Introduction
Afin d’assurer une certaine effectivité de la règle fiscale, le Code général des impôts (CGI) prévoit l’application de pénalités qui viennent s’ajouter au montant des droits faisant l’objet des rappels. Ces pénalités s’appliquent à l’occasion de multiples infractions : non dépôt ou dépôt tardif d’une déclaration, insuffisance déclarative (en phase d’assiette) ; non-paiement, paiement tardif ou paiement partiel (en phase recouvrement).
Le terme pénalité est un terme générique : il regroupe, en effet, deux grands types de pénalités. La première d’entre elles est l’intérêt de retard. Celui-ci ne constitue pas une sanction, mais est la simple réparation du préjudice subi par le Trésor public du fait de l’encaissement tardif de sa créance. Son champ d’application est très large, même s’il existe un certain nombre de situations à l’occasion desquelles son application est écartée.
La seconde catégorie de pénalités est constituée par les sanctions qui, elles, présentent une dimension répressive. L’on distingue, en la matière, les majorations qui sont des sanctions proportionnelles assises sur les droits et les amendes qui sont des sanctions assises sur des éléments fixes.
Il convient donc d’étudier, dans une première partie, l’intérêt de retard (I) et d’analyser, dans une seconde partie, les sanctions (II).
I - L'intérêt de retard
Deux points doivent retenir l’attention concernant l’intérêt de retard : son champ d’application (A) et ses modalités de calcul (B).
A – Le champ d'application de l'intérêt de retard
L’intérêt de retard a un champ d’application très large (1). Il voit, cependant, son application être écartée dans certaines hypothèses (2).
1 – Le principe
L’article 1727 du CGI prévoit que « toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. » Cet intérêt ne constitue pas une sanction, mais il sert à compenser le préjudice financier subi par le Trésor du fait de l'encaissement tardif des créances.
Il a, de ce fait, un champ d'application très large. Il s'applique ainsi :
- à tout impôt, droit, taxe recouvré par l’administration fiscale,
- quelle que soit la nature de l’infraction : dépôt tardif ou absence de dépôt, insuffisance, omission, inexactitude dans les déclarations, défaut / insuffisance de paiement,
- quelle que soit la procédure de rectification.
Son application n’a pas à être motivée, mais, en pratique, il est nécessaire d'y faire référence dans la proposition de rectification : en effet, dans l'information portant sur les conséquences financières, l'administration doit indiquer le mode de calcul et le montant de l'intérêt de retard dû par le contribuable.
Son taux était de 0,4 % par mois jusqu'au 31/12/2017. Il est passé à 0,2% par mois à compter du 01/01/2018.
2 – Les hypothèses de non-application de l’intérêt de retard
Il existe six hypothèses où l’intérêt de retard n’est pas applicable ou est appliqué à un taux réduit.
a / La mention expresse : l’intérêt de retard n’est pas applicable au titre des éléments d’imposition pour lesquels le contribuable fait connaître, par une indication expresse portée sur la déclaration ou l’acte ou dans une note annexée, les motifs de droit ou de fait qui le conduisent à ne pas les mentionner en totalité ou en partie, ou à leur donner une qualification qui, si elle était fondée, entraînerait une taxation atténuée, ou fait état de déductions qui sont ultérieurement reconnues injustifiées.
b / La tolérance légale : elle s'applique lorsque l'insuffisance des chiffres déclarés n'excède pas 1/10ème de la base d'imposition (après rectification) pour les droits d'enregistrement, la taxe de publicité foncière et l'impôt sur le fortune immobilière ou 1/20ème de la base d'imposition (après rectification) pour l'impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés ; elle n’est pas applicable en cas de manquements délibérés, de manœuvres frauduleuses et d’abus de droit ; son application est, également, écartée en matière de TVA et d’impôts directs locaux.
c / Demande de renseignements restée sans réponse : l’intérêt de retard n’est pas applicable au titre des éléments d’imposition afférents à une déclaration souscrite dans les délais lorsque le principe ou les modalités de la déclaration de ces éléments se heurtent soit à une difficulté d’interprétation d’une disposition fiscale nouvelle, soit à une difficulté de détermination des incidences fiscales d’une règle comptable ; il convient, toutefois, que le contribuable soit de bonne foi, que la demande et la déclaration aient été déposées dans les délais et que l’administration n’ait pas répondu avant l’expiration du délai de déclaration.
d / Rehaussement de la valeur locative de certains biens dû à une erreur de l’administration : l’intérêt de retard ne peut être appliqué si la cause du rehaussement est un différend sur la valeur locative de locaux d’habitation ou de locaux professionnels (autres que les établissements industriels) et s’il est démontré que le contribuable de bonne foi a acquitté l’imposition sur la base du rôle établi par l’administration et que le différend ne résulte ni d’un défaut ni d’une inexactitude de déclaration.
e / Application de la majoration pour défaut de paiement ou paiement tardif prévue par l’article 1730 du CGI : cette majoration de 10 % concerne l’impôt sur le revenu, les deux taxes foncières, la taxe d’habitation et l’impôt sur le fortune immobilière ; lorsque cette majoration s’applique, l’intérêt de retard n’est pas applicable.
f / Application de l’intérêt de retard au taux réduit : l’intérêt de retard est, sous conditions, appliqué au taux réduit lorsque le contribuable régularise sa situation de façon spontanée ou au cours d’un contrôle.
