Introduction
Dans le cadre de son pouvoir de contrôle, l’administration fiscale dispose d’un droit de rectification qui lui permet de modifier les déclarations des contribuables et de procéder, ainsi, à des rappels d’impôts. Afin d’apporter des garanties aux contribuables, le droit fiscal limite ce pouvoir dans le temps, puisqu’il ne peut s'exercer qu'à l'intérieur d'un certain délai, appelé délai de reprise, à l’expiration duquel aucune imposition, primitive ou supplémentaire, ne peut plus être établie.
Le délai de reprise est, dans la plupart des cas, de 3 ans. Il en va, ainsi, s’agissant des principaux impôts : impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, TVA, CET (contribution économique territoriale) et, dans certaines hypothèses, droits d’enregistrement et impôt sur le fortune immobilière. Des délais spécifiques s’appliquent aussi à d’autres impôts.
Le droit fiscal prévoit, par ailleurs, des cas où le délai de reprise peut être prorogé : par exemple, en cas d’agissements frauduleux, d’activité occulte ou de mise en œuvre d’une demande d’assistance administrative internationale.
Il convient, également, de noter que, si l’exercice du droit de reprise est limité dans le temps, l’exercice du droit de contrôle, lui, ne l’est pas. En effet, le droit de contrôle peut utilement porter sur des années prescrites, lorsque les opérations correspondantes ont influencé les impositions d'une période postérieure non couverte par la prescription (par exemple, un déficit constaté sur une période prescrite et reporté sur une période non prescrite). Des rectifications pourront, alors, être établies au titre de la période non prescrite puisque celle-ci a été impactée par les opérations de la période prescrite.
Il convient donc d’étudier, dans une première partie, les différents délais de reprise (I) et d’analyser, dans une seconde partie, la modification du délai de reprise (II).
I – Les différents délais de reprise
Le délai de reprise le plus courant est de trois ans et vise les principaux impôts (A). Des délais spécifiques s’appliquent également à certains impôts ou taxes (B).
A – Le délai de reprise de droit commun
Le délai de reprise de droit commun expire, en principe, à la fin de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due. Par exemple, l’administration peut, jusqu’au 31/12/2021, procéder à des rehaussements qui concernent les années 2018, 2019 et 2020. En revanche, elle ne peut le faire pour l’année 2021 : en effet, l’usage du droit de rectification n’est possible que sur une déclaration dont le délai légal de dépôt est expiré.
a / Sont concernés par ce délai de trois ans, les impôts et taxes qui suivent :
- l’impôt sur le revenu (IR) : à titre exceptionnel, le délai de reprise est porté de 3 à 4 ans pour l’IR établi au titre des revenus 2018 du fait de la mise en place du prélèvement à la source,
- l’impôt sur les sociétés (IS),
- la TVA,
- la CFE (cotisation foncière des entreprises) et la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises),
- les droits d’enregistrement, la taxe de publicité foncière, les droits de timbre et l’IFI (impôt sur la fortune immobilière) dès lors, que l’exigibilité des droits ou taxes a été suffisamment révélée par l’enregistrement d’un acte ou d’une déclaration et qu’il n’est pas nécessaire de recourir à des recherches ultérieures.
b / Modalités de calcul de la période soumise au droit de reprise : pour déterminer cette période, il importe de préciser les points de départ et d’arrivée :
- impôt sur le revenu :
- point de départ : 1er janvier N – 3 (N étant l’année en cours),
- point d'arrivée : 31 décembre de la dernière année pour laquelle le délai légal de dépôt des déclarations a expiré,
- BIC / IS et TVA, lorsque l’exercice comptable coïncide avec l’année civile :
- BIC / IS : le point de départ est le 1er jour de l'exercice clos en N-3 et le point d'arrivée est le dernier jour du dernier exercice comptable pour lequel le délai légal de dépôt de la déclaration a expiré,
- TVA : le point de départ est le 1er jour de l'exercice clos en N-3 et le point d'arrivée est le dernier jour du mois de la dernière déclaration mensuelle, trimestrielle ou annuelle dont le délai légal de dépôt a expiré,
- BIC / IS et TVA, lorsque l’exercice comptable ne coïncide pas avec l’année civile :
- BIC / IS : le point de départ est le 1er jour de l'exercice comptable clos en N-3 (ce qui inclut donc une période qui se situe en N – 4) et le point d'arrivée est le dernier jour du dernier exercice comptable pour lequel le délai légal de dépôt de la déclaration a expiré,
- TVA : le point de départest identique à celui du BIC ou de l'IS et le point d'arrivée est le dernier jour du mois de la dernière déclaration mensuelle, trimestrielle ou annuelle dont le délai légal de dépôt est expiré,
- absence d’exercice comptable clos au cours de la première année d’exercice pour les sociétés nouvelles passibles de l’IS : ces dernières sont dispensées de souscrire une déclaration provisoire lorsqu’aucun exercice n’est clos au cours de la première année civile d’activité ; le droit de reprise pour l’IS s’exerce donc sur l’ensemble du premier exercice (y compris la période située en N – 4).
