Introduction

La procédure budgétaire européenne fait intervenir les trois institutions communautaires principales : la Commission, le Conseil et le Parlement européen. Il en va, ainsi, qu’il s’agisse de la préparation, du vote, de l’exécution ou, encore, du contrôle du budget européen.

S’agissant de l’adoption du budget communautaire, la procédure distingue l’initiative budgétaire du pouvoir de voter le budget. La première relève de la Commission européenne, tandis que le second appartient, concurremment, au Conseil et au Parlement européen. En cas de désaccord entre ces deux dernières institutions, un Comité de conciliation intervient afin de tenter de trouver un compromis.

En matière d’exécution, les procédures apparaissent très spécifiques, en tout cas non superposables avec celles des régimes constitutionnels internes. Le budget européen est, ainsi, exécuté par la Commission, mais, la plupart du temps, en liaison avec d’autres entités, les Etats membres principalement.

Enfin, parallèlement à son exécution, mais aussi postérieurement, un contrôle est assuré tant par la Cour des comptes européenne que par le Parlement européen.

Il convient donc d’étudier, dans une première partie, l’adoption du budget européen (I), d’analyser, dans une deuxième partie, son exécution (II) et d’examiner, dans une troisième partie, son contrôle (III).

I - L'adoption du budget européen

L’adoption du budget européen obéit à une procédure bien déterminée (A). Il existe, toutefois, des mesures spécifiques en cas de non-adoption du budget dans les délais (B).

A - La procédure d'adoption du budget européen

La procédure budgétaire européenne est définie par l’article 314 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Elle se déroule l’année précédant l’exécution du budget suivant un certain nombre d’étapes qui doivent conduire, en principe, à l’ajustement des positions divergentes des autorités budgétaires si elles se manifestent. Elle associe les trois acteurs principaux : la Commission pour l’initiative (1), le Conseil et le Parlement pour le vote (2), et, éventuellement, un Comité de conciliation en cas de divergence (3).

1 - L’initiative budgétaire : une compétence exclusive de la Commission

L’initiative en matière budgétaire relève de la Commission européenne. Il lui appartient d’élaborer le projet de budget sur la base des états prévisionnels de dépenses que lui transmet, avant le 1er juillet, chacune des institutions communautaires (excepté la Banque centrale européenne).

Au plus tard le 1er septembre, la Commission présente son projet de budget annuel au Parlement européen et au Conseil, en respectant le Cadre financier pluriannuel (CFP) en vigueur et les orientations budgétaires pour l’année à venir. Dans la pratique, la Commission vise à présenter le projet de budget en juin.

2 - Le vote du budget : une compétence partagée du Conseil et du Parlement européen

La compétence pour voter le budget européen appartient, concurremment, au Conseil de l’Union (Conseil des ministres) et au Parlement européen. La procédure s’étale du 1° septembre au 31 décembre.

Le Conseil doit adopter, à la majorité qualifiée, sa position sur le projet de budget (y compris d’éventuels amendements) au plus tard le 1° octobre. Dans les faits, il y procède avant la fin du mois de juillet.

Le texte est, ensuite, transmis au Parlement européen. Celui-ci dispose, alors, de 42 jours pour arrêter sa position (y compris pour amender le texte).

Si le Parlement et le Conseil sont d’accord, le projet est adopté. Dans le cas contraire, une phase de conciliation est ouverte.

3 – L’intervention du Comité de conciliation

En cas de désaccord entre le Conseil et le Parlement européen, un comité de conciliation, composé, à parts égales, de représentants du Parlement et du Conseil, est convoqué. Ce comité a pour tâche de dégager une position commune dans les 21 jours à compter de sa convocation. Celui-ci doit prendre une décision à la majorité qualifiée des membres du Conseil ou de leurs représentants, et à la majorité des représentants du Parlement.

Si, dans les 21 jours, le Comité de conciliation n’est pas parvenu à un accord, la Commission doit présenter un nouveau projet de budget. En revanche, lorsqu’un texte commun a été adopté, le Conseil et le Parlement disposent, chacun, de 14 jours pour approuver ou rejeter le texte.