B - Les modalités de calcul de l'intérêt de retard
L’intérêt de retard est calculé sur la base des droits mis à la charge du contribuable selon la formule suivante : montant des droits issus de l'infraction x (0,4 % jusqu'au 31/12/2017 et 0,2% à compter du 01/01/2018) x nombre de mois. Il trouve à s’appliquer en phase assiette et en phase recouvrement.
1 – Phase d’assiette
L’intérêt de retard est calculé comme suit.
a / Le point de départ : il s’agit du 1er jour du mois suivant celui au cours duquel l'impôt devait être acquitté ; il est possible de le préciser impôt par impôt :
- TVA : le point de départ est le premier jour du mois qui suit celui au cours duquel la taxe aurait dû être acquittée,
- impôt sur les sociétés :
- le paiement devant avoir lieu le 15 du 4ème mois qui suit la clôture de l'exercice, le point de départ des intérêts de retard est le 1er jour du 5ème mois suivant la date de clôture de l'exercice,
- à compter du 01/01/2014, la date de dépôt du relevé de solde de l'impôt sur les sociétés est fixée au 15/05 (au lieu du 15 avril précédemment) dans le cas où les entreprises clôturent leur exercice comptable le 31 décembre : le point de départ est alors le 1er juin N+1,
- impôt sur le revenu : le point de départ se situe le 1er juillet N+1 (N = année d'imposition).
b / Le point d’arrivée : il s’agit du dernier jour du mois de la souscription de la déclaration ou de l'envoi de la proposition de rectification.
2 – Phase recouvrement
L’intérêt de retard vise, ici, à réparer le paiement tardif de l’impôt. Il court à compter du 1° jour du mois qui suit la date limite de dépôt de la déclaration ou la réception de l'avis de mise en recouvrement ou la date limite de dépôt de l'acte comportant reconnaissance par le contribuable de sa dette. L’intérêt est calculé jusqu'au dernier jour du mois du paiement.
II – Les sanctions
Les sanctions ont pour objectif de réprimer le comportement fautif du contribuable. Certaines concernent la phase d’assiette (A), d’autres la phase de recouvrement (B).
Dans la mesure où elles constituent un acte contraignant, elles doivent être motivées en fait et en droit. La motivation doit être écrite et comporter l'énoncé clair et précis des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement de la décision. Les sanctions doivent également être portées à la connaissance du contribuable au moins 30 jours avant la mise en recouvrement afin de donner la possibilité au contribuable de formuler ses observations.
A - Les sanctions d'assiette
Les sanctions d’assiette correspondent soit à des majorations (sanctions proportionnelles assises sur les droits), soit à des amendes (sanctions assises sur des éléments fixes). L’on peut citer : la majoration pour défaut de dépôt ou dépôt tardif (1), la majoration pour insuffisance ou omission dans une déclaration (2), la majoration applicable spécifiquement à l’impôt sur le revenu (4) et diverses autres sanctions (5). Le cas particulier de l’application simultanée de plusieurs majorations devra, également, être évoqué (3).
1 - La majoration pour défaut de dépôt ou dépôt tardif d’une déclaration
Cette majoration est prévue par l’article 1728 du CGI. Elle vient sanctionner l’absence de dépôt ou le dépôt tardif d’une déclaration servant à l’assiette ou à la liquidation de l’impôt : déclaration d’ensemble des revenus, déclarations de revenus catégoriels (BIC, BNC, BA soumis à un régime réel), déclaration relative à l’impôt sur les sociétés, déclaration de TVA, notamment.
Elle s’applique au montant des droits dus et s’ajoute à l’intérêt de retard. Son taux est de :
- 10 % en l’absence de mise en demeure de déposer la déclaration ou lorsque la déclaration a été déposée dans les 30 jours d’une mise en demeure,
- 40 % lorsque la déclaration n’a pas été déposée dans les 30 jours suivant la réception d’une mise en demeure,
- 80 % en cas d’exercice d’une activité occulte.
2 - La majoration pour insuffisance ou omission dans une déclaration
La majoration prévue par l’article 1729 du CGI vient sanctionner les insuffisances de déclaration commises de mauvaise foi. Ces dernières recouvrent deux catégories d’infractions : d’une part, les inexactitudes ou omissions relevées dans les déclarations ou les actes comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt et dont la réparation entraîne l’établissement d’un supplément d’impôt à la charge du contribuable, d’autre part, l’obtention indue du versement d’une créance de nature fiscale (remboursement de crédit de TVA, par exemple). Cette majoration est calculée sur les droits mis à la charge du redevable et s’ajoute à l’intérêt de retard.
