Introduction
Les institutions européennes ont vu leurs compétences s’accroître, continuellement, depuis les années cinquante. Ce mouvement a provoqué le développement des finances européennes, ce qui a justifié la mise en place d’une institution adaptée pour les contrôler : la Cour des comptes européenne entrée en fonction en 1977 et dont le rôle a été, au fil des traités, renforcé.
Cette Cour a la charge de vérifier si le budget de l’Union européenne (UE) a été exécuté correctement et si les fonds européens ont été perçus et dépensés légalement et conformément aux principes de bonne gestion financière. Elle a, également, pour mission d’assister le Parlement européen et le Conseil dans l'exercice de leur fonction de contrôle de l'exécution du budget. Elle joue, ainsi, le rôle de gardienne indépendante des intérêts financiers des citoyens de l’Union.
Pour réaliser ces tâches, la Cour dispose d’un collège de 27 membres, un par Etat participant à l’UE. Ces membres, assistés d’auditeurs, sont répartis dans un ensemble de cinq chambres compétentes dans des domaines de dépenses et de recettes spécifiques.
Il convient, donc, d’étudier, dans une première partie, les origines de la Cour des comptes européenne (I), d’analyser, dans une deuxième partie, son organisation (II) et d’examiner, dans une troisième partie, ses missions (III).
I – Les origines de la Cour des comptes européenne
Initialement, le contrôle des finances communautaires était exercé par deux organes : une commission de contrôle (pour le budget général) et un commissaire au compte (pour le budget de la CECA et celui d’Euratom). Mais, ces deux organes ne disposaient pas des pouvoirs et des ressources nécessaires pour assurer l’audit adéquat d’un budget s’accroissant rapidement.
L’élargissement des pouvoirs du Parlement européen en matière de contrôle budgétaire et le financement intégral du budget de la Communauté européenne par des ressources propres devaient, toutefois, rendre impératif un changement qualitatif du contrôle du budget avec la création d’un organisme disposant de moyens appropriés et réellement indépendant. Ce fut chose faite avec le traité de Bruxelles du 22 juillet 1975 créant la Cour des comptes européenne, laquelle se substituait, alors, aux deux organes précédents.
Créée à l’initiative d’Heinrich Aigner, Président de la commission du contrôle budgétaire du Parlement européen qui avait, dès 1973, plaidé avec vigueur pour la création d’un organe de contrôle externe au niveau communautaire, la Cour, présentée comme « la conscience financière de la Communauté », entama ses travaux en octobre 1977 à Luxembourg, où se trouve, toujours, son siège. Depuis lors, elle n’a cessé de voir son poids se renforcer.
Elle est, ainsi, devenue une institution à part entière de l’UE le 1° novembre 1993 avec l'entrée en vigueur du traité de Maastricht. En lui accordant l’égalité de statut avec la Commission, le Conseil et le Parlement, ce traité a renforcé son indépendance et son autorité. Il a, également, introduit ce qui est devenu la spécificité première de la Cour, à savoir la déclaration d’assurance annuelle sur la fiabilité des comptes de l’UE, ainsi que sur la légalité et la régularité des opérations qui leur sont sous-jacentes.
Son rôle a, ensuite, été renforcé en 1999 avec l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, lequel a réaffirmé son indépendance et étendu ses pouvoirs en matière d’audit à davantage de domaines politiques. Ce traité a, par ailleurs, clarifié le rôle de la Cour dans la lutte contre la fraude et accru ses possibilités de saisir la Cour de Justice pour protéger ses prérogatives contre toute infraction commise par d’autres institutions de l'UE.
Par la suite, le traité de Nice de 2003 a confirmé la pratique en vigueur selon laquelle la Cour comprend un membre par État membre et souligné l'importance de la coopération de l’institution avec les institutions de contrôle nationales.
Enfin, le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1° décembre 2009, a réaffirmé le mandat de la Cour et son statut d’institution de l’UE. Ce traité a, également, modifié la façon de gérer et de contrôler les fonds de l’UE en renforçant les pouvoirs budgétaires du Parlement européen et en soulignant la responsabilité des États membres dans l’exécution du budget.
II – L'organisation de la Cour des comptes européenne
La Cour des comptes européenne est composée d’un membre par Etat de l’Union (A) et dispose de différentes structures pour réaliser ses missions (B).
