Introduction
Durant longtemps, avant l’arrêt Blanco de 1873 (TC, 8 février 1873, Blanco, n° 00012, Lebon), l’État et les pouvoirs publics bénéficiaient d’une certaine irresponsabilité face aux citoyens. Comme le rappelle la Pr. Hafida Belrhali, après ce tournant jurisprudentiel, « la responsabilité des collectivités publiques est apparue de manière progressive » (Hafida Belrhali, Responsabilité administrative, LGDJ, 2017, p. 25). Aujourd’hui, dans bien des domaines, la responsabilité de l’État et des collectivités territoriales est engagée : travaux publics, monde médical, ouvrages publics, etc.
En l’espèce, un enfant de 6 ans a été victime d’une crise cardiaque alors qu’il sortait de la cantine scolaire qu’il fréquentait lorsqu’il était scolarisé dans son école. Après une dizaine de minutes à pratiquer des manœuvres de premiers secours (massage cardiaque, etc.), le personnel de l’école a contacté les secours par téléphone. Un quart d’heure plus tard, les soins pratiqués par les pompiers ont permis de relancer le rythme cardiaque du jeune garçon. Amené à l’hôpital de Toulouse, il succombera finalement à ce malaise quelques jours plus tard.
Des membres de sa famille ont réclamé la condamnation de la commune de Colomiers, devant le tribunal administratif (TA) de Toulouse, en raison du préjudice subi du fait de l’appel tardif aux secours et de problèmes de surveillance dans ce cadre scolaire. Dans un jugement avant-dire droit, le TA de Toulouse a reconnu un défaut d’organisation du service pouvant engager la responsabilité de la puissance publique, ordonnant dans le même temps une expertise médicale. Dans un jugement du 3 octobre 2017, la juridiction de première instance a finalement rejeté la demande des requérants, estimant que la perte de chance de survie n’était pas établie par les preuves présentées et l’expertise. De même, la Cour administrative d’appel (CAA) de Bordeaux rejette l’appel de la famille quelques mois plus tard et annule le jugement avant-dire droit en ce qu’il reconnaissait un défaut d’organisation. Le Conseil d’État annule finalement l’arrêt de la CAA de Bordeaux, reconnaissant une faute de la puissance publique, mais refuse toute indemnisation et engagement de la responsabilité dès lors qu’il n’est pas possible de prouver que cette faute a engendré directement et de manière certaine le préjudice.
La Haute-juridiction rappelle ainsi la nécessité d’une faute pour engager la responsabilité dans ce domaine (I), mais également d’un préjudice résultant de cette faute (II).
I - La reconnaissance et la nécessité d'une faute pour engager la responsabilité de la puissance publique
La faute d’une collectivité est nécessaire pour engager la responsabilité de la puissance publique. En l’espèce, la question de l’appel tardif des secours apparait comme une faute dans l’organisation du service (A). Il faut rappeler également que la détermination de la personne publique fautive, en milieu scolaire, apparait délicate (B).
A - Une faute dans l'organisation du service retenue par le Conseil d'État : la question de l'appel des secours
Cet arrêt n’est pas sans rappeler les obligations existantes en matière de secours (1), en reconnaissant qu’un appel tardif auprès des secours est constitutif d’une faute (2).