Outre le fait que la déclaration doit avoir été déposée pour que cette majoration s’applique, il faut aussi qu’il y ait absence de bonne foi : c’est, ainsi, à l’administration qu’il revient d’établir le caractère délibéré du manquement délibéré ou des manœuvres frauduleuses. Par ailleurs, la décision d’appliquer l’une de ces majorations doit être prise par un agent ayant au moins le garde d’inspecteur divisionnaire.
Trois taux sont prévus par l’article 1729 du CGI : 40% en cas de manquement délibéré, 80% en cas de manœuvres frauduleuses, 80% en cas d'abus de droit.
a / Manquement délibéré : il faut démontrer que le contribuable a commis une infraction en toute conscience ; pour ce faire, il convient de démontrer le caractère intentionnel.
b / Manœuvres frauduleuses : le même élément intentionnel que pour le manquement délibéré est retenu, mais il faut également démontrer que le contribuable a mis en œuvre des procédés destinés à dissimuler la réalité à l'administration fiscale ou à éluder l'impôt.
c / Abus de droit : celui-ci est constitué par la dissimulation de la véritable portée d'un acte ou d'une convention ; c'est en fait l'utilisation d'une disposition fiscale contrairement à son esprit.
3 – L’application simultanée de plusieurs majorations
Le Code général des impôts précise la conduite à suivre en cas de combinaison de plusieurs majorations.
a / Hypothèse d’une défaillance déclarative à l’impôt sur le revenu (art. 1728 – 4 du CGI) : lorsque le défaut ou le retard de souscription concerne, à la fois, la déclaration d’ensemble des revenus et une ou plusieurs déclarations catégorielles et que plusieurs majorations de taux différents sont encourues, ces dernières sont appliquées à l’impôt sur le revenu reparti proportionnellement aux revenus représentatifs de chaque infraction, c’est-à-dire déclaration par déclaration ; en revanche, le taux de la majoration encourue au titre de la déclaration d’ensemble des revenus s’applique à la totalité de l’impôt lorsqu’il est supérieur à celui applicable au titre des autres déclarations.
b / Hypothèse d’une insuffisance de déclaration (art. 1729 A du CGI) : lorsque des rehaussements opérés sur une déclaration souscrite dans les délais sont passibles de pénalités à des taux différents (art. 1729 du CGI), ces pénalités s’appliquent dans l’ordre décroissant de leur taux.
c / Insuffisances constatées dans une déclarative tardive (art. 1729 A du CGI) : la majoration pour retard prévue à l'article 1728 du CGI s'applique à l’intégralité des droits, qu’ils résultent de la déclaration tardive ou des rehaussements apportés à la déclaration ; les majorations pour insuffisance prévues à l’article 1729 du CGI ne sont applicables que si leur taux est supérieur à la majoration pour retard (elles s’y substituent, alors, sur la fraction des droits résultant des rehaussements).
4 – La majoration applicable à l’impôt sur le revenu
Cette majoration est spécifique à l’impôt sur le revenu et est prévue par l’article 1758 A du CGI. En cas de défaut ou de retard de production de déclarations, une majoration de 10 %, ou de 20 % en cas de dépôt tardif effectué dans les 30 jours d’une mise en demeure, s’applique. Lorsque cette majoration s’applique, celle de 10 % prévue par l’article 1728 du CGI ne s’applique pas. Elle n’est, en revanche, pas due lorsqu’il est fait application des majorations de 40 % et de 80 % prévues par l’article 1728 du CGI.
Cette majoration de 10 % s’applique, également, en cas d’insuffisances relevées dans les déclarations.
5 – Les autres sanctions d’assiette
Il est possible d’évoquer, notamment, deux hypothèses.
a / Amendes fixes : elles s’appliquent sur les déclarations et actes ne servant pas à asseoir l’impôt ; elle sont de 150 € par document non produit et de 15 € par omission ou inexactitude.
b / Non-respect des obligations de déclaration ou de paiement par voie électronique : la non-déclaration par voie électronique entraîne l’application d’une majoration de 0,2 % du montant des droits correspondant aux déclarations déposées selon un autre procédé ; le non-respect de l’obligation de télé-payer entraîne l’application d’une majoration de 0,2 % du montant des sommes dont le versement a été effectué selon un autre mode de paiement.
B - Les sanctions de recouvrement
Le défaut ou le retard de paiement des impôts entraîne l’application d’une majoration dont le taux diffère selon les natures des impôts en cause.
a / Majoration de 10 % : cette majoration concerne l’impôt sur le revenu, les deux taxes foncières, la taxe d’habitation, les contributions sociales sur les revenus du patrimoine et l’impôt sur la fortune immobilière ; lorsque cette majoration s’applique, l’intérêt de retard n’est pas applicable.
b / Majoration de 5 % : elle s’applique à l’impôt sur les sociétés, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la TVA, la taxe sur les salaires, les droits d’enregistrement et les droits de timbre ; elle se cumule avec l’intérêt de retard ; elle s’applique en cas de reversement tardif par le tiers collecteur du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.