A - Les membres de la Cour
La Cour est composée de membres proposés par les Etats et choisis parmi des personnalités ayant exercé des fonctions au sein d’instances nationales de contrôle financier ou ayant une qualification appropriée. Il y autant de membres qu’il y a d’Etats participant à l’Union. Ces membres sont nommés pour 6 ans renouvelables par le Conseil à la majorité qualifiée après consultation du Parlement européen. Ils disposent de garanties d’indépendance : ils ne peuvent, notamment, exercer aucune autre activité professionnelle, rémunérée ou non, et ne peuvent solliciter ou accepter d’instructions d’aucun gouvernement.
Tout en exerçant leurs fonctions au sein du collège, les membres sont affectés à l'une des cinq chambres de la Cour. Ils adoptent les rapports d'audit et les avis, et se prononcent sur des questions stratégiques et administratives de caractère général. Chaque membre est, par ailleurs, responsable de l'exécution d'un certain nombre de tâches propres, principalement dans le domaine de l'audit. Les travaux d'audit débouchant sur un rapport sont réalisés par les auditeurs de la Cour et coordonnés par un membre, assisté d'un cabinet. Le membre présente ensuite le rapport à la chambre et / ou au collège pour adoption, puis au Parlement européen, au Conseil et aux autres parties prenantes concernées ainsi qu'aux médias.
Ces membres élisent, parmi eux, un président pour un mandat renouvelable de trois ans. Celui-ci joue le rôle de primus inter pares (premier parmi ses pairs). Il préside les réunions de la Cour et veille à l'application des décisions de celle-ci, ainsi qu'à la bonne gestion de l'institution et de ses activités. Élu le 13 septembre 2016, M. Klaus-Heiner Lehne, le membre allemand, est devenu le 11° Président de la Cour. Son mandat a été renouvelé le 12 septembre 2019.
Enfin, environ deux fois par mois, les 27 membres de la Cour se réunissent en collège pour examiner et adopter les principales publications annuelles de la Cour, c'est-à-dire les rapports annuels sur le budget général de l’UE et sur les Fonds européens de développement.
B – Les structures de la Cour
La Cour des comptes comprend cinq chambres auxquelles sont affectés des membres et des auditeurs. Ces chambres sont compétentes dans des domaines de dépenses et de recettes spécifiques : utilisation durable des ressources naturelles - investissements en faveur de la cohésion, de la croissance et de l’inclusion - action extérieure, sécurité et justice - réglementation des marchés et économie concurrentielle - financement et administration de l’Union. Les membres de chaque chambre élisent un doyen pour un mandat renouvelable de deux ans. Chacune de ces chambres a deux compétences : d’une part, adopter les rapports spéciaux, les rapports annuels spécifiques et les avis, d’autre part, élaborer les rapports annuels sur le budget de l’UE et sur les Fonds européens de développement pour adoption par le collège.
La Cour est, également, dotée de deux organes spécifiques. Le premier est le comité chargé du contrôle qualité de l'audit : composé du membre responsable du contrôle qualité de l'audit et d'un membre issu de chaque chambre, ses compétences englobent les politiques, les normes et la méthodologie d'audit de la Cour, ainsi que le soutien à l'audit, le développement et le contrôle de la qualité de l'audit au sein de l'institution. Le second est le comité administratif : celui-ci comprend les doyens des chambres, le Président de la Cour, le membre en charge des relations institutionnelles et le membre responsable du contrôle qualité de l'audit ; il est chargé de l'ensemble des dossiers administratifs et des décisions sur les questions relatives à la communication et à la stratégie.
La Cour dispose, par ailleurs, d’un secrétaire général qui l'agent de la Cour exerçant les plus hautes fonctions. Nommé pour une période de six ans renouvelable, il est responsable de la gestion du personnel et de l'administration de la Cour. Il supervise, à ce titre, la direction Ressources humaines, finances et services généraux, la direction Information, environnement de travail et innovation et la direction Traduction, services linguistiques et publication.
Pour assurer l’ensemble de ses tâches, la Cour emploie quelque 900 agents (auditeurs, traducteurs et personnel administratif). Le parcours et l'expérience professionnels des auditeurs sont très variés, puisqu'ils ont exercé aussi bien dans des institutions publiques que dans des sociétés privées, notamment dans les secteurs de la comptabilité, de la gestion financière, de l'audit interne ou externe, du droit et de l'économie. Comme l'ensemble des institutions de l'UE, il s’agit de ressortissants de tous les États membres. Ces agents relèvent du statut des fonctionnaires de l'Union européenne.