1 - Les obligations existantes en matière de secours
De façon très générale, l’implication citoyenne en matière de secours – aux côtés des professionnels (SAMU, ambulances, forces de l’ordre, pompiers, …) – est aujourd’hui pleine et entière. La loi du 25 octobre 1941 a été le premier texte à mettre en œuvre une obligation pénale de secourir les personnes en danger. Repris à la Libération, ce texte est aujourd’hui codifié : l’article L. 223-6 du Code pénal prévoit notamment que « quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours » peut être puni d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Si l’assistance directe ou à travers l’appel aux secours est une obligation pénale, le choix entre ces deux hypothèses apparait délicat. L’appel aux secours et les gestes de premiers secours portés aux victimes ne sont pas exclusifs l’un de l’autre. En effet, le juge judiciaire a pu considérer que l’appel auprès des secours n’empêchait pas l’appelant de porter assistance à la victime en attendant les secours. De la même façon, la pratique de manœuvre d’assistance n’empêche pas de porter secours (sur ce point : Cass. Crim., 4 juin 2013, n° 12-85 874). Cette question délicate est au cœur de la qualification même de faute commise par l’administration dans notre affaire…
2 - L’appel tardif auprès des secours : une faute de service caractérisée
Au-delà de quelques rares perspectives (sur les régimes de responsabilité sans faute : François Vincent et Hugo-Bernard Pouillaude, « Fasc. 824 : Responsabilité sans faute », JCl. Adm., 29 janvier 2015), l’existence d’une faute est exigée pour engager la responsabilité des pouvoirs publics. Avec le recul de la faute lourde d’une manière générale, la responsabilité est plus facilement engagée au profit des victimes. En l’espèce, comme le tribunal administratif avait pu déjà le reconnaitre dans son jugement avant-dire droit, la Haute-juridiction reconnait que l’appel tardif du personnel de surveillance auprès des services de secours constitue bien une faute dans l’organisation du service. Si la surveillance des enfants par le personnel ne souffre visiblement d’aucun défaut, un délai d’une dizaine de minutes s’est écoulé entre le malaise de la victime et l’appel téléphonique auprès des secours. Ce délai est qualifié d’anormalement long par le Conseil d’État. L’alerte auprès des secours ou d’un professionnel de santé doit effectivement être donnée le plus rapidement possible (CAA Lyon, 5 avril 2012, n° 11LY0178).
Le juge administratif relève la présence de personnels en nombre, les gestes de premiers secours n’empêchant donc pas de donner l’alerte dans le même temps. La reconnaissance de cette faute de service nécessite aussi qu’on détermine la personne publique fautive, car le milieu scolaire bénéficie d’un partage de responsabilité en fonction du moment où la faute est commise.
B - La difficile détermination de la personne publique fautive en milieu scolaire
La personne publique responsable est effectivement différente lorsque la faute est commise sur le temps périscolaire (1) ou sur le temps scolaire (2).
1 - La responsabilité de la commune sur la pause méridienne : le temps périscolaire
La responsabilité de la commune peut être engagée dans deux hypothèses principales : durant le temps périscolaire, tel qu’en l’espèce, ou encore pour des problématiques d’entretien d’ouvrages publics.
Le temps périscolaire correspond notamment aux activités périscolaires, organisées en dehors du temps scolaire, mais aussi au temps de la restauration dans les cantines scolaires. Une faute dans l’organisation du service, de la part du personnel communal – parfois intercommunal – qui encadre les enfants, peut alors permettre l’engagement de la responsabilité de la commune. Dans notre affaire, l’enfant qui fait un malaise était placé sous la surveillance du personnel communal dès lors qu’il a eu lieu au moment de la pause méridienne.
Enfin, le défaut d’entretien de certains ouvrages publics liés aux lieux scolaires permet d’engager la responsabilité de la commune. La commune est effectivement propriétaire et responsable de l’entretien des écoles publiques, conformément aux dispositions du Code de l’éducation.
2 - La responsabilité de l’État sur le temps purement scolaire
Quant à elle, la responsabilité de l’État peut être engagée, soit devant le juge judiciaire pour une faute commise par un enseignant, soit devant le juge administratif lorsqu’un défaut d’organisation du service public est retenu (v. notamment : Loi du 5 avril 1937 sur le régime spécifique de responsabilité des enseignants). Il apparait donc évident que la responsabilité de l’État peut être engagée en cas de faute commise dans le cadre du service public, sur le temps exclusivement scolaire, c’est-à-dire sur le temps des études à proprement dites, ainsi que durant les récréations. L’article D. 321-12 du Code de l’éducation vient fixer à la fois les missions et les temps concernés : « La surveillance des élèves durant les heures d'activité scolaire doit être continue et leur sécurité doit être constamment assurée en tenant compte de l'état de la distribution des locaux et du matériel scolaires et de la nature des activités proposées. L'accueil des élèves est assuré dix minutes avant l'entrée en classe. Le service de surveillance à l'accueil et à la sortie des classes, ainsi que pendant les récréations, sont répartis entre les maîtres en conseil des maîtres de l'école ».
