Introduction

Outre les règles propres à tout acte administratif, l’administration fiscale doit, lorsqu’elle notifie des rappels d’impôts, respecter un ensemble de règles spécifiques au droit fiscal. Il lui revient, ainsi, de faire connaître au contribuable les rehaussements qu'elle envisage à son encontre, en lui adressant une proposition de rectification suivant une procédure qui est fonction de la situation déclarative de l’intéressé.

Ainsi, lorsque le contribuable est à jour desdites obligations, les services fiscaux doivent appliquer la procédure de rectification contradictoire (PRC) prévue à l’article L 55 du Livre des procédures fiscales (LPF). Il s’agit de la procédure de droit commun : c’est celle qui, dans le cadre d’un dialogue écrit et contradictoire, offre le plus de garanties au contribuable.

En revanche, en cas de défaillance déclarative, l’administration peut établir d’office les impositions si le redevable se trouve dans l’une des situations limitativement énumérées par la loi (art. L 65 du LPF). Deux procédures d’imposition d’office existent : la procédure de taxation d’office et la procédure d’évaluation d’office. Ces procédures, plus courtes, offrent nettement moins de garanties au contribuable que la PRC.

Il convient donc d’étudier, dans un premier temps, la procédure de rectification contradictoire (I) et d’analyser, dans une seconde partie, les procédures d’imposition d’office (II).

I – La procédure de rectification contradictoire

La procédure de rectification contradictoire a un champ d’application très large (A) et suit un déroulement très précis (B).

A – Le champ d'application de la PRC

La procédure de rectification contradictoire est la procédure de droit commun. Elle doit être suivie dans tous les cas où l’administration, ayant constaté une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant au calcul des impôts, désire apporter des rectifications aux déclarations des contribuables. En d’autres termes, elle s’applique dès lors que le contribuable a respecté ses obligations déclaratives.

En tant que procédure de droit commun, son application n’a pas à être motivée. Il doit simplement être fait mention dans la proposition de rectification qu’il en est fait application.

Cette procédure s’applique aussi bien en matière de CSP (contrôle sur pièces) que de CFE (contrôle fiscal externe). Elle est applicable dans tous les cas, excepté lorsqu’une procédure d’imposition d’office s’applique, ainsi qu’en matière d’impôts directs locaux.

B – Le déroulement de la PRC

La procédure de rectification contradictoire offre au contribuable un dialogue écrit qui doit respecter un déroulement précis qui peut aller jusqu’à 5 étapes.

1° étape – La proposition de rectification

L’administration doit adresser au contribuable une proposition de rectification : il s’agit d’un imprimé n° 2120 en cas de CSP et d’un imprimé n° 3924 en cas de CFE. Celle-ci interrompt la prescription à hauteur des droits rappelés.

a / Contenu de la proposition de rectification : cette dernière doit :

  • être motivée de manière à permettre au contribuable de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation,
  • mentionner que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix pour discuter la proposition de rectification ou y répondre,
  • indiquer la délai ouvert au contribuable pour y répondre,
  • indiquer la possibilité de bénéficier de la procédure de régularisation prévue par l’article L 62 du LPF (avec remise des intérêts de retard de 30 %),
  • comporter l’indication du grade et la signature de l’agent dont elle émane,
  • indiquer, lorsqu’elle fait suite à un CFE, le montant de la rectification (c’est-à-dire les bases d’imposition supplémentaires), le montant des droits, taxes et pénalités en résultant et les points non contrôlés ne donnant lieu à aucune rectification,
  • informer, éventuellement, le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers à la suite de l’exercice d’un droit de communication (copie des documents que le contribuable peut obtenir s’il en fait la demande).

b / Notification de la proposition de rectification : elle doit être envoyée en recommandé avec accusé de réception (AR) au contribuable ou à son représentant légal qui est :

  • soit, l’un ou l’autre des époux ou des partenaires de PACS si les rappels concernent l’ensemble des revenus du foyer,
  • soit, l’époux ou le partenaire de PACS qui exerce l’activité indépendante si la procédure concerne des revenus professionnels non salariaux,
  • soit, la société elle-même si la rectification concerne une société.

2° étape – La droit de réponse du contribuable

Le contribuable dispose d’un délai de 30 jours pour répondre à la proposition de rectification. Ce délai peut être prorogé de 30 jours si l’intéressé en fait la demande dans le délai initial.

a / Décompte du délai : le délai de 30 jours est un délai franc qui court à compter de la réception effective de la proposition par le contribuable ; en d’autres termes, il doit être fait abstraction du jour de réception et du jour de l’échéance ; si le pli n'a pas été retiré, la date à retenir pour déterminer le point de départ du délai de 30 jours est celle de la présentation à domicile et donc de l'avis d'instance.

b / Les observations du contribuable : celui-ci peut :

  • soit donner son accord express aux rectifications proposées : la procédure est, alors, close et le service peut procéder à la mise en recouvrement des impositions dès la fin du délai de réponse ; l’accord express peut n’être que partiel, ce qui ne clôt la procédure qu’à hauteur des rectifications concernées par cet accord,
  • soit s’abstenir de répondre : dans ce cas, l’absence de réponse dans le délai imparti vaut acceptation tacite ; les droits peuvent, alors, être mis en recouvrement à l’expiration du délai de réponse,
  • soit rejeter les rehaussements envisagés : l’administration doit, alors, prendre position par rapport à ces observations, ce qui ouvre une troisième étape.

