’accompagne d’une restitution systématique aux ordonnateurs de l’analyse des pratiques de leurs services en matière de mandatement. Ils sont, ainsi, à même de prendre les mesures nécessaires pour corriger les anomalies relevées et ajuster les procédures et les pratiques en conséquence.
B - La mise en œuvre du CHD
La mise en œuvre du CHD repose sur une analyse des risques (1) et sur un référentiel national (2).
1 – Une méthode qui repose sur l’analyse des risques
Le CHD ne conduit pas à réduire ou à abandonner de manière aveugle le contrôle des dépenses publiques. Il s’agit, au contraire, de déterminer le mode de contrôle adéquat à partir d’une analyse des risques. Cette méthodologie suit deux voies principales.
D’une part, il revient au comptable de hiérarchiser les contrôles à partir de deux critères objectifs. Le premier, la nature de la dépense, permet d’identifier les risques éventuels des dépenses. Ces dernières ne présentent pas, en effet, les mêmes risques et les mêmes enjeux. Aussi, quand ces derniers sont trop importants, le contrôle a priori et exhaustif doit être maintenu. Pour les autres dépenses, un contrôle par sondage, a priori ou a posteriori, semble plus adapté. Ce contrôle doit, toutefois, être validé par le second critère qui réside dans la qualité des pratiques des services ordonnateurs.
D’autre part, cette analyse du risque est continue. Ainsi, en cas d’aggravation ou de diminution des risques, le comptable peut procéder à une modification des modalités du contrôle.
2 – Une méthode qui repose sur un référentiel national
Le référentiel national a pour objet d’établir, sur le plan national, un cadre permettant de faire reposer les pratiques de hiérarchisation du contrôle de la dépense sur une méthodologie commune pour l’Etat, les collectivités locales et les établissements publics.
Il s’agit, ainsi, d’homogénéiser les formes de contrôles dans tous les réseaux gérant des dépenses publiques, dès lors que les risques et les enjeux sont de même nature. L’objectif est, également, de définir un certain nombre de principes et d’outils communs à l’ensemble des comptables publics pour organiser efficacement le contrôle hiérarchisé, qu’il s’agisse de programmation des axes de contrôle, de traçabilité des opérations contrôlées ou, encore, de restitutions aux ordonnateurs.
Ce référentiel présente une grande souplesse. Il est contraignant pour les dépenses dont les risques et les enjeux sont les plus importants et pour lesquelles le contrôle s’exerce obligatoirement a priori et de manière exhaustive. Il devient, en revanche, indicatif pour les autres dépenses : la forme du contrôle est, ici, simplement, préconisée ; elle dépend, notamment, des pratiques des ordonnateurs.
Enfin, le référentiel est le plus simple possible. Le CHD étant, structurellement, plus complexe à gérer que le contrôle a priori et exhaustif en raison de la sélectivité des opérations qu’il implique et de la diversité des formules susceptibles de coexister, le référentiel propose des solutions simples. Il ne retient, ainsi, que sept catégories de dépenses, propose, pour chacune d’entre elles, la formule de contrôle la plus simple possible et ne retient pas le montant de la dépense comme critère pour déterminer le mode de contrôle.
II – Les dispositifs de partenariat
Un partenariat spécifique peut être mis en place autour de la dépense locale à travers deux dispositifs innovants : le contrôle allégé en partenariat (A) et le service facturier (B).
A – Le contrôle allégé en partenariat
Le contrôle allégé en partenariat est mis en place au terme d’une procédure qui permet de s’assurer que les risques relatifs à la régularité du mandatement et du paiement des dépenses locales sont maîtrisés (1). Ce dispositif présente différents avantages (2).
1 – La mise en place du CAP
Pour qu’un contrôle allégé en partenariat soit mis en place, l’ordonnateur et le comptable doivent évaluer, conjointement, l’organisation et les procédures de leurs services en charge du traitement d’une ou plusieurs catégories de dépenses. Si cette évaluation conclut à une maîtrise suffisante et durable des risques sur ces dépenses, les intéressés signent une convention de CAP qui permet un allègement des contrôles au-delà du contrôle hiérarchisé de la dépense. Cette opération suit plusieurs étapes.
Il leurs faut, d’abord, définir le périmètre de la démarche en identifiant les chaînes de dépenses concernées par le projet : par exemple, les dépenses récurrentes qui reposent sur des informations stockées durablement (paye, marchés publics, …). Un diagnostic est, ensuite, planifié et un ou des responsables de la mission sont nommés. Ce diagnostic est réalisé au travers, d’une part, d’un questionnaire général auprès des services et d’autre part du contrôle d’un échantillon de 30 à 100 mandats réalisé par le responsable de la mission.