B – Les autres délais de reprise
Deux hypothèses doivent être évoquées.
a / Taxes foncières et taxe d’habitation : le délai général de reprise expire le 31 décembre de l’année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due.
b / Droits d’enregistrement, taxe de publicité foncière, droits de timbre et IFI (en cas d’absence de déclaration ou d’acte présenté à la formalité, et de nécessité de recherches ultérieures) : le délai de reprise de l’administration se prescrit le 31 décembre de la sixième année suivant celle du fait générateur de l’impôt, c’est-à-dire l’évènement donnant naissance à la créance d’impôt (par exemple, la date du décès en matière de droits de mutation par décès).
II – La modification du délai de reprise
Le délai de reprise peut, dans certaines hypothèses, faire l’objet d’une prorogation (A). Deux hypothèses d’interruption et de suspension de la prescription doivent aussi être évoquées (B).
A – La prorogation du délai de reprise
De multiples cas de prorogation du délai de reprise existent. Certains concernent tous les impôts, d’autres uniquement certains impôts.
a / Agissements frauduleux (par exemple, tentative d’obtention d’un remboursement de crédit de TVA par la présentation de factures fictives) entraînant le dépôt d’une plainte en vue d’une sanction pénale : l’administration peut opérer des contrôles et procéder à des rehaussements au titres des deux années excédant le délai ordinaire de prescription ; ce motif de prorogation est valable pour tous les impôts.
b / Activité occulte (c’est-à-dire lorsque le contribuable n’a déposé dans le délai légal aucune déclaration fiscale au titre de son activité et, soit, n’a pas fait connaître cette activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du Tribunal de commerce, soit, s’est livré à une activité illicite) : le délai de reprise est porté de 3 à 10 ans ; ce motif est applicable pour l’impôt sur le revenu (pour les revenus professionnels non salariés), l’IS, la TVA, la CFE et la CVAE.
c / Procès-verbal de flagrance fiscale dressé par l’administration au titre d’une année postérieure : le délai de reprise s’exerce jusqu’à la fin de la dixième année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due ; cette prorogation concerne l’impôt sur le revenu (pour les revenus professionnels non salariés), l’IS, la TVA, la CFE et la CVAE.
d / Demande d’assistance administrative internationale exercé par l’administration dans le délai initial de reprise : les omissions ou erreurs d’imposition afférentes à cette demande peuvent être réparées, même si le délai initial est expiré, jusqu’à la fin de l’année qui suit celle de la réception de la réponse et, au plus tard, jusqu’au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le délai initial est expiré.
e / Ouverture d’une enquête judiciaire pour fraude fiscale à la suite d’un dépôt de plainte de l’administration dans le délai de reprise : les omissions ou insuffisances d’imposition afférentes à la période couverte par le délai de reprise peuvent, même si celui-ci est écoulé, être réparées jusqu’à la fin de l’année qui suit la décision qui met fin à la procédure et, au plus tard, jusqu’à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due.
f / Omission ou insuffisance révélée par une procédure juridictionnelle ou par une réclamation contentieuse : cette omission ou insuffisance peut être réparée, même si le délai de reprise est écoulé, jusqu’à la fin de l’année qui suit la décision qui clôt la procédure et, au plus tard, jusqu’à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due.
g / Non-respect des obligations déclaratives concernant les actifs étrangers (structures établies dans un pays à régime fiscal privilégié, comptes détenus à l’étranger et contrats d’assurance-vie souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger) : le droit de reprise, en matière d’impôt sur le revenu et d’IS, est porté de 3 à 10 ans.
B – L'interruption et la suspension de la prescription
La prescription peut, soit, être interrompue, soit, être suspendue.
a / Interruption de la prescription : certains évènements, lorsqu’ils interviennent avant l’expiration du délai de reprise, ont pour effet d’interrompre la prescription et d’ouvrir à l’administration un nouveau délai (appelé délai de répétition) pour mettre en recouvrement les droits omis ; il en va ainsi :
- d’une proposition de rectification, notifiée au contribuable avant l’expiration du délai de reprise : celle-ci interrompt la prescription dans la limite du montant des droits rappelés et ouvre un nouveau délai de même durée que celui interrompu pour procéder au recouvrement des droits,
- des déclarations ou notifications de procès-verbaux, de tous actes comportant reconnaissance des redevables (versement d’un acompte, demande de remise des pénalités, …) ou de tous autres actes interruptifs de droit commun (demande en justice, …).
b / Suspension de la prescription : dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire lié à l’épidémie de coronavirus (ord. du 25/03/2020), les délais de prescription du droit de reprise de l’administration fiscale arrivés à leur terme le 31/12/2020 ont été suspendus à compter du 12/03/2020 et jusqu’au 23/08/2020 inclus, soit pour une durée de 165 jours.
