Le débat d’orientation budgétaire devant les collectivités locales (dissertation)

Introduction

La préparation du budget relève, traditionnellement, de l’Exécutif. Il en va ainsi en matière de finances de l’Etat et de finances locales. Toutefois, dans un souci de démocratie financière, a été instauré, au niveau national et au niveau local, un débat d’orientation budgétaire qui permet d’associer les assemblées à cette phase du processus budgétaire.

Sur le plan local, le débat d’orientation budgétaire (DOB) concerne toutes les collectivités territoriales à l’exception des communes de moins de 3 500 habitants. Il poursuit le même objectif que le débat national : informer les assemblées délibérantes sur les orientations du budget de l’exercice à venir afin de permettre aux élus locaux de faire valoir leurs observations en amont du vote du budget.

Le régime juridique du DOB est strict, mais incomplet. La plupart des règles concernent, en effet, les conditions de son organisation. Son contenu même, en revanche, n’est régi par aucune règle. Il n’en demeure pas moins que lorsque les règles existantes sont méconnues, la procédure budgétaire est viciée et le budget primitif susceptible d’annulation devant le juge administratif. Il en va ainsi car ce débat est considéré comme une formalité substantielle.

Le débat d’orientation budgétaire apparaît donc comme un dispositif qui permet d’associer les assemblées locales à la préparation du budget (I), mais dont le régime juridique demeure, pour l’heure, incomplet (II).

I - Le DOB : un dispositif associant les assemblées locales à la préparation du budget

Le débat d’orientation budgétaire est obligatoire pour la plupart des collectivités locales (A). Il poursuit le même objectif que le débat existant au niveau national : informer les assemblées délibérantes sur le budget à venir (B).

A - Le champ d'application du DOB

L'obligation d'organiser un débat d'orientation budgétaire préalablement au vote du budget est, à la fois, une règle du droit budgétaire local et une règle de démocratie locale. Elle concerne quasiment toutes les collectivités locales, à l’exception des communes de moins de 3 500 habitants.

Cette obligation existe pour les départements depuis la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions (art. L 3312 – 1 du Code général des collectivités territoriales – CGCT). Elle a, par la suite, été étendue aux communes de 3 500 habitants ou plus (art. L 2312 – 1 CGCT), ainsi qu’aux régions (art. L 4312 – 1 CGCT) par la loi d'orientation du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République. Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui comprennent au moins une commune de 3500 habitants ou plus sont, également, soumis à cette même exigence. En revanche, pour les communes comptant moins de 3 500 habitants, l’organisation d’un tel débat n’est pas obligatoire, mais fortement conseillée.

C’est ce dispositif qui a inspiré l’instauration d’un débat d’orientation des finances publiques, anciennement dénommé, ici aussi, débat d’orientation budgétaire, organisé à la fin du printemps de chaque année (en juin ou au début juillet) pour les finances de l’Etat. Expérimenté en 1990 par le Gouvernement Rocard et en 1996 par le Gouvernement Juppé, le dispositif est repris annuellement à partir de 1998, puis normalisé par l’article 48 de la LOLF.

Les deux dispositifs poursuivent le même objectif.

B - L'objectif du DOB : informer l'assemblée délibérante

A l’instar de ce qui a cours pour les finances nationales, le DOB organisé localement vise à informer les assemblées délibérantes sur les orientations générales du budget de l'exercice à venir, ainsi que sur les engagements pluriannuels envisagés et sur l'évolution et les caractéristiques de l'endettement de la collectivité. Il intervient lorsque la préparation du projet de budget par l’Exécutif local est largement entamée de manière que la consultation des assemblées soit pleinement utile. Il permet à leurs membres de faire valoir leurs opinions et leurs analyses dès la préparation du projet de budget, quand bien même, selon les textes, c'est bien le chef de l'exécutif local qui propose le budget.

Afin de permettre aux élus locaux de s’exprimer de manière éclairée un ensemble de documents doit leurs être transmis.

La loi NOTRe (nouvelle organisation territoriale de la République) du 7 août 2015 a, d’abord, prévu le dépôt d’un Rapport d’orientation budgétaire (ROB). Ce rapport doit comporter les orientations budgétaires envisagées en termes de dépenses et de recettes tant en fonctionnement qu’en investissement : doivent être, ici, précisées les hypothèses d'évolution retenues pour construire le projet de budget, notamment en matière de concours financiers, de fiscalité, de tarification ou de subventions. Le ROB doit, également, présenter les engagements pluriannuels, notamment les orientations envisagées en matière de programmation d’investissement. Le rapport doit, par ailleurs, fournir des informations relatives à la structure et à la gestion de l’encours de dette contractée, ainsi que les perspectives pour le projet de budget. Enfin, pour les communes de plus de 10 000 habitants, les départements et les régions, le rapport doit comporter un ensemble d’informations sur les effectifs et les dépenses de personnel. Le ROB doit être transmis aux élus locaux au moins 5 jours avant le DOB pour les communes. Pour les départements et les régions, le délai est de 12 jours.