Si le Parlement européen et le Conseil approuvent tous deux le projet commun ou ne parviennent pas à statuer, ou si l’une de ces institutions approuve le projet commun tandis que l’autre ne parvient pas à statuer, le budget est réputé adopté conformément au projet commun.

En revanche, dans le cas où le Conseil rejette le texte commun et que le Parlement l’accepte, cette approbation doit avoir réuni la majorité des membres et les 3/5° des suffrages exprimés pour qu’il y ait adoption.

Enfin, si les deux institutions refusent le texte de conciliation, ou si l’une d’entre elles seulement le rejette et l’autre l’approuve, ou encore si l’une ne statue pas et l’autre le rejette, la Commission doit présenter un nouveau projet de budget.

B - Les mesures prévues en cas d'adoption hors délais

Si, au début d’un exercice budgétaire, le budget n’a pas encore été définitivement adopté, les dépenses peuvent être effectuées mensuellement par chapitre dans la limite du douzième des crédits ouverts au chapitre en question du budget de l’exercice précédent, sans pouvoir dépasser le douzième des crédits prévus au même chapitre dans le projet de budget.

Ces limites ne peuvent être dépassées par le Conseil que sur proposition de la Commission en prévoyant, obligatoirement, les mesures nécessaires en matière de ressources : la décision de dépassement entre en vigueur 30 jours après son adoption si, dans ce délai, le Parlement, statuant à la majorité de ses membres, ne décide pas de réduire ces dépenses.

II - L'exécution du budget européen

De la même manière que pour l’adoption du budget, l’on trouve en matière d’exécution des modalités très spécifiques qui ne sont pas superposables avec celles des régimes constitutionnels internes. La Commission est, ainsi, chargée de l’exécution des recettes et des dépenses du budget, conformément aux traités et aux dispositions et instructions qui figurent dans le règlement financier, et ce dans les limites des crédits autorisés. Les États membres coopèrent avec elle pour que les crédits soient utilisés conformément aux principes de bonne gestion financière, à savoir économie, efficience et efficacité. Plusieurs modes d’exécution du budget sont, alors, possibles.

La Commission peut, d’abord, exécuter le budget de manière directe : tel est le cas de 22 % du budget européen. Dans le cadre de cette gestion directe, elle assure cette tâche directement via ses propres services ou indirectement via des entités extérieures (des agences européennes ou nationales) placées sous sa surveillance et sous son contrôle.

Elle peut, également, exécuter le budget conjointement avec les États membres (on parle de gestion partagée) : c’est le cas de 76 % du budget européen. L’UE ne disposant pas d’une administration financière sophistiquée, les Etats membres sont chargés de procéder aux opérations matérielles d’exécution. Ainsi, les dépenses sont effectuées par les Trésors publics nationaux sous le contrôle de la Commission.

Ou, elle peut l’exécuter de manière indirecte (c’est la gestion indirecte) en confiant les tâches d’exécution budgétaire à des organismes ou des personnes, comme des pays tiers, des organisations internationales et d’autres organismes : cela ne concerne que 2 % du budget européen.

III - Le contrôle du budget européen

Si le contrôle initial des recettes et des dépenses est, en grande partie, exercé par les instances nationales, notamment en matière de ressources propres traditionnelles, le contrôle du budget européen est aussi le fait de la Cour des comptes européenne (A) et du Parlement européen (B).

A - Le contrôle de la Cour des comptes européenne

Il convient d’analyser l’organisation (1), puis les missions (2) de la Cour des comptes européenne.

1 – L’organisation de la Cour des comptes européenne

Créée en 1977, la Cour des comptes européenne siège à Luxembourg. Elle est composée de membres proposés par les Etats et choisis parmi des personnalités ayant exercé des fonctions au sein d’instances nationales de contrôle financier ou ayant une qualification appropriée. Il y autant de membres qu’il y a d’Etats participant à l’Union. Ces membres sont nommés pour 6 ans renouvelables par le Conseil à la majorité qualifiée après consultation du Parlement européen. Ils disposent de garanties d’indépendance : ils ne peuvent, notamment, exercer aucune autre activité professionnelle, rémunérée ou non, et ne peuvent solliciter ou accepter d’instructions d’aucun gouvernement.