Lorsqu’il est trop difficile de déterminer l’heure des faits et, par voie de conséquence, la personne publique responsable, le juge administratif procède à un partage de responsabilité entre la commune et l’État (CAA Versailles, 21 décembre 2006, n° 05VE01127). Dans tous les cas, comme le juge administratif le rappelle en l’espèce, la constatation d’une faute n’apparait pas suffisante pour engager la responsabilité de la personne qui l’a commise.
II - La nécessité d'un préjudice subi résultant d'une faute
Cet arrêt démontre, une nouvelle fois, la nécessité d’un lien de causalité entre la faute commise et le préjudice potentiellement subi. Il témoigne de la place importante de l’expertise pour déterminer le préjudice subi (A), mais aussi de l’absence d’engagement de la responsabilité sans lien de causalité entre ce préjudice et cette faute (B).
A - La place importante de l'expertise pour déterminer le préjudice subi
L’expertise est souvent exigée dans le cadre de procès en responsabilité administrative (1). En l’espèce, elle apparaissait nécessaire à l’existence du préjudice potentiellement subi (2).
1 - L’expertise : un outil important dans le cadre des procès en responsabilité
La doctrine juridique ne manque pas d’évoquer l’importance de recourir à un expert dans le cadre de procès en responsabilité (sur ce sujet : R. Bousquet, « Fasc. 424 : Tribunal administratif – expertise et autres mesures d’instruction », JCl. Procédures fiscales, 9 mars 2021 ; A. Béal, « Fasc. 1092 : expertise et autres mesures d’instruction », JCl. Adm., 25 juillet 2022). Comme c’est souvent le cas en matière pénale, le juge administratif n’hésite pas à demander l’avis éclairé d’un spécialiste dans différentes hypothèses. D’une part, il apparait exclusivement compétent pour recourir à un expert, n’étant pas lié par les demandes des parties et pouvant décider d’en saisir un d’office dès lors qu’elle peut être utile à la résolution du litige et qu’il n’est pas amené à se prononcer à la place du juge sur des questions purement « juridiques ». D’autre part, il lui revient de déterminer, dans son jugement avant-dire droit, les points sur lesquels l’expert est appelé à apporter ses éclaircissements et connaissances « techniques » (CJA, art. R. 621-1). L’expert est soumis aux principes d’impartialité et d’indépendance.
En matière de responsabilité, pour déterminer la réalité des préjudices allégués, mais aussi l’existence d’un lien de causalité entre la faute commise et les préjudices invoqués, le recours à un expert peut s’avérer indispensable.
2 - La détermination de l’existence du préjudice potentiellement subi
Dans notre affaire, l’expert a été désigné dans un jugement avant-dire droit du TA de Toulouse, en vue d’évaluer « le taux de la perte de chance d’éviter le décès [du jeune garçon] liée au délai anormalement long ayant précédé l’appel des secours ». Les questions médicales qui se posent requièrent effectivement l’avis d’un expert sur les conséquences de cet appel tardif constitutif d’une faute.
L’expert ne doit pas se prononcer en lui-même sur le caractère fautif déjà reconnu par le juge mais sur le lien de causalité entre cette faute et l’existence d’un préjudice. Les parents mettent en avant le fait que l’expert aurait outrepassé sa mission et ses droits en remettant en cause le caractère fautif de ce délai. Pour autant, le juge administratif ne retient pas cet argument, en considérant que l’expert a simplement démontré l’absence de préjudice lié à la faute commise par la personne publique.