La loi de programmation des finances publiques du 22 janvier 2018 a, par ailleurs, ajouté, dans son article 13, une exigence : « A l'occasion du débat sur les orientations budgétaires, chaque collectivité territoriale ou groupement de collectivités territoriales présente ses objectifs concernant :

1° L'évolution des dépenses réelles de fonctionnement, exprimées en valeur, en comptabilité générale de la section de fonctionnement ;

2° L'évolution du besoin de financement annuel calculé comme les emprunts minorés des remboursements de dette.

Ces éléments prennent en compte les budgets principaux et l'ensemble des budgets annexe. »

L’absence de communication de ces informations ou leur caractère lacunaire est considéré, par le juge administratif, comme une irrégularité entachant la procédure de vote du budget. En effet, la teneur de ces informations doit être en adéquation avec l’objectif du débat : associer l’assemblée délibérante à la préparation du budget. Les conditions d’organisation du DOB obéissent, également, à un régime juridique strict bien qu’incomplet.

II - Le DOB : un dispositif qui relève d'un régime juridique strict, mais incomplet

Le débat d’orientation budgétaire voit son organisation encadrée par un ensemble de règles (A) dont le non-respect entraîne l’illégalité de la procédure budgétaire (B). Ces règles tiennent, toutefois, plus à ses conditions d'organisation qu'à son déroulement même.

A - Un débat partiellement encadré

La tenue du DOB est encadrée par un ensemble de règles, notamment en termes de délai. Mais, aucune ne vient régir son contenu même.

S’agissant du délai, le débat doit être organisé avant la séance consacrée au vote du budget primitif, ce qui implique qu’il fasse l’objet d’une délibération distincte (TA Montpellier, 11/10/1995, M. Bard c/ Commune de Bédarieux). Il doit, ensuite, être organisé dans les deux mois qui précèdent l’examen du budget primitif pour les communes et les départements, et dans les dix semaines précédant le même évènement pour les régions. Le débat peut donc, en théorie, avoir lieu peu de temps avant le vote du budget. Un jugement du Tribunal administratif de Versailles est, toutefois, venu contrecarrer les risques d’une telle dérive en jugeant que la tenue du DOB ne pouvait avoir lieu à une échéance trop proche du vote du budget. Ainsi, a-t-il considéré que la tenue du débat le soir même du vote du budget primitif justifiait l’annulation de la délibération approuvant le budget de la collectivité (TA Versailles, 16/03/2001, M. Lafon c/ Commune de Lisses). Il s’ensuit que le DOB doit être organisé dans un délai « raisonnable » avant le vote, selon la taille de la collectivité et la complexité du budget, de manière à permettre aux élus de prendre connaissance, suffisamment en amont, des éléments utiles au vote.

S’agissant du déroulement du débat, la loi ne fixe pas de contraintes de forme ou de durée particulières. Le débat se déroule, donc, conformément au règlement intérieur de l’assemblée délibérante et dans les conditions applicables à toutes les autres séances. Sont, ainsi, rarement prévues des conditions de durée du débat, peu souvent posées des conditions quant à son objet et à son contenu. En revanche, l’assemblée doit, par un vote, prendre acte de la tenue du débat et de l’existence du rapport d’orientation budgétaire. Ce vote n’a, toutefois, pas vocation à approuver les orientations proposées : les avis exprimés lors de ce débat, par la majorité ou par l’opposition, ne sont, donc, nullement contraignants. Le ROB, ainsi que la délibération afférente, doivent, ensuite, être transmis au représentant de l’État et être publiés.

Bien qu’ayant un champ d’application limité, ces règles sont, toutefois, regardées comme substantielles, ce qui emporte des conséquences significatives lorsqu’elles ne sont pas respectées.

B - Une formalité substantielle

Dans les collectivités où il est obligatoire, l’organisation du DOB constitue une formalité substantielle : en d’autres termes, une délibération adoptant le budget primitif d’une collectivité qui n’est pas précédée de ce débat est entachée de nullité et est susceptible d’annulation par le juge administratif.

Plusieurs éléments sont susceptibles de produire le non-respect de cette obligation : l'absence pure et simple de débat, mais aussi le non-respect des règles de délai, des conditions d'organisation du débat prévues par le règlement intérieur de la collectivité ou de l'obligation de mettre les éléments d’informations adéquats à la disposition des élus. Ces règles sont regardées comme substantielles, car elles visent à permettre aux assemblées délibérantes de disposer d’éléments d’informations essentiels quant au budget à venir. Leur méconnaissance porte, donc, atteinte à la démocratie financière locale et justifie une annulation du vote du budget primitif.

Cette sanction connaît, toutefois, une limite. Le juge administratif n’exerce pas de contrôle sur le contenu à proprement parler du débat. Il suffit, ainsi, que le débat ait eu lieu et qu'il se soit tenu régulièrement en la forme, quel que soit son contenu et les membres qui y ont effectivement participé (sous réserve du respect des règles de quorum). Les obligations découlant de la tenue du DOB tiennent, en effet, plus à ses conditions d'organisation qu'à son déroulement même, cette dernière phase ne faisant pas l’objet d’un encadrement.

Malgré cela, l’instauration du débat d’orientation budgétaire pour les collectivités locales demeure un progrès. Ce débat constitue, en effet, un outils de plus au service de la démocratie financière locale en ce qu’il permet aux assemblées délibérantes de peser auprès de l’Exécutif local dès la phase d’élaboration du projet de budget sans attendre son vote proprement dit.