La Cour est organisée en cinq chambres compétentes dans des domaines de dépenses et de recettes spécifiques : utilisation durable des ressources naturelles - investissements en faveur de la cohésion, de la croissance et de l’inclusion - action extérieure, sécurité et justice - réglementation des marchés et économie concurrentielle - financement et administration de l’Union. Elle est présidée par un président élu en son sein pour trois ans renouvelables.

2 – Les missions de la Cour des comptes européenne

La Cour des comptes européenne assure deux grandes missions.

Elle réalise, d’abord, des audits. Sa compétence couvre toutes les opérations de recettes et de dépenses de l’Union et de tout organisme créé par l’Union. Ces audits sont conduits de manière à obtenir une assurance raisonnable quant à la fiabilité des comptes annuels de l’Union (audit financier), la légalité et la régularité des opérations sous-jacentes (audit de conformité) et la bonne gestion financière (audit de performance). Ce contrôle a lieu sur pièces et aussi, si nécessaire, dans les locaux, c’est-à-dire auprès des institutions et agences de l’Union, de tout organisme gérant des recettes ou des dépenses au nom de l’Union et de toute personne physique ou morale bénéficiaire de versements issus du budget de l’Union. Le contrôle dans les États membres se fait en liaison avec les institutions nationales supérieures de contrôle. Les entités contrôlées sont tenues de communiquer à la Cour tout document ou information qu’elle estime nécessaire à l’accomplissement de sa mission. À la suite de ses audits, la Cour publie des rapports annuels, notamment celui relatif à l’exécution du budget de l’UE, celui sur la performance du budget de l’Union ou, encore, des rapports annuels spécifiques sur les agences de l’Union, les organismes décentralisés et les entreprises communes.

La Cour des comptes européenne exerce, ensuite, une fonction d’assistance du Parlement et du Conseil dans leur mission de contrôle de l’exécution du budget. Elle présente, ainsi, des observations, rend des avis à la demande des institutions européennes ou publie des rapports. Ses membres sont invités à présenter leurs rapports lors des réunions de la commission du contrôle budgétaire ou de commissions spécialisés et à répondre aux questions posées par les députés européens. La Cour des comptes et la commission du contrôle budgétaire organisent tous les ans plusieurs réunions qui permettent aux députés européens de débattre, avec les membres de la Cour, de leurs priorités politiques, du programme de travail annuel de la Cour, des modalités de coopération, ....

B - Le contrôle du Parlement européen

Au sein du Parlement européen, la commission du contrôle budgétaire est chargée de préparer la position du Parlement et, notamment, de contrôler l’exécution du budget de l’Union, d’examiner les fraudes et les irrégularités dans l’exécution du budget de l’Union, d’adopter des mesures visant à prévenir et à poursuivre ces cas de fraude et d’irrégularités et de protéger les intérêts financiers généraux de l’Union. Les commissions spécialisées du Parlement contribuent, aussi, à garantir que les crédits de l’Union sont dépensés de manière efficiente pour préserver les intérêts du contribuable européen.

Postérieurement à l’exécution du budget, le Parlement, sur recommandation du Conseil, donne décharge à la Commission sur l’exécution du budget de l’année n - 2 après avoir examiné les rapports d’activité des directions générales de la Commission, le rapport annuel de gestion et de performance de celle-ci, le rapport annuel de la Cour des comptes et les réponses de la Commission et d’autres institutions à ses propres questions. A cette occasion, le Parlement vérifie, notamment, qu’il y a bien eu exécution de ce qui avait été voté par le Parlement, s’il y a des lacunes déjà dénoncées par la Cour des comptes ou si cette gestion traduit un manque d’initiatives de la Commission vis-à-vis du Conseil européen et des Etats membres. S’il estime la gestion de la Commission correcte, le Parlement lui donne décharge. Dans l’hypothèse inverse, le refus de décharge peut conduire à une démission de la Commission, ce qui est arrivé en 1999.