La notion d’impôt (fiche thématique)

Introduction

Les impôts existent de tout temps et en tout lieu. Leur histoire est intimement liée à celle de l’Etat et, plus généralement, d’un pouvoir politique. Leurs formes et sophistications sont plus moins développées selon le degré d’avancement de la civilisation au sein de laquelle ils prospèrent. Ce constat général se vérifie à chacune des étapes de l’analyse de la notion d’impôt.

La première conduit à tenter de définir cette notion. Un double point de vue peut, ici, être adopté. La notion d’impôt peut, d’abord, être définie sur la base d’une approche doctrinale. Une approche qui doit, ensuite, être complétée par une analyse des éléments de droit positif, qu’ils soient textuels ou jurisprudentiels, qui en déterminent les contours.

La seconde implique de classer les différents impôts pouvant exister. Plusieurs modes de classifications sont possibles : outre une classification fonction de la personne bénéficiaire, les classifications les plus répandues sont d’ordre économique et technique.

Il convient, alors, de tenter, dans une première partie, de définir la notion d’impôt (I) et d’analyser, dans une seconde partie, les différents types de classifications des impôts (II).

I – La définition de l'impôt

La notion d’impôt peut être appréhendée au travers d’une approche doctrinale d’une part (A) et du point de vue du droit positif d’autre part (B).

A - La définition doctrinale de l'impôt

La doctrine classique, au travers notamment des travaux de Gaston Jèze, définit l’impôt au travers de cinq éléments.

a / Un prélèvement pécuniaire, c’est-à-dire en argent : l’impôt se distingue, ainsi, des autres prestations ou services en nature que les membres de la collectivité peuvent devoir à l’Etat (service militaire, réquisitions, …) ; à titre exceptionnel, toutefois, l’impôt peut être acquitté en nature, via la procédure de dation en paiement qui permet de payer certains impôts, tels que l’impôt sur la fortune immobilière, les droits de mutation à titre gratuit et le droit de partage, au moyen d’œuvres d’art, de livres ou encore d’objets de collection.

b / Un prélèvement obligatoire, ce qui signifie que le contribuable a l’obligation de payer sans pouvoir donner, lui-même, son accord.

c / Un prélèvement effectué par voie d’autorité par l’administration sur le fondement de ses prérogatives de puissance publique : c’est, ainsi, une décision unilatérale qui permet à l’administration de constituer le contribuable débiteur ; cette dimension s’observe, également, au niveau des procédures exorbitantes du droit commun dont dispose l’autorité administrative en matière de contrôle, de recouvrement et de sanction.

d / Un prélèvement effectué à titre définitif : l’impôt n’appelle aucun remboursement (sauf erreur ou mauvaise application de la loi générant un trop payé), ce qui le distingue de l’emprunt qui, lui, doit être restitué.

e / Un prélèvement sans contrepartie : il y n’y a aucune corrélation directe entre les sommes versées par le contribuable et la quantité ou la nature des services publics dont il bénéficie ; en effet, l’impôt permet d’assurer indifféremment le financement de toutes les charges publiques, ce qui a, notamment, pour conséquence que le contribuable ne peut exiger que l’impôt qu’il paie soit affecté au financement d’un service public déterminé.

B - La définition de l'impôt selon le droit positif

L’article 34 de la Constitution de 1958 réserve au législateur le soin de fixer les règles concernant « l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures » (1). Il importe, alors, de définir positivement ce que recouvre cette notion afin de délimiter le champ de la compétence ainsi attribuée au législateur. Pour se faire, c’est vers le juge qu’il convient de se tourner, le constituant n’ayant pas précisé les contours de cette notion. L’impôt pourra alors, être distingué des prélèvements non fiscaux, au nombre desquels se trouvent les redevances et les cotisations sociales (2).

1 – Les impositions de toutes natures

Les impositions de toutes natures comprennent les impôts proprement dits et les taxes fiscales.

a / Les impôts proprement dits : il s’agit de prélèvements obligatoires soumis au principe budgétaire de non-affectation, qui ne représentent pas un prix lié à un service et qui se caractérisent par l’absence de contrepartie.

b / Les taxes fiscales : elles sont perçues, comme les redevances, à l’occasion du fonctionnement d’un service public, mais elles s’en distinguent par le fait qu’il s’agit d’un usage potentiel et non effectif ; il y a donc absence de contrepartie directe et le paiement est obligatoire que le service soit utilisé ou non ; par ailleurs, le montant de la taxe n’est pas proportionnel au coût du service ; par exemple, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères doit être payée par tous les contribuables de la commune, même ceux qui n’utilisent pas effectivement le service.

2 – Les prélèvements non fiscaux

Ceux-ci regroupent les redevances et les cotisations sociales.

a / Les redevances (ou rémunération pour service rendu) : elles se distinguent de l’impôt par le fait qu’elles ne constituent pas des prélèvements obligatoires ; la définition classique a fait l’objet d’évolutions récentes :

  • le principe : les redevances correspondent au prix payé par l’usager d’un service public ou d’un ouvrage public en contrepartie de l’usage effectif de ce service ou de cet ouvrage ; il doit donc y avoir une contrepartie directe et immédiate entre la redevance et l’usage du service ou de l’ouvrage ; ne paie, ainsi, la redevance que l’usager effectif ; par ailleurs, il doit exister un rapport de proportionnalité entre le coût du service et le montant de la redevance,
  • les évolutions récentes : le Conseil constitutionnel a précisé que la contrepartie peut n’être qu’à venir ; quant au Conseil d’Etat, il estime, désormais, que l’administration peut fixer le montant de la redevance en fonction non seulement du coût du service, mais aussi de la valeur économique de la prestation, c’est-à-dire de l’ensemble des avantages qu’en retire l’usager (par exemple, la notoriété d’un hôpital pour la redevances des médecins libéraux exerçant au sein d’un tel établissement).

b / Les cotisations sociales : depuis 1945, les employeurs, les salariés et non-salariés doivent acquitter des cotisations sociales en contrepartie desquelles ils peuvent bénéficier des prestations fournies par le système de Sécurité sociale ; ces cotisations sont des prélèvements obligatoires, mais elles se distinguent des impositions par le fait que leur versement comporte une contrepartie directe.