Un rapport de diagnostic est, par la suite, rédigé. Il identifie les points forts et les points de faiblesse, et, le cas échéant, un plan d’action. Le rapport est envoyé pour avis à la division Secteur public local de la Direction des finances publiques territorialement compétente. L’ordonnateur peut être étroitement associé à l’analyse de cette chaîne (y compris dans sa prise en charge par le comptable).
La convention de CAP est, ensuite, signée entre l’ordonnateur de la collectivité et le comptable. En plus d’exemptions des contrôles sur le périmètre du CAP, cette convention prévoit un dispositif de dispense de transmission des pièces justificatives sous un seuil inférieur au plafond réglementaire : celui-ci est de 2 000 € maximum pour les dépenses de personnel ou liées à l’exercice de fonctions électives ou de représentation et de 1 000 € maximum pour les autres dépenses, ce qui représente environ deux tiers des mandats émis par le secteur public local. L’ordonnateur a seulement à en assurer l’archivage au moins jusqu’à l’apurement définitif du compte de gestion de l’exercice des dépenses qu’elles justifient ou jusqu’à la prescription de cet apurement. Il doit, également, être en mesure, dans un délai de vingt jours, de transmettre les pièces justificatives de ces dépenses à la demande du comptable.
Une fois la convention signée, le comptable n’effectue plus les contrôles a priori sur les catégories de dépenses constituant le périmètre de la démarche, mais réalise des contrôles a posteriori sur un échantillon de 1 % des mandats (minimum 30 mandats, maximum 100 mandats), contre 2 % pour le contrôle hiérarchisé de la dépense, selon la périodicité qu’il détermine. Une restitution du contrôle aléatoire est transmise à l’ordonnateur.
2 – Les avantages du CAP
Le CAP présente trois avantages.
C’est, d’abord, un outil de rationalisation des contrôles permettant de réduire les délais de paiement. En effet, ce mode de contrôle permet de supprimer la redondance de certains contrôles traditionnels, en particulier, pour les mandats récurrents présentant peu de risques.
Le CAP est aussi un vecteur de simplification. D’abord pour le comptable public qui n’a à réaliser que des contrôles par sondage après paiement sur un faible échantillon de mandats. Ensuite, pour l’ordonnateur puisqu’il peut être dispensé de la production d’un certain nombre de pièces justificatives. Le CAP est, également, pour lui, un levier lui permettant de mettre en place un contrôle interne plus poussé. En effet, le diagnostic réalisé vise, notamment, à pointer les lacunes en termes de traçabilité des contrôles et les failles du système d’information financier ; il amène, également, à formuler des recommandations sur l’organisation interne à mettre en place pour s’assurer que les risques comptables sont suffisamment et durablement maîtrisés.
Enfin, ce dispositif permet de faciliter le déploiement de la dématérialisation des pièces justificatives, notamment pour les collectivités les plus modestes, en limitant le champ des pièces à dématérialiser devant être transmises au comptable (les pièces exonérées de transmission et conservées par l’ordonnateur n’ayant pas nécessairement à être dématérialisées).
B – Le service facturier
Le service facturier est une structure développée initialement dans la sphère étatique qui a été transposée aux collectivités locales. Il s’agit d’une organisation innovante de la chaîne de la dépense qui mutualise les contrôles respectifs de l’ordonnateur et du comptable pour limiter leur redondance. Ce centre unique de traitement et de paiement des factures est piloté par le comptable public et fonctionne avec une équipe composée d’agents issus de la DDFIP et de la collectivité concernée. Il peut être mis en place pour une seule ou plusieurs collectivités.
Ce dispositif permet de professionnaliser et de fluidifier la chaîne de la dépense. Il réduit, également, les délais de paiement, ce qui améliore les relations avec les fournisseurs. Il permet, enfin, de réaliser des gains de productivité et de consolider la qualité comptable.
La mise en place d’un service facturier est le résultat d’une collaboration renforcée entre le comptable et l’ordonnateur. Ce processus prend, en moyenne, de 6 à 9 mois. Il commence par une étude de faisabilité qui consiste à vérifier l’existence de certains prérequis. Des ateliers thématiques (logistique, RH, métiers, …) sont, ensuite réalisées. Puis, la convention mettant en place le service facturier est signée entre la collectivité et la DDFIP afin de fixer le périmètre des dépenses prises en charge par le SFACT, le nombre d’agents affectés et les locaux dédiés aux services.