B - L'absence d'un préjudice résultant d'une faute commise par la personne publique
L’expert conclut finalement à l’absence d’incidence du délai excessif entre le malaise et l’appel des secours (1). L’absence de préjudice de perte de chance liée à la faute commise par l’administration, ne permet donc pas de mettre en cause sa responsabilité administrative, et ce, malgré la confirmation du caractère fautif de l’action administrative (2).
1 - L’absence d’incidence du délai excessif d’appel des secours sur les chances de survie
Le Conseil d’État relève, de l’instruction et notamment du rapport d’expertise, « que, dans les circonstances particulières de l’espèce, ce délai excessif n’a pas eu d’incidence sur les chances de survie de l’enfant, en raison notamment de la maladie cardiaque génétique dont il était atteint, qui a entrainé une forte résistance aux manœuvres de réanimation (…), et de l’importance du délai écoulé jusqu’à la reprise de l’activité cardiaque ».
L’expert a donc apporté un certain nombre de conclusions médicales sur ce dossier. Il convenait donc de déterminer avec des connaissances scientifiques les conséquences médicales de l’action fautive de l’administration. Le retard dans l’appel aux secours, alors même qu’étaient pratiqués des gestes de premiers secours, a-t-il engendré une perte de chance de survie pour l’enfant ? La réponse est non, dès lors que, selon l’expert, la maladie particulière qui touchait le jeune garçon le rendait particulièrement vulnérable aux problèmes cardiaques.
2 - L’absence d’engagement de la responsabilité, malgré le caractère fautif de l’action administrative
Si la faute d’organisation est bien reconnue dans le cadre de service public des activités périscolaires, la responsabilité de la commune de Colomiers n’est pas engagée finalement par le juge administratif. Ce dernier réaffirme très logiquement que la faute ne suffit pas à engager une indemnisation des victimes, dès lors que ce comportement fautif du personnel n’a pas entrainé de préjudice de perte de chance de survie pour le jeune garçon.
Le Conseil d’État coupe finalement « la poire en deux », c’est-à-dire qu’il reconnait bien la faute pour appeler l’administration à une certaine vigilance, mais suit les conclusions de l’expertise qu’il a demandé en ne donnant pas droit à la demande d’indemnisation des proches. Un préjudice direct et certain doit ainsi être reconnu, tout en devant être lié à la faute de l’administration, pour être indemnisé (sur ce point : Maryse Deguergue, « Fasc. 830 : Causalité et imputabilité », JCl. Adm., 15 mai 2013).
CE, 12/02/2021, Commune de Colomiers
Vu la procédure suivante :
Mme E... D... et M. H... B..., agissant tant en leur nom propre qu'en qualité de représentants légaux de leur enfant mineur M. G... B..., Mme A... D..., Mme F... I... et M. G... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Colomiers à leur verser la somme totale de 260 000 euros en réparation du préjudice subi en raison du décès du jeune C... B..., survenu le 23 décembre 2010 après un arrêt cardiaque survenu, le 17 décembre 2010, pendant la pause méridienne, dans la cour de l'école Jules Ferry à Colomiers où il était scolarisé.
Par un jugement avant-dire droit n° 1402376 du 2 novembre 2016, le tribunal administratif a ordonné une expertise médicale aux fins d'évaluer le taux de perte de chance d'éviter le décès de l'enfant C... B..., résultant du délai écoulé entre son malaise et l'appel des services de secours, qu'il a jugé constitutif d'un défaut d'organisation du service, ainsi que les séquelles qu'il aurait conservées.
Par un jugement n° 1402376 du 3 octobre 2017, le tribunal administratif a rejeté la requête de Mme D... et autres.