II – La classification des impôts

Plusieurs classifications peuvent être retenues. Ainsi, les impôts peuvent être classés en fonction de la personne attributaire : Etat, collectivités locales, organismes sociaux (CSG et CRDS), Union européenne ; c’est la classification administrative. Mais, les classifications les plus répandues sont d’ordre économique (A) et technique (B).

A - Les classifications économiques

Trois grandes classifications peuvent être évoquées.

a / Classification sur la base des éléments économiques taxés : il est possible de taxer :

  • soit les revenus, c’est-à-dire la richesse produite par le travail ou le capital à l’occasion de sa formation ou de son acquisition : cette notion est appréciée largement en droit fiscal afin de permettre d’embrasser tout enrichissement ; ainsi, un revenu peut correspondre à une somme d’argent ou à un avantage en nature ; il peut être permanent ou non ; ce type d’imposition permet de personnaliser la charge fiscale en fonction de la situation des contribuables, mais il est, également, l’occasion de multiples fraudes ; relèvent de cette catégorie, l’impôt sur le revenu des personnes physiques et l’impôt sur les sociétés,
  • soit la dépense, c’est-à-dire l’utilisation de la richesse : il peut s’agir d’impôts frappant certains produits précisément identifiés (par exemple, les contributions indirectes sur les alcools et les tabacs manufacturés) ou d’impôts généraux sur la dépense qui frappent, au sein d’un même système, toutes les transactions et tous les produits (par exemple, la TVA) ; les premiers se prêtent à une politique sélective d’intervention économique ou sociale quand les seconds offrent un bon rendement, mais sont très sensibles à la conjoncture économique et ne permettent guère de personnalisation de la charge fiscale,
  • soit le capital, c’est-à-dire la détention de la richesse : il s’agit ici de taxer le patrimoine à l’occasion de sa possession (par exemple, l’impôt sur la fortune immobilière) ou de sa transmission (donation, succession).

b / Classifications impôts synthétiques / impôts analytiques : les premiers conduisent à taxer en une seule fois un ensemble de valeurs ou une opération économique prise dans son ensemble (par exemple, l’impôt sur le revenu et la TVA) ; les seconds ne taxent qu’un élément, tels qu’une catégorie de revenus ou une opération prise isolément (par exemple, les accises sur les tabacs et les alcools).

c / Classification en fonction des facteurs ou acteurs économiques visés : l’impôt peut viser les ménages (impôt sur le revenu, taxe d’habitation), les entreprises (impôt sur les sociétés, contribution économique territoriale) ou encore les produits (TVA, droits indirects).

B - Les classifications techniques

Ces classifications se fondent sur les techniques et les modalités administratives de la taxation. Quatre hypothèses peuvent être évoquées.

a / Distinction impôts directs / impôts indirects : si l’impôt est supporté par celui qui y est assujetti, alors il s’agit d’un impôt direct (par exemple, l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés) ; à l’inverse, si l’assujetti fait supporter la charge de l’impôt sur les tiers, on parle d’impôt indirect (par exemple, la TVA) ; à la différence des impôts directs qui permettent de tenir compte de la capacité contributive de chaque contribuable, les impôts indirects frappent indistinctement et de la même façon tous ceux qui y sont soumis.

b / Distinction impôts de répartition / impôts de quotité : avec les premiers, le législateur fixe le produit total attendu, puis le réparti entre les contribuables, ce qui permet de s’assurer du rendement de l’impôt, mais empêche tout gain lié une évolution favorable de la conjoncture économique, de sorte que ce type d’imposition n’apparaît pas adapté à une économie moderne caractérisée par sa grande volatilité ; avec les seconds, un taux d’imposition est d’abord fixé, puis est appliqué à la matière imposable, ce qui génère plus de volatilité du rendement de l’impôt, mais permet plus de progressivité de la charge fiscale.

c / Distinction impôts réels / impôts personnels : les premiers sont calculés à partir de la seule matière imposable, sans prendre en considération la situation personnelle des contribuables (par exemple, les impôts fonciers locaux, la TVA), alors que les seconds prennent en compte leur situation familiale ou de fortune (par exemple, l’impôt sur le revenu) ; les impôts personnels apparaissent plus justes que les impôts réels par leur adéquation à la situation personnelle des contribuables.

d / Distinction impôts proportionnels / impôts progressifs : les premiers consistent à appliquer à la base d’imposition un taux fixe quel que soit le montant de cette dernière ; à l’inverse, avec des impôts progressifs, le taux d’imposition croit en fonction de la base d’imposition ; à l’origine, les impôts étaient proportionnels, car l’on estimait qu’il s’agissait d’une manière juste de déterminer le montant de la dette fiscale ; puis, la progressivité de l’impôt s’est affirmée en prenant appui sur l’idée qu’il paraissait juste de moins imposer la partie des revenus servant à satisfaire les besoins vitaux par rapport à la partie la plus haute ; la progressivité apparaît, également, comme un outil de redistribution.