Introduction
A l’inverse des finances de l’Etat pour lesquelles le principe d’équilibre budgétaire n’a pas, malgré diverses réformes, de véritable portée contraignante, le principe d’équilibre réel des budgets locaux constitue une règle à part entière des finances locales.
Ce principe impose, en effet, aux collectivités d’adopter un budget en équilibre réel, c’est-à-dire un budget où les recettes sont égales ou supérieures aux dépenses. Destiné à prévenir les dérapages budgétaires, son autorité est telle qu’il constitue une condition de légalité des délibérations budgétaires locales.
Ce principe n’interdit, toutefois, pas aux collectivités territoriales de recourir à l’emprunt. Simplement, l’endettement est encadré. Il n’est, ainsi, autorisé que pour financer la section d’investissement et non la section de fonctionnement et ne peut, en aucun cas, être utilisé pour assurer le remboursement du capital des emprunts préexistants.
Il convient, donc, d’étudier, dans une première partie, les contours du principe d’équilibre réel des budgets locaux (I) et d’analyser, dans une seconde partie, la portée de ce principe (II).
I - Les contours du principe d'équilibre réel des budgets locaux
Le principe d’équilibre réel est un principe fondamental des finances des collectivités locales (A). Ainsi, s’explique que son respect soit une condition de légalité des actes budgétaires locaux (B).
A - Un principe budgétaire fondamental …
A l’inverse de l’Etat qui peut fonctionner avec un budget en déséquilibre, le cumul des soldes négatifs formant la dette publique, le budget d’une collectivité locale doit être en équilibre réel. En d’autres termes, les recettes doivent être égales ou supérieures aux dépenses. Ce principe vise à rationaliser la gestion locale et à éviter les dérapages budgétaires par une explosion de la fiscalité locale ou une fuite en avant par l’emprunt.
C’est l’article L 1612 – 4 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) qui définit ce qu’est un budget voté en équilibre réel. Celui-ci prévoit, ainsi, que « le budget de la collectivité territoriale est en équilibre réel lorsque la section de fonctionnement et la section d'investissement sont respectivement votées en équilibre, les recettes et les dépenses ayant été évaluées de façon sincère, et lorsque le prélèvement sur les recettes de la section de fonctionnement au profit de la section d'investissement, ajouté aux recettes propres de cette section, à l'exclusion du produit des emprunts, et éventuellement aux dotations des comptes d'amortissements et de provisions, fournit des ressources suffisantes pour couvrir le remboursement en capital des annuités d'emprunt à échoir au cours de l'exercice. »
Il découle de cet article que le principe d’équilibre réel repose sur la distinction fondamentale entre section de fonctionnement et section d’investissement. La première regroupe, notamment, les achats de fournitures, les frais d’entretien ou, encore, les dépenses de personnel, quand la seconde comprend, entre autres, la construction de nouveaux ouvrages. Pour que le principe soit respecté, chacune de ces deux sections doit être votée en équilibre réel. Et, il doit en aller de la sorte, tant pour le budget primitif que pour le budget supplémentaire et les décisions modificatives.
Les recettes et les dépenses de ces deux sections doivent, par ailleurs, être évaluées de façon sincère, c’est-à-dire en excluant toute omission, majoration ou minoration provoqué par une manipulation comptable. Cette exigence de sincérité budgétaire permet de garantir que l’équilibre du budget soit bien « réel ».
Enfin, le remboursement des annuités d’emprunt de l’exercice doit s’opérer selon certaines modalités (voir II – B).
Ces exigences, parties intégrantes du principe d’équilibre réel, voient leur non-respect être sanctionné par le juge des comptes.
B – … dont le respect est l'une des conditions de légalité des budgets locaux
Au début des années quatre-vingt, les lois de décentralisation ont mis en place, en contrepartie de la suppression de la tutelle a priori sur les actes des collectivités locales, un contrôle budgétaire destiné à s’assurer du respect d’un certain nombre de règles, dont celle imposant l’équilibre réel des actes budgétaires locaux. Ce contrôle fait intervenir le préfet et la Chambre régionale et territoriale des comptes (CRTC).
C’est l’article L 1612 – 5 du CGCT qui organise la procédure. Celle-ci s’applique tant pour le budget primitif que pour le budget supplémentaire et les décisions modificatives.