3° étape – La réponse aux observations du contribuable

Plusieurs choix s’offrent à l’administration qui doit, dans certaines hypothèses, répondre dans un certain délai.

a / Les choix offerts à l’administration : celle-ci peut :

  • admettre totalement les observations du contribuable : dans ce cas, la procédure est close par l’envoi d’un courrier d’abandon total des rappels d’impôt,
  • rejeter, en tout ou partie, les observations du contribuable : l’administration doit, alors, répondre, de manière motivée, par un imprimé n° 3926 envoyé en AR, à tous les arguments du contribuable, de manière à justifier tous les rappels maintenus ; elle doit, par ailleurs, indiquer au contribuable la possibilité de saisir l’une des deux commissions existantes.

b / Délai de réponse de l’administration : le seul délai qui est applicable concerne les propositions de rectification qui font suite à une vérification de comptabilité ou à un examen de comptabilité ; ce délai est de 60 jours à compter de la réception des observations du contribuable ; il ne s’applique que si la proposition concerne :

  • une entreprise dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1 526 000 € s’il s’agit d’une entreprise industrielle ou commerciale dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures ou denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement,
  • une entreprise dont le chiffre d’affaires est inférieur à 460 000 € en ce qui concerne les autres entreprises industrielles ou commerciales (prestataires de services), ainsi que les personnes qui exercent une activité non commerciale.

4° étape – L’intervention des commissions ou du comité consultatif

Lorsque l’administration n’accepte pas les observations du contribuable et que la rectification porte sur une question relevant de la compétence, soit, de la commission (départementale ou nationale) des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, soit, de la commission départementale de conciliation, le désaccord peut être soumis pour avis, à l’une de ces commissions. Il existe, également, un comité consultatif du crédit d’impôt pour dépenses de recherche.

a / Procédure : la commission ou le comité peuvent être saisis par l’administration ou par le contribuable ; ce dernier dispose d’un délai de 30 jours (délai franc) à compter de la réponse de l’administration rejetant ses observations pour procéder à la saisine ; cette dernière suspend la mise en recouvrement des rappels contestés ; l’avis de la commission ou du comité, qui ne s’impose ni à l’administration, ni au contribuable, est notifié au contribuable par l’administration elle-même qui l’informe, en même temps, du chiffre qu’elle se propose de retenir comme base d’imposition ; l’impôt est, ensuite, mis en recouvrement.

b / Les commissions :

  • la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires :
    • elle est compétente uniquement dans les domaines suivants : montant du résultat industriel et commercial, agricole, non commercial ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; conditions d'application des régimes de faveur des entreprises nouvelles ; rémunérations excessives ; valeur vénale servant de base à la TVA immobilière,
    • le désaccord doit porter sur une question de fait uniquement,
    • la commission compétente est celle du ressort du tribunal administratif où se trouve le lieu d’imposition,
    • elle est présidée par un magistrat du tribunal administratif et comprend des représentants de l’administration et des contribuables,
  • la commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires :
    • elle est compétente à l’égard des entreprises qui exercent une activité industrielle et commerciale et dont le chiffre d’affaires hors taxes excède 50 M € s’il s’agit d’entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, ou 25 M € s’il s’agit d’autres entreprises,
    • elle intervient dans les mêmes domaines que la commission départementale,
    • elle ne peut se prononcer que sur des questions de fait,
    • elle est présidée par un conseiller d’Etat et comprend des représentants de l’administration et des contribuables,
  • la commission départementale de conciliation est compétente en cas d'insuffisance des prix ou des évaluations ayant servi de base aux droits d'enregistrement, à la taxe de publicité foncière ou à l'impôt sur la fortune immobilière,
  • le comité consultatif du crédit d'impôt pour dépenses de recherche est compétent lorsque les rectifications notifiées portent sur l'éligibilité des dépenses effectuées au titre du CIR (crédit d’impôt recherche).

5° étape - La mise en recouvrement

Une fois l’avis de la commission et la position de l’administration sur celui-ci communiqués au contribuable, la procédure est close et la mise en recouvrement peut être opérée.

II – Les procédures d'imposition d'office

Par dérogation à l’emploi de la PRC, la loi donne, dans certains cas, à l’administration le pouvoir d’établir d’office les impositions supplémentaires (A). Il s’agit de procédures exceptionnelles, dérogatoires au droit commun. En effet, elles offrent des garanties minimales au contribuables. Le recours à de telles procédures doit, dès lors, être motivé en droit et en fait par l’administration. Par ailleurs, le déroulement de ces procédures est ici plus simple (B).