III – Les missions de la Cour des comptes européenne
La Cour des comptes européenne exerce deux missions principales : elle assure le contrôle de la gestion financière de l’UE (A) et assiste le Parlement européen et le Conseil dans l'exercice de leur fonction de contrôle de l'exécution du budget (B).
A – Une mission de contrôle de la gestion financière de l'Union européenne
La Cour des comptes européenne a la charge de contrôler la gestion financière de l’Union européenne, de ses institutions (Commission européenne, Parlement européen, Conseil de l’Union européenne, Cour de Justice, Banque européenne d’investissement) et de ses organes (agences, fondations, instituts, observatoires, …). Sa mission s’étend, également, aux bénéficiaires des aides européennes (collectivités locales, entreprises et personnes privées) auprès de qui elle peut s’assurer du bon emploi des sommes versées. Dans ce cadre, la Cour examine la légalité et la régularité des recettes et des dépenses, s’assure de la bonne gestion financière et permet, ainsi, au Parlement européen de donner quitus à la Commission européenne pour l’exécution du budget. Ses rapports peuvent constituer un moyen de pression sur les institutions et autres organes administratifs pour qu’ils assurent une bonne gestion des fonds.
Pour réaliser cette tâche, la Cour effectue un contrôle sur pièces et sur place auprès des institutions et des États membres : ceux-ci doivent lui communiquer tout document ou toute information nécessaire à l’accomplissement de sa mission. Le contrôle dans les États membres s’effectue en lien avec les institutions de contrôle nationales.
Lorsqu’elle identifie des lacunes, des irrégularités ou des cas de fraude potentielle, la Cours les porte à l’attention des administrations et organes compétents, notamment l’office européen de lutte antifraude (OLAF) pour qu’ils agissent en conséquence. La Cour n’a, en effet, pas de pouvoir juridictionnel propre. Elle est seulement chargée de l’examen de la régularité des comptes, et non pas de leur jugement, et du contrôle de l’exécution du budget.
B – Une mission d'assistance du Parlement et du Conseil
La Cour des comptes européenne assiste le Parlement européen et le Conseil dans l'exercice de leur fonction de contrôle de l'exécution du budget.
La Cour exerce, d’abord, une fonction consultative. A ce titre, elle est, obligatoirement, consultée sur les propositions de législation de l’UE à vocation budgétaire ou financière ou avant adoption de toute législation dans le domaine de la lutte contre la fraude et la répression de la fraude. Elle peut, en outre, présenter à tout moment ses observations, notamment sous forme de rapports spéciaux, sur des questions particulières et rendre des avis (qui ne sont pas contraignants) à la demande de l’une des autres institutions de l'Union. Elle établit, également, après la clôture de chaque exercice, un rapport annuel qui est transmis aux autres institutions de l'Union et publié au Journal officiel de l’UE, accompagné des réponses desdites institutions aux observations de la Cour.
Depuis le traité de Maastricht, la Cour doit, par ailleurs, fournir au Parlement et au Conseil une déclaration d’assurance (DAS) concernant la fiabilité des comptes, ainsi que la légalité et la régularité des opérations sous-jacentes. Cette déclaration peut être complétée par des appréciations spécifiques pour chaque domaine majeur de l'activité de l'Union. À cette fin, la Cour effectue deux audits. Le premier, l’audit de la fiabilité des comptes, doit aboutir à une déclaration certifiant premièrement que les états financiers (bilan, compte de gestion consolidé et annexes explicatives) donnent une image fidèle de la situation financière de l’UE, deuxièmement qu’ils intègrent de manière complète et exacte les recettes et dépenses de l’exercice. Le second, l’audit de la légalité et de la régularité des opérations sous-jacentes, vérifie la conformité des recettes et dépenses avec ce qu’elle devrait être au vu du droit de l’UE et des clauses contractuelles en vigueur, ce qui permet d’évaluer la qualité du contrôle interne. La Cour procède ici par sondage et sélection. L’absence de DAS n’a aucune conséquence juridique, aucune sanction n’étant prévue. Cet exercice est, toutefois, rendu difficile par le fait que la plupart des ressources et des dépenses de l’UE sont gérées par les Etats, ce qui déplace les opérations de l’Union vers les administrations nationales et rend, alors, plus difficile les possibilités de contrôle.