Par un arrêt n°s 16BX03795 et 17BX03717 du 13 février 2019, la cour administrative de Bordeaux a, sur appel de la commune de Colomiers et de la société SMACL Assurances, annulé le jugement avant-dire droit du 2 novembre 2016 et rejeté l'appel formé par Mme D... et autres contre le jugement du 3 octobre 2017.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 avril et 15 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Colomiers la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Mathieu Le Coq, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Occhipinti, avocat de Mme E... D..., de M. H... B..., de Mme A... D..., de M. G... B... et de Mme F... I... et à Me Haas, avocat de la société mutuelle d'assurances des collectivités locales (SMACL) et de la commune de Colomiers ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le jeune C... B..., âgé de six ans et demi, a été victime d'un arrêt cardiaque le 17 décembre 2010 alors qu'il se trouvait dans la cour de l'école Jules Ferry à Colomiers (Haute-Garonne) avant d'entrer à la cantine. En dépit des soins qui lui ont été prodigués sur place par les personnels de l'école puis par les services de secours, la reprise de l'activité électrique du coeur de l'enfant n'a été obtenue qu'une heure après son malaise et il est décédé le 23 décembre suivant au centre hospitalier universitaire de Toulouse des suites des lésions cérébrales irréversibles causées par la privation prolongée d'oxygène.
2. Par un jugement avant-dire droit du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a jugé qu'aucun défaut de surveillance des élèves ne pouvait être retenu mais que le délai entre le constat du malaise du jeune C... et l'appel des secours avait été excessif et caractérisait un défaut d'organisation du service. Il a ordonné une expertise aux fins d'évaluer le taux de perte de chance d'éviter le décès de l'enfant liée à ce délai. Par un jugement du 3 octobre 2017, rendu après l'expertise, le tribunal a rejeté la requête de Mme D... et des autres requérants au motif que le préjudice résultant d'une perte de chance de survie de l'enfant n'était pas établi. Sur l'appel de la commune de Colomiers et de la société SMACL Assurances, la cour administrative de Bordeaux a, par un arrêt du 13 février 2019, annulé le jugement avant-dire droit du 2 novembre 2016, rejeté l'appel formé par Mme D... et les autres requérants contre le jugement du 3 octobre 2017 et rejeté leur demande d'indemnisation. Mme D... et les autres requérants se pourvoient en cassation contre cet arrêt.
3. La cour a relevé que, plusieurs minutes après avoir constaté le malaise puis l'arrêt cardiaque dont était victime le jeune C... et entrepris des manoeuvres de réanimation, les personnels de l'école ont alerté les services de secours. En jugeant que le délai ainsi mis pour appeler les secours ne pouvait être regardé comme anormalement long et en en déduisant qu'aucune faute dans l'organisation du service ne pouvait être retenue à l'encontre de la commune de Colomiers, alors qu'il appartenait aux personnels, même s'ils étaient en mesure d'apporter eux-mêmes de premiers secours, d'appeler immédiatement les services de secours, comme le prévoient d'ailleurs toutes les consignes en matière de premier secours, la cour a commis une erreur de qualification juridique.
4. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, Mme D... et les autres requérants sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Les requêtes d'appel de Mme D... et autres, d'une part, et de la commune de Colomiers et de la société SMACL Assurances, d'autre part, présentent à juger des questions identiques. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision.
Sur le jugement du 2 novembre 2016 :
7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " la juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant-dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision ". D'une part, aucune disposition ni aucun principe n'imposaient à la juridiction saisie, avant d'ordonner d'office une expertise par jugement avant-dire droit, d'en informer les parties afin qu'elles puissent présenter des observations. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'expertise ordonnée par le tribunal administratif afin d'apprécier le taux de perte de chance de survie du jeune C... était utile à la solution du litige dès lors notamment que le précédent rapport d'expertise du 10 juin 2013, établi à la demande de la juridiction pénale, n'abordait cette question que de manière succincte sans déterminer un taux de perte de chance. La commune de Colomiers et la société SMACL Assurances ne sont donc pas fondées à soutenir que le tribunal administratif aurait irrégulièrement ordonné une telle expertise.