A – Le champ d'application des procédures d'imposition d'office

Les procédures d’imposition d’office sont applicables en cas de défaillance du contribuable et, uniquement, dans les cas limitativement énumérés par la loi. Il existe deux procédures : la taxation d’office (TO) et l’évaluation d’office (EO).

a / Défaut ou retard de déclaration : l’imposition d’office est possible en cas de défaut ou de retard dans le dépôt des déclarations destinées à l’assiette de l’impôt ou à l’évaluation des bases d’imposition ;

  • condition : une telle procédure n’est possible que si le contribuable n’a pas régularisé sa situation dans les 30 jours suivant la notification d’une mise en demeure, envoyée en AR, de souscrire la déclaration ; il est précisé que, pour la TVA, aucune mise en demeure n’est exigée,
  • procédures d’imposition d’office possibles :
    • taxation d’office : elle concerne le défaut de production ou la souscription tardive des déclarations servant à l’assiette ou au calcul de l’impôt ; sont, principalement, concernés la déclaration d’ensemble des revenus, l’impôt sur les sociétés, la TVA et les droits d’enregistrement,
    • évaluation d’office : elle concerne le défaut de production ou la souscription tardive des déclarations spéciales déposées au titre des revenus catégoriels servant à la détermination de l’impôt sur le revenu ; sont concernés les déclarations de bénéfices industriels et commerciaux, de bénéfices non commerciaux et de bénéfices agricoles.

b / Infractions commises par les micro-entreprises : les résultats imposables selon le régime des micro-entreprises peuvent faire l’objet d’une évaluation d’office (sans mise en demeure) dans les cas suivants :

  • défaut d’indication sur la déclaration d’ensemble des revenus du montant du chiffre d’affaires (ou des recettes) ou du montant des plus ou moins-values,
  • insuffisance du montant du chiffre d’affaires (ou des recettes) déclaré excédant 10 % de ce montant,
  • insuffisance du montant porté sur le registre des achats excédant 10 % de ce montant,
  • infractions aux dispositions interdisant le travail dissimulé et la publicité favorisant ce type de travail.

c / Défaut de réponse à une demande d’éclaircissements ou de justifications : le contribuable qui s’est abstenu de répondre à une telle demande est taxé d’office à l’impôt sur le revenu ; il en va ainsi quand :

  • il ne répond pas ou se borne à faire une réponse orale ou répond hors délai à la demande,
  • il répond dans les délais et par écrit à la demande, mais l’administration juge cette réponse insuffisante : la TO ne peut, ici, être appliquée que si l’intéressé ne répond pas de manière satisfaisante et par écrit à la mise en demeure qui lui est adressé de compléter sa première réponse.

d / Opposition à contrôle fiscal : si le contrôle ne peut avoir lieu du fait du contribuable, les bases d’imposition sont évaluées d’office.

B – Le déroulement des procédures d'imposition d'office

Quand une procédure d’imposition d’office s’applique, trois étapes doivent être suivies. Ce déroulement est, ici, caractérisé par les moindres garanties offertes aux contribuables.

1° étape - La proposition de rectification

L’administration doit porter à la connaissance du contribuable les bases ou éléments servant au calcul des impositions établies d’office. Comme en PRC, cette notification est faite au moyen d'un imprimé n° 2120 (CSP) ou n° 3924 (CFE) envoyé en lettre recommandée avec accusé réception. Elle est interruptive de prescription.

La proposition doit, d’abord, informer le contribuable des motifs de droit et de fait sur lesquels se fonde la procédure et établir la validité de la mise en œuvre de la procédure d'imposition d'office.

L’administration doit, ensuite, s’attacher à préciser tous les éléments de l'imposition aussi exactement que possible et à faire une évaluation aussi exacte que possible des éléments concourant à la détermination de la base. Autrement dit, le contribuable doit être mis à même de comprendre comment l'administration a calculé son chiffre d'affaires et son bénéfice imposable à partir des éléments qu'elle a retenus et qui sont expressément indiqués.

2° étape – Le respect d’un délai de 30 jours

La proposition de rectification doit, sous peine de nullité, inviter le redevable à faire parvenir ses éventuelles observations écrites dans un délai de 30 jours. Toutefois, s'agissant d'une procédure non contradictoire, l'administration n'est pas tenue de répondre aux observations écrites du contribuable, mais ces dernières doivent être examinées avec attention afin qu'il en soit tenu compte s'il y a lieu. Dans ce cas, la poursuite de la procédure se fera par lettre simple.

L'emploi d'une procédure d'imposition d'office a, par ailleurs, pour effet d’exclure la procédure normale de rectification à caractère contradictoire. Notamment, les différentes commissions ne peuvent être saisies et la charge de la preuve incombe au contribuable.

3° étape – La mise en recouvrement

L'administration ne peut procéder à la mise en recouvrement des impositions établies d'office que passé un délai de 30 jours à compter de la réception effective de la proposition de rectification par le contribuable.