Le préfet doit, d’abord, saisir la CRTC dans le délai de 30 jours suivant la transmission du budget. La CRTC dispose, ensuite, d’un délai de 30 jours pour proposer à la collectivité les mesures nécessaires au rétablissement de l’équilibre et demander à l’assemblée locale une nouvelle délibération. La collectivité dispose, alors, d’une délai d’un mois pour rectifier le budget initial. Si l'organe délibérant ne s'est pas prononcé dans le délai prescrit ou si la délibération prise ne comporte pas de mesures de redressement jugées suffisantes par la CRTC, cette dernière dispose de 15 jours pour produire une seconde proposition sur la base de laquelle le préfet adoptera le budget de la collectivité et le rendra exécutoire.
Ce contrôle budgétaire atteste du caractère fondamental du principe d’équilibre réel. Il n’en demeure pas moins que sa portée doit être appréciée avec précision.
II - La portée du principe d'équilibre réel des budgets locaux
Bien que cela soit paradoxal, le principe d’équilibre réel des budgets locaux n’interdit pas aux collectivités locales de s’endetter (A). Il limite, simplement, cette faculté (B).
A - Un principe qui n'interdit pas le recours à l'emprunt
Si les collectivités locales adoptent des budgets à l’équilibre, cela ne signifie pas, pour autant, qu’elles n’ont pas recours à l’emprunt. Au contraire, tout comme l’Etat, elles sont susceptibles de s’endetter, parfois même très lourdement. Il n’en demeure pas moins que leurs budgets sont obligatoirement adoptés à l’équilibre. Cette situation, apparemment contradictoire, s’explique par le fait que l’emprunt est, ici, considéré comme une recette budgétaire. Les collectivités procèdent, en effet, à une budgétisation de l’emprunt qui sert, ainsi, de variable d’ajustement afin d’équilibrer le budget.
Cette approche des budgets locaux se veut la traduction budgétaire des principes inspirés du Plan comptable général issu du monde de l’entreprise privée. Plus précisément, celui-ci repose sur le principe de la comptabilité en partie double qui fait correspondre, au bilan, un élément d’actif que l’on possède (un investissement, par exemple) aux éléments de passif (dépenses, emprunt, notamment) qui ont été mobilisés pour son acquisition. Sur le plan budgétaire, la recette d’investissement, l’emprunt, est, ainsi, un élément comptable de passif correspondant à des dépenses d’investissement dont le produit sera un élément comptable d’actif. Le bilan des collectivités apparaît donc forcément équilibré.
Le principe d’équilibre réel des budgets locaux ne se réduit, toutefois, pas à l’équilibre des comptes. En effet, si l’emprunt est une variable d’ajustement, il ne l’est que de manière partielle.
B - Un principe qui limite le recours à l'emprunt
La possibilité pour les collectivités locales de recourir à l’emprunt n’est pas totale. Elle varie, en effet, selon qu’il s’agit de la section de fonctionnement ou de la section d’investissement.
Pour la section de fonctionnement, le solde doit être positif ou nul. L’excédent constitue, le cas échéant, une recette de la section d’investissement. Cette section ne peut, toutefois, être financée que par des recettes définitives, ce qui exclut le recours à l’emprunt.
Pour la section d’investissement, les collectivités peuvent, en revanche, s’endetter. Mais, le remboursement de la dette ne peut être effectué qu’à partir de ressources propres de ladite section ou de l’excédent de la section de fonctionnement. Les ressources propres sont des ressources définitives de la section d’investissement qui ne sont pas
destinées à des dépenses d’investissement identifiées. Les subventions, les dotations et les fonds de concours n’en font pas partie, car ils servent à financer des équipements ciblés. Il en va de même des recettes d’emprunt, de sorte qu’il n’est pas possible de couvrir la charge d’un emprunt préexistant à partir d’un autre emprunt.
Cette combinaison de règles constitue ce que l’on appelle la règle d’or des finances publiques locales. Son objet est de garantir leur soutenabilité financière en interdisant aux collectivités d’emprunter pour financer leurs dépenses de gestion et pour rembourser le service de leur dette, de sorte que seules les dépenses d’investissement véritables peuvent donner lieu à emprunt.