8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'un délai d'environ dix minutes s'est écoulé entre le constat du malaise grave du jeune C... et l'appel des secours. La commune de Colomiers et la société SMACL Assurances ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a estimé qu'un tel délai était excessif et en a déduit l'existence d'une faute tenant à un défaut d'organisation du service.
9. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les personnels présents auraient été en nombre insuffisant pour assurer la surveillance des élèves au moment du malaise dont a été victime le jeune C... dans la cour d'école. Il résulte de l'instruction, notamment des témoignages cités dans le rapport d'expertise du 10 juin 2013, que le délai entre le début du malaise de l'enfant et l'arrivée à ses côtés d'un agent a été d'environ deux minutes. Mme D... et les autres requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement avant dire-droit du 2 novembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a écarté l'existence d'une faute tenant à un défaut de surveillance.
Sur le jugement du 3 octobre 2017 :
10. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent Mme D... et autres, il ne ressort pas du rapport d'expertise du 3 mai 2017 que l'expert désigné par le tribunal administratif de Toulouse aux fins d'évaluer le taux de la perte de chance d'éviter le décès du jeune C... liée au délai anormalement long ayant précédé l'appel des secours, aurait outrepassé sa mission en remettant en cause le caractère fautif de ce délai. Il ne ressort pas non plus du jugement du 3 octobre 2017 que le tribunal administratif aurait méconnu la portée de son jugement avant dire-droit du 2 novembre 2016 en statuant à nouveau sur le principe de la responsabilité de la commune de Colomiers et non sur la seule existence d'un préjudice indemnisable.
11. En second lieu, il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise du 10 juin 2013 et du 3 mai 2017, que les personnels de l'école, dont certains étaient formés aux gestes de premier secours, ont entrepris, de façon appropriée, un massage cardiaque avec ventilation et utilisé un défibrillateur automatique de l'établissement scolaire. Les services de secours, arrivés sur place quinze minutes après leur appel, ont procédé à des manoeuvres de réanimation pendant trente-cinq minutes jusqu'à obtenir une reprise de l'activité électrique du coeur de l'enfant une heure environ après son arrêt. L'enfant est cependant décédé le 23 décembre suivant au centre hospitalier universitaire de Toulouse des suites des lésions cérébrales survenues pendant l'arrêt cardiaque. Si, faute que les personnels de l'école aient, comme ils auraient dû le faire, appelé les secours dès le constat du malaise grave de l'enfant, un délai excessif s'est écoulé entre le constat du malaise cardiaque et l'appel des services de secours, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 3 mai 2017, que, dans les circonstances particulières de l'espèce, ce délai excessif n'a pas eu d'incidence sur les chances de survie de l'enfant, en raison notamment de la maladie cardiaque génétique dont il était atteint, qui a entraîné une forte résistance aux manoeuvres de réanimation, même réalisées par des équipes spécialisées de secours, et de l'importance du délai écoulé jusqu'à la reprise de l'activité cardiaque, au cours duquel des lésions cérébrales sont apparues, qui sont à l'origine de l'encéphalopathie anoxique ayant conduit au décès de l'enfant après plusieurs jours d'hospitalisation en service de réanimation. Mme D... et les autres requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 3 octobre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande d'indemnisation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes dirigées contre les jugements du tribunal administratif de Toulouse des 2 novembre 2016 et 3 octobre 2017 doivent être rejetées.
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La requête et l'appel incident présentés par Mme D... et autres devant la cour administrative d'appel de Bordeaux sont rejetés.
Article 3 : La requête présentée par la commune de Colomiers et la société SMACL Assurances devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejetée.
Article 4 : Les conclusions présentées par Mme D... et autres, la commune de Colomiers et la société SMACL Assurances au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme E... D..., à M. H... B...,, à Mme A... D..., à Mme F... I..., à M. G... B..., à la commune de Colomiers et à la société SMACL Assurances.
Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance-maladie de la Haute-Garonne.
